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Jimmy Johnson

31 jan. 2022
25 novembre 1928, Holly Springs, MS - 31 janvier 2022, Harvey, IL
© Jazz Hot 2022

Jimmy Johnson, Getxo Blues © Fernand Iza
Jimmy Johnson, Getxo Blues © Fernand Iza

Jimmy JOHNSON

Un sacré bout de chemin…


Jimmy Johnson, décédé le 31 janvier 2022 dans l'Illinois, a suivi un parcours musical en deux temps: d'abord, des années 1940 à 1960, comme chanteur principalement, entre gospel, rhythm & blues et soul, puis, au tournant des années 1970, il devient un guitariste phare du blues, dont il a renouvelé l'approche par la sophistication de son jeu auquel il a intégré des éléments du funk et du jazz. Issu d'une fratrie de musiciens –ses deux frères cadets Syl Johnson et Mac Thompson sont comme lui des figures de la scène de Chicago, IL–, Jimmy Johnson est resté actif jusqu'à ses 93 ans.


2018. Jimmy Johnson, Every Day of Your Life, Delmark






James Earl Thompson est le deuxième des dix enfants de Verlie Smith et Sam Thompson. Il grandit à la campagne: «J'adorais l'école, mais je n'y allais pas beaucoup, il y avait trop de travail à faire à la maison. La vie était très dure dans le Mississippi. La plupart du temps, nous travaillions du lever au coucher du soleil. Dès l'âge de 8 ans, je ramassais, coupais le coton et labourait les champs tout en aidant à prendre soin des animaux de la ferme.»
(1) Son père joue de la guitare et de l’harmonica en amateur et quand il a la chance d’être à l’école, James profite de la pause déjeuner pour pratiquer le piano qui sera, avec le chant, son premier moyen d’expression musicale à l’église. Il a pour ami d'enfance Matthew Murphy qui se fera connaître en tant que Matt Guitar Murphy. Très jeune, il a en tête de fuir la vie de labeur de ses parents pour se forger un autre destin: «Quand j'ai eu 16 ans, je suis allé à Memphis pour chercher du travail. J'ai trouvé des petits boulots, creusant des fossés et travaillant dans la construction, mais ces emplois n'étaient pas bien meilleurs que le travail à la maison. J'ai même passé du temps au célèbre Hôtel Peabody de Memphis, travaillant pour 14 dollars par semaine. Rêvant parfois de rentrer chez moi, mais déterminé à suivre mon propre chemin en tant qu'homme indépendant, je me suis accroché.»(1) La musique reste toutefois partie intégrante de sa vie et il chante au sein du groupe gospel The United Five. A 20 ans, laissant à regret sa famille derrière lui, il saisit la proposition de son oncle de le rejoindre à Chicago, IL et y trouve rapidement un emploi de soudeur dans la fonderie Harrison Sheet Steel. Il économise pour faire venir auprès de lui sa mère avec les plus jeunes membres de sa fratrie, parvenant même après quelques temps à gagner suffisamment sa vie pour s’acheter à 28 ans sa première guitare.

La famille a pour voisin une légende naissante, Magic Sam (g, 1937-1969) qui conseille à Jimmy, membre des Gospel Jubilaire puis du groupe doo-wop The Masquerades d’Howard Scott (voc), de passer à la guitare. Sam a également une influence déterminante sur la vocation musicale de deux des frères de Jimmy: Mac (2) et Sylvester, le futur Syl Johnson(3). En 1958, Jimmy enregistre un 45 tours sur Joyce Records, le label de St. Louis, MO, appartenant à Ike Turner et donne un premier concert à la guitare avec Earl Payton (hca): «Je travaillais toute la journée à souder des tôles, la nuit je travaillais ma guitare et le 4 juillet 1958, j'ai fait mon premier concert. J'ai été rapidement renvoyé, et je suis rentré chez moi pour m'entraîner une fois de plus. Heureusement, je pouvais toujours chanter, alors une fois que j'ai compris les subtilités de la guitare, il n'y avait plus de limites, et les portes ont commencé à s'ouvrir partout où je regardais.»(1Jimmy quitte alors les Masquerades et persévère sur les scènes blues de Chicago tout en prenant des cours avec Reggie Boyd (1961-1962), une figure locale qui a aussi enseigné à Matt Guitar Murphy (Blues Brothers). Au milieu des années 1960, il monte son propre groupe, The Lucky Hearts, dans le registre soul de son frère Syl qui sort en 1967 le tube «Come on Sock It to Me», dont Jimmy est l’auteur du riff d’ouverture. Il en enregistre une version instrumentale, cherchant à bénéficier de l’aura de son cadet dont il adopte le nom de scène de «Johnson». Suivent deux autres singles instrumentaux. Jimmy Johnson est désormais bien établi dans la scène soul et gospel, accompagnant les chanteurs Otis Clay (1942-2016), Ruby Andrews (1947), Denise LaSalle (1934-2018) ou Walter Jackson (1938-1983) et participant aux orchestres maison de différents clubs.

1979. Jimmy Johnson, Johnson’s Whacks, Delmark


Mais à la fin des années 1960, les groupes de soul sont progressivement supplantés par des disc-jokeys mobiles, et les engagements se raréfient au point que Jimmy Johnson doit, durant un temps, se faire chauffeur de taxi pour survivre. Sa carrière est cependant relancée dans le blues par l’entremise de Jimmy Dawkins (g, voc 1936-2013) qui le prend à ses côtés. Il tourne également au Japon avec Otis Rush (g, voc, 1934-2018). En 1975, il enregistre la face A d’un LP live au Ma Bea’s Lounge de Chicago (la face B étant assurée par Luther Guitar Jr. Johnson), Ma Bea's Rock, pour MCM, le label de Jacques et Marcelle Morgantini, venus à Windy City pour en documenter la scène blues. Ils produisent deux ans plus tard un deuxième album live, cette fois entièrement consacré à Jimmy Johnson, Tobacco Road. Toujours en 1977, le guitariste effectue sa première session studio comme leader, sous la houlette du producteur indépendant Ralph Bass, mais les bandes ne seront que tardivement et partiellement éditées par le label anglais Red Lightnin’ en 1984. En 1978, quatre titres de Jimmy Johnson sont publiés par Alligator dans sa série d’anthologies Living Chicago Blues. En outre, il multiplie les collaborations –Big Voice Odom (voc 1936-1991), Buster Benton (g, voc, 1932-1996)… et tourne en Europe avec Junior Wells et Buddy Guy en compagnie desquels il immortalise un Live in Montreux (1978, Black & Blue). L’année suivante, il repasse en studio pour le compte du label chicagoan Delmark (Johnson’s Whacks) et participe à la tournée du Chicago Blues Festival avec Lefty Dizz (g, voc, 1937-1993) et Big Moose Walker (p, org, voc, 1927-1999), sa carrière ayant atteint une dimension internationale. Entre 1981 et 1982, il grave North // South pour Delmark et en 1983 Heap See pour Blue Phoenix, un sous label de Black & Blue (le disque sera réédité par Alligator sous le nom de Bar Room Preacher). Il est également présent sur les albums d’Eddy Clearwater (g, voc, 1935-2018), Billy Boy Arnold (hca, voc, 1935) ou Andrew Brown (g, voc, 1937-1985).

1990. Jimmy Johnson, Livin’ the Life, Black & Blue


En 1988, sa carrière est interrompue par un accident de la route au volant de son van de tournée. Il est grièvement blessé et deux de ses partenaires, Larry Exum (b) et St. James Bryant (kb) sont tués. Jimmy Johnson ne peut plus jouer de guitare pendant plusieurs mois et passe provisoirement aux claviers. Il opère son retour discographique en France en 1990 avec Livin’ the Life (Black & Blue), suivi en 1993 par I’m a Jockey pour un autre label français, Birdology. C’est à cette époque, où il passe régulièrement par Paris et en particulier au New Morning, que Jazz Hot dresse le portrait du guitariste: «Jimmy Johnson aimerait œuvrer davantage dans la production; le projet d’enregistrer un de ses amis , Allen Batts, un excellent clavier, dans un disque de "straight bebop" –car il aime aussi le jazz– lui tient à cœur. Byron Bowie, le frère de Lester, soufflait d’ailleurs dans son saxophone baryton sur le dernier album I’m a Jockey. Ce mélomane du blues a chez lui, dans la banlieue sud de Chicago, une pièce réservée à la musique, lieu idéal pour peaufiner ses nouvelles compositions sur plusieurs claviers Hammond. (…) Jimmy Johnson conclut souvent ses sets avec "Take Five" de Paul Desmond. Ce n’est pas un guitariste de jazz à proprement parler, mais on pourrait avancer que son attitude est révélatrice de complexes non réellement fondés en regard des prouesses instrumentales des jazzmen.» Jimmy Johnson livre encore deux albums, A Road May End Somewhere(1997, Bird & Blues) –avec en guest Luther Allison qui décédera quelques mois plus tard– et Two Johnsons Are Better Than One (2000, Evangeline Records) qui marque les retrouvailles avec son frère Syl, avant d’observer un silence discographique de plusieurs années jusqu’à Every Day of Your Life (2018, Delamark), son ultime disque en leader. Sa dernière venue en France en 2015 passe notamment par le Jazz Club Etoile du Méridien.

Jimmy Johnson a aussi bénéficié d’une reconnaissance dans son pays natal: il a été notamment intronisé au Blues Hall of Fame en 2016 et honoré par le Chicago Blues Festival jusqu'en 2019. Durant la période covid, il avait continué à donner des concerts solo en streamlive jusqu’au 25 décembre 2021 avant d’être hospitalisé. Il est décédé le 31 janvier 2022, quelques jours seulement avant son frère Syl qui disparaissait le 6 février, laissant dans le deuil sa femme Sherry Ewing qu'il avait épousée en 1963, et leurs enfants LaSaundra, Geraldine, Lorenzo, Eric et Jimmy.

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Photo Fernand Iza
Image extraite de YouTube
Avec nos remerciements


1. Texte autobiographique en ligne sur le site internet de Jimmy Johnson: https://jimmyjohnsonblues.com/about
2000. Syl & Jimmy Johnson, Two Johnsons Are Better Than One, Evidence (réédition)


2. Mac (ou Mack) Thompson (28 janvier 1934, Holly Spings, MS - 10 octobre 1991, Chicago, IL) s'est mis à la basse électrique, encouragé par Magic Sam dont il devient ensuite l'accompagnateur, le suivant jusqu'au terme de sa brève carrière. Attaché à la scène blues de Chicago, Mac a également joué avec Easy Baby and His Houserockers ou encore Cousin Joe, de même que ponctuellement avec ses frères Jimmy et Syl.

3. Sylvester Thompson, dit Syl Johnson (1er juillet 1936, Holly Spings, MS - 6 février 2022, Mableton, GA) découvre enfant la guitare avec Matt Murphy puis, une fois installé à Chicago, IL, il est influencé par Magic Sam avec lequel il commence à jouer. Il se fait alors remarquer sur la scène blues de la ville aux côtés de Billy Boy Arnold, Junior Wells et Howlin' Wolf. En 1959, il enregistre avec Jimmy Reed pour Vee-Jay, changeant son nom en «Johnson», sur les conseils du producteur, et sort son premier 45 tours en leader, Teardrops (Federal), soutenu par Freddie King (g). Syl doit cependant  assurer sa subsistance avec un emploi de chauffeur de camion jusqu'à ce que survienne le succès en 1967 avec le titre «Come On Sock It to Me» (Twilight Records). Il multiplie dès lors les tubes soul et rhythm & blues dont certains évoquent directement la situation des Afro-américains et la lutte pour les Droits civiques («Because I’m Black», 1969). En parallèle, il monte son propre label, Shama, avec lequel il produit notamment les disques de son frère Jimmy. En 1971, il entame une collaboration avec le producteur Willie Mitchell et le label de Memphis, TN, Hi Records, où il partage tant bien que mal la vedette avec Al Green, en pleine ascension. L’industrie musicale imposant le disco au détriment du blues et de la soul, Syl Johnson peine à se maintenir mais signe un dernier succès soul-funk en 1982 avec Ms. Fine Brown Frame (Shama) avant de se retirer de la scène pour se consacrer à sa chaîne de restaurants de fruits de mer. Encouragé par la réutilisation de ses chansons par les chanteurs de hip-hop, il revient aux affaires avec Back in the Game (1994, Delmark). Il passe ainsi les années 1990 à 2010 entre la scène, les studios et la gestion de son catalogue, protégeant farouchement ses intérêts. En 2015, il est l’objet du documentaire Any Way the Wind Blows de Rob Hatch-Miller.



Site internet de Jimmy Johnson:


JIMMY JOHNSON & JAZZ HOT: n°521 (juin 1995)

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VIDÉOGRAPHIE

Jimmy Johnson, Blues sur Seine 2015, image extraite de YouTube
Jimmy Johnson, Blues sur Seine 2015, image extraite de YouTube


Chaîne YouTube de Jimmy Johnson

1983. Queen Sylvia Embry (g, voc)/Jimmy Dawkins (g, voc), Jimmy Johnson Band (minute 6’59’’), Detroit Gary Wiggins (ts)/Chris Rantenberg (p), émission Musical Express, TVE, Espagne
https://www.youtube.com/watch?v=NgesZoWD54Y

2003. Jimmy Johnson, concert intégral, Chicago Blues Festival, 31 mai
https://www.youtube.com/watch?v=24Pt8W0YGCc

2014. Jimmy Johnson, Sam Burckhardt (ts) & The Dave Specter (g) Band, «You Don't Know What Love Is», Lucerne Blues Festival, Suisse, 14 novembre
https://www.youtube.com/watch?v=v6fc4S_30oI

2015. Jimmy Johnson, Anthony Stelmazsack (g), Julien Brunetaud (kb), Antoine Escalier (eb), Fabrice Bessouat (dm), «People Get Ready», «Tow Headed Men», festival Blues sur Seine, Bonnières-sur-Seine, Yvelines, 18 novembre
https://www.youtube.com/watch?v=oRw6V4Q8Cok

2020. Jimmy Johnson, livestream (minute 38’36’’), Evanston, IL, juillet
https://www.youtube.com/watch?v=4V0zCqK9ePY
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