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Dr. John

6 juin 2019
20 novembre 1941, New Orleans, LA - 6 juin 2019, New Orleans, LA
© Jazz Hot 2019


Né à La Nouvelle-Orléans, le 20 novembre 1941, Malcolm John Rebennack Jr., plus connu sous le nom de Dr. John, y est mort le 6 juin 2019, signe de son attachement indéfectible à la Cité du Croissant qui a si fortement marqué sa vie et sa musique.

La nouvelle du décès de Dr. John d’une crise cardiaque, dépasse le cadre de la musique, tant la personnalité du pianiste et chanteur faisait partie de la culture de La Nouvelle-Orléans. Ses performances avaient un côté théâtral inspirés des fameux «medicine shows», relayés par des cérémonies vaudou et les fameux costumes de Mardi Gras. Il aura été le messager d’une culture authentique sur le plan musical, à la croisée du jazz, blues, funk ou swamp rock. Une véritable mémoire vivante des musiques populaires de Crescent City.



Dr. John est le fils de Dorothy Cronin et de Malcom John Rebennack. Ce dernier possède une boutique de réparation de radio et fait également office de disquaire. Le jeune Malcom Jr. grandit dans le quartier de Third Ward où la musique irrigue la vie des habitants aux rythmes chaloupés d’un incroyable bouillon de culture. Les disques de King Oliver et de Louis Armstrong servent de base à son éducation musicale qui passe par une famille mélomane et les nombreuses relations de son père, lesquelles lui ouvriront les portes des studios d’enregistrement du fameux Cosimo Matassa où il assiste à quelques séances mémorables de Little Richard ou de Guitar Slim. Sa vocation vient par le biais de la guitare qui est son premier instrument lorsqu’il joue dans les clubs, son professeur étant Papoose Nelson, un musicien de l’orchestre de Dave Bartholomew. L’autre rencontre importante est celle avec le pianiste Professor Longhair avec lequel il travaillera plus tard.



Dr. John, Londres © David Sinclair
Dr. John, Londres © David Sinclair


A la sortie de l’adolescence, il entre comme producteur chez Ace Records et côtoie des artistes tels que James Booker, Art Neville, Joe Tex, Allen Toussaint ou Earl King avec toujours cette volonté d’apprendre. C’est à la fin des années 1950 qu’il forme ses premiers groupes avec son ami d’enfance, le trompettiste Charlie Miller, travaillant également comme arrangeur et sideman sur divers labels de l’époque. Aux alentours de 1960, sa carrière prend un tournant radical lorsqu’au cours d’une fusillade dans un club de Jacksonville (Floride), l’annulaire de sa main gauche est sévèrement touché. Après quelques tentatives à la guitare basse, il s’oriente exclusivement vers le piano dans un style proche de son mentor Professor Longhair, sorte de gumbo de blues, boogie, calypso, mambo et rumba. C’est également à cette époque qu’il commence à avoir des problèmes avec la justice, notamment pour consommation et vente de stupéfiants ainsi qu’en tant que gérant d’un bordel avec sa première épouse. C’est ainsi qu’il purge deux ans de prison dans un pénitencier fédéral de Fort Worth où il rencontre Etta James lors d’un concert. Il travaillera avec elle plus tard.

En 1965, à sa sortie de prison, il s’installe à Los Angeles et devient musicien de studio, collaborant avec le groupe californien Canned Heat en tant que pianiste sur les albums Living the Blues et Future Blues, mais aussi avec Aretha Franklin sur deux titres, notamment le superbe «Spanish Harlem» en 1971.
Il explore encore davantage sa culture natale en s’intéressant plus profondément au vaudou de la Nouvelle-Orléans. Il reprend  ainsi le nom d’un sorcier du milieu du XIXe siècle, «Dr. John», également connu comme John Montaigne ou Montenet, John Creaux ou Croix, mais aussi Bayou John. C’était
un prince originaire du Sénégal. Il fut capturé et envoyé à Cuba en tant qu’esclave et une fois émancipé, il travailla dans la marine avant de s’installer à La Nouvelle-Orléans pour devenir le sorcier-médecin de Congo Square. Cette figure légendaire, inspirant une certaine crainte à la population locale, aurait enseigné les préceptes vaudou à Marie Laveau. C’est donc sous ce patronyme que Malcom Rebennack poursuit sa carrière avec des mises en scène théâtrales mêlant culte vaudou, costumes indiens traditionnels de Louisiane, serpent et autres accessoires. Il signe en 1968 un premier album marquant, en tant que leader, au nom évocateur de Gris Gris (avec Plas Johnson, ts) à la coloration blues et funky, sous forme d’incantations religieuses. Cette riche période sur le label ATCO se poursuit dans le même esprit avec Babylon (1969), Remedies (1970) et The Sun, Moon and Herbs (1971) avec pour ce dernier opus la présence de Mick Jagger et d’Eric Clapton.


1972. Dr. John, Gumbo





L’année suivante, il délaisse l’ambiance moite des messes vaudou pour évoquer la grande tradition du piano rhythm and blues de Crescent City pour ce qui est l’un de ses meilleurs albums, Dr. Johns Gumbo (1972). A ce sujet, il déclarera dans son autobiographie (Under a Hoodoo Moon, 1994): «en 1972, j'ai enregistré Gumbo, un album qui était à la fois un hommage et une interprétation de la musique avec laquelle j'avais grandi à La Nouvelle-Orléans à la fin des années 1940 et au début des années 1950. J'ai essayé de prendre en compte les nombreuses évolutions musicales de la Nouvelle-Orléans, tout en travaillant ma propre musique au piano et à la guitare». Avec ce projet, Dr. John affirme un peu plus son attachement à son identité et à sa culture musicale qui l’amène à produire deux excellents albums aux accents funky In the Right Place (1973) et Desitively Bonnaroo (1974) avec le concours du pianiste et producteur Allen Toussaint et des fameux Meters. Cela marque la fin de sa collaboration avec le label ATCO, avant de tenter un projet de jam blues autour des guitaristes Mike Bloomfield et John Hammond Jr. (Triumvirate, Columbia).



1978. Dr. John, City Lights




On note, au milieu des années 1970, sa longue collaboration avec son ami Doc Pomus, l’auteur rhythm and blues le plus célèbre de New Orleans. L’album sera récompensé du prix «W.C. Handy Blues» en 1980. Selon la fille de Pomus, Dr. John et son père étaient des amis très proches et des partenaires d'écriture (lors de ses funérailles, le 17 mars 1991 à New York, Dr. John prononcera d’ailleurs l'un des nombreux éloges funèbres et jouera en duo avec Jimmy Scott). Il en résulte, entres autres, le splendide City Lights (1978) qu'il coécrit avec Doc Pomus dans un studio new-yorkais avec autour de lui les saxophonistes David Sanborn, Ronnie Cuber, le guitariste Cornell Dupree et les baguettes de Steve Gadd.




1979. Pr. Longhair & Dr. John, Crawfish Fiesta





Ce qui l’amène à composer et jouer pour B.B. King avant de retrouver son idole, Professor Longhair en 1979 sur Crawfish Fiesta, son dernier enregistrement en tant que guitariste et producteur. Par ailleurs, la carrière de sideman de Dr. John lui fait côtoyer des univers différents mais non antagonistes avec comme fil conducteur le blues et ce swing néo-orléanais marqué par les racines caribéennes. Son piano servira d’écrin aussi bien à B. B. King, au Neville Brothers, à Irma Thomas, Johnny Winter, Maria Muldaur qu’aux Rolling Stones, Ringo Starr, Eric Clapton, Gregg Allman. Sans oublier de nombreuses apparitions à la télévision et au cinéma, notamment dans Blues Brothers 2000 (John Landis, 1998) et dans la série Treme où il tient son propre rôle.

1983. Dr. John, Plays Mac Rebennack, vol. 2





On retient enfin deux merveilleux albums en piano solo, Dr. John Plays Mac Rebennac vol. 1 et vol. 2 (1981 et 1983), sur le label Clean Cuts basé à Baltimore, dans lesquels il explore son propre répertoire ainsi que quelques standards sous l’influence des pianistes de sa ville mais aussi du boogie-woogie, d’Ellington et d’Art Tatum. Peu de temps après, il fonde son propre label, Hyena Records, et sort dans le même esprit un très beau All By Hisself, Live at Lonestar enregistré en club à New York en 1986.


1986. Dr. John, All by Hisself






Au début des années 1990, il crée la formation éphémère Bluesiana Triangle avec Art Blakey, David Fathead Newman et Ray Anderson, dans un programme mêlant jazz et blues. En grande formation, toujours avec David Fathead Newman, il revisite le répertoire de Cole Porter et de Johnny Mercer sur In a Sentimental Mood (1989) tandis que sur l'excellent Afterglow (1995) il est entouré d'une rythmique de haut vol emmenée par Ray Brown et Jeff Hamilton. 



2014. Dr. John, Ske-Dat-De-Dat: The Spirit of Satch



Dans ses dernières années de carrière, il a engagé Sarah Morrow (tb) dans sa formation avec laquelle il arrange et produit Ske Dat De Dat, The Spirit of Satch.


De son vivant, Dr. John a bénéficié d’une reconnaissance officielle de la part des autorités louisianaises. Alors que Goin Back to New Orleans (1992) se présentait comme une sorte de testament musical, le Conseil municipal de La Nouvelle-Orléans proclamait encore en 2017, que le 20 novembre, jour de naissance de
Malcom Rebennack serait le «Dr. John Day». De même, le gouverneur de la Louisiane, John Bel Edwards, déclara Dr. John représentant éminent de la culture de l’Etat et de sa capitale.

David Bouzaclou


DISCOGRAPHIE


Leader, coleader

CD 1968. Dr. John, The Night Tripper: Gris-Gris, ATCO 33-234 (Alligator 3904)

CD 1968. Babylon, ATCO 33-270

CD 1970. Remedies, ATCO 33-316

CD 1971. The Sun Moon & Herbs, ATCO 33-362

CD 1972. Dr. John’s Gumbo, ATCO 7006 (Alligator 3901)

CD 1973. In the Right Place, ATCO 7018

CD 1974. Desitively Bonnaroo, ATCO 7043

CD 1975. Hollywood By This Name, United Artist L35735

CD 1978. City Lights, Horizon 732

CD 1979. Tango Palace, Horizon 740

CD 1981. Plays Mac Rebennack vol 1, The Legendary Sessions, Clean Cuts 705

CD 1983. Plays Mac Rebennack vol 2, The Legendary Sessions, Clean Cuts 707

CD 1984. Such a Night, Live in London, SpinDrift 107

CD 1986. All By Hisself, Live at Lonestar, Hyena/Skinji Brim 9317

CD 1988. Splinter Trip Revisited, Live in Hayfield, Dandelion Records Dandelion Records 8011

CD 1989. Right Place, Right Time, Live at Tipitina’s, Mardi Gras 1989, Hyena  9344

CD 1989. In a Sentimental Mood, Warner Bros. 9 25889-2

CD 1990. Bluesiana Triangle, Windham Hill Jazz 0125 (avec Art Blakey et David Fathead Newman)

CD 1991. Bluesiana Triangle, Bluesiana II, Windham Hill Jazz 01934 10133-2 (avec David Fathead Newman et Ray Anderson)

CD 1991. Funky New Orleans, Metro 002

CD 1992. Goin' Back to New Orleans, Warner Bros 26940-2

CD 1994. Television, MCA 4024
CD 1995. Afterglow, Blue Thumb 7002

CD 1996. Trippin Live, at Ronnie Scott 1986, Surefire Records

CD 1998. Anutha Zone, Parlophone 7243 4 95490 2

CD 1999. Duke Elegant, Blue Note 23220-2 

CD 2001. Créole Moon, Parlophone 534591-2

CD 2004. N’Awlinz Dis Dat Or D’Udda, Parlophone 7243 5 78603 2

CD 2005. Sippiana Hericane, Parlophone 0946 3 45685 2

CD 2006. Mercenary, Blue Note 0946 3 54541 2

CD 2008. Dr. John and the Lower 911, City That Care Forgot, Cooking 468

CD 2010. Dr. John and the Lower 911, Tribal, Proper Records 17803

CD 2012. Locked Down, Nonesuch 530395-1

CD 2014. Ske Dat De Dat: The Spirit of Satch, Concord 35187-02

CD 2016. The Musical Mojo of Dr. John: Celebrating Mac & His Music, Concord 0888072009820


1968. Dr. John, Gris-Gris1973. Dr. John, In the Right Place, in the Right Time

1981. Dr. John, Plays Mac Rebennack, Vol. 1 1974. Dr. John, Desitively Bonnaroo












1989. Dr. John, in a Sentimantal Mood1992. Dr. John, Goin’ Back to New Orleans1995. Dr. John, Afterglow2016. Dr. John, The Musical Mojoof Dr. John















Sideman

CD 1971. BB King, In London, ABC

CD 1972. Bobby Charles, Bearsville/Rhino

CD 1973. Bloomfield-Dr. John-Hammond, Triumvirate, Columbia

CD 1973. David Fathead Newman, The Weapon, Atlantic

CD 1973. Doug Sham, The Band, Atlantic

CD 1974. Van Morrison, Amsterdam's Tapes, Archivio

CD 1977. Levon Helm, And the RCO All Stars, ABC

CD 1977. Van Morrison, Period of Transition, Warner Bros

CD 1980. Professor Longhair, Crawfish Fiesta, Alligator

CD 1981. Chris Barber, Take Me Back to New Orleans, Black Lion

CD 1981. BB King, There Must Be a Better World Somewhere, MCA

CD 1982. Maria Muldaur, Sweet & Slow, Tudor

CD 1982. Jimmy Whiterspoon, Midnight Called the Blues, Muse

CD 1983. Chris Barber, Mardi Gras at the Marquee, Timeless

CD 1983. Hank Crawford, Midnight Rambler, Milestone

CD 1983. Hank Crawford, Indigo Blue, Milestone

CD 1984. Stevie Ray Vaughan, Live at Carnegie Hall, Epic

CD 1985. Bennie Wallace, Twilight Time, Blue Note

CD 1985. Hank Crawford, Roadhouse Symphony, Milestone

CD 1986. Leon Redbone, Red to Be Blue, August

CD 1987. Johnny Winter, Live in Sweden, MVD Audio

CD 1987. Bennie Wallace, Bodertown, Blue Note
CD 1988. Johnny Adams, Room With a View of the Blues, Rounder

CD 1988. Duke Robillard, You Got Me, Rounder

CD 1988. Elvin Bishop, Big Fun, Alligator

CD 1989. Hank Crawford, Night Beat, Milestone

CD 1990. Charles Brown, All My Life, Bullseye Blues

CD 1990. Hank Crawford, Groove Master, Milestone

CD 1990. Ringo Starr, And His All Star Band, Ryko

CD 1990. Bob Malach, Mood Swing, Go Jazz

CD 1991. Johnny Winter, Let Me In, Pointblank

CD 1991. Aaron Neville, Warm Your Heart, A&M

CD 1991. Johnny Adams, The Real Me, Rounder

CD 1992. Donald Harrison, Indian Blues, Candid

CD 1992. Maria Muldaur, Louisiana Love Call, Black Top

CD 1992. Leon Redbone, Up Lazy River, Private Music

CD 1993. Hank Crawford, South Central, Milestone

CD 1993. James Cotton, Living the Blues, Verve

CD 1994. Lillian Boutté, The Jazz Book, Blues Beacon

CD 1994. Jimmie Vaughan, Strange Pleasure, Epic

CD 1996. Lillian Boutté, But....Beautiful, Dinausor Entertainment

CD 1999. BB King, Let the Good Times Roll, MCA

CD 2000. John Mooney, Gone to Hell, Blind Pig

CD 2002. Shemekia Copeland, Talking to Stranger, Alligator

CD 2005. John Scofield, That's What I Say, Verve

CD 2005. Angela Strehli, Blue Highway, M.C

CD 2006. Spencer Bohren, Born in a Biscayne, Great Southern

CD 2008. BB King, One Kind Favor, Geffen

CD 2008. Bobby Charles, Homemade Songs, Rice N'Gravy

CD 2010. Bobby Charles, Timeless, Rice N'Gravy

CD 2011. Gregg Allman, Low Country Blues, Rounder

1998. Blues Brothers 2000DVD/FILMS/SERIES

1986. All By Hisself, Live at Lonestar, Hyena

1987. Johnny Winter, Live in Sweden, MVD

1990. John Scofield, Live 3 Ways, Blue Note

1995. Dr. John, Live in Montreux, Eagle

1996. Tribute to Stevie Ray Vaughan, Epic

1998. Blues Brothers 2000, réal. John Landis, 123 min., Universal Pictures
2003. Clint Eastwood, Piano Blues, 85 min., prod. Martin Scorcese
2010-2013. Treme (Série TV HBO), 36 épisodes de 60 min. (4 saisons), Réal. Agnieszka Holland, Prod. Blown Deadline Prods, David Simon, Eric Overmeyer, Nina K. Noble, Carolyn Strauss

VIDEOS

1974. Dr. John (avec Earl King, Professor Longhair, The Meters), émission TV Soundstage
https://www.youtube.com/watch?v=cmOCMJsUn4g

1986. Dr. John, «Mac’s Boogie», Montreux Jazz Festival
https://www.youtube.com/watch?v=9S-PChQ5h9s

1988. Dr. John (avec Johnny Winter), émission TV In Session
https://www.youtube.com/watch?v=gY_dmkPhWMo

1995. Dr. John, «Iko Iko», Montreux Jazz Festival
https://www.youtube.com/watch?v=50yEQQB2OVE

2006. Dr John & The Nite Trippers, concert intégral, Newport Jazz Festival
https://www.youtube.com/watch?v=hHSAwLfMZ9Y

2015. Dr John & The Nite Trippers (feat. Sarah Morrow), concert intégral, Landmark Music Festival, Washington, DC
https://www.youtube.com/watch?v=d5xCUjCjJco

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