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Dmitry Baevsky

21 déc. 2018
We Two

Dmitry Baevsky, Jazz à Eaubonne, 23 octobre 2018 © Jérôme Partage


Dmitry Baevsky, Jazz à Eaubonne,
23 octobre 2018 © Jérôme Partage






Dmitry Baevsky est né le 24 mai 1976 à Leningrad, en URSS, devenue depuis Saint-Pétersbourg, en Russie. Fils d’un écrivain et d’une traductrice, il prend des cours de piano dès l’âge de 6 ans. C’est à l’adolescence qu’il découvre le jazz et le saxophone alto. Après des études de musique, il quitte la Russie pour s’installer aux Etats-Unis et rapidement à New York où il poursuit son apprentissage et parcourt les clubs. Il côtoie les grands noms de la scène new-yorkaise, jouant et enregistrant avec nombre d’entre eux: Benny Green, Peter Washington, Willie Jones III, David Hazeltine, Peter Bernstein, Jeremy Pelt, Steve Williams ou encore Joe Magnarelli; Cedar Walton et Jimmy Cobb participent même à son premier disque en leader, Introducing Dmitry Baevsky (Lineage Records, 2004).
Son dernier album, We Two (chroniqué dans Jazz Hot n°685), met en avant sa belle complicité avec un jeune maître du piano jazz, l’excellent Jeb Patton (Jazz Hot n°680). Bien qu’ayant obtenu la nationalité américaine, c’est en région parisienne que Dmitry Baevsky est installé depuis deux ans. On peut ainsi régulièrement l’entendre, à Paris et ailleurs en Europe, avec son quartet dont Alain Jean-Marie est le fleuron.

Propos recueillis par Jérôme Partage
Photos Jérôme Partage et Marina Chassé, by courtesy

© Jazz Hot n°686, hiver 2018-2019




Jazz Hot: Venez-vous d’une famille de musiciens?

Dmitry Baevsky: Ma mère avait étudié le piano à l’école, mais elle est restée au stade amateur. En revanche, son grand-père était un célèbre musicologue, Moisei Beregovsky, qui a collecté des musiques traditionnelles juives. J’ai entendu beaucoup de musique classique à la maison. Mes parents avaient aussi quelques disques de jazz. Mais je l’ai vraiment découvert par l’intermédiaire d’un copain d’école qui jouait dans un big band et qui m’a emmené en écouter. Je jouais un peu de guitare, et j’ai voulu entrer dans l’orchestre. Mais ça ne fonctionnait pas avec la guitare. On m’a alors donné un saxophone, et là j’ai pu trouver ma place. J’ai donc débuté comme ça sur l’instrument, en autodidacte. J’avais 14 ans.

David Hazeltine (p), Dmitry Baevky (as), John Webber (b), Joe Strasser (dm), Dizzy's Club, Jazz at Lincoln Center, 2013 © Marina Chassé, by courtesy
David Hazeltine (p), Dmitry Baevky (as), John Webber (b), Joe Strasser (dm),
Dizzy's Club, Jazz at Lincoln Center, 2013 © Marina Chassé, by courtesy


Vous avez donc découvert le jazz en même temps que l’instrument?


Exactement. Car avant d’entrer dans ce big band, je n’avais qu’une très vague idée de ce qu’était le jazz. Mais à cette époque, en Russie –et je crois que c’est encore le cas aujourd’hui–, il y avait un bon système d’apprentissage de la musique pour les enfants. J’ai donc pu, par la suite, prendre des cours de saxophone et de théorie. Et à 15 ans, je suis entré au Mussorgsky College of Music, à Saint-Petersbourg où j’ai étudié pendant quatre ans, en particulier avec le saxophoniste Gennady Goldstein. Ce n’était pas simple d’être jazzman en Russie (URSS à l'époque, ndlr) dans les années soixante et soixante-dix, et probablement même jusqu’au début des années quatre-vingt. La scène jazz était alors plutôt underground. Mais, depuis la fin des années quatre-vingt, le jazz est devenu très populaire. Il y avait encore peu de musiciens, mais j’ai reçu de bons conseils de la part de quelques aînés très talentueux. Et c’est avec eux que j’ai commencé à donner des concerts et à faire mes premières tournées. Assez rapidement, je me suis rendu compte qu’il fallait élargir mon horizon, apprendre davantage. Il fallait partir aux Etats-Unis.

Quels ont été vos modèles?


Ça n’a pas vraiment changé. J’écoute toujours beaucoup Sonny Rollins, Charlie Parker et John Coltrane. Mais depuis, j’ai découvert Lester Young, Coleman Hawkins, Jackie McLean… J’écoute aussi peut-être un peu plus de jazz «traditionnel» aujourd’hui–new orleans, dixieland–, parce que c’est la source.

Quand êtes-vous arrivé à New York?


En 1995, à 19 ans. Mais je ne suis pas venu directement à New York. J’ai d’abord participé à un workshop dans le Massachusetts pendant environ six mois. C’est là que j’ai posé ma candidature pour intégrer le département jazz de la New School University de New York auquel j’ai envoyé une maquette. Le fonctionnement de l’école était très souple: on pouvait choisir ses professeurs, suivre leurs cours toute l’année ou changer. Cela m’a permis de rencontrer beaucoup de musiciens et pas seulement dans le cadre de l’école, également dans les clubs. C’était un environnement très stimulant, ça m’a beaucoup plu. Et après quatre années, j’ai obtenu mon diplôme. A partir de là, j’ai eu mes premiers engagements dans des clubs ou des restaurants. Mais je continuais à apprendre.

En 2004, vous avez enregistré un premier disque sous votre nom,
Introducing Dmitry Baevsky (Lineage Records) avec la présence de deux grands maîtres, Cedar Walton et Jimmy Cobb. Comment sont-ils venus sur ce projet?

Mon ami Ilya Lushtak (g) avait un label et m’a proposé d’enregistrer. Je n’étais pas vraiment prêt, mais cela ne se refuse pas! J’avais joué avec Jimmy Cobb quelques temps auparavant, mais être en studio avec lui, c’était tout autre chose! C’était une expérience fabuleuse. J’ai beaucoup appris avec eux: la façon d’appréhender la musique, l’attitude, leur façon de construire leur langage, de respirer. Quant à Cedar Walton, j'avais pu l'entendre plusieurs fois (notamment au Village Vanguard avec son trio et son quartet). Il a toujours été l’une de mes idoles et une source d'inspiration. Donc, naturellement, lorsque l’opportunité d'enregistrer avec lui s’est présentée, j’en ai été extrêmement heureux.

Benny Green (p), Dmitry Baevsky (as), David Williams (b), Willie Jones III (dm), Jazz Cruise 2014: concert en hommage à Cedar Walton © Marina Chassé, by courtesy
Benny Green (p), Dmitry Baevsky (as), David Williams (b), Willie Jones III (dm), Jazz Cruise 2014:
concert en hommage à Cedar Walton © Marina Chassé, by courtesy


Venant d’une culture très différente, vous a-t-il été difficile d’assimiler le langage du jazz, ses codes?


Au début, oui. Je venais d’un autre continent, d’un autre pays avec une langue et une musique différentes. Mais, quand on est jeune, on a la capacité de s’adapter, et il est toujours possible d’apprendre: en écoutant les disques, en observant les musiciens. C’est une forme de culture orale. De temps en temps, quelqu’un vous transmet un bout de son savoir, vous conseille de faire ceci de telle ou telle façon. Et ce sont toutes ces choses que vous accumulez avec les années. L’apprentissage ne peut pas se limiter à étudier dans une pièce à longueur de journée. On a besoin de la fréquentation des aînés. Le jazz, c’est une communauté de partage, avec des valeurs. Même si, bien entendu, rien n’est parfait.

En 2009, vous avez enregistré un deuxième album avec Joe Cohn.


J’ai beaucoup joué dans les clubs à New York. Je n’ai pas tellement voyagé. Et j’ai continué à apprendre. C'est dans ces premières années new-yorkaises que j'ai eu l'occasion d'entendre Joe Cohn en club, jouer avec différents musiciens. Son sens musical, son talent et son ouverture ont toujours été une source d'inspiration. Après un certain temps, j'ai pu l'appeler pour quelques concerts, ici et là, et notre collaboration est devenue plus régulière et plus dense, que ce soit pour des enregistrements ou des tournées à l'étranger.
J'ai beaucoup appris de sa musique. J'utilise encore beaucoup de choses qu'il m'a apprises. Pour ce qui est de mon album avec lui, il a été enregistré en France, pendant une tournée. La première fois que je suis venu en France, c’était en 2008.

Votre premier disque avec Jeb Patton a été enregistré en 2010 (Down With It). Quand vous êtes-vous rencontrés?

Très vite, peut-être un an ou deux après que j’ai emménagé à New York. Nous avons à peu près le même âge, et nous avons joué très souvent ensemble. A partir de 2008, j'ai monté un quartet, et il composait la rythmique avec David Wong à la contrebasse et Joe Strasser à la batterie. Je continue aujourd’hui à travailler avec cette rythmique. Nous sommes des amis, nous échangeons des idées sur la musique constamment quand nous nous voyons.

Vous êtes en trio sans piano sur
Over and Out (2014), en quartet sur The Day After (2016) et enfin en duo avec Jeb sur We Two (2018)…

J’ai essayé des formules différentes avec les mêmes musiciens parce que nous avons une grande complicité. Depuis le début, j’adore les trios sans piano. Cela donne une grande liberté harmonique mais aussi plus de responsabilités. Si ça fonctionne, c’est génial… Le duo, c’est tout autre chose. Jeb a la faculté de fournir un soutien très solide et, en même temps, de permettre de partir dans n’importe quelle direction, d’aller au bout de ses idées. Peu de pianistes ont cette capacité.

Jeb Patton et Dmitry Baevsky, Jazz à Eaubonne, 23 octobre 2018 © Jérôme Partage
Jeb Patton et Dmitry Baevsky, Jazz à Eaubonne, 23 octobre 2018 © Jérôme Partage

Comment avez-vous choisi le répertoire de
We Two?

Je choisis toujours des titres qui m’inspirent, dont je me dis que je peux faire quelque chose de différent de ce qui a déjà été fait.


Avez-vous eu l’occasion de revenir jouer à Saint-Pétersbourg?


Oui. Depuis dix ans, j’y retourne deux ou trois fois par année. Là-bas, je joue avec différents musiciens, notamment avec David Goloshokin, un multi-instrumentiste qui est également directeur d’un club, le Jazz Philharmonic Hall. Il y a aussi plein de jeunes musiciens et de plus en plus de lieux. On a dû passer en quinze ans de trois à vingt. Ce n’est pas New York, bien sûr, mais c’est très dynamique.


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2018. Dmitry Baevsky & Jeb Patton, We Two, Jazz & People

CONTACT: www.dmitrybaevsky.com


EN CONCERT:
Théâtre de Meaux (18/3), Duc des Lombards
(18-19/3)


SELECTION DISCOGRAPHIQUE

Leader-coleader
CD 2004. Introducing Dmitry Baevsky, Lineage Records 105
CD 2009. Some Other Spring, Rideau Rouge Records 001
CD 2010. Down With It, Sharp Nine Records 1045-2
CD 2011. The Composers, Sharp Nine Records 1047-2
CD 2014. Over and Out, Jazz Family 002
CD 2015. Somethin’ Special, Blau Records 013
CD 2016. The Day After, Jazz Family 017
CD 2018. We Two, Jazz & People 818006 (avec Jeb Patton)

Sideman
CD 2006. Joe Cohn, Restless, Arbors Records 19329
CD 2010. Ehud Asherie, Organic, Posi-Tone Records 8071

CD 2014. Jeb Patton, Shades and Tones, Cellar Live 010515

CD 2015. Laurent Courthaliac, All My Life, Jazz & People 816004
CD 2017. Bruce Harris, Beginnings, Posi-Tone Records 8174
 
    

2004. Introducing Dmitry Baevsky, Lineage Records  2010. Down With It, Sharp Nine Records  2014. Over and Out, Jazz Family  2016. The Day After, Jazz Family

2006. Joe Cohn, Restless, Arbors Records  2014. Jeb Patton, Shades and Tones, Cellar Live  2015. Laurent Courthaliac, All My Life, Jazz & People  2017. Bruce Harris, Beginnings, Posi-Tone Records


VIDEOS

2011. Dmitry Baevsky Quartet, «Oros de Rojo», Smalls Jazz Club, New York (14 septembre 2011)
Dmitry Baevsky (as), Jeb patton (p), David Wong (b), Joe Strasser (dm)
https://www.youtube.com/watch?v=K-wm-dErv3A

2012. Dmitry Baevsky Quartet, «Airegin», Sunside, Paris (février 2012)
Dmitry Baevsky (as), Alain-Jean-Marie (p), David Wong (b), Joe Strasser (dm)
https://www.youtube.com/watch?v=h3SNvwSGFok

2013. Dmitry Baevsky Trio, «Full House», Smalls Jazz Club, New York (décembre 2013)
Dmitry Baevsky (as), Jeb Patton (p), David Wong (b), Joe Strasser (dm)
https://www.youtube.com/watch?v=SwhYPxsU73Q

2017. Dmitry Baevsky & Jeb Patton, «'Round Midnight», Andernos Jazz Festival (30 juillet 2017)
https://www.youtube.com/watch?v=QzSgNvTI9dc

2018. Dmitry Baevsky & Jeb Patton, présentation de l'album We Two
https://www.youtube.com/watch?v=Jo88XVjkiiw


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