Chris Barber
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2 mars 2021
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17 avril 1930, Welwyn Garden City, Hertfordshire , Angleterre - 2 mars 2021, Hungerford, Berkshire, Angleterre
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© Jazz Hot 2021
Chris Barber © photo X by courtesy of Wigt International / Wigt Productions Ltd
Chris BARBER
Another Jazz & Blues Band
Donald Christopher Barber, de son nom d’artiste Chris Barber, n'était pas seulement un bon tromboniste. Il fut aussi l’un des chefs de file
du mouvement qu’on a familièrement appelé le «trad boom anglais». Le jazz
traditionnel, selon l'expression trouvée en 1938 par son confrère américain
Turk Murphy (1915-1987) dans le moment de redécouverte des pionniers du jazz dans le courant des années 1930, fut victime après la Seconde Guerre mondiale de l'hostilité des critiques «progressistes» à partir de 1947, aux Etats-Unis, et surtout des impératifs du développement planétaire de la consommation de masse à destination de la jeunesse qui l'ont «ringardisé» en bloc et sans discernement. Mais le jazz traditionnel n'est pas,
contrairement aux poncifs des «progressistes» et des marchands, un espace musical homogène. Comme pour l'ensemble du jazz car ce débat existe aussi dans le jazz de nos jours et de toutes les époques, il y a eu un jazz traditionnel de culture, porté par les créateurs de cette musique issus de l’Afro-Amérique, et une version ludique et/ou professionnelle de cette expression, portée par la demande des musiciens et du public qui ont adhéré à l'esprit du jazz dès l'origine. Dans ce grand ensemble, il existe toutes les nuances qualitatives au niveau de l'expression, du «dixieland» en référence au surnom du sud des Etats-Unis (Dixie-Dixieland) jusqu'au jazz le plus enraciné, le plus blues, dans l'Afro-Amérique. De cet amalgame, méprisé, de tout ce qui a aussi été qualifié de «vieux style», dont la musique de New Orleans fit également les frais, il reste aujourd'hui à redécouvrir avec le recul une grande richesse (l'action de Wynton Marsalis y a beaucoup contribué), et parfois des parcours originaux comme celui de Chris Barber qui a su faire la synthèse de deux traditions populaires, l'américaine et la britannique. Chris Barber fut donc une vedette britannique notamment
du jazz traditionnel, mais pas seulement, du blues également, d'une certaine forme de variété sans nuance péjorative, un électron libre qui a acquis une solide culture jazz dépassant les générations, et qui fut grand public parce que le public aima sa musique sans bourrage de crâne médiatique et sans coterie institutionnelle avec subventions. Chris Barber a connu le succès, et il a
su le faire durer, grâce à une activité inlassable et une intelligence artistique de chef d'orchestre. Si Chris Barber est présent dans le New Grove Dictionary of Jazz (Ed. Barry Kernfeld), dans The Biographical Encyclopedia of Jazz de Leonard Feather et Ira Gitler, dans le Nouveau Dictionnaire du jazz de Philippe Carles, André Clergeat et Jean-Louis Comolli, il est paradoxalement absent du Dictionnaire du Jazz d'Hugues Panassié et Madeleine Gautier, également écarté d'une ligne par le disciple d’Hugues Panassié, Michel Perrin, dans l'Encyclopédie Larousse de poche/Histoire du jazz, mais présent en revanche dans le Who's Who of British Jazz de John Chilton qui complète le Who's Who du Jazz consacré au musiciens de jazz nés aux Etats-Unis. Cette liste ayant pour but de signifier que si Chris Barber a été déprécié avec condescendance par les «progressistes» et par les modes jeunistes et consuméristes des premiers temps de l'industrie mondialisée de masse de la musique au tournant des années 1960, il n'a pas plus été apprécié des «spécialistes» du jazz traditionnel qui l’ont copieusement méprisé parce que son inspiration populaire puisait également aux sources européennes… ce qui paraît pourtant une évidence pour un artiste européen se produisant surtout en Europe. On comprend ainsi que les débats et les enjeux de pouvoir dans le jazz sont plus complexes que les clichés de la querelle des raisins aigres et des figues moisies, et qu'ils n'ont pas fini de faire parler et écrire, y compris entre les rédacteurs de Jazz Hot, sachant qu’un débat reste plus sain que la normalisation de la pensée imposée en 2021 par le système totalitaire.
Le jazz est un des éléments constitutifs de la culture et la variété de son environnement génère une
diversité expressive. La langue étant un élément essentiel d'une
culture, il est naturel que la Grande-Bretagne se tourne vers les Etats-Unis: un effet «boomerang» en fin de compte. L'invention du piston a démocratisé l'usage
des cuivres. Le peuple s'en est emparé comme un dérivatif à ses conditions de
vie défavorables. Et c'est en Angleterre, en cours de révolution industrielle,
que naît le premier brass band en 1832 (dans une usine à Blaine). Cette formule
orchestrale, cuivres et percussions, est exportée, dès 1835, dans les divers
états d'Amérique du Nord. Cette année-là, à New Orleans, le métis Jordan B. Noble (1800-1890), joueur de tambour, lance le premier brass band local. Ne
revenons pas sur l'évolution qui s'y est opérée, réduisant l'effectif, et y associant d'abord la clarinette, ce qui
donne ainsi un marching band qui enfantera le jazz band(1). Quand on a remplacé les saxhorns par les saxophones, on aurait dû parler «d'harmonie», ce qui ne fut pas le cas; l'évolution va, les noms restent. En tout cas, la boucle est bouclée lorsque la
Grande-Bretagne adopte le jazz.
Cette musique populaire des brass
bands, formule prisée par l'Armée du Salut mais aussi dans les mines –cf. le film Brassed Off (Les Virtuoses) très émouvant dans l’Angleterre de Margaret Thatcher–, est une vraie «école» anglaise des
cuivres d'où sont sortis des professionnels de haut rang quel que soit le genre
ensuite adopté. En Angleterre, pour la trompette, il y eut en particulier George
Eskdale, futur soliste du London Symphony, qui fit des disques avec le Savoy
Havana Band, en 1923, le superlatif virtuose de variété George Swift, titulaire chez Jack Hylton en 1935-36, et l'un des premiers disciples européens d'Armstrong, Nat Gonella (1908-1998), apprécié de son modèle et
qui, avant Ken Colyer et Chris Barber, a enregistré aux Etats-Unis en 1939 avec Benny Carter, Buster Bailey, Billy Kyle et John Kirby! Pour le trombone,
citons le virtuose Don Lusher (1923-2006) et le jazzman Bob Hunt (né en 1959).
Certes Chris Barber est une exception anglaise. Il ne vient pas du milieu des
brass bands. Mais, dans son pays, il est impossible d'échapper à cette influence. Des documents filmés démontrent le poids de cette culture populaire. Et, à l'évidence auditive,
Chris Barber assimile aussi, au cours de son parcours, le côté smooth,
doux et chantant, de Don Lusher («Panama» avec Acker Bilk, 1996).
Michel Laplace (introduction par M. Laplace et Y. Sportis)
Photos et illustrations: Collection Michel Laplace, photo X by Courtesy of Wigt International/Wigt Productions Ltd, et images extraites de YouTube avec nos remerciements
Donald Christopher Barber, né en 1930 à Welwyn, dans le
Hertfordshire, débute la pratique du violon à 7 ans: un petit instrument pour
enfant. Quoi de plus normal puisque son père joue du violon? Puis, à l'école, il passe au violon pour adulte. Nous sommes en pleine guerre, et il est
évacué avec sa famille à Royston, toujours dans le Hertfordshire. Chris
poursuit ses études classiques de violon jusqu'en 1945. Jusqu'à l'âge de 12 ans, cette orientation l'empêche
d'apprécier la musique populaire et le jazz. En fait, c'est à l'école –la King
Alfred School de Royston– qu'il le découvre. Dès lors, il complète ses bases
musicales théoriques par l'oreille formée à l'écoute des disques. Chris devient
un collectionneur de disques, la marque même du passionné! Son premier disque est «Oasis» par
l'accordéoniste Eric Winstone (1913-1974), sorti en 1941 chez Columbia (FB
2710). Puis, il est vite passé à ceux de l'Original Dixieland Jazz Band et, de
1942 à 1951 environ, il collectionne les disques de Clarence Williams, Bennie
Moten, des McKinney's Cotton Pickers, Missourians, de Fletcher Henderson
(jusqu'en 1930), Coleman Hawkins, Charlie Parker-Erroll Garner («Cool Blues»), Bessie
Smith, Leroy Carr, Big Bill Broonzy. Il a même deux 78 tours de Robert Johnson
ce qui, à l'époque, est rare.
«Vers le milieu des années 1940, j'avais découvert que
les disques de jazz étaient une denrée rare et que certains disques publiés ici
n'étaient pas disponibles en Amérique et valaient donc beaucoup d'argent. Je
suis devenu un échangeur de disques en achetant, en vendant et en constituant
une énorme collection personnelle à partir de cette combine. Quelque chose dans
le côté mathématique des numéros de matrice m'a fasciné, car j'ai toujours aimé
les mathématiques à l'école… Je dois dire que
j'étais complètement absorbé par la musique, et ces années de collection m'ont
donné une base inestimable lorsque j'ai commencé à jouer.» On ne
s'étonnera pas que Chris Barber ait, parmi les musiciens anglais, la réputation
d'une bonne culture en jazz et blues, c’est une démarche habituelle à
l'époque. On est soit collectionneur, soit on va chez un collectionneur
découvrir la musique. La littérature naissante à propos de la musique de jazz n'est pas non plus sans
conséquence.
Nous savons que l'ouvrage Jazzmen de Frederic Ramsey, Jr. et Charles Edward Smith, sorti en
1939 aux Etats-Unis, y a entraîné la naissance d'un activisme pour la remise en
selle des vétérans de New Orleans, avec plus de romantisme que de compétence,
et cela a engendré une documentation nouvelle pendant que l'Europe était
en guerre. On enregistre Kid Rena (1940, parce que Bunk Johnson n'est pas
prêt), puis Bunk Johnson (à partir de 1942), Wooden Joe Nicholas (1945).
Parallèlement sur la côte Ouest, Kid Ory se remet en état de service. Après
Rudi Blesh (1899-1985), organisateur d'un concert historique au Geary Theatre
de San Francisco réunissant Bunk Johnson et Kid Ory, le dimanche 9 mai 1943, Orson Welles (1915-1985) lance Kid Ory à la radio à la tête de Mutt Carey (tp),
Jimmie Noone (cl), Zutty Singleton (dm). Puis en 1945, Bunk Johnson et son
orchestre (Jim Robinson, tb, George Lewis, cl, Baby Dodds, dm) quittent New
Orleans pour faire sensation à New York dès leur premier engagement au
Stuyvesant Casino. Ces deux chefs de file, Ory et Bunk, font des disques qui
seront exportés. Mais Bunk Johnson crée la polémique. La meilleure des
publicités! Sa façon de jouer, dont son timing, n'est pas celle connue
jusqu'ici en «jazz classique». Son excellente séance à New York, pleine de
drive, pour Decca, le 21 novembre 1945 est une approche aussi nouvelle que
celle de Dizzy Gillespie avec Charlie Parker à peine avant (mai 1945, Cozy
Cole, dm: «Groovin'
High»; mai 1945,
Sid Catlett, dm: «Hot House»). En
France, Charles Delaunay (1911-1988), d'après sa lettre à Carlos de Radzitzky
(1915-1985) en date du 21 juillet 1945, est le premier à saisir l'intérêt d'un
purisme contrebalançant des excès: «Un sain mouvement a pris corps aux E.U. entre les lamentables spécimens du
soi-disant jazz moderne pour le vrai jazz de la Nouvelle Orléans, derrière des
types comme William Russell et [Gene] Williams»(2). C'est aux Etats-Unis que naît
le combat figue moisie (Rudi Blesh) contre raisin aigre (Barry Ulanov), ou de
Baby Dodds versus Max Roach (émissions de radio, 1947). Comme quoi les
montagnes (rythmiques) se rencontrent, il suffit pour cela d'oppositions
publicitaires. Mais l'heure est à la bataille. Il n'y a d'ailleurs aucune
raison pour que les gens soient d'accord puisqu'il n'y a pas deux cerveaux
identiques. Beaucoup délèguent la réflexion à des meneurs, ce qui donne des
clans qui paraissent artificiellement homogènes. On installe, par amour des
racines ou par conviction progressiste, une lutte entre le purisme attribué aux
vétérans néo-orléanais récemment
découverts, contre les solistes de la Swing Era finissante puis du bop naissant.
Hugues Panassié (1912-1974) a mis le doigt sur le principal instigateur du
conflit, Leonard Feather (Jazz Hot n°6, avril 1946, p.7). Feather
(1914-1994), natif de Londres qui s'installe aux Etats-Unis en 1939, est surnommé
Mr Plume par Panassié. Pas de doute qu'il laissera des plumes progressistes un
peu partout.
On a gommé cela aujourd'hui, mais ce n'est pas sans importance dans
l'émergence de vocations comme celles de Chris Barber et Ken Colyer. Du côté de
Rudi Blesh, il y a le tromboniste Jimmy Archey (1902-1967) qui sera après
Honoré Dutrey, la deuxième influence dans l'évolution du style de Chris Barber.
Et c'est en 1947 que Barber écoute les Dixielanders du pianiste George Webb
(1917-2020) qu'on présente comme le point de départ du «trad boom anglais».
Webb cherchait à recréer le style de King Oliver.
Chris Barber qui
termine ses études générales à la St. Paul's Hammersmith de Londres, veut faire du jazz et jouer du trombone. En 1948, Harry Brown est le tromboniste
chez l'estimable trompette et clarinettiste Humphrey Lyttelton (1921-2008),
époque où George Webb est son pianiste. C'est ce Harry Brown qui vend un instrument à
Chris Barber pour la somme de huit livres. Chris débute en autodidacte puisqu'on
pense alors que c'est le bon moyen pour «sonner jazz», confondant technique
instrumentale et principes musicaux. Chris ne tarde pas à en jouer pour des
engagements des Backroom Boys de la chanteuse Beryl Bryden (1920-1998). Chris
se joint aussi, à l'occasion, au trompette Doug Whitton, également
collectionneur de disques: «Il m'a gentiment remercié après quelques semaines parce
que je n'étais pas assez bon.». Chris joue deux semaines avec le clarinettiste Cy Laurie
(1926-2002): «Il m'a renvoyé parce que je ne jouais pas assez fort.» Chris pense
alors que la solution pour lui est d'être chef d'orchestre! Il monte sa
première formation en 1949 avec le cornettiste Ken Colyer (1928-1988) qu'il a
rencontré avec son frère, joueur de washboard, Bill Colyer (1922-2009), à
Cranford où ils ont été élevés. Le groupe a fait deux répétitions dans un pub,
le Hare's Foot dans Goodge Street, à Londres, c'est tout. Ken Colyer entre au
sein du Crane River Jazz Band, formation
à deux cornets avec Sonny Morris (1928-2001). Il y avait là aussi le clarinettiste Monty Sunshine (1928-2010) et le batteur
Ron Bowden (né en 1926). Les Cranes ont fondé leur style sur la musique brute,
faussement simple, de tradition néo-orléanaise telle que jouée par des
musiciens qui sont restés au pays comme Bunk Johnson et George Lewis.
En 1951, Ken Colyer quitte cet orchestre et retourne dans la marine marchande qu'il avait
quittée en 1948. C'est à cette occasion qu'il débarque à Mobile, AL, en octobre 1952, puis
se rend en bus, le 10 octobre, à New Orleans. Il est le premier musicien professionnel européen à avoir fait ce pèlerinage formateur. En pleine ségrégation, il
participe à des jam sessions avec George Lewis en 1952-53 et fait une première
séance mixte en décembre 1952 (Raymond Burke, cl, Alcide Pavageau, b). Après un
séjour en prison, Dick Allen (1927-2007), futur archiviste à l'Université
Tulane (1958-1980) l'aide en février 1953 à constituer un orchestre de vétérans
locaux: Harrison Brazlee (tb), Emile Barnes (cl), Albert Glenny ou George
Fortier (b), Albert Jiles (dm) avec le jeune Bill Huntington (bjo), ami du
clarinettiste. C'est, pour l'orthodoxie du genre, une totale réussite («Gravier
Street Blues», «New Orleans Hop Scop Blues», Vogue LDE 161). Ken Colyer devient
en Grande-Bretagne l'emblème de la pureté du jazz traditionnel. Il n'est pas un
virtuose. Il s'inspire pour le cornet de Mutt Carey, Natty Dominique, Coo Coo
Talbert, Kid Thomas (jeu avec le derby) et pour le style orchestral de Bunk
Johnson(3). Fort de ses goûts et de son expérience, Ken Colyer devient la référence
britannique dans son domaine.
C'est Hugh Middleton qui a d'abord remplacé Ken Colyer chez Chris Barber. Cet orchestre amateur grave quatre titres en octobre 1949.
Il y a déjà Alexander «Alex» Revell (né en 1929), disciple de Johnny Dodds. La
musique relève d'une réplique des disques de jazz classique des années 1920.
Chris sait faire les glissandos, mais il n'est à ce stade qu'un sympathique
débutant. Fin 1949 à début 1950, Alex et lui jouent au sein des Original
Dixielanders du cornettiste Reg Rigden, ex-musicien de George Webb.
Chris Barber organise ensuite, toujours
avec Alex Revell une formation à deux trompettes (Keith Jary, Ben Cohen) pour
jouer dans l'idiome de King Oliver. Il ne laisse qu'un enregistrement pour le
label Esquire («Oh Didn't He Ramble», mars 1951). Il faut savoir que le
collectionneur Chris Barber possède bon nombre de 78 tours Gennet, OKeh et
Paramount du Creole Jazz Band d'Oliver (1923). Et naturellement sa première
influence est Honoré Dutrey. Seul Ben Cohen (décédé en 2002) reste à ses côtés
pour un bien sympathique «Whoop It Up» en tempo moyen réalisé en août 1951,
mais Chris est à la contrebasse! Il s'intéresse à Pops Foster. Conscient de ses
limites, Chris Baber étudie le trombone et la contrebasse à la fameuse Guildhall
School of Music (1951-54). C'est en 1951 aussi qu'il quitte un travail dans une
compagnie d'assurance. Son orchestre à deux cornets fait une série
de 78 tours d'octobre à décembre 1951 («Misty Morning», Tempo EXA6). Ben Cohen
est épaulé par le remarquable Dickie Hawdon (1927-2009) qui jouera pour Tubby
Hayes, John Dankworth et même comme concertiste classique. Il est resté chez
Chris Barber jusqu'en 1952.
Il est intéressant de noter combien le
Creole Jazz Band, cette formation historique à deux cornets (King Oliver, Louis
Armstrong), est à l'origine d'un mouvement de jazz traditionnel mondial. Il en
est allé ainsi pour Turk Murphy au sein du Yerba Buena Jazz Band du trompette
Lu Watters (1911-1989) à San Francisco (Bob Scobey, tp2, disques Good Time
Jazz), puis pour Claude Luter à la tête des Lorientais dès 1947 (Pierre Merlin,
Claude Rabanit, cnt) avant Chris Barber. Un point de départ commun qui
esthétiquement évoluera différemment lorsque Turk Murphy joue et enregistre
avec Bunk Johnson (1944) et que Claude Luter se trouve tracté par Sidney Bechet
(dès 1949). L'évolution de Chris Barber sera celle de Turk Murphy par l'intermédiaire
de Ken Colyer. A noter pour l'anecdote que Chris Barber, comme Raymond Fonsèque
en 1949, a brièvement tripoté un sax soprano. Mais si la France tombe pour
longtemps sous le charme du charismatique Sidney Bechet, il n'en sera pas ainsi
en Grande Bretagne malgré la coopération du grand maître avec Humphrey
Lyttelton (séance à Londres en novembre 1949). Lyttelton est ensuite passé du
côté de Buck Clayton pour un jazz mainstream tel que le concevait le critique
britannique Stanley Dance (1910-1999)(4). Non, le jazz traditionnel n'est pas
monolithique pas plus que le jazz de tradition (subtilité).
L'orchestre oliverien de Chris Barber fait
l'ouverture d'un club, le Studio 51 appelé le Lincoln Gardens! Il y joue
d'abord le dimanche après-midi, puis, en plus, le jeudi après-midi. Notons au
passage que Ken Colyer, guitariste, et Chris Barber en tant que chanteur ont en
1951, chacun de leur côté, participé au lancement des petits ensembles dits
skiffle. Et dans les deux cas avec le guitariste Alexis Korner (1928-1984).
C'est une sorte de musique folklorique qui s'inspire du country et du blues(5). Côté jazz, Alex Revell et les autres ne
veulent pas suivre Chris Barber sur la voie du professionnalisme. En septembre
1952, Chris Barber enregistre à
Copenhague avec des traditionalistes danois comme Jeppe Espen Larsen (cnt) et
Buster Brunn (cl, vcl). Mais Chris s'est lié avec Monty Sunshine (cf. supra). En
septembre 1952, Chris organise donc un quintet qui comprend Monty Sunshine,
Lonnie Donegan (b), Jim Bray (b) et Ron Bowden (dm) et qui répète
régulièrement. Avec l'addition du solide Pat Halcox (1930-2013) à la trompette,
le groupe joue au Club Creole de Londres de décembre 1952 à janvier 1953.
Halcox refuse alors de passer professionnel.
En 1953, Chris écrit à Ken Colyer pour
qu'il revienne de New Orleans, afin de prendre la tête de son orchestre. Les Ken Colyer's Jazzmen sont nés. Ken le forme sur le modèle des six-piece bands sans piano des disques
Bunk Johnson-George Lewis pour le label American Music de Bill Russell: Ken Colyer
(cnt), Chris Barber (tb), Monty Sunshine (cl), Lonnie Donegan (bj), Jim Bray (b), Ron Bowden
(dm). Une réussite artistique, première dans le genre en Europe. Le groupe joue
au Danemark, et ce séjour à Copenhague laisse un disque réalisé en avril 1953.
Les progrès de Chris Barber sont nets, et il montre ici qu'il sait jouer dans le
style de Jim Robinson, ce qui, couplé au style de clarinette inspiré de George
Lewis et au drumming influencé par Baby Dodds de Ron Bowden, rend leur version
de «Blue Bells Goodbye» digne de celles de Bunk Johnson. Rentré à Londres,
l'orchestre grave quelques ragtimes en novembre 1953. L'exercice n'est pas
fréquent à l'époque, car délicat. Chris Barber, respectueux du texte, joue bien,
dans le style adéquat: «Harlem Rag» de Tom Turpin (1899) et «Cataract Rag» composé par
Robert Hampton en 1914 (New Orleans to London, Decca FL 1152).
L'orchestre passe au Royal Festival Hall de Londres le 16 avril 1954. Mais Ken
Colyer est pointilleux, exigeant sur le style, et c'est la rupture: «A la fin,
cependant, les personnalités se sont affrontées à un degré alarmant, et après
une scène orageuse au London Jazz Center, nous avons donné à Ken un préavis de
deux semaines, juste avant qu'il ait l'opportunité de virer toute la section
rythmique» (Chris Barber).
En mai 1954, le même orchestre retrouve la direction
de Chris Barber, et Pat Halcox accepte de devenir professionnel et de succéder à
Ken Colyer. Chris n'a pas été insensible à l'orchestre du tromboniste Wilbur De
Paris qui a enregistré en 1952 «The Martinique» dont Chris fait un remake pour
Decca, à la tête de son équipe, le 13 juillet 1954. On notera le caractère créole de l'arrangement du «New Orleans Blues» de Jelly Roll Morton enregistré le même jour. C'est un succès, et
Chris coiffe au poteau la plaisante version du Dixieland Band de Teddy Buckner enregistré pour Gene Norman à Hollywood, le 6 février 1955, avec l'excellent Joe Darensbourg (cl, ss) et William Woodman, Sr. (tb) –père de William, Jr. (ts) et Britt (tb), amis d'enfance de Charles Mingus–; William Woodman, Sr. a été de toute évidence une inspiration pour Chris.
De son côté, Ken Colyer
monte un orchestre de transition, qui révèle le clarinettiste Acker Bilk
(1929-2014) qui à cette date est aussi un disciple de George Lewis («Lord,
Lord, Lord», septembre 1954). En 1954, on commercialise toujours des 78
tours en plus des 45 tours et 33 tours. Le label Decca anglais dispose des deux
piliers qui font le «trad boom», les Ken Colyer's Jazzmen et le Chris Barber's
Jazz Band. On en oublie l'excellent mainstream du trompette Kenny Baker
(1921-1999) et les hardiesses du trompette Jimmy Deuchar (1930-1993) dans le
groupe du sax ténor Ronnie Scott (1927-1996). Et déjà, au Pythian Temple de New
York, Milt Gabler (1911-2001) –à qui le jazz genre Eddie Condon (autre facette
du jazz traditionnel) doit beaucoup–, enregistre pour Decca, le 12 avril 1954
«Rock Around the Clock» par Bill Haley (g, voc) & his Comets (Joey
D'Ambrosio, ts, Danny Cedrone, Billy Williamson, g, Johnny Grande, p, Marshall
Lytle, b, Billy Gussak, dm). En Angleterre, le rock & roll, langue oblige,
y sera d'ailleurs adopté plus vite qu'ailleurs dans les classes défavorisées.
Mais pour l'instant ce n'est pas le raz-de-marée. C'est toujours les Etats-Unis
qui donnent le ton. Pas trop pour la musique savante, bien qu'en cette année la Sonate pour trompette de George Antheil (1900-1959), écrite trois ans
plus tôt, est créée à New York, le 20 février 1954, à la Columbia University
par… une femme trompettiste, Edna White, qui faisait déjà des disques en 1920! Quatre mois plus tard, le 2 juin 1954, Norma Carson joue splendidement de
la trompette bop au cours d'une séance féminine de Terry Pollard & Her
Septet («Cat Fleet Chick», «Mamblues»). A méditer pour les musiciennes du XXIe siècle qui pensent que tout commence avec elles. Les Etats-Unis sont avant tout le pays du
jazz. Et il va bon train. Sur la Côte Ouest, Shorty Rogers réunit le gratin du
coin à Los Angeles, de février à mars, pour visiter le répertoire de Count
Basie (Conrad Gozzo, tp1, Maynard Ferguson, Harry Edison, tp, Milt Bernhart,
tb, Bob Enevoldsen, vtb, John Graas, frh, Bud Shank, as, Jimmy Giuffre, cl-ts,
Bill Holman, ts, Marty Paich, p, Shelly Manne, dm, etc) et Gene Norman présente
le Max Roach-Clifford Brown Quintet à l'Auditorium de Pasadena (Teddy Edwards,
ts, Carl Perkins, p). Mais on y aime aussi l'orchestre de Kid Ory dont la
front-line en mai-juillet est 100% néo-orléanaise (Alvin Alcorn, tp, Albert
Burbank, cl), et celui de George Lewis qui passe au Club Hangover de San
Francisco (Kid Howard, tp, Jim Robinson, tb). A New Orleans, l'Eureka Brass
Band du trompette Percy Humphrey parade avec ses confrères Willie Pajeaud et
Kid Sheik (Albert Williams, sn dm, Robert Lewis, b dm). Le brutal Kid Thomas
(tp) fait danser au Moulin Rouge, entre autres sur le succès de Big Joe Turner, «Shake
Rattle and Roll», sans rien changer à sa manière (Sammy Penn, dm), tandis que les
pas moins vétérans Peter Bocage (tp) et Emile Barnes (cl) laissent en quintet
avec guitare électrique (Homer Eugene) la meilleure trace de leur passage sur
terre (Albert Jiles, dm). Enfin, l'historique Oscar Celestin (tp) joue avec le
saxophoniste Adolphe Alexander pour les touristes et, en avril, il réalise sa
dernière séance (Louis Barbarin, dm). Relevons au passage que pour leur «musique
pour toute occasion», ils n'ont pas d'instrumentation figée. Le drumming de la
région fait la particularité de ces groupes locaux qui ne ressemblent à rien
d'autre dans le fourre-tout du jazz traditionnel.
1954: mauvaise année pour la
trompette, Oscar Celestin nous quitte le 15 décembre et, avant lui, Frank Newton
le 11 mars et Hot Lips Page le 5 novembre. A New York, Red Allen passe au
Metropole avec Cozy Cole (dm) et Chet Baker au Birdland. Buck
Clayton enregistre des jam sessions pour Columbia (Joe Newman, Urbie Green,
Julian Dash, Jo Jones). Le Grand Orchestre de Count Basie est en tournée en
Europe (Gus Johnson, dm), tandis que le Jazz at the Philharmonic passe par
Paris le 5 mars (Roy Eldridge, Charlie Shavers, tp, Benny Carter, as, Flip
Phillips, ts, Jo Jones, dm, Ella Fitzgerald, voc). A l'inverse, Henri Renaud
est à New York pour le label Vogue et il enregistre avec J.J. Johnson, Milt
Jackson, Percy Heath (le 7, «Jerry Old Man») et avec Kai Winding, Al Cohn, Tal Farlow,
Oscar Pettiford et Max Roach (le 21, «Rhumblues» avec du violoncelle en
re-recording). Norman Granz enregistre Dizzy Gillespie avec Hank Mobley (mai),
en big band (septembre; Buster Harding, arr) et avec Roy Eldridge (octobre).
Pour le label Prestige, après un excellent «Walkin’» avec Lucky Thompson
(avril), Miles Davis doit cohabiter avec Thelonious Monk (Milt Jackson, Kenny
Clarke, décembre: «Bags Groove»). Monk est par ailleurs à la même affiche que
le quartet de Gerry Mulligan (Bob Brookmeyer, vtb), Mary Lou Williams, Martial
Solal et le mainstreamer Jonah Jones au 3e Salon du Jazz à Paris du 1er au 7 juin, organisé par Charles Delaunay et Jacques Souplet. De
son côté, en novembre, le Hot Club de France organise la tournée
France-Belgique de Mezz Mezzrow qui a recruté Jimmy Archey (tb), Claude Bolling
(p), Freddie Moore (dm) et le fameux Néo-Orléanais Lee Collins (tp) hélas
souffrant. A la même époque, Sidney Bechet accompagné par l'orchestre de Michel
Attenoux (Guy Longnon, tp, Raymond Fonsèque, tb) joue à
Bruxelles. Après le concert, les organisateurs ont fermé la salle et sont
partis laissant les musiciens rentrer seuls à pied jusqu'à l'hôtel. La vie
d'artiste! Un peu avant, Coleman Hawkins a triomphé à la Salle Pleyel en
compagnie de John Acea (p), Joe Benjamin (b), Osie Johnson (dm) à la même
affiche qu'Illinois Jacquet et Sarah Vaughan (11 octobre). Puis le big band de
Lionel Hampton avec Nat Adderley (cnt) et le Néo-Orléanais Wallace Davenport
(tp) s'installe à l'Olympia pour 21 jours à partir du 24 novembre (Rufus Jones,
dm). Et enfin l'Académie du Disque Français, dont le jury est présidé par Edgar
Faure, décerne le 2 décembre son prix du disque de jazz à Lionel Hampton pour une
séance parisienne de l'année précédente à laquelle Claude Bolling et Mezz ont
participé. Mais l'année avait commencé par une chanson enregistrée le 14
janvier sous le nom de Bernard Peiffer, «Paris je t'aime d'amour» de Victor
Schetzinger et Henri Bataille, que l'interprétation de Roger Guérin (tp) transforme en chef-d'œuvre(6). Dans ce qui
paraît aujourd'hui être un rêve, c'est Louis Armstrong qui siffle la fin de la
récréation. Louis s'impose une fois de plus en enregistrant à Chicago, en
juillet 1954, l'album Louis Armstrong Plays W.C. Handy (Columbia CL 591)
avec Trummy Young (tb), Barney Bigard (cl), Billy Kyle (p), Arvell Shaw (b) et
Barrett Deems (dm, pas dans le style néo-orléanais). Satch est, à 53 ans, en
pleine forme artistique et physique. Pourtant, les tenants du progressisme pour
le discréditer ne cessent de parler de problèmes de lèvres (que Louis
surmonte), de dire qu'il est trop vieux (même argument que pour Bunk) et qu'il est
désuet. Dans quatre ans à Newport, Leonard Feather osera conseiller à Pops de
changer de style! Malgré la grandeur de Satchmo, pour la projection du film The
Glenn Miller Story, en Afrique du Sud, on a coupé le passage où il apparaît
parce qu'il montrait des musiciens noirs et blancs ensemble (Jazz Journal,
novembre 1954). L'offre musicale paraît exceptionnelle aujourd'hui, elle est la
norme à cette époque. Dans ce contexte, il est tout à fait méritant pour Chris
Barber et Ken Colyer, gouttes dans l'océan, de s'être faits mieux que
remarquer!
Chris Barber est un pragmatique. Il saura progressivement
toucher un peu à tout, jusqu'aux thèmes de Mingus et Zawinul, en plus d'un jazz
traditionnel qui n'aura plus dans son orchestre le beat propre à la
Nouvelle-Orléans. Envers Chris Barber, les «spécialistes» pointeront le
commercialisme, alors que dix ans plus tard, un Miles Davis ayant quitté le
post bop pour le rock et la fusion, sera un génie! Chris Barber, «c'est de la complaisance», Miles Davis, «c'est de
l'art». De son côté, Ken Colyer fidèle à ses convictions –ce qui ne répond pas au jeunisme qui se développe– verra sa notoriété se réduire à une poignée de connaisseurs. Chris Barber
devient une vedette pour le grand public, Ken Colyer une légende pour quelques-uns. En
1955, Ken monte de nouveaux Jazzmen: Mac Duncan, disciple de Jim Robinson (tb)
et Ian Wheeler (cl) pour la front line, soutenue par le pianiste Ray Foxley et par le
batteur Colin Bowden (né en 1932) sans parenté avec son aîné Ron du même nom.
Si Colin a déclaré que ses influences sont Sid Catlett, Art Blakey et Baby
Dodds, c'est surtout ce dernier qu'il met en évidence à la satisfaction de Ken Colyer(7).
Comme l'a décrit André Clergeat, Chris Barber est un «manager plein de ressources». En septembre 1954, pour
Columbia, en 78 tours et en 45 tours, Chris Barber et son équipe enregistrent
pour une raison évidente «White Christmas» et «On a
Christmas Day». Quatre ans
plus tard, un 12 décembre, Sidney Bechet fera aussi son disque de Noël! Et
puis, ce n'est pas le morceau qui compte, mais la façon de le jouer. L'orchestre
de Barber tourne une fois de plus au Danemark où il laisse un nombre conséquent
d'enregistrements. Pour son concert au Royal Festival Hall de Londres, le 30
octobre, Chris invite le sax alto jamaïcain Bertie King (1912-1981). Depuis
l'été, la chanteuse Ottilie Patterson (1932-2011) est à l'occasion invitée par
l'orchestre. Elle est engagée le 1er janvier 1955(8). Suivent avec elle, une
série d'enregistrements réussis digne de l'époque des Black Pearls des années
1920. Bessie Smith est l'idole d'Ottilie qui est aussi crédible dans le genre
qu'une Carol Leigh: «Reckless Blues» (bon solo avec plunger de
Chris), «Poor Man's
Blues» (introduction de Chris à la Charlie Green), «Trouble in Mind» (vaut aussi pour Halcox), «Make Me a Pallet on the Floor» (Monty a assimilé le meilleur
de George Lewis), «Jailhouse Blues», «Lowland
Blues» (Ottilie joue
très low down au piano), «How Long Blues» sont très recommandables. A
ce stade, il y a une nette parenté de style entre Chris Barber et Raymond
Fonsèque (introduction de «Trouble in Mind»). Soulignons l'excellente version de «Brownskin Mama» du 13 janvier 1955 qui permet d'apprécier Chris à la
contrebasse (bon passage en slap) et la dynamique interprétation de «Tuxedo Rag» du 18 mars 1955 qui vaut pour
le retour de Ben Cohen dans cette version à deux trompettes. Enregistré en octobre
1956, sorti en 1957, le 33 tours 25 cm Chris Barber Plays offre un «Texas Moaner» de qualité pour les
interventions pleines de feeling de Pat Halcox et la musicalité de Monty
Sunshine qui s'écarte de George Lewis. Chris Barber s'y montre bon spécialiste
du blues lent. Et sur le même album, il y a «Petite Fleur» de Bechet sans les cuivres, joué par Monty Sunshine accompagné par Dick Bishop
(g), Dick Smith (b) et aux balais, Ron Bowden (dm). Le solo de guitare est complaisant.
La partie de Monty Sunshine est désormais jouée avec une expressivité proche de celle
de Claude Luter. Contrairement à ce qu'on a pu lire, la version de Monty Sunshine
pour le compte de Chris Barber est postérieure à celle de Bechet réalisée le 21
juin 1952. En tous les cas, cette version par Monty Sunshine est un énorme succès au
début de 1959: en plus d'entrer dans le top cinq
des pops britanniques, le disque s'est infiltré dans le Top Ten allemand et
s'est frayé un chemin jusqu'au n°2 du classement American Top Hundred des
ventes. Le public
ne cherche pas à savoir qui est à l'origine, pas plus qu'il ne s'intéresse de
savoir si Elvis Presley s'est inspiré d'Arthur Big Boy Crudup.
En janvier 1958, nouveau changement dans la rythmique,
Graham Burbidge remplace Ron Bowden. Elle ne s'exprime plus dans le style New
Orleans (Baby Dodds, Zutty Singleton, Cie Frazier) mais dans un genre plus
fébrile typiquement dixieland. En avril et mai, l'orchestre invite les bluesmen
Sonny Terry (hca) et Brownie McGhee (g). Chris avait déjà sollicité Big Bill
Broonzy et Big John Sellers (février 1957), Sister Rosetta Tharpe (décembre
1957). Des titres de la tournée de Muddy Waters et Otis Spann avec l'orchestre
Barber ont été publiés, en octobre 1958, sur disque. Après Muddy, Chris Barber
s'assurera les services de Memphis Slim, Roosevelt Sykes, Curtis Jones, Jesse
Fuller. Un vrai Who's Who du blues!
En janvier 1959, Monty Sunshine rend un nouvel hommage à
Bechet en jouant «Si tu vois ma mère» dans l'album Chris Barber Bandbox vol.1 qui
propose aussi «The Golden Striker» de… John Lewis. Le leader développe ses
compétences d'arrangeur. Grâce au succès, Chris peut organiser une tournée aux
Etats-Unis. C'est très fort car, a priori, on a tout ce qu'il faut là-bas dans le
genre. L'orchestre a été enregistré au Shubert Theatre de Detroit, le 25
février 1959. Chris Barber est maintenant un très habile tromboniste. On peut
en juger dans «Sweet Sue,
Just You» interprété
sur tempo vif avec le seul concours de la rythmique.
Tout arrive! Chris est à
New Orleans en mars 1959. Des membres de l'orchestre –Pat Halcox, Chris Barber, Monty Sunshine, Dick Smith– rencontrent en public dans la galerie d'art de Larry
Bornstein, futur Preservation Hall, des traditionalistes locaux: le couple De De Pierce (cnt) et Billie Pierce (p, voc), Paul Crawford (tb) et Paul Barbarin
(dm). Retour au purisme pour l'occasion. La bande magnétique a d'abord connu
une diffusion confidentielle en 33 tours (Rarities 13). Au cours de ce séjour,
Chris a rencontré à Long Island Clarence Williams et sa femme chanteuse, Eva
Taylor. Du coup, il a produit une séance d'enregistrement avec les musiciens de
Clarence Williams. Le pianiste étant malade, il est remplacé par Don Frye (1903-1981). La direction
d'orchestre est confiée à Cecile Scott (cl). Les autres musiciens étaient Eddie
Allen (tp), T-Bone Jefferson (tb), Leonard Gaskin (b), Floyd Casey (whb). Phénomène historique, le 23 mai 1959, le Chris Barber's
Jazz Band joue dans le Deutschhalle de Berlin, rarement plein, d'une capacité
de 12 000 places. Et bien, pour cette nuit, toutes les places ont été vendues à
l'avance. Et le public comprenait 3 000 Allemands de l'Est qui avaient traversé
la frontière pour voir le groupe (le mur fut dressé plus tard, le 13 août
1961)! En décembre 1959, son orchestre se produit en Angleterre avec Champion
Jack Dupree.
De retour à Londres, Chris Barber réalise l'album Elite
Syncopations. Là aussi, on constate une similitude d'approche avec Raymond
Fonsèque, également passionné de ragtime. Dans plusieurs titres, très
virtuoses, Chris Barber joue 3 ou 4 parties de trombone en re-recording,
seulement soutenu par la rythmique («Bohemia Rag», «Reindeer Rag»). Halcox et Sunshine sont aussi compétents dans l'exercice du ragtime à
jouer dans l'esprit et en respectant la lettre («Elite Syncopation»). Avec Ottilie Patterson c'est ensuite un nouvel
album enregistré en juillet 1960 et consacré au blues (thèmes de Memphis
Minnie, Leroy Carr, Trixie Smith, Bessie Smith, Ruth Brown, des
originaux d'Ottilie). Après tout, Muddy Waters n'a-t-il pas dit de Barber: «I'm crazy about that band, that's a
wonderful band... those cats wail just like coloured people (Je suis dingue de cet orchestre, c'est un orchestre
merveilleux... ces cats se lamentent comme des gens de couleur)».
Chris Barber repart faire une tournée aux Etats-Unis avec
son orchestre régulier. A la fin de celle-ci, en novembre 1960, il obtient de
l'American Federation of Musicians le droit d'y enregistrer en studio avec les
musiciens de son choix. Après Nat Gonella et Colyer, le voilà qui réalise son
disque de rêve au pays du jazz, supervisé par Stanley Dance. Un défi qui lui
impose d'être à la hauteur du rêve. Ni le trompette Digby Fairweather pour le New
Grove Dictionary of Jazz, ni le couple Leonard Feather-Ira Gitler dans la Biographical
Encyclopedia of Jazz n'oublient de mentionner ce disque. Chris choisit
Sidney De Paris (tp) bien connu pour ses disques avec son frère Wilbur, Edmond
Hall (cl) du All-Stars de Louis Armstrong, Hank Duncan (p) un grand oublié du
stride (séance Bechet-Ladnier en 1932) et Hayes Alvis (b) autre complice de
Wilbur De Paris. Chris aurait voulu le batteur de Jelly Roll Morton, Tommy
Benford mais il était pris par un engagement à Boston. C'est Alvis qui a amené
Joe Marshall, successeur de James Crawford chez Jimmie Lunceford. Eh bien, même
Hugues Panassié a aimé ce disque: «Du Chris Barber comme celui-là, on en écouterait souvent!
Sidney De Paris est un des deux éléments d'intérêt majeur du disque. L'autre en
est le splendide jeu de la section rythmique… le coriace Edmund Hall joue avec
beaucoup plus de feeling que d'habitude… Reste Chris Barber. Dans les
ensembles, ça pourrait encore passer, mais en solo… Ses phrases ne seraient
pas mauvaises (un peu le genre Jimmy Archey) mais il les exécute presque
toujours fébrilement, et son timing en souffre… Passons sur ce défaut
en songeant que sans lui ce disque n'eût pas été enregistré.» (Bulletin du HCF n°164,
janvier 1967, p.14-16). Une critique sévère comme celle-ci nous vaudrait la
foudre aujourd'hui. Pour nous, Chris Barber joue remarquablement bien dans «Oh! Baby». Edmond Hall est parfait dans«See See Rider» et Sidney De Paris s'impose
en effet partout, souvent avec une sourdine harmon et même comme chanteur dans «Baby Won't You Please Come Home» (où Hank Duncan est
délicieux). Leur «Tishomingo Blues» est, selon nous, un chef-d'œuvre. Même Jazz Magazine (n°139, février 1967) accorde à ce disque un 7/10 sous la responsabilité de
Michel Boujut («un instant privilégié de grâce naïve. C'est ce jazz qu'eût aimé le
Douanier Rousseau») tandis que Jazz Hot (n°224, octobre 1966) offre 3 étoiles et demi sur 5 (Bernard Niquet), alors
qu'Ornette Coleman en a 5 (Town Hall, 1962) et Don Cherry 4 et demi (Complete
Communion). C'est pour Barber une performance dans une époque où, déjà, le
jugement est soumis au terrorisme de la nouveauté (musicale, non de publication). Il faut savoir qu'un autre album, Free Jazz par Ornette
Coleman, arrivé en France avec cinq ans de retard sur les Etats-Unis –«un disque parfaitement
inaudible, inintéressant, et qui est loin de faire honneur à la musique de jazz» selon Martial Solal (Jazz
Magazine n°115, février 1965, p.51)(9)– a brutalement modifié le comportement
des critiques et de leurs lecteurs. On est ornettiste ou on est… réactionnaire! Le brave Chris Barber, anglais qui plus est, sortira des radars
dans lesquels il n'a jamais beaucoup été. Ce LP américain est l'exception
consensuelle de sa carrière auprès des «spécialistes».
Peu importe, car Chris Barber est au sommet de sa
popularité qui entraîne en 1960 un engouement dont bénéficie tout le «trad boom». Kenny
Ball (tp, 1930-2013), Sandy Brown (cl, 1929-1975), Acker Bilk profitent ainsi du succès du «trad boom» porté par Chris Barber, et Monty Sunshine quitte Barber pour faire cavalier seul. Pour remplacer Monty Sunshine, Chris Barber débauche Ian Wheeler
(1931-2011) chez Ken Colyer qui alors lancera Sammy Rimington (cl, as). Dès le
31 mars 1961, Ian Wheeler participe au concert au Palladium de Londres pour
lequel Barber a invité le sax alto jamaïcain disciple du Charlie Parker, Joe
Harriott (1928-1973) («'S Wonderful»). En fait, dans ce contexte, Harriott n'est pas sans préluder ce que
feront Alfredo Espinoza et Daniel Huck. C'est excellent et, comme un Mezzrow,
Barber se révèle être un catalyseur. Ce qui est aussi une forme de talent.
Chris n'oublie pas le blues et, en août 1961 à la guitare basse, il accompagne Jimmy
Cotton (aka James Cotton, voc, hca) en compagnie d'Alexis Korner et de l'excellent Keith Scott
(p) («Love Me or
Leave Me»). Le film It's
Trad, Dad! du cinéaste Richard Lester, sorti en Grande Bretagne le 16 avril
1962, est sociologiquement intéressant. A cette date, on voit une cohabitation
commerciale pacifique du Trad Jazz et des variétés. La culture de la jeunesse
de ce moment se résume à un exercice physique ludique qu'entraîne la musique de
Chris Barber avec Ottilie Patterson, Acker Bilk, Kenny Ball ainsi que celle de Gene
Vincent et Chubby Checker. Ce film sortira aux Etats-Unis, Danemark, Suède,
Finlande, Tchécoslovaquie, Mexique et Venezuela. Un bon coup publicitaire pour
Chris Barber, bouquet final à l'écran. En France aussi, on s'adapte. Claude
Luter avec Pierre Dervaux (tp), Jean-Louis Duran (tb) et Eddie Bernard (p) enregistrent
en décembre 1961, «Dixie Twist» et «Luter Twist» (Vogue EPL 7912). Quant au
sextet de Claude Bolling, qui le qualifiait lui-même de «dixieland», il réalise le
25 mai 1962 deux 45 tours consacrés au madison (Pierre Dutour, tp, Claude
Gousset, tb, Gérard Badini, ts).
Jimmy Cotton (hca), Keith Scott (p), Alexis Korner (g), Chris Barber (eb), 1961 © Photo X, collection Michel Laplace
Un truc qu'utilise Chris Barber pour soutenir l'intérêt
est d'inviter un soliste américain. En novembre 1962, c'est Edmond Hall, le
mois suivant Louis Jordan. L'orchestre s'oriente vers une approche plus rhythm
& blues avec des riffs et des arrangements proches du big band (« Choo Choo Ch' Boogie », etc.). La particularité de
son orchestre et du «son Barber» c'est l'absence de piano. Dès lors, le jeu de
Chris Barber se rapproche plus de celui de Lawrence Brown («Don't Worry 'bout the Mule»). En janvier 1963, son
orchestre collabore avec le chanteur de gospel Alex Bradford et sa chorale (Pop
Gospel Live from London, LP Vee Jay 1069, réédité en CD). Chez nous, six
ans plus tard, Raymond Fonsèque exploitera, pour notre satisfaction, le
principe de l'invité américain, d'abord Bill Coleman, puis dans la décennie
suivante Cat Anderson, Wallace Davenport.
Les tournées de Chris Barber passent par Prague et Munich, y
réalisant à chaque fois des disques (Supraphon, etc.). Sa discographie est
pléthorique comparée à celle d'un pionnier comme Jabbo Smith! Mais à côté de la
routine, Chris Barber cherche. L'album Good Morning Blues (janvier à septembre
1964) implique Norrie Paramor, le chef d'orchestre du trompette Eddie Calvert
pour «The Great
Bear», et surtout
il y a les riffs de Jimmy Deuchar et Ronnie Scott en plus de l'équipe habituelle dans l'efficace «Morning Train» (bons solos de Scott et Barber) sur lequel Brian Auger (org), mieux connu
aux côtés de Jimi Hendrix et Eric Burdon, a ajouté sa participation en
re-recording. Entre-temps, puisque les Animals d'Eric Burdon l'ont fait en
décembre 1963, Chris a aussi voulu associer le grand Sonny Boy Williamson II
(hca, voc) à son orchestre (mai 1964, «Help Me»). La chose positive de la désormais grande vogue/vague
de la pop-rock anglaise fut d’accroître la notoriété au niveau international des Sonny Boy
Williamson, Muddy Waters et autres incontournables du blues. En août 1964, son
orchestre se produit au Richmond Jazz & Blues Festival avec des invités:
Humphrey Lyttelton (tp), Ronnie Scott (ts) et Jimmy Witherspoon (voc).
Infatigable, Chris Barber apparaît avec Howlin' Wolf (voc, hca) et le remarquable
Hubert Sumlin (g) (novembre 1964). Dans le désormais Blues Band de Chris, Ian
Wheeler doit doubler à l'harmonica, comme dans le 33 tours pour Vogue, en
France, bien nommé Dans le vent (avril 1965). Chris et Ian se sont
laisser influencer par le jeune Paul Butterfield Blues Band. Un 45 tours Vogue
est consacré aux chansons des Beatles, mais pour les interpréter, Chris Barber monte
un brass band qui emploie les nouveaux puristes post-Colyer: Cuff Billett (tp), Pete Dyer (tb), Frank Booker (tb), Barry
Martyn (dm). Barber démontre ce que l'on a déjà dit: ce n'est pas le morceau
mais la façon de le jouer qui en fait du jazz ou non. Evidemment Ken Colyer
avait déjà enregistré en septembre 1957, avec rigueur de style, à la tête d'un
Omega Brass Band. Bien sûr, Raymond Fonsèque, de façon moins stricte, lancera
en 1969 un Pop Corn Brass Band.
En juin 1966, Chris Barber et Barry Martyn s'associent à
nouveau pour une séance. Martyn (né en 1941) suivra aussi l'astuce d'associer à
son orchestre un ou plusieurs invités américains, essentiellement de la
Nouvelle Orléans (Kid Sheik, Capt John Handy, etc.). En juin-juillet 1967,
Barber produit un album de pop music, Battersea Rain Dance, qui dans «Cat Call» sollicite discrètement Brian
Auger (org) et dans le chœur… Paul McCartney. Ah, cette pop en a perturbé
plus d'un, sauf le père Louis Armstrong qui a blackboulé la soupe des Beatles!
On a oublié qu'en mars 1965 au cours de sa tournée, Louis Armstrong attirait 6 000
personnes chaque soir à Dresde, Weimar, Gorlitz et même si on en croit le Jazz
Magazine (n°118 de mai 1965), 12000 lors des deux concerts à Leipzig! Ce
n'est pas le seul résultat d'une offre rare dans le bloc de l'Est, ni d'un nom
illustre qui à ce moment-là avait décroché un hit («Hello Dolly!»). La preuve en est, à la même
époque, du côté des festivals américains où la qualité musicale et le profit
financier s'accommodaient d'une durée raisonnable d’un à quatre jours! Le
dimanche soir 4 juillet 1965, il y eut 15000 personnes pour le concert de
Frank Sinatra accompagné par l’orchestre de Count Basie dirigé par Quincy Jones
(1e partie: Oscar Peterson Trio) lors du 12e Newport Jazz Festival
(salaire de Sinatra: 35000 dollars). Duke Ellington et son Orchestre ont
attiré la veille au soir 14000 spectateurs! Le 1e Ohio Valley Jazz
Festival, en une soirée, le 14 août 1965 a fait 7500 entrées (prix des places:
3,50 à 6 dollars): Big Band Woody Herman, quartets Dave Brubeck et John
Coltrane, Jazz Messengers d'Art Blakey, le chanteur Joe Williams. Recette: 35000
dollars (organisation de George Wein représenté par Dino Santangelo). Ce n'est
donc pas la tendance musicale qui est en cause, mais la publicité ou son
absence. Au XXIe siècle, on cessera de soutenir le jazz qui par ailleurs n'est
plus représenté par des personnalités hors normes (ou si peu). Et plus grave,
on l'a détruit en substituant d'autres musiques sous le nom «jazz» pour allonger
la durée et attirer un autre public (le Woodstock syndrome). Pour l'instant, le
dixieland est un phénomène mondial qui marche. Le Gratchov Dixieland Band joue
au festival Jazz 66 de Moscou, le Leningrad's Dixieland de Vsevolad Korolyev
(tp) se produit l'année suivante lors de la même manifestation, ainsi qu'au
Tallinn Jazz Festival (mai 1967). Ces musiciens soviétiques sont plus proches
de Chris Barber que de Bunk Johnson.
En juillet 1968, le groupe régulier de Chris Barber
adopte l'excellent sax-clarinette John Crocker (né en 1937). L'orchestre revenu
au dixie-mainstream enregistre à Berlin-Est, le 26 novembre, pour le label
local Amiga. L'un des morceaux, «Lazy River», est un tour de force avec plunger de Chris Barber en
soliste, soutenu par John Slaughter (g), Stu Morrison (bj), Jack Flavelle (b)
et Graham Burbidge (dm). Son stop chorus déclenche l'enthousiasme. Ce titre a
été édité en CD dans une anthologie, Ballads for Trombone (Da Music
874718-2) où Chris voisine sans mal avec son remarquable confrère britannique
Roy Williams (né en 1937), Bob Brookmeyer, Willie Wilson et Slide Hampton!
Chris n'est pas un sideman mais, en novembre 1969, il se produit pour le compte
de l'excellent trompette Keith Smith (1940-2008)(10). Keith dans la veine de Red
Allen («China Boy») mène une belle équipe dominée par le pianiste Sammy
Price. La front-line complétée par Sandy Brown (cl) est très efficace.
Sur le plan rythmique, c'est du mainstream dans lequel Chris Barber tire bien son
épingle du jeu (expressif dans «Gee Baby», low down et swing dans «Tailgate Boogie»). Le parcours de Keith
ressemble à celui de Chris. Il a connu la source néo-orléanaise (George Lewis,
Capt John Handy, Cie Frazier), le dixieland (Papa Bue), et il a su inviter des
jazzmen américains de qualité dans son orchestre (Alvin Alcorn, Jimmy Archey,
Darnell Howard, Alton Purnell, Cie Frazier, Vic Dickenson, Oliver Jackson).
Comme Chris, il savait «se vendre». Comme disait Fred Gérard, «ça ne suffit pas de bien jouer».
Pat Halcox (tp), Graham Burbidge (dm), Chris Barber (tb), Jazz Harmonie,
France, septembre 1972, vidéo YouTube, cliquez sur l'image
Désormais, l'orchestre de Chris s'appelle le Jazz &
Blues Band. La chose étant rare, signalons que l'orchestre réalise une émission
télévisée en France (septembre 1972, Jazz Harmonie, cf. Vidéos). Chris y pratique un
dixie-mainstream, plaçant son style de trombone entre Wilbur De Paris et
Lawrence Brown («Harlem Bound», «I'm Slapping
7th Avenue»). A noter que Chris parle français et allemand. L'espace d'un concert en
juin 1975, Barber a remonté l'exact six-piece band de 1954 avec Monty Sunshine.
Sinon, une particularité des formations de Chris Barber est la stabilité du
personnel pendant de longues périodes ce qui garantit homogénéité, précision et
une certaine idée de la qualité. Le Jazz & Blues Band de Chris Barber
continue à inviter des jazzmen de marque comme Ray Nance (septembre 1974),
Russell Procope et Wild Bill Davis (1976), John Lewis et Trummy Young (1979).
Il y a une vigoureuse alternative entre Ray Nance et Barber dans «Oh, Lady Be
Good» (Timeless 557). Chris Barber est une star et à son tour on l'invite, notamment dans le Hot
Five du solide cornettiste Rod Mason (1940-2017), en diverses occasions (1985,
1989). On doit à l'association Rod Mason-Chris Barber une bonne version enregistrée de «West End Blues». En 1980, pour
la radio hollandaise, Chris Barber a renoué une collaboration avec Jimmy
Witherspoon.
Depuis un moment, Chris Barber avait en tête un projet
d'hommage à New Orleans allant des brass bands jusqu'à la «music of today, which
transcends the narrow view of Jazz (la musique d'aujourd'hui qui transcende la
vision étroite du Jazz)» selon ses termes. Après un
séjour de plus de son orchestre à New Orleans au cours de l'été 1979, où il a
rencontré Dr. John, alias Mac Rebennack (p, voc) et le batteur Freddie Kohlman, il a conceptualisé un show, Take
Me Back to New Orleans, où il montre à la fois son assimilation de ce que
j'ai autrefois appelé le «traditionnel contemporain» de la Nouvelle-Orleans et
son talent de compositeur-arrangeur. En avril 1980, il a fait venir à Londres Dr. John, ici très proche du Pr. Longhair, et Freddie Kohlman (voc, dm) pour enregistrer le show. Certains
titres joués par son orchestre régulier montrent que Pat Halcox et, c'est essentiel,
Norman Emberson (dm) ont assimilé ce «traditionnel contemporain» totalement
inconnu en France à cette époque; l'obnubilation critique et des faiseurs de
festivals allant ailleurs. On croit à la présentation artificielle et convenue
d'une évolution par dissidences sur un boulevard unique menant de Scott Joplin
à Emile Parisien. Aveuglement et surdité qui font passer à côté d'évolutions
parallèles comme celle du mélange intra-culturel, sans rien de contre-nature,
dans le traditionnel à New Orleans (de Dave Bartholomew à Melvin Lastie). Le
drumming de Freddie Kohlman est le tiret évolutif entre Cie Frazier et Shannon
Powell/Herlin Riley en passant par Earl Palmer («The Big Bass Drum»). John Crocker (ts) joue dans
le style de King Curtis qui était en effet intégré au développement louisianais
par le biais d'artistes comme David Lastie. Pour quelques medleys de l'album,
Chris a monté un brass band crédible et qui sonne, avec Kohlman à la grosse
caisse. Chris Barber a persisté dans ce créneau en étoffant ce genre de
répertoire, ce qui lui permit d'être invité au New Orleans Jazz & Heritage Festival
en 1984. Il participe aussi avec sa formation régulière aux Festivals de Lucerne
et Prague de la même année. A cette époque, Chris double au saxhorn baryton et
fort bien. Son gumbo est présent à chaque tournant de morceau comme cet
accompagnement de guitare typiquement rock & roll derrière le solo d'Halcox
sur «Jambalaya» d'Hank Williams (Bremerhaven,
novembre 1985) ou encore la transformation r'n'b du classique «Perdido Street
Blues» avec un solo de sax ténor velu de Crocker (BBC, juin 1982).
De 1987 à 1989, il y aura
d'autres collaborations entre Dr. John et le Jazz & Blues Band de Chris
Barber. Dès décembre 1990, Chris Barber a le projet d'inviter Wendell Brunious
(tp, voc). Il a pensé que son gumbo musical s'accorderait bien à celui des
Louisianais. Si l'on excepte quelques tournures de phrases de Wallace Davenport
et la trop courte contribution de Sam Alcorn, fils d'Alvin, Wendell Brunious
est le premier, avant Leroy Jones, Jr., Wynton Marsalis et Nicholas Payton, à
réaliser une synthèse des styles de Louis Armstrong et Clifford Brown(11). En outre, Wendell est un bon chanteur qui connaît le
répertoire de Fats Domino et Nat King Cole. Wendell rejoint le Chris Barber's
Jazz & Blues Band pour une tournée en janvier 1991. Le concert à Utrecht a
été filmé (le 10), et une séance d'enregistrement a pris place à Düsseldorf (le
12). En août 1991, Chris Barber qui n'oublie pas les vétérans pour autant,
enregistre avec les frères Humphrey, Percy (tp) et Willie (cl), la délicieuse
Jeanette Kimball (p) et son concitoyen Barry Martyn. Dans cette séance, Chris
fait aussi bien que Frank Demond à Preservation Hall («Over in the
Gloryland»).
Chris Barber a acquis suffisamment de métier pour écrire
une suite pour un ensemble classique, le London Gabrieli Brass Ensemble,
enregistrée en 1991. Contrairement aux critiques de jazz et aux jazz fans,
l'attrait du classique a de tout temps existé chez les jazzmen. L'amour
réciproque entre Art Tatum et Vladimir Horowitz est bien connu(12). Comme Claude Bolling dans son crossover, Chris
Barber respecte le style des instrumentistes classiques (sonorités propres et
mise en place respectant l'écrit à la croche près dans «Singin' the Blues» par
exemple). Il intervient lui-même dans des passages de trombone avec la
contrastante souplesse du jazzman, comme dans «Jazz Colours» (22'46''). Ce flirt l'amène même à écrire un Concerto for Jazz
Trombone and Orchestra, qu'il enregistre lui-même en 1996 avec le Großes Rundfunkorchester Berlin. Ce disque, comme celui de son orchestre avec Wendell
Brunious et beaucoup d'autres, fait partie de la Chris Barber Collection (CBC)
sur le label hollandais Timeless (créé par Vim Vigt, dont l'actuelle organisation Vigt Productions nous a fait parvenir quelques photos publiées ici). Ce qui est sympathique, c'est que cette CBC
héberge une compilation Hot British Dance Bands 1925-1937 qui n'étonne
pas de la part d'un collectionneur de disques. Il y écrit: «I regard each 78 rpm recording
as a complete historical and sociological document through which the entire
development of jazz can be documented, traced and studied (Je considère
chaque enregistrement 78 tours comme un document historique et sociologique
complet à travers lequel tout le développement du jazz peut être documenté,
retracé et étudié)». En décembre 1996, son
orchestre enregistre en concert, au Palace Theatre de Manchester, un CD
Timeless, avec un autre vétéran du «trad boom», Acker Bilk qui ici, a des
inflexions à la Pee Wee Russell («Lou-Easy-An-I-A» , «That's My Home» ). Barber continue, à la contrebasse ou au trombone, à se produire avec la
scène blues-rock-folk britannique: Van Morrison, Ronnie Wood, Lonnie Donegan
(1998).
Chris Barber Band, au Ronnie Scott's, 2013 © photo X by courtesy of Wigt International | Wigt Productions Ltd
Puis, Chris Barber aborde ce triste XXIe siècle qui, pour
le meilleur, ne peut offrir que ce qui a déjà été fait. A l'automne 2001, le
Jazz & Blues Band devient un mini big band qu'il nomme le Big Chris Barber
Band. Il bénéficie des arrangements ellingtoniens de Bob Hunt qui joue pour lui
le lead trombone et la troisième trompette jusqu'en janvier 2008. Chris et Bob
ont travaillé ensemble dès 1989. Chris Barber fait en 2004 la tournée des
vieilles idoles avec Acker Bilk et Kenny Ball, les Three Bs. Mais en 2008, Pat
Halcox prend une retraite méritée et prive ainsi son ami Chris Barber d'un
pilier de ses aventures musicales. C'est sans lui que le Big Chris Barber Band
fait l'ouverture du 25e Jazz Ascona en 2009. En 2014, Barber publie son
autobiographie, Jazz Me Blues, rédigée avec Alyn Shipton. Puis il
termine sa carrière en 2019. Peu après, il est victime d'une démence avant de
s'éteindre paisiblement dans son sommeil à 90 ans, au cours de la nuit du 1er au 2 mars 2021.
Passionné de jazz et de blues, grand travailleur comme un
Claude Bolling, bon tromboniste dans le sillage des Jimmy Archey, William
Woodman et Lawrence Brown, Chris Barber est un arrangeur doué, un compositeur
méritant, un chef d'orchestre né, le père d'un «son Barber», un alchimiste des
associations de talents comme le fut Mezz Mezzrow, un imaginatif donc créatif,
et enfin, un activiste efficace. A partir de 1956, il a eu de nombreux
disciples, notamment les trombones Max Collie, australien (1931-2018) et Arne
Papa Bue Jensen, danois (1930-2011). «Le catalyseur de la musique populaire fondée sur le
jazz et du jazz au cours des quinze dernières années a été, en Europe, Chris
Barber et son orchestre. Il (...) est également
devenu l'un des grands et uniques solistes du trombone jazz. J'ai aimé et
apprécié l'expérience de jouer avec sa grande institution, le Chris Barber Band (The catalyst of Jazz and Jazz based popular music
in Europe over the last fifteen years has been Chris Barber and his band. He (...)
has also developed into one of the great and unique trombone soloists in Jazz.
I enjoyed and appreciated the experience of performing with his great institution
the Chris Barber Band)» (John Lewis, 1979).
Les trois premiers mariages de Chris Barber, avec Naida Lane, danseuse
et chanteuse, avec Ottilie Patterson, puis avec Renata Hilbich, se sont tous
terminés par un divorce. Il laisse dans le deuil sa quatrième épouse, Kate (née
Gray), et deux enfants, Christopher Jr. et Caroline, issus de son mariage avec
Renata. Jazz Hot partage leur peine. |
1. Michel Laplace, DVD-Rom Le Monde de la Trompette et des Cuivres, page 503.
2. Anne Legrand, Charles Delaunay et le jazz en France, Editions du Layeur, 2009, page 163. Bill Russell (1905-1992) et
Gene Williams (1918-1948) sont ceux qui ont fait la carrière de Bunk Johnson à
partir de 1942.
3. Bunk Johnson (1882/4-1949) n'était pas un «faker»,
mais un musicien éduqué. Ragtimer compétent (Superior Orchestra de Peter
Bocage, 1906-11), il a été cornet solo du Concert Band of Niro dirigé par Perry
George Lowery (en 1918). Longtemps avant Wynton Marsalis, son style «clearly represents, in the first instance,
the response of a trained musician to jazz playing (représente
clairement, dans un premier temps, la réponse d'un musicien de formation
classique au jeu jazz)» (Len Page, Footenoten°2, vol.16, p.6).
4. Stanley Dance a écrit dans Jazz Hot du n°1 de 1935 au n°314 de 1975 (cf. Jazz Hot n°599-1999).
5. La première vedette sera l'Ecossais Lonnie Donegan
(1931-2002), chanteur-banjoïste de Colyer et Barber, qui reprit avec succès le «Rock Island Line» de Leadbelly (v. 1885-1949). En
partie, le rock & roll anglais avec le chanteur Billy Fury (1940-1983)
vient de cette mouvance. Alexis Korner est considéré comme l'un des pionniers
du blues en Grande Bretagne. Son groupe le Blues Incorporated, fondé en 1961,
verra passer Mick Jagger (futur Rolling Stones) et Eric Burdon (Animals).
6.
La presse «spécialisée» est passée à côté. Pas le pionnier de la
trompette concertante classique, Roger Delmotte (né en 1925), par ailleurs
soliste à l'Opéra de Paris, qui a été stupéfait par l'interprétation de Roger
Guérin (1926-2010).
7. Quand en 1987, pour la BBC, Humphrey Lyttelton voudra recréer l'idée
qu'on se fait de Buddy Bolden, il choisira Colin Bowden: https://www.youtube.com/watch?v=4y0SchY8BpQ
8. Ottilie et Chris sont mariés de novembre 1959 à 1983. Elle chante
régulièrement pour Chris Barber jusqu'au commencement de sa maladie en 1965,
puis occasionnellement dans les années 1970.
9. Ce jugement d'alors de Martial Solal, pourtant artiste de haut niveau, n'est évidemment en rien celui de Jazz Hot sur cet album historique et invite seulement à la réflexion (ndlr).
11. Confirmation donnée à Ascona lors d'une table ronde animée par Michel
Laplace, réunissant Nicholas Payton, Wendell Brunious, Leroy Jones, Gregg
Stafford, Marcus Belgrave et Lucien Barbarin, le 25 juin 2014.
12. Art Tatum (1909-1956) pas complètement aveugle d'un œil, lisant une
partition en l'approchant de très près sous la lumière, avait étudié le violon
quand il était jeune. Il a étudié le piano classique et dans son œuvre, son
disque préféré était Humoresque de Dvorak (1939). Il appréciait
particulièrement l'interprétation de Vladimir Horowitz (1903-1989) de l'Etude
n°2 en mi bémol de Paganini transcrite par Liszt enregistrée en 1930.
C'est Horowitz qui a amené Toscanini écouter Tatum, il en fut dit-on «foudroyé».
*
SÉLECTION DISCOGRAPHIQUE Leader/coleader LP 1949-59. The Chris Barber Jubilee Album 1 (1949-59), Black Lion 12124/5 45t 1951. Chris Barber's New Orleans Jazz Band, Oh Didn't He Ramble, Esquire 206 45t 1951. Chris Barber's Jazz Band, Tempo EXA 6 78t 1952. Chris Barber with the Ramblers, Buddy Bolden's Blues/At the Jazz Band Ball, Storyville KEK4 LP 1954. Chris Barber's Jazz Band/Lonnie Donegan's Skiffle Group, New Orleans Joys, Decca LF1198 78t 1954. Chris Barber's Jazz Band, Columbia DC 672 LP 1954. Chris Barber's Jazz Band, Storyville 100 (=CD 5527) 45t 1954. Chris Barber's Jazz Band with Bertie King, Jazz at the Royal Festival Hall, Decca DFE 6238 LP 1955. Chris Barber's Jazz Band with Ottilie Patterson, Echoes of Harlem, Pye Nixa NJL 1 (=CD Lake Records 87) 45t 1955. Ottilie Patterson with Chris Barber's Jazz Band, Blues, Decca DFE 6303
45t 1955. Chris Barber's Jazz Band, +1 -1, Nixa NJE 1013 45t 1955. Ottilie Patterson with The Chris Barber's Jazz Band, That Patterson Girl, Pye Nixa NJE 1012 45t 1956. Ottilie Patterson with The Chris Barber's Jazz Band, That Patterson Girl vol.2, Nixa NJE 1023 LP 1956. Chris Barber Plays. Volume Three, Pye Nixa NJT 505 LP 1956. Chris Barber in Concert, Pye Nixa NJL 6
CD 1957. Chris Barber's Jazz Band with Special Guest Sister Rosetta Tharpe, Lake Records 130 LP 1958. Chris Barber's Jazz Band with Sonny Terry and Brownie McGhee, Sonny, Brownie and Chris, Pye Nixa NJT 515 LP 1958. Muddy Waters in Concert, Krazy Kat 7405 (=CD Interstate Music Ltd. MW 261058) CD 1958-62. Chris Barber Presents... The Blues Legacy. Lost & Found Series, vol.2, Classic Studio T 5068X
LP 1959. Chris Barber's Jazz Band with Ottilie Patterson, Chris Barber Bandbox vol.1, Columbia 33SX1158
45t 1959. Chris Barber and His Jazz Band, Yama Yama Man, Vogue PNV 24 095 LP 1959. Chris Barber's Jazz Band, In New Orleans with Dee Dee Pierce, Paul Barbarin, Monty Sunshine and Many More Other Stars, Rarities n°13 (=CD GHB 43) LP 1959. Chris Barber Presents Cecil Scott and His Washboard Band, Harlem Washboard, Columbia 33 SX 1232 LP 1959. Chris Barber's Jazz Band with Ottilie Patterson, Chris Barber's International vol.1. Barber in Berlin, Metronome MLP 15031 LP 1960. Chris Barber and His Jazz Band, Chris Barber Bandbox vol.1 Elite Syncopations, Columbia 33 SX 1245 (=CD Lake Records 43)
LP 1960. Chris Barber's Jazz Band with Ottilie Patterson, Chris Barber's International vol.2. Chris Barber in Copenhagen, Columbia 33SX 1274 LP 1960. Ottilie Patterson and Chris Barber's Jazz Band, Chris Barber's Blues Book vol.1, Columbia 33SX 1333 LP 1960. Chris Barber's American Jazz Band, Columbia SCX 3376 LP 1961. Chris Barber's Jazz Band with Ottilie Patterson, Chris Barber's International vol.3. Barber at the London Palladium, Columbia 33SX 1346 (=CD Hallmark Music & Entertainment 711652) 45t 1961. Chris Barber Presents Jimmy Cotton, Columbia SEG 8141
45t 1961. Chris Barber Presents Jimmy Cotton-2, Columbia SEG 8189
LP 1961. Chris Barber and His Jazz Band, Chris Barber Bandbox vol.3. Best Yet!, Columbia 33 SX 1401 LP 1962. Chris Barber and His Jazz Band Featuring Edmond Hall, Louis Jordan, Vogue LD 648 30 CD 1963. Chris Barber's Jazz Band with Alex Bradford and Kenneth Washington. Hot Gospel, Lake Records 39 CD 1963. Chris Barber at the BBC with Special Guest Joe Harriott, December 1963, Upbeat Jazz 158 LP 1964. Chris Barber, Ottilie Patterson and the Blues Band, Good Morning Blues, Columbia 33SX 1657LP 1965. Chris Barber, Dans le vent, Vogue INT 40007
45t 1965. Chris Barber Joue les Beatles, Vogue INT 18066 45t 1966. Kenneth Washington with Chris Barber & The T-Bones, CBS 202394 LP/CD 1966. Chris Barber/Kid Martyn, Collaboration, GHB 40
LP 1967-68. Chris Barber and His Band, Battersea Rain Dance, Polydor 242.006
LP 1968. Chris Barber, In Berlin, Amiga 855198 CD 1969-81. Keith Smith 'Mr Hefty Jazz' & Chris Barber Present a Live Jazz Jamboree, Jazz Town 2303010-2 LP 1971. Chris Barber, Drat That Fratle Rat!, Black Lion 2460-208 (=CD The Oustanding Album, Bell Records 89 300, CD1)
CD 1974. Chris Barber's Jazz & Blues Band, In Concert Featuring Ray Nance, Alex Bradford, Timeless 557 LP 1975. Chris Barber, The Great Re-union Concert, Black Lion 12140/1 (=CD Timeless 557) LP 1976. Chris Barber's Jazz & Blues Band with Special Guests Russell Procope, Wild Bill Davis, Echoes of Ellington, Black Lion BBX 001 (=CD Timeless 555) LP 1979. Chris Barber with John Lewis-Trummy Young, Swing is Here, Black Lion 12182 (=CD 760517) LP 1980. Chris Barber and Dr. John, Take Me Back to New Orleans, Black Lion 61001 (=CD 760163)
LP/CD 1982. Chris Barber Jazz & Blues Band, Concert for the BBC, Timeless 509/510 CD 1983. Chis Barber & Dr John. Mardi Gras at The Marquee, Timeless 546/7 CD 1983. Ottilie Patterson with Chris Barber, Madame Blues & Doctor Jazz! Black Lion 760506 CD 1985-89. Chris Barber Jazz & Blues Band & Dr John. Down on the Bayou, Timeless 612 CD 1985. The Chris Barber Jazz & Blues Band, Live in '85, Timeless 527 CD 1988. Chris Barber Jazz and Blues Band, Stardust, Timeless 537 CD 1988-90. Chris Barber Jazz & Blues Band/Großes Rundfunkorchester Berlin, In His Element, Timeless 572
CD 1991. The London Gabrieli Brass Ensemble Featuring Chris Barber, Under the Influence of Jazz, Timeless 569 CD 1991. Chris Barber & His New Orleans Friends, Timeless 573 CD 1991. Chris Barber & Wendell Brunious, Panama!, Timeless 568 CD 1994. Chris Barber Jazz & Blues Band + Chris Barber's Jazz Band of 1954 with Monty Sunshine & Lonnie Donegan, 40 Years Jubilee at the Operahouse Nürnberg, Timeless 590 CD 1996. Chris Barber & Acker Bilk. That's it Then!, Timeless 619 CD 1996. Chris Barber and the Großes Rundfunkorchester Berlin Conducted by Robert Hanell, New Orleans Symphony, Timeless 610
Sideman LP 1953. Ken Colyer's Jazzmen, Ken's Early Days, Storyville 144 LP 1953. Ken Colyer's Jazzmen, New Orleans to London, Decca LF 1152 (=CD Lake Records 209) CD 1954. Ken Colyer's Jazzmen, The Lost 1954 Royal Festival Hall, Upbeat Jazz 198 CD 1954. Ken Colyer's Jazzmen. More Lost 1954 Royal Festival Hall Tapes, Upbeat 205 CD 1985. Rod Mason Hot Five feat. Chris Barber, Jazz Holiday, Timeless 524 CD 1996. Uralsky All Stars Featuring Chris Barber, We'll Meet Again, Timeless 595
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VIDEOGRAPHIE
Chris Barber, Jazzwoche Burghausen, Allemagne, 16 avril 2005, vidéo YouTube, cliquez sur l'image
1951. Dickie Hawdon, Ben Cohen (cnt), Chris Barber (tb), Alex Revell (cl), Brian Berker (p), Ferdie Favager (bjo), Mickey Ashman (b), Broan Lawes (dm), London, October 26: «Misty Morning» https://www.youtube.com/watch?v=tfweLWAjn2U
1953. Ken Cloyer's Jazzmen: Ken Colyer (tp), Chris Barber (tb), Monty Sunshine (cl), Lonnie Donegan (bjo), Jim Bray (tb), Ron Bowden (dm), Copenhagen, April 19, «Blue Bells Goodbye» https://www.youtube.com/watch?v=EF9W94HfPGo
1954. Chris Barber's Jazz Band: Pat Halcox (tp), Chris Barber (tb), Monty Sunshine (cl), Lonnie Donegan (bjo), Jim Bray (b), Ron Bowden (dm), London, July 13, «The Martinique» Decca 10492 https://www.youtube.com/watch?v=aa3KNuiRGKM
1955. Chris Barber's Jazz Band: Pat Halcox (tp), Chris Barber (tb), Monty Sunshine (cl), Lonnie Donegan (bjo), Jim Bray (b), Ron Bowden (dm), Ottilie Patterson (voc), London, January 9: «Reckless Blues» https://www.youtube.com/watch?v=KVQDg0NykdY
1955. Momma Don’t Allow, documentaire de Tony Richardson et Karel Reisz, avec Pat Halcox (cnt), Chris Barber (tb,lead), Monty Sunshine (cl), Lonnie Donegan (bjo), Jim Bray (b), Ron Bowden (dm), Wood Green Jazz Club, Londres, sortie au Royaume-Uni le 25 janvier 1956 part 1: «Warm Up», «My Bucket's Got a Hole in It», «Lord, Lord, Lord», part 2: + Ottilie Patterson (voc-1), Lonnie Donegan (voc-2), «Blues» (1), «Mama Don't Allow» (2) 1956. Chris Barber's Jazz Band: Ottilie Patterson (p, voc), Eddie Smith (bjo), Dick Smith (b), Ron Bowden (dm), London, Royal Festival Hall, December 15, «Lowland Bues», Nixa 6 https://www.youtube.com/watch?v=vimOJYstv14
1959. DeDe Pierce (tp), Chris Barber, Paul Crawford (tb), Monty Sunshine (cl), Billie Pierce (p), Edmond Souchon, Eddie Smith (bjo), Dick Smith (b), Paul Barbarin (dm), New Orleans, October 24: «Hindustan», Rarities 13 https://www.youtube.com/watch?v=_Nm5n1HLH48
1960. Chris Barber's American Jazz Band: Sidney De Paris (tp), Chris Barber (tb), Edmond Hall (cl), Hank Duncan (p) Hayes Alvis (b), Joe Mashall (dm), NYC, November 7-8, 1960: «Tell Me Your Dreams» https://www.youtube.com/watch?v=yCPiOJXyWM8
1961. Chris Barber's Jazz Band: Ian Wheeler (cl), Joe Harriott (as), Eddie Smith (bjo), Dick Smith (b), Graham Burbidge (dm), London, Palladium, March 31: «'S Wonderful», Columbia 1346 https://www.youtube.com/watch?v=zPGig6rYayI
1962. It's Trad Dad! Full movie incl. Gene Vincent, Chubby Checker, Del Shannon, Gene McDaniel, Dukes of Dixieland, Acker Bilk, Kenny Ball, Bob Wallis, Terry Lightfoot, Temperance Seven, Chris Barber's Jazz Band with Ottilie Patterson https://www.youtube.com/watch?v=2O1b8evO2fs
1964. Chris Barber's Soul Band: Jimmy Deuchar, Pat Halcox (tp), Chris Barber (tb), Ronnie Scott (ts), Ian Wheeler (as), Brian Auger (org), John Slaughter, Eddie Smith (g), Dick Smith (b), Graham Burbidge (dm), London, September 14 (re-recording December 22), «Morning Blues», Columbia 1657 https://www.youtube.com/watch?v=xLpM0dMmw2k
1965. Chris Barber's Jazz Band: Pat Halcox (tp), Chris Barber (tb), Ian Wheeler (cl, incl. «High Society »), Stu Morrison (bjo), Dick Smith (b), Graham Burbidge (dm), Ottilie Patterson (voc), London 1965, «Six Five Special», BBC Four https://www.youtube.com/watch?v=7LThOGnemOc
1972. Jazz Harmonie, Pat Halcox (cnt, flh), Chris Barber (tb, voc), John Crocker (cl, as), John Slaughter (g), Steve Hammond (bjo, g), Jackie Flavelle (bg, voc), Graham Burbidge (dm) Paris, September 12, 1972, «New Orleans Wiggle», interview with Chris Barber, «Harlem Bound», «Jeep's Blues», «I'm Slapping 7th Avenue With the Sole of My Shoe», «New York Town Blues» (Woody Guthrie), «I Think It's Going to Rain Today», «Just a Little While to Stay Here» https://www.youtube.com/watch?v=A7Sq1uDsVyM
1984. Chris Barber's Jazz & Blues Band: Pat Halcox (tp, voc), Chris Barber (tb, bh, voc), John Crocker (cl, ts), Ian Wheeler (cl, as), Roger Hill (g), Johnny McCallum (bjo, g), Vic Pitt (b), Norman Emberson (dm), Lucerna Hall, Prague, «Bourbon Street Parade», «Mary Has a little Lamb» https://www.youtube.com/watch?v=Z7ptXRxoAec
1991. Wendell Brunious (tp, voc), Pat Halcox (tp-1), Chris Barber (tb), Ian Wheeler (cl, as), John Crocker (ts, cl), Johnny McCullum (bjo), John Slaughter (g), Vic Pitt (b), Russell Gilbrook (dm), Utrecht, Pays-Bas, January 10, «That's My Desire», «My Blue Heaven» https://www.youtube.com/watch?v=3pMEL7enpKI 2005. The Big Chris Barber Band, Chris Barber (tb,b,voc), Bob Hunt (tb), Mike Henry/Pat Halcox (tp), Richard Exall (cl,s), Tony Carter (cl,s,fl), John Defferary (cor,s), John Slaughter (g), Andrew Kuc (g,bjo), Vic Pitt (b), John Sutton (dm), Wackerhalle, 36e Internationale Jazzwoche Burghausen, Allemagne, BRalphaKlassik, 16 avril2009. Big Chris Barber Band in JazzAscona (à la minute 4): Peter Rudeforth, Mike "Magic” Henry (tp), Chris Barber, John Service (tb), Zoltan Sagi, Richard Exall, Mike Snelling (reeds), John Slaughter (g), Joe Farler (bjo, g), Dave Green (b), John Sutton (dm), June 25 https://www.youtube.com/watch?v=ya2ChGE9Io4
2014. Chris Barber (tb,voc), Bob Hunt (tb), Mike Henry/Pete Rudeforth (tp), Bert Brandsma (cl), Richard Exall (bar), Amy Roberts (as,fl), Joe Farler (bjo), Jackie Flavelle (b), Gregor Beck (dm), Stuttgart, German Jazz Trophy, Allemagne, Sparda Welt, 21 juillet
2018. Big Chris Barber Band: Chris Barber/Bob Hunt (tb,arr), Mike Henry/Pete Rudeforth (tp), Bert Brandsma (ts,cl), Ian Killoran (as,cl), Richard Exall (bar), Joe Farler (bjo), John Day (b), John Watson (dm), «Jungle Nights in Harlem», Naturtheater, Reutlingen , Allemagne, août https://www.youtube.com/watch?v=wCqA24sFj8w2020. Big Chris Barber Band: Bob Hunt (tb,arr), Bert Brandsma (ts,cl), Mike Henry/Gabriel Garrick (tp), Ian Killoran (as,cl), Nick White (as), Helge Lorenz (bjo,g), Henk Haverhoek (b), «Rockin' in Rhythm», Schouwburg het Park, Hoorn, Pays Bas, 4 janvier https://www.youtube.com/watch?v=oPr7FfGJpUE
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