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Julien BRUNETAUD

21 déc. 2017
Playground



Julien Brunetaud © Patrick Martineau



Né le 4 janvier 1982 à Agen (Lot-et-Garonne), Julien Brunetaud est un pianiste et chanteur, largement autodidacte, qui s’est formé à l’écoute de Chuck Berry, Otis Spann, Horace Silver, en passant par le boogie woogie et le jazz new orleans. Abordant ainsi la musique afro-américaine comme un tout, et de façon instinctive, il a parachevé son apprentissage par des séjours répétés aux Etats-Unis (New Orleans, New York) et des collaborations avec des musiciens accomplis (en particulier de la scène blues), à commencer par Nico Wayne Toussaint (hca, voc) qu’il suit en tournée dès l’âge de 18 ans. On a pu l’apprécier ces dernières années, pour son réjouissant duo avec la chanteuse américaine Nicolle Rochelle, Nikki & Jules. Epousant la tendance qui conduit beaucoup des jazzmen vers l’autoproduction, il a créé son propre label, Brojar Music, sur lequel il a sorti son dernier album, le quatrième en leader, Playground (voir notre chronique dans Jazz Hot n°680). Et c’est avec ce nouveau projet qu’il parcourt actuellement les scènes de France et d’Europe, faisant preuve d’un dynamisme certain.


Propos recueillis par Jérôme Partage
Photos Patrick Martineau et X by courtesy of Julien Brunetaud


© Jazz Hot n°682, hiver 2017-2018



Jazz Hot: Comment avez-vous découvert la musique?

Julien Brunetaud: Mon père avait une collection de vinyles, surtout de la chanson française, mais aussi du rock & roll, que j’ai découvert plus tard: Chuck Berry, Jerry Lee Lewis… Un jour, vers mes 12 ans, il m’a emmené chez un disquaire pour m’offrir mon premier disque. Je ne savais pas quoi choisir, et je me suis rappelé que j’avais entendu du piano dans ses disques. J’ai donc pris une compilation de rock & roll et de blues avec Ray Charles notamment. Ça m’a donné envie d’apprendre l’instrument. On avait un piano à la maison, et j’ai commencé à jouer en autodidacte. Puis, à 14 ans, j’ai eu un professeur particulier. Mais j’ai surtout appris tout seul. Je travaillais avec une méthode de piano-jazz pour débutants. Au collège, on échangeait des disques de jazz et de blues avec des copains. C’est comme ça, par exemple, que j’ai découvert Michel Petrucciani. Je tentais d’improviser de façon intuitive. Et un copain m’a conseillé d’essayer la gamme de blues. C’est à ce moment que je me suis vraiment plongé dans le blues avec Lucky Peterson, B.B. King et Otis Spann que j’ai découverts vers 15-16 ans. Otis Spann a été une vraie révélation: son morceau «Otis in the Dark», un instrumental, représentait tout ce que je recherchais. C’est-à-dire un jeu très riche, des accords bien réfléchis, bien posés. Je commençais alors à écouter du jazz: Count Basie, Nat King Cole, Horace Silver. J’aimais le swing. Mais relever du jazz me paraissait encore insurmontable. Je travaillais plutôt le boogie woogie. J’étais très percussif à cette époque.

2006. Orleans Street Boogie, Southland Records

Comment avez-vous débuté votre carrière?

Dès le collège, j’ai commencé à donner des concerts pour lesquels j’étais un peu payé. Puis au lycée, je manquais des cours pour honorer des engagements. A la fin du lycée, Nico Wayne Toussaint m’a pris dans son groupe. Compte-tenu du nombre de concerts qu’il me proposait, je pouvais devenir intermittent du spectacle. Les choses avançaient concrètement, et j’ai sauté le pas. Par la suite, j’ai été engagé par Joe Turner, l’ancien bassiste de B.B. King, qui habitait en France. Je parlais mal l’anglais et lui avait un accent du Sud particulièrement prononcé. Nous n’arrivions pas à nous comprendre. Finalement, sa femme m’a rappelé, et j’ai enfin compris! J’ai fait quelques tournées avec lui, ce qui m’a permis de rencontrer d’autres musiciens. J’ai tourné en Inde avec la chanteuse anglaise Dana Gillespie à qui je convenais; elle adore le boogie et Otis Spann. Elle m’a ensuite invité dans son festival aux Caraïbes. En 2005, je suis arrivé à Paris, et j’ai commencé à jouer avec Guillaume Nouaux (dm) et Sébastien Girardot (b). L’année suivante, je suis parti à New Orleans avec un groupe français de jazz traditionnel, ce qui était une première pour moi: les New Bumpers de Fred Dupin (avec Fred Couderc, Sébastien Girardot, Guillaume Nouaux, Paul Chéron, etc.). Là bas, on a enregistré un album, et j’ai pu également en réaliser un autre sous mon nom, Orleans Street Boogie (avec Sébastien Girardot, Guillaume Nouaux et Paul Chéron) qui mêlait standards, boogies et compositions. J’en ai enregistré un second à New Orleans, en 2007: Driftin Blues.

2007. Driftin Blues, Southland Records

Qu’avez-vous retiré de ces voyages à New Orleans?

La première fois, c’était vraiment un voyage initiatique. Avec un ami batteur de blues, Fabrice Bessouat, on a remonté la route du blues dans le Mississippi, rencontré des gens qui nous ont raconté des tas d’histoires. Le fait d’avoir joué sur place a permis de provoquer d’autres rencontres. Un jour à New Orleans, nous sommes entrés dans un bar. Il y avait un piano, et j’ai demandé si je pouvais jouer. Le patron était tellement heureux de m’entendre jouer le blues qu’il nous a offert à boire et à manger. D’autres gars sont arrivés pour faire le bœuf. Ils ont sorti une batterie pour mon ami. C’est vraiment un autre monde, avec une culture musicale très chaleureuse. Les gens ont un rapport direct à la musique. Les bars ne sont pas guindés, il n’y a pas de droit d’entrée. On sent qu’il y a une relation saine entre le patron et les musiciens. Au Mapple Leaf, on voit jouer les mêmes gars depuis des années.

2006. Evan Christopher, Clarinet Road Volume III. In Sidney’s Footsteps, Digital Records

En 2007, vous avez enregistré avec l’un des représentants actuels du jazz de New Orleans, Evan Christopher…


Oui. Après Katrina, Evan, qui est très ami avec Sébastien Girardot, est arrivé en France. Il était hébergé dans une résidence d’artistes, rue du Faubourg Saint-Martin, Les Récollets. J’habitais juste en face. Sébastien me l’avait présenté, et il venait régulièrement chez moi travailler sa clarinette. Il me faisait notamment m’exercer au piano car c’est également un excellent pianiste. Et on a enregistré ensemble. A la même époque, j’ai par ailleurs pu enregistrer avec LeRoy Jones sur un disque de Guillaume Nouaux.

Etant autodidacte, avez-vous pris quelques cours de perfectionnement?


En 2008, je devais retourner à New Orleans pour étudier. Je m’étais inscrit à la faculté; j’avais un hébergement et une bourse d’études. Tout était calé, mais l’université m’a demandé le baccalauréat que je n’avais pas eu. Une grosse déception. Je suis parti plusieurs mois à New York. J’allais voir des concerts (Frank Morgan, Larry Goldings…) et je travaillais le piano dans ma chambre. J’ai fait quelques bœufs mais il y avait une dimension compétition qui ne me convenait pas, d’autant que je ne suis pas un pianiste de jazz très technique. J’aurais aimé avoir l’occasion de jouer davantage… En revanche, j’ai pris des cours intéressants avec Aaron Goldberg. J’ai aussi suivi quelques leçons avec George Cables, chez lui. J’ai toujours les notes de nos entretiens, ainsi que les enregistrements. J’ai eu la chance de rencontrer Junior Mance que j’allais voir souvent en trio.

2009. Look Like Twins, Frémeaux & Associés

Cela vous a-t-il amené à faire évoluer votre jeu?


Je me suis davantage tourné vers la composition, et je me suis éloigné du boogie woogie. J’ai d’ailleurs enregistré en 2009 un disque en trio avec Cédric Caillaud (b) et Matthieu Chazarenc (dm), Look Like Twins,  dans lequel il n’y avait aucun boogie. J’ai beaucoup tourné avec cette nouvelle rythmique qui m’a permis de sortir du jazz traditionnel. Après quoi, j’ai monté mon propre studio d’enregistrement.

Comment a démarré le duo «Nikki & Jules» avec Nicolle Rochelle?


J’étais en concert solo à Beuvron-en-Auge (Calvados) quand j’ai rencontré Nicolle. C’était en 2012. L’organisateur de la soirée me l’avait présentée pour que nous fassions le bœuf. Et l’on s’est tout de suite très bien entendus. Elle a énormément d’énergie, elle adore improviser. On s’est ensuite retrouvés à Paris. Je lui ai parlé de mes compositions, de mon désir de faire davantage de production. Elle avait les mêmes envies. On a donc très naturellement monté ce duo, avec un répertoire assez large, allant de Joséphine Baker au boogie et au blues que Nicole découvrait. Et on a enregistré en 2013, avec Nicolas Dary (ts), Jean-Baptiste Gaudry (g), Bruno Rousselet (b) et Julie Saury (dm). Ce projet a très bien fonctionné, et on a beaucoup tourné avec ce groupe jusqu’en 2015. C’est un peu plus calme aujourd’hui.


Julien Brunetaud, Bruno Rousselet, Julie Saury, Nicolle Rochelle, Jean-Baptiste Gaudry © X by courtesy of Julien Brunetaud

Vous avez fait une incursion dans le monde de la pop…

Je me suis davantage ouvert à cette musique depuis quelques années. Par un concours de circonstances, on m’a proposé de passer une audition pour accompagner La Grande Sophie. Je ne connaissais pas ses chansons mais l’idée m’a amusé. A ma grande surprise, j’ai été pris, et je l’ai donc suivie pendant un an et demi. Ça m’a permis de travailler avec d’excellents musiciens et d’appréhender différemment la scène, sans aucune improvisation; ça m’a manqué, et j’ai eu envie d’enregistrer un nouveau disque en leader. J’avais dans l’idée de revenir au blues, en trio. Quelque chose d’assez simple. Et puis le projet s’est enrichi de façon empirique. Je suis entré en studio avec le bassiste de La Grande Sophie, Oliver Smith, qui m’a conseillé un batteur, Romain Joutard. Les répétitions se sont très bien passées. C’était une rythmique très précise, ce qui est très agréable. Puis, j’ai rajouté des choristes et des cuivres.

Playground sonne davantage pop, moins enraciné…

Cela correspond à cette envie de composer en allant davantage vers la pop. Jusqu’à présent je n’osais pas sortir ces compositions. A présent, elles émergent petit à petit… Mais cela se mélange avec ce que j’ai déjà fait par le passé: le blues, la soul, la musique new orleans. Il faut que ce projet continue à vivre; il y a encore beaucoup de dates de concerts prévues, notamment en Suisse et en Allemagne début 2018. Ce projet a trouvé à s’épanouir sur scène, avec de superbes musiciens, et on a donné de très beaux concerts, notamment lors du festival «Un Piano dans la Pinède», sur l’Ile d’Oléron, en août dernier. La formule de Playground est flexible. Sur l’album, nous sommes sept, avec des choristes et des cuivres. Il arrive que nous nous retrouvions tous sur scène mais beaucoup de concerts ont lieu simplement en trio avec Bruno Rousselet et Alex Viudes (dm).

Julien Brunetaud, Bruno Rousselet, Alex Viudes © Patrick Martineau

Avez-vous des projets?


Pour l’instant, parallèlement aux concerts, je travaille sur mes compositions pour mon prochain album…


*


2016. Playground, Brojar Music

Tournée Playground

Paris (Le Bœuf sur le Toit), le 14/12; Pélussin (Loire), le 17/01; Dijon (Côte d’Or), le 18/01; Kirchheim (Allemagne), le 19/01; Lucerne (Suisse), le 20/01; Ascona (Suisse), le 21/01; Eaubonne Jazz (Val d’Oise), le 27/03; Jazzaudehore (Yvelines), le 6/04; Spikeroog (Allemagne), le 13-14/04


CONTACT:
www.julienbrunetaud.com



DISCOGRAPHIE


Leader/Coleader

CD 2006. Orleans Street Boogie, Southland Records 36
CD 2007. Driftin Blues, Southland Records 40
CD 2009. Look Like Twins, Frémeaux & Associés 521
CD 2011. French Blues All Stars, Live in Paris, Ahead 825.2
CD 2013. Nikki and Jules, Brojar Music (avec Nicolle Rochelle)
CD 2016. Playground, Brojar Music

2013. Nikki and Jules, Brojar Music  2000. Nico Wayne Toussaint, Blasting the Blues, DixieFrog  2005. Joe Turner, My French Connexion, Mystic Records  2007. Guillaume Nouaux, Guillaume's Invitation, Autoproduit












Sideman

CD 2000. Nico Wayne Toussaint, Blasting the Blues,
DixieFrog 8502
CD 2002. Nico Wayne Toussaint, Transgender, DixieFrog 8539
CD 2004-05. Jérôme Etcheberry, Jazz River, JE-1967
CD 2005. Kevin Doublé Blues in the Morning, Autoproduit
CD 2005. Joe Turner, My French Connexion, Mystic Records 190
CD 2006. Nina Van Horn, From Huntsville to Jordan, Cristal Records 119
CD 2006. Evan Christopher, Clarinet Road Volume III. In Sidney’s Footsteps, Digital Records 1020
CD 2006. Fred Dupin and the New Bumpers, Orleans Street, Jazzology Records 362
CD 2006. Rosebud Blue Sauce, About Love, Autoproduit Q-04
CD 2006-07. Chris James/Patrick Rynn, Stop and Think About It, Earwig Music 4957
CD 2007. Anthony Stelmaszack, Night of the Living Dead Bluesmen, Autoproduit AS01
CD 2007. Guillaume Nouaux, Guillaume's Invitation, Autoproduit GN07CD5
CD 2009. Charles Pasi, Uncaged, Believe 5099909612020
CD 2010. Dana Gillespie, I Rest My Case, Ace Records 1279


VIDEOS

2010. Julien Brunetaud, Duc des Lombards (Paris, 3 mai 2010)
Julien Brunetaud (p, org, voc), Cédric Caillaud (b), Matthieu Chazarenc (dm)
https://www.youtube.com/watch?v=mokOSad2s4A

2014. Nikki & Jules, concert au Festival Jazz & Blues Léognan (Gironde, 6 juin 2014)
Nicolle Rochelle (voc), Julien Brunetaud (p, voc)
https://www.youtube.com/watch?v=vzDe9wubaxI

2015. AWEK invite Nico Duportal et Julien Brunetaud, Festival Toulouse l’Eté (30 juillet 2015)
Bernard Sellam (g, voc), Stéphane Bertolino (hca), Joël Ferron (b), Olivier Trebel (dm) + Nico Duportal (g, voc), Julien Brunetaud (p, org, voc)
https://www.youtube.com/watch?v=c2zhrZ3F-gQ

2015. Nikki & Jules, Saint-Pierre d’Oléron (Charente-Maritime, 31 octobre 2015)
Nicolle Rochelle (voc), Julien Brunetaud (p, org, voc), Jean-Baptiste Gaudray (g), Bruno Rousselet (b), Julie Saury (dm) + Didier Desbois (as)
https://www.youtube.com/watch?v=4QAvFVntY94

2016. Julien Brunetaud, sortie de l’album Playgroud, Sunset (Paris, 6 décembre 2016)
Julien Brunetaud (p, org, voc), Jérôme Etcheberry (tp), Sylvain Fétis (ts), Oliver Smith (b), Romain Joutard (dm), Faby Médina, Céline Languedoc (voc) + Greg Zlap (hca), Zoé Dadson (voc)
https://www.youtube.com/watch?v=5EWY-T4XhBw


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