Matthias Winckelmann
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19 juin 2022
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7 avril 1941, Berlin, Allemagne - 19 juin 2022, Munich, Allemagne
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© Jazz Hot 2022
Matthias Winckelmann © Photo X, by courtesy of Enja Records
Décédé le 19 juin
dans une clinique de Munich, Matthias Winckelmann était né à Berlin en pleine
Seconde Guerre mondiale. Il a grandi à Francfort-sur-le-Main, dans la Hesse,
avant de s’installer à Munich pour suivre des études d’économie et de
sociologie. Féru de jazz depuis sa découverte de Charlie Parker à 17 ans, cofondateur du label Enja, il a supervisé de très nombreux enregistrements avec les plus grands musiciens (de Cecil Taylor à Kenny
Barron) faisant de son label un des grands acteurs du jazz en Europe. L'enthousiasme d'amateur de jazz qu'il conserva tout au long de sa vie ne suffit pas cependant à préserver la cohérence initiale de son projet, sa production s'éparpillant depuis ces vingt dernières années en
une diversité de styles musicaux.
Matthias Winckelmann crée Enja à Munich, en 1971, avec un
autre passionné de jazz, le couturier Horst Weber (1934-2012), rencontré dans un club quelques années plus tôt, qui bénéficiait
de contacts fiables au sein de la scène jazz du Japon: les deux hommes prévoyaient en effet de vendre des licences aux labels nippons.
Ils financent leur premier enregistrement, Black
Glory de Mal Waldron, en empruntant 20 000 marks au père de Matthias qu’ils
rembourseront dix-huit mois plus tard. Le pianiste, avec lequel Horst Weber avait noué une relation amicale, vivait alors à Munich, ville
qui abritait une base de l’armée américaine et était donc un point de passage
important des musiciens américains en Europe. Ces débuts rappellent d'ailleurs ceux d’un
autre label munichois, ECM de Manfred Eicher, qui inaugura son catalogue deux ans plus tôt avec…
Mal Waldron! Débordant d’énergie et d’enthousiasme, les deux fondateurs
écrivent à différents disquaires à travers l’Allemagne mais ne reçoivent aucune
commande. Pas découragé, Matthias Winckelmann charge deux-cents LPs dans sa voiture
et parcourt le pays jusqu’à ce qu’il écoule la totalité du stock. Il
conservera longtemps cette habitude d’assurer lui-même les livraisons. Enja, dont le nom est la contraction de «European New Jazz», travaille d'abord avec des musiciens de l'avant-garde allemande et japonaise avant de développer son catalogue autour des jazzmen
américains résidant en Europe ou de passage pour une tournée (Cecil Taylor,
Archie Shepp, Chet Baker notamment avec My
Favorite Songs Vol. I & II: The Last Great Concert, ultime
enregistrement live du trompettiste
deux semaines avant sa mort en mai 1988); de même, Matthias Winckelmann
effectue chaque année des séjours de plusieurs mois à New York ce qui lui
permet d’organiser sur place des sessions avec Tommy Flanagan, Freddie Hubbard,
Abbey Lincoln… Par ailleurs, le label acquiert les droits sur des bandes de Charles
Mingus, Eric Dolphy, Ben Webster ou Hampton Hawes qui ajoutent une dimension
historique à Enja.
   
Mais en 1986, les deux associés, en désaccord sur
les orientations à prendre, se séparent à l'amiable, divisant le label et son catalogue en
deux entités distinctes –Enja Records Matthias Winckelmann et Enja Records
Horst Weber–, et jouent aux dés les noms des musiciens avec lesquels chacun
aura le droit de travailler à l’avenir! Après cet épisode, Matthias Winckelmann
s’investit encore davantage dans la scène new-yorkaise, produisant des
enregistrements pour Kenny Barron, Elvin Jones, Abdullah Ibrahim, Maria
Schneider ou encore Kevin Mahogany. Toutefois, à partir des années 1990, il
déplace progressivement le centre de gravité de son label du jazz de culture
vers les musiques européennes improvisées du pourtour méditerranéen (Rabih
Abou-Khalil, Dhafer Youssef, Renaud Garcia-Fons, Gianluigi Trovesi…) et les musiques actuelles. Parallèlement,
au début des années 2000, Horst Weber confie les rennes de son label à Werner
Aldinger (1958), lequel fonde aussi en 2008 sa propre maison de disques,
Yellowbird Records. Après la mort d’Horst Weber en 2012, Werner Aldinger
rejoint Matthias Winckelmann –tout en gardant le contrôle de Yellowbird Records
qui continue de gérer le fond de catalogue d’Enja Records Horst Weber–, opérant
ainsi, vingt-six ans après, la «réunification» d’Enja. L’ensemble compte
aujourd’hui plusieurs centaines de références dans le jazz, le blues, les musiques
improvisées, la world music et le classique. Enja a publié dernièrement, pour ce
qui est du jazz, des albums de Philip Catherine, Jacques Schwarz-Bart ou du Saxophone Summit de Dave Liebman, Joe Lovano et Greg Osby.
Jérôme Partage
Photo X, by courtesy of Enja Records
avec nos remerciements
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