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Count Basie & His Orchestra Play the Music of Benny Carter

1 mai 2013
Kansas City Suite & The Legend
Count Basie & His Orchestra Play the Music of Benny Carter © Jazz Hot n°663, printemps 2013
Réédition-Indispensable
Vine Street Rumble, Katy Do, Miss Missouri, Jackson Coutry Jubiliee, Sunset Glow, The Wiggle Walk, Meetin' Time, Paseo Promenade, Blue Five Jive, Rompin' at the Reno, The Trot, Easy Money, Amoroso, Goin' On, The Swizzle, The Legend, Who's Blue, Turnabout, The Basie Twist
Kansas City Suite : Count Basie (p), Sonny Cohn, Snooky Young (tp), Thad Jones (tp, crt), Henry Coker, Al Grey, Benny Powell (tb), Marshall Royal (as, cl), Frank wess (as, ts, fl), Billy Mitchell (ts, cl), Frank Foster (ts), Charles Fowlkes (bar, bcl, fl), Freddie Green (g), Eddie Jones (b), Sonny Payne (dm)
Enregistré les 6-7 septembre 1960, Los Angeles, CA
The Legend : même orchestre, Al Aarons remplace Joe Newman, Quentin Jackson Al Grey, Benny Carter Marshall Royal, Sam Herman Freddie Green
Enregistré les 30, 31 et 1er novembre 1960, New York City, NY
Durée : 1h 12’ 03”
Fresh Sound Records 713 (www.freshsoundrecords.com)

A ma gauche la pulsation osmotique de Freddie Green et Eddie Jones, à ma droite le shuffle de Sonny Payne, au centre (c’est-à-dire sur les deux voies) Count Basie avec sa poésie, son sens du swing et de l’économie, le tout pour introduire avec une souplesse féline le big band sur un « Vine Street Rumble » rappelant que Kansas City fut à l’origine de cet orchestre hors pair. Un vrai 16 cylindres ou les saxophones sont sur la voie de gauche, le baryton sur celle de droite, et les pêches des cuivres au centre… Tout cela a l’air très simple, mais personne n’arrive à cette perfection, et cela parce que chacun des instrumentistes est ce qui se fait de mieux, comme Frank Foster (cette fois à droite) sur ce premier thème pour un somptueux chorus.
Quand l’arrangeur et le compositeur se nomme Benny Carter, un aristocrate du jazz, il ne reste plus qu’à se caler pour se laisser décoiffer, séduire, emballer par cette musique exceptionnelle. Benny Carter connaît chacun des musiciens, l’orchestre, et en joue comme Heifetz de son violon. De l’art, de l’orfèvrerie, sculptant la matière blues avec les enrichissements les plus extraordinaires, maniant comme un maestro qu’il est les phrases dépouillées du chef, le swing de la section rythmique, en contrepoint de la richesse et de la puissance souple des ensembles cuivrés. Le « Katy Do » avec Joe Newman et Frank Wess en choristes, le « Miss Missouri » avec un Al Grey virtuose, comme l’ensemble de cette Kansas City Suite de Benny Carter sont ce qu’on peut appeler sans l’ombre d’une hésitation un chef-d’œuvre absolu du jazz, un enregistrement qui définit le jazz dans toutes ses dimensions. Quand les pupitres sont peuplés de tels musiciens (Thad Jones, Billy Mitchell, Snooky Young, Henry Coker aussi lyrique qu’un Lawrence Brown, Benny Powell, Marshall Royal, Charles Fowlkes…), que la rythmique est à ce point essentielle, et que les arrangements sont écrits pour chacun des musiciens, proposant une infinité de couleurs, de timbres, on atteint le niveau du meilleur du Duke, et c’est bien l’un des miracles du jazz de proposer de telles alternatives, et de tels big bands aussi enracinés, personnalisés et respectueux de la diversité de chacun des individus qui le composent sur des durées aussi longues. Chacun des thèmes est une pure merveille digne des analyses les plus complexes. Il convient déjà de prendre le temps de les réécouter 100 fois pour essayer d’en faire le tour (je l’ai fait, et pas d’aujourd’hui, c’est pour vous dire qu’on ne s’en lasse pas).

Le deuxième album, The Legend, qu’on retrouve sur cette réédition de l’excellent label Fresh Sound, est en fait le complément des enregistrements du Count Basie Orchestra version Benny Carter, effectués le mois suivant à New York, avec un orchestre similaire, Al Aarons remplaçant Joe Newman, Quentin Jackson Al Grey, Benny Carter himself Marshall Royal, Sam Herman Freddie Green, et ce dernier est le changement le plus sensible car la rythmique y perd. Et si l’ensemble est légèrement moins exceptionnel que la Kansas City Suite, il y a de très beaux thèmes comme « The Legend » et toujours de beaux chorus de Thad Jones et Frank Foster entre autres.
Ce qui est vraiment remarquable dans ces enregistrements est encore ce traitement de la matière blues qui doit autant à l’arrangeur-compositeur exceptionnel, qu’au chef hors pair et qu’à la qualité de l’ensemble et de chacun. Du grand Art.
Yves Sportis