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Andrew White

11 nov. 2020
6 septembre 1942, Washington, D.C. - 11 novembre 2020, Silver Spring, MD
© Jazz Hot 2020

Andrew White (as), Kevin Toney (p), Steve Novosel (b), Keith Killgo (dm), 2 juin 1975, Radio WRUR, Video YouTube, cliquer sur l'image
Andrew White (oboe, as), Kevin Toney (p), Steve Novosel (b), Keith Killgo (dm)
2 juin 1975, Radio WRUR, Video YouTube, cliquer sur l'image

Andrew WHITE

Une folle humanité!
 

«Ouais, Andrew! Pour sûr, tu sonnes dingo, mais tu sais quoi? (…) Tout est là!»
                                                                                       Cannonball Adderley

Né le 6 septembre 1942 à Washington, D.C., le multi-instrumentiste (as, ts, ss, fl, ehrn, oboe, b, p), arrangeur, compositeur, producteur, éditeur, enseignant, Andrew Nathaniel White III, Andrew White de son nom d'artiste, est mort le 11 novembre 2020 à Silver Spring, Maryland, dans une maison de repos d’une petite ville en périphérie de Washington, D.C., où il tentait de se rétablir d’une crise cardiaque.
Nous vous recommandons la lecture de ses interviews dans Jazz Hot (cf. ci-dessous), et, après ce retour biographique, de découvrir cet artiste de feu, savant et très profond sous des dehors d'une grande simplicité et d'un non conformisme certain… Mr. Andrew White!

Yves Sportis
photos Jocelyne White et X by courtesy of Andrew's Musical Enterprises, Inc.
photos extraites de vidéos YouTube



Andrew White, c. 1975 © photo X by courtesy of Andrew's Musical Enterprises, Inc.

Andrew White (as), c. 1975
© photo X by courtesy of Andrew's Musical Enterprises, Inc.



Né à Washington en 1942, Andrew a grandi à Nashville, Tennessee, où ses parents ont déménagé en 1946. 
Son père, le Révérend Dr. Andrew White, Jr., était directeur de l'éducation musicale de l'Eglise épiscopale méthodiste africaine, activité à laquelle participait le jeune Andrew Nathaniel. Militant éminent pour les Droits civiques dans les années 1950-1960, le Révérend était président de la section locale de la NAACP de Nashville, TN. On trouve sur le net des photos du père d'Andrew dans le cadre de ses activités politiques. 

Enfant unique, Andrew a fréquenté la Carter-Lawrence Elementary School et la Cameron High School dont il est diplômé en 1960, et où il a étudié le hautbois et le cor anglais (english horn, ehrn), instruments avec lesquels il jouait au sein de l'Orchestre de la Tennessee State University dans les années 1950. Dans le même temps, il étudie le piano pendant plusieurs années, puis la contrebasse, avant de se consacrer aux saxophones et à la flûte prolongeant la tradition d'un oncle Addison White qui pratiquait déjà les saxophones et la guitare.



John Coltrane au programme de l'International Jazz Mecca, 1963Revenu à Washington, D.C., en 1960, il y étudie la direction d’orchestre, la théorie musicale et la composition à la Howard University (baptisée «the Black Harvard» pour sa contribution à l'émancipation intellectuelle des Afro-Américains) jusqu'en 1964 où il obtient un diplôme pour la théorie musicale et le hautbois. Dès 1960, Andrew fait ses débuts en jazz sur la scène de Washington, notamment au Bohemian Caverns au sein du groupe maison. Il cofonde et codirige le JFK Quintet (oui, en hommage au président Kennedy, fraîchement élu, qui amenait un espoir d'égalité des Droits civils pour les Afro-Américains!), avec Ray Codrington (tp), Harry Killgo (p), Walter Booker (b), Carl Newman (dm), groupe auquel s’est joint ponctuellement Eric Dolphy de passage, et remarqué par Cannonball Adderley qui en devient le producteur pour deux enregistrements chez Riverside. Andrew signale dans Jazz Hot l'enregistrement d'un troisième disque qui n'est jamais paru. C'est pendant ses engagements en 1963 au Bohemian Caverns qu’il croise la route de John Coltrane qui passe au Abart's International Jazz Mecca, non loin de là. Il profite de chaque pause pour aller écouter le déjà célèbre saxophoniste.

Après son diplôme en 1964, Andrew White obtient une bourse de la Fondation John Hay Whitney pour poursuivre ses études de hautbois en France, au Conservatoire de Musique de Paris, alors l’une des capitales du jazz en Europe, avec la présence d’une communauté américaine particulièrement relevée dans ces années, où il rencontre et accompagne notamment Kenny Clarke, et où il remplace Ornette Coleman au Blue Note. A Paris, il fait également la connaissance de Jocelyne Uhl, qui y étudie alors la littérature, devient poétesse par la suite, puis s’installe à Washington, D.C., avec Andrew en 1969, après un crochet par New York en 1968 où elle enseigne au Lycée français. Elle partage sa vie pendant 41 ans à Washington où elle a mené une vie d’enseignante au Lycée français Rochambeau de Washington, à Bethesda, partageant parfois avec Andrew certains projets artistiques et poursuivant son œuvre de poétesse et de professeur volontaire d'art au National Rehabilitation Hospital de Washington.

Andrew White, c. 1975 © Jocelyne White by courtesy of Andrew's Musical Enterprises, Inc.



Andrew White (ts), c. 1975,
© Jocelyne White by courtesy of Andrew's Musical Enterprises, Inc.

Eternel curieux et érudit, Andrew White a encore prolongé ses études musicales
à Tanglewood, Massachusetts (étés 1963 et 1966), ensuite au sein du Dartmouth Community Orchestra (Dartmouth College), puis l'étude et l'interprétation de la musique contemporaine au Center of Creative and Performing Arts de l'Université de New York, à Buffalo (1965-66), toujours grâce à des bourses de la Fondation Rockefeller (1965-1967).

A partir de ces années 1960, Andrew White, un hyperactif doué d’une grande capacité de travail, mène de front, en même temps que ses études, plusieurs carrières parallèles: dans le jazz principalement, sa carrière choisie déjà depuis son adolescence, mais aussi dans la musique classique où il a acquis une réputation certaine au hautbois (premier hautboiste de l’American Ballet Theatre de 1968 à fin 1970), et dans tous les dérivés de la musique afro-américaine…

Au début des années 1970, il aborde le jazz avec une organisation autonome, crée sa propre maison de production de disques, d’édition de livres et de musiques, Andrew’s Musical Enterprises, Inc., dans l’esprit de toutes les initiatives qui débutent dans les années 1970, quand les labels indépendants de l’après-guerre (Blue Note, Prestige, Contemporary, etc.) sont progressivement rachetés, que les circuits traditionnels du jazz battent de l’aile et sont absorbés, laminés ou dévoyés par l’industrie de masse du disque et de la musique qui s’installe sur la planète. Il n’a d’ailleurs aucune illusion sur ce qui se passe, comme il le racontait à Jazz Hot en 1995, et sur ses conséquences: «La situation du jazz actuel est mauvaise parce qu’il y a vingt ans les gens de l’entertainment industry sont venus pour faire de l’argent. Ils se foutent de la musique, ils prennent ce qui les arrange, et ils ont mis un tas de jazzmen au chômage. […] On met un tel accent sur la jeunesse… […] L’industrie préfère une personnalité faible, malléable, pour s’en servir.» (Jazz Hot n°524)

Andrew est très actif, à titre de leader, avec beaucoup de prestations en solo (Seven Giant Steps for Coltrane, 1974-76; Passion Flower, 1974, Profile, 1983), en quartet aussi (Live at the Follery in Washington, D.C., 6 volumes, 1974; Marathon ’75 en 9 volumes, 1975) restées légendaires par leur durée et leur intensité (plusieurs heures, les musiciens jouant jusqu'à la transe), et il côtoie en sideman bon nombre de musiciens de jazz depuis son voyage en France, rencontres parfois enregistrées, et, pendant trois décennies, aux saxophones, hautbois et flûtes: Kenny Clarke (1965, à Paris), Stanley Turrentine (1967), McCoy Tyner (1968-70), Lloyd McNeill (1970), Marion Williams (1970), Elvin Jones (1980), Beaver Harris (1983), Julius Hemphill (1987 et jusque dans les années 2000), Marty Ehrlich (1998), Sun Ra Arkestra (2005). Il intègre également dans les années 1970 le groupe vedette Weather Report en tant que bassiste, parfois au hautbois ou au cor anglais, et il participe à deux des enregistrements.

Andrew n’a aucun ostracisme pour les autres courants de la musique afro-américaine, blues, rhythm and blues et soul, et on le retrouve aux côtés de Thelma Houston, Wilson Pickett, Otis Redding (1967), Stevie Wonder (1968-70) dans le même temps où il accompagne Stanley Turrentine (1967), enregistre avec McCoy Tyner (1968-70) et assure son rôle de premier hautbois de l’Américan Ballet où il joue également du cor anglais (1968-70)… changeant d’instrument en fonction du contexte, avec cette même curiosité et «pureté» (son mot) pour la musique, et toujours cette capacité à s’éparpiller sans se perdre (la cohérence de la construction de son œuvre et de la gestion de sa postérité est un modèle de structuration de la pensée).

Andrew est même présent de 1970 à 1976 dans un groupe vocal soul qui connut un grand succès public, the 5th Dimension (The 5th Dimension, 1971). Cela a certainement aidé au développement de son entreprise d’auto-édition multidimensionnelle (disques, musique, livres).

Au tournant des années 2000, il anime encore plusieurs projets originaux et ambitieux sur le plan de l’écriture en particulier, The Six Winds Dutch Saxophone Sextet (1999) et un autre sextet, The Zorro Sax Allstars.

Phénomène assez incroyable, Andrew White, musicien très anticonformiste et atypique, même pour le jazz, subversif comme il le dit, apparaît souvent tout au long de son parcours dans des performances en soliste, parfois longues, dans les institutions les plus en vue de Washington et de New York: au Carnegie Hall (1974-1975), au Lincoln Center (1990 et 1995), au Town Hall (1975), pour New York; au Kennedy Center de Washington, D.C. (1970 à 2005), et même en France, au Théâtre du Châtelet (1980).

Andrew White, Nasar Abadey (dm), Jazz Gallery, New York, 2017 © YouTube
Andrew White, Nasar Abadey (dm), Jazz Gallery, New York, 2017 © YouTube

Ce qui ne l’empêche pas de se produire en club à Washington, ou lors de ses voyages en Europe, au club La Villa à Paris, et dans différentes villes d’Europe en festival dont La Seyne-sur-mer où nous l’avons croisé pour la dernière fois (1995). C’était l’occasion d’une interview publiée dans le Jazz Hot n°524, puisque les lecteurs ont fait connaissance d’Andrew White en 1974 dans le Jazz Hot n°304, l’ont retrouvé en 1992 dans le Jazz Hot n°492, à propos de John Coltrane dont il est l'un des meilleurs connaisseurs; trois rencontres fort intéressantes auxquelles il convient de se référer pour découvrir un personnage hors normes à tous les sens du terme, dans le jazz, la musique et l'art les moins normalisés.

Entre autres curiosités, Andrew se disait éclectique et pourtant puriste, choisissant un instrument selon la nature de son expression: par exemple les saxophones, soprano, alto et ténor, pour le jazz sur lesquels il possédait une magnifique expression, puissante dans l'esprit de John Coltrane (cf. vidéographie, celle d’ouverture de ce texte); le hautbois/oboe et le cor anglais pour l’American Ballet Theatre (1968-70), pour ses concerts à Tanglewood, MA, ou au sein du Dartmouth Community Orchestra du Dartmouth College et pour Weather Report (1971-73); la basse électrique pour Stevie Wonder (1968-70), pour le groupe The 5th Dimension (1970-76) et pour Weather Report (1971-73).

Sa discographie était, elle aussi, atypique, en vinyle exclusivement, avec une belle esthétique de pochettes blanches (White, naturellement, pour contraster avec le vinyle noir, un contraste accentué comme il les aimait), patiente, précise, pédagogique même, avec plusieurs volumes consacrés à son enseignement autour de l’œuvre de John Coltrane qui a profondément influé sur le cours de sa vie: «Dès la première fois que j'ai entendu M. Coltrane, à l'âge de 14 ans, j'ai pensé qu'il était le plus important contributeur linguistique au langage du jazz-de l'histoire du jazz. J'ai commencé à transcrire sa musique parce que je voulais voir à quoi ressemblait la musique.»

Andrew White, Jazz Gallery, New York, 2017 © YouTube
Andrew White, Jazz Gallery, New York, 2017 © YouTube


Trane 'n Me, couverture originaleAndrew White, musicologue émérite, avait ainsi transcrit et édité sur partitions, publiées par sa maison d’édition, les œuvres de John Coltrane, un véritable catalogue comme il en existe dans la musique classique (The Works of John Coltrane, plus de 800 transcriptions de chorus sur 16 volumes faisant échos à ses conférences et à ses enregistrements The Coltrane Interviews, 1975-78 et à son premier ouvrage: Trane 'n Me, 1981, une étude savante de la musique de Coltrane sur fond autobiographique). Il avait également effectué des transcriptions de chorus de Charlie Parker (308), d'Eric Dolphy (11), de ses œuvres (74), mais encore de Sonny Rollins, Dizzy Gillespie, Miles Davis, Jackie McLean, Paul Desmond, Billy Mitchell, Stan Getz, qu'il publia au sein de sa maison d'édition Andrew's Musical Enterprises avec une persévérance et un souci de conservation qui n’appartiennent qu’aux archivistes et encyclopédistes, au prix d’un incroyable travail d’écoute et de maîtrise musicale. Il a également produit des ouvrages pédagogiques de théorie musicale.

Il était, dans son expression au saxophone en particulier, l’un des proches disciples de John Coltrane. Sa capacité à jouer en souffle continu avec beaucoup d’expression et de conviction est monumentale (la vidéo déjà citée en 1975 qui ouvre ce texte en donne une saisissante confirmation). Sa connaissance intime de cette œuvre avait motivé sa participation au dossier consacré à la musique de John Coltrane dans Jazz Hot n°492.

Il raconte comment le monde de John Coltrane est passé du stade des transcriptions à celui de répertoire pour lui dans l’interview du Jazz Hot n°304, quand Stanley Cowell, au courant de son travail de transcription («Puisque tu es la personne qui fait autorité en ce qui concerne la musique de Coltrane…»), lui proposa en 1973 de l’intégrer au programme d’un concert consacré à John Coltrane au New York Repertory Theater. C’est ainsi qu’Andrew White conçut un programme et des arrangements de la musique de Coltrane pour une grande formation dont il était le soliste. C'est sans doute par l'entremise de Stanley Cowell qu'Andrew White rencontra Charles Tolliver, et que ses disques purent être distribués par Strata-East pendant une partie de ces années 1970, une autre histoire de production indépendante.

Quatre ans avant son décès, jour pour jour, le 11 novembre 2016, confirmant l’intuition de Stanley Cowell, la Bibliothèque du Congrès a invité Andrew White pour une conférence (cf. vidéographie ci-dessous) sur la musique de John Coltrane, point d’orgue de nombreuses conférences qu’a données le saxophoniste sur le même sujet pendant plus de quarante ans.

Andrew White, conférence sur John Coltrane, 2009 © YouTube
Andrew White, conférence sur John Coltrane, 2009 © YouTube

Et pour le plaisir d’une conférence à domicile, il faut simplement relire Jazz Hot n°492 où Andrew White donne une belle synthèse écrite de sa compréhension profonde de l’œuvre de John Coltrane commençant par ces mots: «Eh bien, voyez-vous, le truc à propos de Coltrane, c’est que c’était un bosseur. Un grand bosseur. Un tenace, un infatigable qui avançait pas à pas.» C’était aussi et entre autres, des qualités d’Andrew White.

En 1985, les Area Music Awards de Washington, D.C., lui ont décerné un Special Achievement Award pour l'ensemble de son activité.

En tant que compositeur, chef d'orchestre et saxophoniste, Andrew White a été distingué lors de la 32e Convention annuelle de l'International Double Reed Society, en juin 2003 (Université de Caroline du Nord).

Toujours en 2003, The International Biographical Center de Cambridge, en Angleterre, l'a désigné du titre de «Musicien International de 2003» pour sa contribution à l'historiographie du jazz en raison de ses transcriptions.

Francophile, Andrew White était fier de faire figurer dans sa biographie que le 14 mai 2006, il avait été lauréat de la Médaille d'Or de la Société française des arts, des sciences et des lettres, à Paris, et qu’il était fier de partager ce prix avec d'anciens lauréats comme le violoniste Yehudi Menuhin, le trompettiste Maurice André et le compositeur Olivier Messiaen.

En 2007, Andrew White a reçu le Benny Golson Master Award de l'Université Howard, où il avait étudié, lors d’une cérémonie-concert où il s'est produit avec l’orchestre de l’université.

Andrew White a également constaté avec humour qu'il lui avait fallu attendre ses 70 ans pour que le syndicat des musiciens lui accorde le titre de «Musicologue».

Malgré la marginalité de son fonctionnement (il avait ainsi déclaré à un journaliste avoir composé un «Far Out Flatulence: A Concerto for Flatulaphone» d'une heure, dans la tradition de Joseph Pujol, dit «Le pétomane»), Andrew White était devenu une autorité morale et artistique de la Capitale des Etats-Unis, ce qui n’aurait sans doute pas été possible dans aucun autre pays du monde, constat qui fait de ce grand pays un sac de contradictions majeures, dont le racisme, noué par le temps, avec des monstruosités côtoyant une liberté de création et un vrai génie national, en particulier dans cette Afro-Amérique et dans ce jazz qui sont, avec le cinéma, de vrais trésors nationaux.

Car Andrew White était un personnage indépendant, un électron libre comme en recèle l’Afro-Amérique, une survivance de la Harlem Renaissance et des encyclopédistes du XVIIIe si proches de la constitution fondatrice du pays (d’où sa francophilie sans doute), une sorte de touche-à-tout génial, un compositeur pour grand orchestre comme un musicien de jazz, de blues, un collectionneur dans de nombreux domaines –par exemple de revues et de photos érotiques– ce qui choquait souvent les journalistes qu'il invitait, qui n'auraient pas pensé faire les mêmes remarques à propos de Picasso ou Fellini.

Il a toujours été simple et abordable, débordant d’énergie et de vie, subversif comme l’art, jazz dans l'esprit, se qualifiant de musicien «post-bebop et académique», dans son sens étymologique sans aucun doute (le lieu où l'on enseigne le savoir qui affranchit sans normaliser): «Je ne suis pas d’avant-garde. D’ailleurs, je me fiche de ça. Je ne me considère même pas comme un musicien contemporain. Au fond, je suis très académique, je n’ai rien à voir avec les idées ultra-modernes. Je suis dans la tradition des années 1955-1970. Je suis éclectique, je peux jouer toutes sortes de choses, et pourtant je suis puriste. Les gens aiment ce que je fais, et ceux qui savent entendre, entendent la différence

Andrew White était une incarnation possible du jazz comme chacun des grands artistes du jazz. Il laisse en héritage aux amateurs de jazz un catalogue de 3000 références produites par son entreprise, c'est-à-dire par lui: disques vinyles et CDs, livres, partitions de ses compositions (plus de 1000), 16 volumes des 840 transcriptions des œuvres de John Coltrane, une autobiographie de 840 pages. Il était inscrit depuis 1958 au syndicat des musiciens dont il louait l'action, notamment parce qu'il y avait appris à lire les petites lignes des contrats.

Andrew White Quartet: Wade Beach (p), Steve Novosel (b), Andrew White (as), Nasar Abadey (dm) Jazz Gallery, New York, 2017 © YouTube
Andrew White Quartet: Wade Beach (p), Steve Novosel (b), Andrew White (as), Nasar Abadey (dm)
Jazz Gallery, New York, 2017 
© YouTube

Il avait fêté ses 75 ans en 2017 lors de deux concerts, le premier au Blues Alley de Washington, D.C., le second à la Jazz Gallery de New York.

Andrew White avait épousé le 25 décembre 1969 à Washington, D.C., Jocelyne Henriette Jeannine Uhl-White, une poétesse, décédée à 67 ans le 24 mai 2011 (elle était née à Chaumont, France), qui a participé à certains de ses projets (Who Got de Funk?, 1973). Cette rencontre sans enfant, celle d’une vie, ressemble à ses choix et participe d’un itinéraire d’une cohérence de tous les instants. Andrew a donc fini sa vie seul dans une maison de santé, loin de son univers –son logis plein de son art et de son monde au 4830 South Dakota Ave. à Washington– dans une solitude indigne de sa générosité.

C’est Rusty Hassan (Hugh Joseph Hassan III), un voisin et ami d’Andrew White, activiste du jazz depuis 50 ans avec une émission de jazz, qui a annoncé son décès, son cousin William Covington précisant la nature cardiaque de sa maladie. Andrew semble avoir résidé à la fois à Washington et à Nashville jusqu'à ses dernières années.

Andrew White s’est arrêté dans l’anonymat de cette année 2020 qui ne célèbre même plus ses artistes, avec beaucoup de ceux qui ont donné tant d'originalité, d’anormalité, d'alternatives, de curiosité, d’irréductibilité au jazz et tant de richesses et d'humanité à l’Art musical au XXe siècle. La musique, le jazz le(s) tenaient en vie… jusqu'à ce silence imposé.

Pour redécouvrir Andrew White, il reste sa parole dans ses interviews (dans Jazz Hot mais aussi une longue interview disponible ci-dessous en live, dans le cadre de la Bibliothèque du Congrès, cf. vidéographie) et une double autobiographie éditée par ses soins, aux titres qui lui ressemblent, Trane 'n Me (1981) et Everybody Loves the Sugar (2001), toutes deux difficiles à trouver, la plus récente de 840 pages qu’il introduit ainsi: «Voyez comment ma vie s'est assemblée pompeusement et/ou s'est effondrée de manière comique au cours des cinquante-neuf dernières années et plus. Galopez avec moi, "Andrew-The Zorro Sax", à travers les pâturages, les plaisirs et la douleur du racisme, de la religion, de l'amour, du sexe et de la musique. Tout entier avec ma lubricité éternelle et suggestive, mon incorrection politique totale et, diaboliquement, ma pieuse irrévérence.»

Il avait un grand souci de la mémoire et de la transmission, d’authenticité aussi, et bien entendu d’immortaliser le message, la musique et les mots qu’il a laissés sur disques, sur partitions, sur papier, un impressionnant condensé de ce qu'il a été, bien qu'il fût encore bien plus complexe, et que sa vie se soit déroulée en marge des circuits et des micros normalisés… On espère que la Bibliothèque du Congrès aura un souci de préservation de l’œuvre d'un autre éminent
Washingtonian.

L’équipe de Jazz Hot salue un artiste indépendant, original et une personnalité authentique du jazz.



ANDREW WHITE ET JAZZ HOT: n°304-1974, n°492-1992, n°524-1995

Trane 'n Me par Andrew White
AUTRES SOURCES:
WBGO, Washington PostJazzTimes, New York Times, International Musician (https://internationalmusician.org/andrew-white/)Flash Point (https://www.flashpointmag.com/white2.htm), La Tennessee Encyclopaedia (https://tennesseeencyclopedia.net/entries/andrew-nathaniel-white-iii/), à propos de la NAACP au Tennessee: Tenessean (https://eu.tennessean.com/picture-gallery/news/2014/01/29/naacp-in-nashville-a-history/5035185/)

POUR MÉMOIRE: Andrew's Musical Enterprises, Inc.- 4830, South Dakota Ave., North East-Washington, D.C., 20017, USA. 

ANDREW WHITE par lui-même:
Trane 'n Me (1981), Everybody Loves the Sugar (2001), édités par Andrew’s Musical Enterprises, Inc. 


*

DISCOGRAPHIE

1979. Andrew White, Saxophonitis

Leader et coleader

LP  1961. The "JFK" Quintet, New Jazz Frontiers From Washington, Riverside 396 (as), Ray Codrington (tp), Andy White (as), Harry Killgo (p), Walter Booker, Jr. (b), Carl Mickey, Newman (dm), produit par Cannonball Adderley.
LP  1962. The "J.F.K." Quintet, Young Ideas, Riverside 424 (as), les deux Riverside sont repris sur le CD Fresh Sound 738
LP  1965-71. Live at the New Thing in Washington D.C., Andrew's Music AM2 (as, ts)
LP  1971. Andrew Nathaniel White III, Andrew's Music AM1 (solo: ts, as, oboe, ehrn, b)
1961. The JFK Quintet, New Jazz Frontiers From Washington, Riverside1962. The "J.F.K.” Quintet, Young Ideas, Riverside.jpg1965-71. Andrew White, Live at the New Thing in Washington, D.C.1971. Andrew White, Andrew- Nathaniel III













LP  1973. Live in Bucharest, Andrew's Music AM3 (trio avec deux batteurs: ts, as, oboe, p, ep)
LP  1973. Who Got de Funk?, Andrew's Music AM4 (sextet et duo avec Jocelyne White, poésie : oboe,ehrn,cl,sop,as,ts,p,el-b,cymbl,whistle, voc)
LP  1974-76. Seven Giant Steps for Coltrane, Andrew's Music AM30 (solo: as, Carnegie Hall, NYC, sur 3 années)
LP  1974. Passion Flower, Andrew's Music AM5 (ts)
LP  1974. Songs for a French Lady, Andrew's Music AM6 (quartet et solo: p, oboe, ehrn, cl, as, ts)
1973. Andrew White, We Got De Funk1974-76. Andrew White, Seven Giant Steps for Coltrane1974. Andrew White, Passion Flower1974. Andrew White, Songs for a French Lady













LP  1974. Theme, Andrew's Music AM7 (Quartet: ts)
LP  1974. Live at the Foolery in Washington D.C. Vol. One, Andrew's Music AM8 (Quartet: as, ts)
LP  1974. Live at the Foolery in Washington D.C. Vol. Two, Andrew's Music AM9 (Quartet: as, ts)
LP  1974. Live at the Foolery in Washington D.C. Vol. Three, Andrew's Music AM10 (Quartet: as, ts)
LP  1974. Live at the Foolery in Washington D.C. Vol. Four, Andrew's Music AM11 (Quartet: as, ts)
LP  1974. Live at the Foolery in Washington D.C. Vol. Five, Andrew's Music AM12 (Quartet: as, ts)
LP  1974. Live at the Foolery in Washington D.C. Vol. Six, Andrew's Music AM13 (Quartet: as, ts)
CD 1974-82. M M and M Series Vol. 2: Magical Genius, Andrew's Music AM66 (big band: as, ts, dir)
LP  1975. Collage, Andrew's Music AM14 (quartet: as, ts)
1974. Andrew White, Theme1974. Andrew White, Live at the Foolery in Washington D.C., Volume Three1974-82. Andrew White, The M M and M Series1975. Andrew White, "Collage"













LP  1975-78. The Coltrane Interviews, Vol.2, Andrew's Music AM35 (narr., emission radio WHUR-FM)
LP  1975. Marathon '75 Vol. 1, Andrew's Music AM15 (quartet: as, ts)
LP  1975. Marathon '75 Vol. 2, Andrew's Music AM16 (quartet: as, ts)
LP  1975. Marathon '75 Vol. 3, Andrew's Music AM17 (quartet: as, ts)
LP  1975. Marathon '75 Vol. 4, Andrew's Music AM18 (quartet: as, ts)
LP  1975. Marathon '75 Vol. 5, Andrew's Music AM19 (quartet: as, ts)
LP  1975. Marathon '75 Vol. 6, Andrew's Music AM20 (quartet: as, ts)
LP  1975. Marathon '75 Vol. 7, Andrew's Music AM21 (quartet: as, ts)
LP  1975. Marathon '75 Vol. 8, Andrew's Music AM22 (quartet: as, ts)
LP  1975. Marathon '75 Vol. 9, Andrew's Music AM23 (quartet: as, ts)
LP  1976. Spots, Maxine and Brown, Andrew's Music AM24 (quartet: as, ts)
LP  1976. Countdown, Andrew's Music AM25 (quartet: as, ts)
LP  1976. Red Top, Andrew's Music AM26 (quartet: as, ts)
1975. Andrew White, Marathon '75, Vol. 5
1976. Andrew White, "Spotts, Maxine and Brown"1976. Andrew White, Countdown1976. Andrew White, Red Top













LP  1976. Trinkle, Trinkle, Andrew's Music AM27 (quartet: as, ts)
LP  1976. Ebony Glaze, Andrew's Music AM28 (quartet: as, ts)
LP  1976. Miss Ann, Andrew's Music AM29 (quartet: as, ts)
LP  1977. Live in New York at the "Ladies Fort”, Volume One, Andrew's Music AM31 (quartet: as, ts)
LP  1977. Live in New York at the "Ladies Fort”, Volume Two, Andrew's Music AM32 (quartet: as, ts)
1976. Andrew White, Trinkle Trinkle1976. Andrew White Ebony Glaze1976. Andrew White, Miss Ann1977. Andrew White, Live in New York, at the Ladies Fort, Volume One













LP  1977. The Coltrane Interviews, Vol.1, Andrew's Music AM34 (narr., emission radio WPFW-FM)
LP  1978. Bionic Saxophone, Andrew's Music AM33 (quartet: as, ts)
LP  1979. Saxophonitis, Andrew's Music AM36 (quartet: ts)
LP  1979. Fonk Update: All Weekend at the One Step Series, Vol.1, Andrew's Music AM37 (quartet: ts)
LP  1979. I Love Japan: All Weekend at the One Step Series Vol. 2, Andrew's Music AM38 (quartet: ts)
1978. Andrew White, "Bionic Saxophone"1979. Andrew White, Saxophonitis1979. Andrew White, Fonk Update1979. Andrew White, I Love Japan













LP  1979. Have Band Will Travel, All Weekend at the One Step Series Vol.3, Andrew's Music AM39 (quartet: ts)
LP  1983. Profile, Andrew's Music AM42 (solo: as)
LP  1998. Nouveau Fonk: Gigtime 2000 Volume One, Andrew's Music AM45 (quartet: ts)
LP  1998. Andrew's Theme: Gigtime 2000 Volume Two, Andrew's Music AM46 (quartet: ts)
LP  1998. Everybody Loves the Sugar, Gigtime 2000 Volume Three, Andrew's Music AM47 (quartet: ts)
LP  1998. Keep On Dancin', Baby!, Gigtime 2000 Volume Four, Andrew's Music AM 48 (quartet: ts)
1979. Andrew White, Have Band Will Travel1983. Andrew White, "Profile"1998. Andrew White, Gigtime 2000 Vol. 1, Nouveau Fonk1998. Andrew White, Gigtime 2000 Vol. 3, EveryBody Loves the Sugar















Sideman

LP  1968-70. McCoy Tyner Cosmos, Blue Note LA-460-H2 (oboe)
LP  1970. McCoy Tyner, Asante, Blue Note LA-223-G (as)
LP  1970. Lloyd McNeill, Washington Suite, ASHA 3 (oboe)
LP  1970. Marion Williams, Standing Here Wondering Which Way to Go, Atlantic 8289 (b)
1968-70. McCoy Tyner, Cosmos1970. McCoy Tyner, Asante1970. Lloyd McNeill, Washington Suite1970. Marion Williams, Standing Here Wondering Which Way to Go, Atlantic













LP  1971. The 5th Dimension, Live!!, Bell 9000 (b)
LP  
1971-72. Weather Report, I Sing the Body Electric, Columbia 31352 (ehrn)
LP  1973. Weather Report, Sweetnighter, Columbia 32210 (ehrn, b)
LP  1980. Elvin Jones, Soul Train, Denon YF-7004-ND (ts)

1971. The 5th Dimension, Live!!
1971-72. Weather Report, I Sing the Body Electric1973. Weather Report, Sweetnighter1980. Elvin Jones Jazz Machine, Soul Train













LP  1983. Beaver Harris, Beaver Is My Name, Timeless SJP 196 (ts)
CD 1991. Julius Hemphill, Fat Man and the Hard Blues, Black Saint 120 115-2 (ts)
CD 1993. Julius Hemphill, Five Chord Stud, Black Saint 120 140-2 (ts)
CD 1997. Julius Hemphill, At Dr. King's Table, New World 80524-2/Counter Currents 80524-2 (ts)
1983. Beaver Harris, Beaver Is My Name1991. Julius Hemphill, Fat Man and the Hard Blues1993. Julius Hemphill, Five Chord Stud1997. The Julius Hemphill Sextet, At Dr. King's Table













CD 2003. Julius Hemphill, The Hard Blues, Clean Feed 027 (ts)
CD 2005. The Sun Ra Ensemble, Klee's Machine, Vineyard 159-132 (David Bond/Marshall Allen/Andrew White, ts)
CD 2006. Weather Report, Forecast: Tomorrow, Columbia 88875006192 (compilation, dm, ehrn)
CD 2007. The David Bond Quintet feat. Andrew White, The Early Show, CIMPoL 5004 (ts)
2003. The Julius Hemphill Sextet, The Hard Blues2005. The Sun Ra Ensemble, Klee’s Machine2006. Weather Report, Forecast-Tomorrow (compilation)2007. The David Bond Quintet featuring Andrew White, Early Show














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VIDEOGRAPHIE
par Hélène Sportis

Andrew White présente son autobiographie «Everybody Loves the Sugar» lors de son entretien avec Larry Appelbaum à la Bibliothèque du Congrès, 11 novembre 2016 - YouTube
Andrew White présente son autobiographie «Everybody Loves the Sugar» lors de son entretien avec Larry Appelbaum
à la Bibliothèque du Congrès, 11 novembre 2016 -
YouTube

1973-1977. Andrew White, Jazz Saxophone Legend (compilation de plusieurs disques)
https://www.youtube.com/watch?v=TCrhiyB_Ze0

1973. Andrew White, Who Got De Funk? album-titre (Editions Andrew’s Music),

1975 . Andrew White, Steve Novosel (b), prob. Kevin Toney (p), Keith Killgo (dm), enregistrement radio WRUR (Rochester University) non édité, 2 juin

1979. Andrew White, Donald Waters (p), Steve Novosel (b), Bernard Sweetney (dm), «Tear It Up Tenor», album Saxophonitis (Editions Andrew’s Music), enregistré en live au Harold's Rogue &  Jar, jazz pub de Washington, D.C., 12 et 13 janvier avec un invité Buck Hill (ts)

2009. Andrew White, conférence-souvenirs sur John Coltrane, l’improvisation, pour les 38 ans de sa maison d’édition musicale (2500 titres), donnée à l’Université du District of Columbia (à Washington, DC, Howard était une université publique d’excellence à l’origine destinée aux Afro-Américains)

2016. Conversation avec Andrew White, Larry Appelbaum, Library of Congress, 11 novembre

2017. Andrew White, Wade Beach (p), Steve Novosel (b), Nasar Abadey (dm), «Giants Steps», «Bye, Bye, Blackbird», «Everybody Loves The Sugar», «Wabash», «Red Top», «Pristine», «Miss Ann», «Theme 1A», «Everything I Have Is Yours», Jazz Gallery, New York, NY, Production Anthony Radice, 6 mai 


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