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Claude Bolling

1 oct. 2012
& Friends
Nouveauté-Sélection
I Love You All Madly, Jazzy, Quietly, Tell Your Story, Heaven's There for You and Me*, 'S Wonderful*, Rockin' March, I Cover the Waterfront°, Somebody Loves Me°, Just Squeeze Me*°, Lazy Girl#, Stay Cool, For Jammers Only
Claude Bolling (p, arr, lead), Pierre Schirrer (ts, ss#), Michel Delakian (tp), Pierre Maingourd (b), Vincent Cordelette (dm), Faby Médina* (voc), Marc Thomas° (voc)
Enregistré les 20-21-22 novembre 2011, Cherisy (28 - France)
Durée : 1h 00' 05"
Frémeaux & Associés 574 (Socadisc)

Claude Bolling & Friends nous replonge dans un passé assez ancien en ce qu’il évoque les petites formations de jazz classique que la France a longtemps conservées dans les années cinquante, soixante et même soixante-dix. A ses débuts, à la fin des forties, avant d’entreprendre l’épopée du big band commencée fortuitement à l’occasion d’un enregistrement de quelques pièces de Django Reinhardt en 1956 pour le Club Français du Disque (Réédition Claude Bolling Collector, Frémeaux & Associés FA 5114) qu’il consacrera vers le milieu des années soixante-dix, Claude Bolling a dirigé de plusieurs petits orchestres, de cinq à huit musiciens : Benny Vasseur, Gérard Bayol, Maxime Saury, Roger Guérin, Gérard Badini… ont été de celles-ci, parfois avec un soliste américain en guest star (Rex Stewart, Roy Eldridge, Albert Nicholas…), à l’occasion d’une tournée européenne.
Ces enregistrements réalisés dans le studio Cordiboy du batteur, Vincent Cordelette, à Chérisy, reprennent, avec bonheur, cette formule à vocation récréative avec chanteurs. Se sont réunis pour cette session quelques uns des plus anciens compagnons du big band Michel Delakian (1977), Pierre Schirrer (1981), Vincent Cordellette (1987) et Pierre Mingourd (1995), les voix, Faby Médina (2001) et Marc Thomas (2001) étant les plus jeunes de la troupe.
Le programme comporte les inévitables standards et classiques d’Ellington, Gershwin et Green, chers au leader mais aussi indispensables au divertissement, ainsi que neuf compositions de Bolling de la pleine maturité (années soixante-dix à quatre-vingt-dix). « I Love You All Madly », clin d’œil musical à Duke, et « Jazzy », extrait de la Suite pour flûte & jazz piano trio n° 2, gourmandise pianistique, sont joués en trio par la section rythmique. « Quietly » évoque l’univers heftien de Basie. « Tell Your Story » est une réminiscence ellingtonienne. « Heaven's There for You and Me », comme « ‘S Wonderful », remémore le temps des clubs du début des années trente. « Rocking March » apparaît comme un pastiche ellingtonien de « Blues March ». « I Cover the Waterfront », « Somebody Loves Me » et « Just Squeeze Me » est le complément de la séquence vocale de l’album. « Lazy Girl » est une belle illustration de la verve mélodique de Claude, ici merveilleusement servie par Pierre Schirrer (ss). « Stay Cool » est un hommage à un style oublié de musique, le bounce, illustré dans les années cinquante par les petits groupes d’un formidable trompettiste, Jonah Jones, que font revivre avec beaucoup de talent Michel Delakian et Pierre Schirrer (fl). L’album se termine en une sorte de grande récréation avec « For Jammers Only ».
Par la variété de leur talent, les deux chanteurs apportent beaucoup d’aération à l’album : Faby Médina met beaucoup de fraicheur dans ses interprétations. Marc Thomas est un Billy Ekstine de l’an 2000. Michel Delakian est un leader intelligent ; trompettiste remarquable, il connaît tous les registres de l’instrument. Pierre Schirrer est un formidable musicien : généreux et lyrique, il possède une maîtrise technique parfaite sur chacun avec une belle connaissance des maîtres (de Bechet à Roland Kirk en passant par Gonsalves). Claude Bolling remplit son rôle sans en rajouter. Quant à Vincent Cordelette et Pierre Maingourd, ils sont exemplaires de rigueur dans la mise en place. Cette formation tourne parfaitement bien.

Les musiciens, qui travaillent ensemble depuis de longues années, sont très complices ; ils s’expriment avec beaucoup de liberté. Claude Bolling ne dirige pas vraiment la séance ; il y participe et se laisse guider dans cette partie par ses jeunes camarades, ses friends qui s’en donnent à cœur joie. Mais, pour aussi libres qu’ils soient, rien ne se fait dans la dispersion : il s’agit d’un désordre savant parfaitement organisé avec des règles et des conventions (notamment au plan des arrangements auquel le compositeur - orchestrateur Bolling n’est pas étranger). Depuis que les orchestres permanents éprouvent des difficultés à se maintenir et que le principe des musiciens free lance s’est généralisé, nous avons un peu perdu l’habitude des pièces construites sans redondances. Et l’entente intelligente des musiciens, moins contrainte qu’au sein du big band, permet à la personnalité de chacun de s’épanouir avec spontanéité.
Claude Bolling & Friends est un album tonique, stimulant, bien réalisé et de grande qualité. A écouter sans modération en cette période de dépression ! Ce n’est pas dangereux comme les barbituriques. C’est moins couteux depuis que la sécu en a requalifiés certains en « remèdes de confort ».
Félix W. Sportis