Barbara Morrison
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16 mars 2022
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10 septembre 1949, Ypsilanti, MI - 16 mars 2022, Los Angeles, CA
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© Jazz Hot 2022
Barbara Morrison en 2020, image extraite de YouTube
Barbara Morrison était un figure de la communauté jazz de Los Angeles, CA. Sa voix légèrement voilée, chargée de swing et de blues, avait fait le bonheur de nombreuses formations et big bands depuis le début des années 1970. Une carrière bien remplie dont on peut notamment retenir quelques beaux albums avec le grand Houston Person. Jazz Hot avait rendu compte de ses passages en France, notamment au Jazz Club Lionel Hampton, en janvier 2000 (n°568) et au festival Jazz & Blues in Vaison en juin 2006 (n°632).
Barbara Morrison grandit à Romulus, dans la banlieue ouest de Detroit, MI, et où elle passe également une partie de son enfance chez son oncle et sa tante, alors que son père, chanteur de doo-wop, était mobilisé en Corée. Sans approuver la vocation de sa fille, il la soutient. Barbara effectue ainsi ses débuts précoces dans la grande capitale industrielle –qui imprime en elle l'influence du rhythm & blues et de la Motown– de même qu’une première apparition à la radio à
l’âge de 10 ans. Après des études à l’Eastern Michigan University à Ypsilanti, MI (sa ville de naissance), elle déménage en 1973 à Los Angeles, CA, où elle commence à chanter dans un groupe de rock avant d'être repérée par Eddie
Cleanhead Vinson qui la prend sous son aile et l'oriente vers le jazz. Quelques temps après, elle entre dans l'orchestre de Johnny Otis avec lequel
elle enregistre son premier LP en 1977 (Back
to Jazz, Jazz World). Plusieurs autres suivront, entre jazz, blues, soul et variétés, jusqu’en 2000 –dont Johnny Otis! Johnny Otis!: The
1984 Johnny Otis Show (Hawk Sound Records) et Spirit of the
Black Territory Bands (1990, Arhoolie)– tandis que Barbara Morrison le suit en tournée dans
le monde entier. Eddie Cleanhead Vinson et Johnny Otis seront des mentors
déterminants dans le parcours de la chanteuse qui confiait en 2011 dans le Los Angeles Times: «Eddie avait l’habitude de me dire: "Trouve ton propre son, ma fille!"
(…) Johnny me disait: "Pourquoi chantes-tu comme Barbra Streisand? Tu dois
apprendre la musique de ton propre peuple!"» C’est ainsi qu’elle grave ses
premiers albums sous son nom: Love Is a Four-Letter Word (c.1984, Esoteric Records) avec le Leslie Drayton Orchestra, Love'n You
(c. 1989) pour le label japonais P.C.H., Doing
All Right (1992) et Live: Blues for
Ella avec le Thilo Berg Big Band (c. 1993) pour le label allemand Mons.

Chanteuse de big band par excellence, elle passe avec
aisance du jazz au blues et au rhythm & blues. En 1986, elle accompagne
une tournée d’un mois, à travers le Canada, l’Australie, le Japon et les
Philippines du Philip Morris Superband, un all-stars comprenant notamment
Gene Harris (p), Jimmy Smith (org), James Moody (ts), Jon Faddis (tp), et
Grady Tate (dm); de même, elle participe à une tournée de trente-trois dates à travers les Etats-Unis en hommage au compositeur Harold Arlen. On la retrouve invitée de l’orchestre de Doc Severinsen (tp,
1927), de celui de Leslie Drayton (tp, 1950), du Count Basie Orchestra, du big band de Ray Charles à
l’occasion d’une tournée en Europe ou encore du Clayton-Hamilton Jazz
Orchestra (The L.A. Treasures Project:
Live at Alvas Showroom, 2013, Capri).
Elle travaille, entre autres, avec Gerald Wilson, Dizzy Gillespie,
Ron Carter, Etta James, Dr. John, Kenny Burrell, Terence Blanchard, Joe Sample,
Cedar Walton, Nancy Wilson, Joe Williams, Tony Bennett et enregistre quatre albums avec Houston
Person: Live at the Dakota avec
Junior Mance (2004, Dakota Live), A Sunday Kind of
Love (2010-12, Savant), I Love You, Yes
I Do (2014, Savant), I Wanna Be Loved
(2017, Savant). Elle s’est en outre produite dans la
plupart des grandes salles et festivals: Montreux, Nice, Pori, Carnegie Hall,
North Sea, Sydney Opera House, Monterey, etc. et a participé à la musique du film The Hurricane (1999, Norman Jewison) qui
retrace la vie du boxeur Rubin «Hurricane» Carter (condamné à tord pour meurtre), interprété par Denzel
Washington.
Pilier de la scène jazz de Los Angeles, on pouvait la voir régulièrement, depuis une dizaine d'années, au Pip’s sur La Brea Avenue. Elle avait publié en 2020 un
dernier album autoproduit, Warm and Cozy. Mais Barbara Morrison ne s'est pas contentée d'exercer son art avec profondeur et conviction, elle a aussi consacré son temps aux autres musiciens de la communauté du jazz, enseignant de 1994 à 2020 à l’UCLA School of Theater, Film and Television de Los Angeles (qui a
lancé en 2020 une bourse pour le jazz à son nom), ouvrant par ailleurs en 2008 le Barbara Morrison Performing Arts Center à Leimert Park Village, pour permettre l'émergence de jeunes artistes, et fondant en 2017 le California Jazz & Blues Museum,
pour faire connaître l’histoire de la scène de Los Angeles et en promouvoir les musiciens. Cette dernière réalisation, très éprouvée par la crise sanitaire, ne lui a pas survécu.
Souffrant d’un grave diabète, Barbara Morrison avait été amputée d’une
jambe en 2011, mais avait continué à chanter sans ralentir son rythme de
travail. Comme elle l’avait expliqué au Los
Angeles Times en 1996, évoquant la disparition, la même année 1983, de sa
mère, son père et sa grand-mère: «Si je
n’avais pas chanté, j’aurais perdu la tête. C’est une bouée de sauvetage. J’ai
trouvé quelque chose que j’aime, dont je ne me lasse jamais.» En 2021,
après l’annonce du verdict reconnaissant le policier Derek Chauvin coupable du
meurtre de George Floyd, Barbara Morrison avait diffusé la nouvelle, parcourant
les trottoirs de Leimert Park Village en fauteuil roulant électrique et le
poing levé en criant: «Coupable de tous
les chefs d’accusation!»
Elle s’est éteinte à l’hôpital le 16 mars 2022.
Jérôme Partage Image extraite de YouTube Avec nos remerciements
VIDÉOGRAPHIE
Chaîne YouTube de Barbara Morrison
1985. Barbara Morrison, Johnny Otis (p), Laura Bryan, Bob Frasier (tp), Michael Turis, Preston Love, Renny Clark (s), James Clark (g), Pony Abrams (b), Nicky Otis (dm), Miles Evans, Johnny Walker (voc), concert intégral, North Sea Jazz Festival, La Haye, 14 juillet
1986. Barbara Morrison & Philip Morris Superband: James Moody (ts), Jimmy Smith (org), Kenny Burrell (g), Grady Tate (dm), «What a Diff'rence a Day Made», extrait télévisé, Japon
2002.
Barbara Morrison, Steve Campos (tp), Charles McNeal (ts), John B. Burr
(p), Danny Caron (g), Ruth Davies (b), John Hanes (dm), album Live at The 9:20 Special, 30 mai
2013.
Barbara Morrison, Ernie Andrews (voc), Clayton-Hamilton Jazz
Orchestra: Jeff Clayton (as), John Clayton (b), Jeff Hamilton (dm), Tamir Hendelman (p)... album The L.A. Treasures Project:
Live at Alvas Showroom, Capri, 15 septembre
2016. Barbara Morrison, Ron Bishop (p), Rick Taylor (b), Gayelynn McKinney (dm), «What a Diff'rence a Day Made», Dirty Dog Jazz Cafe, Grosse Pointe, MI, 13 février
2017. Barbara Morrison, Houston Person (ts), Stuart Elster (p), Richard Simon (b), Lee Spath (dm), album I Wanna Be Loved, Savant
2020. Barbara Morrison, Charles Small (g), Ricky Taylor (b), Peter Buck (dm), livestream, 14 novembre *
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