
Hal GALPER
Swing, Melody & Improvisation
«La mélodie est très importante, je veux toujours jouer de belles mélodies. Je me fous d’être original ou de faire avancer la musique. Je ne suis pas dans ce créneau, c’est trop raisonneur pour moi. J’aime swinguer à fond sur de belles mélodies... Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, le jazz est une musique de danse, ce qui veut dire qu’elle doit vous toucher au corps. Je pense que c’est ce côté "sauvage" qui fait le swing; ça communique avec votre corps à un tel degré que vous remuez sans le vouloir.»
(Hal Galper, Jazz Hot n°601, 2003)
Le futur pianiste de jazz, compositeur et enseignant Hal Galper est né le 18 avril 1938 à Salem, à 25 km au nord de Boston, au sein d'une famille venant de Pologne. Irving, son père, vend des légumes et Pearl, mère au foyer, lui fait apprendre le piano classique à partir de l'âge de 6 ans pour satisfaire à sa bonne éducation. A l'adolescence, il abandonne un temps le piano pour la guitare (sans suite), et le classique pour le rhythm & blues, happé par le shuffle de Tiny Bradshaw(1) et la danse. Puis il s'intéresse à Dave Brubeck, John Lewis, Red Garland, George Shearing, Hank Jones, Erroll Garner, Ahmad Jamal (dont il s'inspire pour sa main gauche), Bud Powell, Bill Evans et McCoy Tyner(1), parmi le florilège de pianistes captivants de cette époque. Poursuivant son apprentissage avec Margaret Chaloff(2) et au Berklee College of Music de Boston pendant deux ans (1955-1957), il finira son diplôme ultérieurement; car Hal veut apprendre sur le tas et il commence à jouer dans les bals et mariages avec les musiciens de Boston(2), puis il assure son quotidien en jouant du shuffle debout en dansant devant le clavier du Easy Watts, avant de devenir pianiste-maison au Stables, le club d'Herb Pomeroy (tp, 1930-2007) à Boston, lui aussi élève puis professeur à Berklee. Au Stables, Hal rencontre alors un maître des ivoires, Jaki Byard(1), une véritable vénération le saisit.
«(Jaki Byard) C'était un type incroyable! J'ai étudié avec lui et c'est avec lui que j'ai le plus appris.»
(Hal Galper, Jazz Hot n°601, 2003)
Jaki Byard lui conseille de s'installer à New York, ce qu'il tente à plusieurs reprises jusqu'à y parvenir en 1963.
Hal aura lui aussi la fibre pédagogique, un composite de transmission musicale et de philosophie de la vie, en enregistrant une série de onze albums entre 1980 et 1995 sur JA Records pour son cadet d'un an, Jamey Aebersold(3), en compagnie des bassistes Steve Gilmore, John Goldsby, Wayne Dockery, Lynn Seaton et des batteurs Bill Goodwin, Steve Davis, Steve Ellington, Barry Ries, reprenant les standards, la musique de Wes Montgomery ou celle de Billy Strayhorn; également co-fondateur en 1986 de la New School for Jazz and Contemporary Music à New York, il enseigne en parallèle à Purchase College jusqu'en 2014, et écrit des articles sur la théorie et même la vie des musiciens, comme celui sur la psychologie du trac ou comment décrocher des engagements! Il conçoit le premier livre numérique interactif, Forward Motion (https://halgalper.com/forward-motion), comprenant 300 thèmes accessibles par internet (avec mélodies, phrasés, interprétations); il est également conférencier sur toute la planète.

En plus de sa vocation de mentor, le parcours d'Hal Galper comprend une discographie d'une centaine d'albums, dont un tiers en leader, parcours qu'il débute en travaillant trois ans (1963-1965) avec son premier leader, Chet Baker(1), gravant quatre albums en sideman en 23 ans pour le trompettiste jusqu'en juillet 1987, dix mois avant le décès de celui-ci à Amsterdam. Puis Hal défriche l'improvisation collective funk de Sam Rivers (fl,ss,ts,p)(1) –rencontré quand il était au Stables– chez lequel il reste les six années suivantes, enregistrant pour lui à l'automne 1966, Sam Rivers-A New Conception (Blue Note/Mosaic), aux côtés d'Herbie Lewis (b) et Steve Ellington (dm), batteur avec lequel il aura une longue conversation de plus de trente ans jusqu'en 1999. De 1969 à 1978, Hal joue avec Randy (tp,flh) et Michael (ss,ts) Brecker, souvent en leader (The Guerilla Band, Mainstream, 1970), parfois en sideman. A partir de 1970, il enchaîne les collaborations avec tous les talents du jazz, sur tous les registres du jazz, du Bobby Hutcherson (vib)/Harold Land (ts) Quintet au Festival Ljubljana 1970 en Yougoslavie en compagnie de Reggie Johnson (b), Joe Chambers (dm), Zusaan Kali Fasteau (perc) à Johnny Hodges (as,ss), Roy Eldridge (tp,voc), James Moody (as,ts,fl), Art Blakey (dm), Lee Konitz (as), Slide Hampton (tb), Donald Byrd (tp), Joe Henderson (ts), Dave Holland (b), Billy Hart (dm), John Scofield (g)* pour n’en citer que quelques-uns. Parmi les expériences qui l'ont le plus marqué, Hal succède à George Duke au sein du quintet de Cannonball (ss,as) et Nat (cnt) Adderley(1), deux maestros d’un swing intense dont les cerveaux étaient remplis de mélodies, deux éléments très attractifs pour Hal qui continue ses apprentissages avec des compagnons toujours très choisis.
«(Cannonball Adderley)... Le défi avec lui était de parvenir à plus d’énergie, l’énergie intérieure, d’en contrôler la production, de swinguer très fort tout en restant décontracté. A cette époque, on pouvait jouer dans des tas de clubs et y rester six jours par semaine. On tournait cinquante semaines par an, parce qu’on était payés au concert. On ne prenait pas de vacances… J’ai dû me lever le cul pendant un an pour arriver au niveau de l’articulation du groupe. C’est la plus grande leçon que j’ai jamais reçue. Plus l’utilisation de la mémoire, tout ce qu’on jouait était appris d’oreille, intuitivement.»
(Hal Galper, Jazz Hot n°601, 2003)
Entre 1972 et 1975, Hal fait cinq sessions d'enregistrements en Californie avec Cannonball et Nat Adderley, puis il quitte le groupe peu de temps avant le décès du saxophoniste. (cf. vidéographie).
Entre 1976 et 1979, il travaille au fender, la plupart du temps avec les Brecker Brothers, Wayne Dockery (b) et Bob Moses (dm), puis à partir de 1980, il reprend le piano avec un plaisir immense pour entamer une collaboration de dix ans avec Phil Woods(1), au début tous deux en sidemen pour Franco Ambrosetti (flh) Quintet (Heartbop, 1981), ensuite avec Phil Woods en leader pour une vingtaine de disques qui sortent jusqu'en 1990, dont The Phil Woods Quartet-At the Vanguard (1982, Palo Alto/Antilles) avec Steve Gilmore (b) et Bill Goodwin (dm), treize sessions parmi ces vingt incluant Tom Harrell(1) entre 1984 et 1989, et Dizzy Gillespie Meets Phil Woods Quintet (1986, Timeless); ils jouent et enregistrent aussi à l'étranger, en Italie, au Japon, en Slovaquie; leur dernier album sera un hommage à Charlie Parker, The Phil Woods Quintet-All Bird's Children (1990, Concord Jazz) avec Hal Crook (tb) et leur rythmique habituelle Gilmore/Goodwin. Après cette décennie prolifique, Hal décide enfin de monter son trio avec Steve Ellington, Wayne Dockery, Todd Coolman et Jeff Johnson, une formation qu'il conserve jusqu'en 1999 où vient se greffer Jerry Bergonzi (ts), musicien de Dave Brubeck et enseignant au New England Conservatory de Boston. La discographie d'Hal s'interrompt en 1999, puis reprend toujours en leader et co-leader de 2005 à 2016 notamment avec Jeff Johnson (b) et John Bishop (dm) avec lesquels il grave ses deux derniers disques leader en octobre et novembre 2016 pour Origin: Hal Galper Quartet Featuring Jerry Bergonzi-Cubist et Hal Galper Trio-The Zone: Live at the Yardbird Suite (cf. discographie).
Hal passe d’une semi-retraite décidée en 1999, car il assure encore ses cours de pratique orchestrale consistant à jouer avec ses élèves, à une retraite des studios, scènes et des cours en 2016, jouant et composant pour ses propres recherches ou se produisant encore quelques fois jusqu'à fin 2024 avec Tony Marino (b) et Tyler Dempsey (dm) à la Rafter's Tavern de Callicoon, à cinq minutes de chez lui. Le 18 juillet 2025, Hal Galper décède à son domicile de Cochecton, NY.
La rédaction de Jazz Hot adresse ses condoléances à Lillyan Parsons Peditto, sa partenaire depuis quarante ans, à ses amis musiciens et à tous leurs proches.
Hélène Sportis
Image extraite de YouTube
Avec nos remerciements
1. Pour aller plus loin dans le chemin artistique d’Hal Galper (les liens sont indiqués pour les articles en lecture directe sur www.jazzhot.net): • Tiny Bradshaw, in Jazz Hot dont n°118 Février 1957, n°139 Janvier 1959 • Dave Brubeck, in Jazz Hot dont n°99 Mai 1955 (par Charles Delaunay), n°202 Octobre 1964, n°363-364 Juillet-Août 1979, n°601 Juin 2003 (+ discographie), • John Lewis, in Jazz Hot dont n°114 Octobre 1956, n°130 Mars 1958, n°150 Janvier 1960, n°171 Décembre 1961, n°249 Avril 1969, n°366 Octobre 1979, n°486 Février 1992, n°Spécial 2001, n°580 Mai 2001 • Red Garland, in Jazz Hot entre 1958 et 1984 • George Shearing, in Jazz Hot à partir de 1949, dont n°78 Juin 1953, n°84 Janvier 1954, Tears n°655/Printemps 2011 • Hank Jones, in Jazz Hot dont n°44 Mai 1950, n°112 Juillet-Août 1956, n°351-352 Juillet-Août 1978, n°494 Novembre 1992 (discographie détaillée), n°612 Juillet-Août 2004 (disco leader et sideman), Tears n°651, Printemps 2010 • Erroll Garner, in Jazz Hot dont n°17 Novembre 1947, n°119 Mars 1957, n°177 Juin 1962, n°249 Avril 1969, n°341 Septembre 1977, n° Spécial 1999, index chroniques CDs • Ahmad Jamal, in Jazz Hot à partir de 1957, dont Jazz Hot-Tears 2023 • Bud Powell, in Jazz Hot dont n°44 Mai 1950, n°57 Juillet-Août 1951, n°122 Juin 1957, n°129 Février 1958, n°155 Juin 1960, n°192 Novembre 1963, n°194 Janvier 1964, n°204 Décembre 1964, n°224 Octobre 1966, n° Spécial 2003 • Bill Evans, in Jazz Hot dont n°122 Juin 1957, n°151 Février 1960, n°161 Janvier 1961, n°206 Février 1965, n°258 Février 1970, n°282 Avril 1972, n°354 Octobre 1978, n°377 Octobre 1980 • McCoy Tyner, in Jazz Hot à partir de 1962, dont Jazz Hot-Tears n°688 Année 2020 • Jaki Byard, Intégrale Jazz Hot • Chet Baker, in Jazz Hot à partir de 1954, dont n°91 Septembre 1954, n°103 Octobre 1955, n°327 Mai 1976, n°405 Novembre 1983, n°454 Juillet-Août 1988 • Sam Rivers, in Jazz Hot à partir de 1964, dont Jazz Hot n°321 Novembre 1975, n°605 Novembre 2003 (discographie) • Cannonball et Nat Adderley, Intégrale Jazz Hot • Phil Woods, in Jazz Hot à partir de 1958, dont n°630 Juin 2006 et Jazz Hot-Tears n°673 Automne 2015 • Tom Harrell, in Jazz Hot dont n°413 Septembre 1984
2. Margaret Chaloff et la vie des musiciens à Boston, cf. George Wein, Jazz Hot-Tears 2021
3. Jamey Aebersold, né en 1939, enseignant multiinstrumentiste, éditeur de la série Play-A-Long, www.jazzbooks.com/jazz/jbio
Livres d'HAL GALPER:

HAL GALPER & JAZZ HOT
• Jazz Hot n°601, 2003, interview: Hal Galper, Music for pleasure par Serge Baudot (discographie)
• Chroniques CDs: Jazz Hot n°508, 1994, CD Hal Galper, Tippin', Concord 4540 Jazz Hot n°665, 2013, Hal Galper Trio, Trip the Light Fantastic, Origin Records 82602 et Hal Galper Trio, Airegin Revisited, Origin Records 82628
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