Andy Bey
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26 avril 2025
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28 octobre 1939, Newark, NJ - 26 avril 2025, Englewood, NJ
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© Jazz Hot 2025
Andy Bey © Stephanie Badini by courtesy of Evidence Music & 12th Street Records
Andy BEY
In Praise of Slowness
L’une des voix sans aucun doute les plus passionnantes et les plus originales du jazz vocal masculin d’après la Seconde Guerre s’est tue avec la disparition d’Andy Bey dans ce printemps 2025 à Englewood, New Jersey. Andy Bey était aussi pianiste, et s’il a mené une carrière d’accompagnateur au piano ou de sideman vocal (Gary Bartz, Horace Silver, Max Roach, Duke Pearson…) parfois les deux, c’est en leader et surtout en soliste qu’il a donné toute l’étendue d’un talent hors norme, même dans le jazz qui n’en manque pas. Son naturel, sa modestie et sa conception de la place de l’artiste dans la société, très consciente et éthique, ont fait que les amateurs de jazz ne sont pas si nombreux à en avoir pris conscience, comme on pourrait le dire d’Eddie Jefferson et Oscar Brown Jr., insuffisamment reconnus par le public. Andy Bey, un sage, aurait dit que le jazz est une quête, aussi bien pour les artistes que pour le public…
«Le jazz doit refléter vos sentiments, vos états de vie, votre individualité, vos émotions musicales, votre rapport à la musique. Le jazz doit être à l’image de votre vie. […] Mais pour parvenir à cela, bien sûr, il faut prendre des risques» (Andy Bey, Jazz Hot n°609, 2004)
Dans la savante élaboration d’une expression vocale mettant en relief les paroles par une diction parfaite, un placement des syllabes particulier sur les temps et des effets vocaux nombreux, il pouvait compter sur son jeu de piano qui répondait instinctivement et instantanément à ses nombreuses prises de risques vocales avec des inflexions d’une puissance ou d’une douceur sans équivalent, le contraste jouant un rôle déterminant dans la spécificité de son art. Andy Bey possédait une étendue vocale exceptionnelle, entre son registre naturel de basse-baryton puissant jusqu’à l’aigu doux de son falsetto, un écart et un contraste marqués entre sa voix de ventre et sa voix de tête, comme il le disait.
«C’est à nous artistes, de rester vigilants face à ce danger que représente un trop grand succès.» (Andy Bey, Jazz Hot n°609, 2004)
Sa carrière s’étend de la fin des années 1950 aux années 2010, soit six décennies, et s’il a commencé en coleader dans le groupe familial (Andy Bey and the Bey Sisters), car il est issu d’une famille nombreuse où la musique fait partie du quotidien, il a aussi été souvent sideman, pianiste ou chanteur invité, notamment d’Horace Silver et Gary Bartz.
«Il faut être soi-même, c’est tout. Et c’est très difficile. Il faut accepter les influences tout en restant soi-même. Cela demande une grande honnêteté aussi, de laisser apparaître ce que vous êtes réellement.» (Andy Bey, Jazz Hot n°609, 2004) Andy Bey © Stephanie Badini by courtesy of Evidence Music & 12th Street Records
Mais c’est en leader et en soliste qu’il a donné le meilleur de son art, mariant sa voix et son jeu de piano pour quelques enregistrements véritablement «monumentaux», en dépit de leur nombre réduit. Au sommet de cette série inoubliable, il y a Ballads, Blues & Bey (Evidence), un émerveillement des sens et de l’âme…
Nous avons eu la chance de rencontrer Andy Bey, un géant modeste, lors de sa venue en France au début des années 2000, et il avait retracé longuement sa biographie dans Jazz Hot n°609, dont il faisait la couverture. Mais plus, il avait explicité ses options philosophiques sur le plan de l’art et plus largement de la vie. Comme souvent avec les grands artistes du jazz (Sonny Rollins, Ray Charles, McCoy Tyner, Randy Weston…), ces interviews sont, pour ceux qui ont encore la peau sensible, de véritables leçons de vie, des ressources infinies d’approfondissement des nuances et de la beauté du jazz. C’est raconté avec une telle justesse, une telle modestie et, de ce fait avec une telle profondeur, qu’on ressort de ces quelques pages plus riches, plus forts, plus intelligents…
Andy Bey avait fait quelques expériences théâtrales, témoignant de sa curiosité pour l’expression sous toutes ses formes artistiques. C’est peut-être ce qui lui a valu de terminer ses jours dans son New Jersey natal, à l’Actors Fund Home, une institution créée en 1882 qui offre son assistance aux professionnels des arts et du spectacle.
Nous vous laissons le soin de retrouver le magnifique Andy Bey (Jazz Hot n°609) à travers ses paroles essentielles, pleines de sagesse qui vous conteront avec l’épaisseur de son vécu et ses mots un beau chemin artistique qui l’a vu également fréquenter l’Europe et Paris qu’il aimait trop pour ne pas s’en méfier pour son art, selon son commentaire d’une finesse extrême sur le plan de la compréhension des ressorts de la création et qui expliquent la substance du jazz bien mieux que la Sorbonne.
«Je pense que nous ne pouvions pas rester [à Paris]. Cela aurait été trop confortable.
Quand vous êtes accueillis comme des rois partout, vous perdez quelque chose. […] En Amérique, tout est difficile. Il s’agit vraiment de survivre. Il faut se battre en permanence et cela exige une grande résistance.» (Jazz Hot n°609, 2004)
 Andy Bey, New York, 2016, image extraite de YouTube
Sa sœur, Geraldine, qui faisait partie, avec Salome, de sa première formation (Andy Bey and the Bey Sisters) et qui l’accompagnait en ce temps à Paris, lui survit. L’équipe de Jazz Hot partage sa peine et celle de ses proches..
Hélène et Yves Sportis
Photos Stephanie Badini by courtesy of Evidence Music & 12th Street Records Images extraites de YouTube
Avec nos remerciements
 ANDY BEY & JAZZ HOT • Jazz Hot n°550-1998: Chronique CD Andy Bey, Ballads Blues & Bey, Evidence 22162-2 • Jazz Hot n°567-2000 (supplément): Chronique CD Shades of Bey, Evidence 22215-2 • Jazz Hot n°581-2001 (supplément): Chronique CD Harold Nicholas/June Richmond/Andy Bey, Jazz in Paris/EmArcy 013 036-2 • Jazz Hot n°594-2002: Chronique CD Andy Bey, Tuesdays in Chinatown, 12th Street Records/Minor Music 801099 • Jazz Hot n°595-2002 (supplément), Andy Bey au Ronnie Scott’s à Londres • Jazz Hot n°608-2004, Andy Bey au Sunside • Jazz Hot n°609- 2004: Couverture et interview (Ballads, Blues and Bey, discographie), Chronique CD Andy Bey, Chillin' With, Minor Music 801108 • Jazz Hot n°616, Décembre 2004-Janvier 2005, Andy Bey-Paul Meyers à la Cité de la Musique/Cri du Port-Marseille; Andy Bey au JVC Jazz Festival-Paris; Chronique CD Andy Bey, American Song, Savoy Jazz 17330 • Jazz Hot n°620, Mai 2005, Andy Bey au Ronnie Scott’s à Londres • Jazz Hot n°626, Décembre 2005-Janvier 2006, Andy Bey/Paul Meyers/Jeremy Clemons/ Kiyoshi Kitagawa au JVC Jazz Festival-Paris
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DISCOGRAPHIE
Leader-Coleader
CD 1959. Chanteurs-Chanteuses, Harold Nicholas-June Richmond-Andy Bey, Gitanes Jazz/EmArcy 013036-2 LP 1961. Andy Bey-Andy and the Bey Sisters, RCA 2315 LP 1964. Andy Bey & the Bey Sisters, Now! Hear!, Prestige 7346 (= CD 24245-2) LP 1965. Andy Bey & the Bey Sisters, 'Round Midnight, Prestige 7411 (= CD 24245-2)
LP 1970. Andy Bey, Experience and Judgment, Atlantic 1654 (=CD Koch Jazz 8520) CD 1991. Andy Bey, As Time Goes By, Jazzette 008 CD 1995. Andy Bey, Ballads, Blues & Bey, Evidence 22162-2 CD 1997. Andy Bey, Ain't Necessarily So, 12th Street 4509 CD 1998. Andy Bey, Shades of Bey, Evidence 22215-2
  
CD 2000. Andy Bey, Tuesdays in Chinatown, N2K 4223/Minor Music 801099 CD 2003. Andy Bey, American Song, Savoy Jazz 17330/Minor Music 801117 CD 2013. Andy Bey, The World According to Andy Bey, HighNote 7253 CD 2014. Andy Bey, Pages From an Imaginary Life, HighNote 7266
   
Sideman
LP 1966. Howard McGhee, Cookin' Time, HEP 2001 LP 1968. Duke Pearson, Now Hear This!, Blue Note 84308 LP/CD 1968-70. Duke Pearson, I Don't Care Who Knows It, Blue Note 7243 8 35220-1/2 LP 1968. Max Roach, Members Don't Git Weary, Atlantic 1510 LP 1968. Duke Pearson, Now Hear This!, Blue Note 84308 (=CD 7 94508-2) LP 1969. Duke Pearson, How Insensitive, Blue Note 84344 (=CD 7 80703-2) LP 1970. Gary Bartz, Harlem Bush Music: Taifa, Milestone 9031 LP 1970. Horace Silver, That Healin' Feelin', Blue Note 84352 LP 1970. Horace Silver, Total Response, Blue Note 84368 LP 1970. Duke Pearson, I Don't Care Who Knows It, Blue Note 35220 (=CD 7 835220-2) LP 1970-71. Horace Silver, Total Response (Phase II), Blue Note 84368
LP 1971. Mtume, Alkebu-Lan, Strata-East 1972-4
   
LP 1972. Gary Bartz, Juju Street Songs, Prestige 10057/ (=CD 24181-2) LP 1972. Gary Bartz, Follow the Medicine Man, Prestige 10068 (=CD 24181-2) LP 1972. Stanley Clarke, Children of Forever, Polydor 5531 (=CD 827559-2) LP 1977. Grachan Moncur III, Shadows, Denon YX-7572
LP 1982. Pharoah Sanders, Heart Is a Melody, Theresa 118 (=CD Evidence 22063-2) LP 1988. Neo-Bass Ensemble, Bird Lives! Through the Neo-Bass Ensemble, Karlisle 7842 CD 1990. Cold Sweat, 4-Play, JMT 834 444-2/Winter & Winter 919042 CD 1991. David Murray Big Band Cond. by Lawrence Butch Morris, Columbia 48964 CD 1993. Horace Silver, It's Got to Be Funky, Columbia 53812 CD 1995. Bob Malach, The Searcher, Go Jazz 6015 CD 1996. Gerry Eastman, Songbook, Original Cast Record 5050 CD 1996. Fred Hersch, Passion Flower, Elektra/Asylum 79395 CD 1999. Gilles Peterson, Incredible Sound of Gilles Peterson, Epic 61478 CD 2001. Anna Lauvergnac, Anna Lauvergnac, TCB 21132 CD 2002. Beth Nielsen Chapman, Deeper Still, Artemis 751097 CD 2003. Horace Silver, Rockin' With Rachmaninoff, Bop City 1640
   
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VIDÉOGRAPHIE
Andy Bey, Paris, vers 1959-1960, image extraite de YouTube
Chaînes YouTube d'Andy Bey
https://www.youtube.com/channel/UCspR_KHurNB0s5zlbfoHFBQ https://www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_kfOPN98LEiBG0eejnzcre9rJs3E3vAygg
1959. Premier disque leader, Andy and The Bey Sisters, Geraldine Bey, Salome Bey (voc), Kenny Dorham (tp), Barney Wilen (ts), Paul Rovere (b), Kenny Clarke (dm), Paris, Fontana, 15 avril https://www.youtube.com/watch?v=HGJmWmLfU4k
c.1959-1960. Andy Bey, Geraldine Bey, Salome Bey (voc), Jacques Hess (b), Kenny Clarke (dm), Barney Wilen (ts), Roger Guérin (tp), Bud Powell (p), Paris NB: on voit, dans le public, Jean-Pierre Cassel, Jean Sorel, peut-être Art Taylor https://www.youtube.com/watch?v=2rD378pbwkg https://www.youtube.com/watch?v=UZyX4S2cFL4
1965. Andy and the Bey Sisters, Geraldine Bey, Salome Bey (voc), CBC Canada https://www.youtube.com/watch?v=WVrB0TqRkEU https://www.youtube.com/watch?v=_Glt_B3EiL8
c.1971-1973. Andy Bey, Horace Silver (p), poss. Richie Resnicoff (g) https://www.youtube.com/watch?v=63p3mn6M3_U
1972. Andy Bey, Horace Silver (p), Mickey Roker (dm), PBS Soul! TV Show: The Blue Note Show Complete, Stan Lathan/Ellis Haizlip, avec Salome Bey (voc), Cecil Bridgewater (tp), Bob Cranshaw (b), Billy Harper (ts), Bobbi Humphrey (fl,voc), Harold Mabern (p), Jymie Merritt (b), Lee Morgan (tp,flh), Harold Vick (s,fl), Freddie Waits (dm), 26 janvier https://www.youtube.com/watch?v=EGOVVTmjLrs https://www.imdb.com/fr/title/tt15216430/?ref_=nm_flmg_job_1_cdt_epp_sm_1 https://www.youtube.com/watch?v=88ofDApqSVg https://www.youtube.com/watch?v=Nns4DYkGySQ
2004. Andy Bey, Jazz at Lincoln Center Orchestra, Wynton Marsalis (tp), Mulgrew Miller (p), Marcus Printup, Ryan Kisor, Lew Soloff, Seneca Black (tp), Vincent Gardner, Kurt Stockdale, Ron Westray, Andre Hayward, Kurt Stockdale, Ron Westray (tb), Wessell Anderson (as,sps), Ted Nash (as,cl,fl,picfl), Walter Blanding (ts,ss,cl), Victor Goines (ts,ss,cl,bcl), Joe Temperley (bar,bcl), Carlos Henriquez (b), Herlin Riley (dm,perc), Eric Lewis (p), Carline Ray (voc), Play the Music of Mary Lou Williams, Alice Tully Hall, New York, NYC, 14 mai https://wyntonmarsalis.org/tour/detail/11319 https://www.youtube.com/watch?v=7ob8jhRpb2k
c.2004-2006. Andy Bey, Paul Meyers (g), Sean Smith (b), Jeremy Clemons (dm), The Jazz Bakery, Los Angeles, CA https://www.youtube.com/watch?v=sqM-ZLFl3Xo https://www.youtube.com/watch?v=jyD5sGKj0dU
2012. Andy Bey, Eric Comstock (p), Bucky Pizzarelli (g), Neal Miner (b), Harry Allen (s), Vito Lesczak (dm), Dizzy's Club, Lincoln Center, New York, juin https://www.youtube.com/watch?v=HKyH-IP_hDQ
2014. Andy Bey, Album Pages From an Imaginary Life, New York, High Note, 21 mai, dernier disque en leader https://www.youtube.com/watch?v=na_Im0swucs&list=OLAK5uy_lT6-2Xo76wAL956bc4eej-sLf_Eo6vqWU
2014. Andy Bey solo, Live at Zinc Bar, New York NYC https://www.youtube.com/watch?v=PkkiYQTgqL4
2016. Andy Bey, paroles et musique, Capsulocity Network, New York, NYC https://www.youtube.com/watch?v=FiTO76zsxjg https://www.youtube.com/watch?v=RtldnkEiJNY https://www.youtube.com/watch?v=-h01S_Ndvsc https://www.youtube.com/watch?v=p-13m_PkDk8
2019. 80 ans d'Andy Bey, Birdland, New York, NYC, 9 décembre https://www.youtube.com/watch?v=PriWIlshT14 https://www.youtube.com/watch?v=zFQIctnU-pA
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