Roswell Rudd
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21 déc. 2017
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17 novembre 1935, Sharon, CT - 21 décembre 2017, Kerhonkson, NY
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© Jazz Hot n°682, Hiver 2017-2018
Le tromboniste et compositeur Roswell Hopkins Rudd, artiste emblématique des recherches de l’avant-garde à New York au début des années 1960, est décédé en cette fin d’année 2017. Une intéressante interview parue dans Jazz Hot n°605 nous rappelle la voix et l’humour de ce bon tromboniste: une lecture éclairera cette nécrologie de cette envie de vivre qui a guidé le parcours de ce musicien témoin de l’histoire du jazz de 1950 à nos jours, et on retrouve en illustration les photos indispensables du regretté Jacques Bisceglia, grand connaisseur de cette histoire.
Né dans une famille déjà investie dans la musique (le père est batteur amateur et organise des jam sessions à la maison, la mère est pianiste, la grand-mère pianiste, chante et dirige un chœur à l’église et ses improvisations auraient inspiré le jeune Roswell), et comme un bon nombre de musiciens d’avant-garde –Steve Lacy par exemple– Roswell Rudd, diplômé de l’Université de Yale, a commencé sa pratique musicale dans un groupe universitaire de jazz traditionnel (dixieland) de 1954 à 1958, avec lequel il a enregistré (Eli’s Chosen Six, Columbia). Il affirme comme première influence Louis Armstrong, qu’il a entendu au début des années 1950, et, pour son instrument, la grande tradition depuis Tricky Sam Nanton et Jack Teagarden. Roswell Rudd, curieux de musiques du monde et de celles des Etats-Unis, a aussi enseigné l’ethnomusicologie au Bard College et à l’Université du Maine, fréquentant dans ce domaine le célèbre Alan Lomax. Cette précision est donnée car elle explique un parcours musical très étonnant, pas seulement dans le jazz mais également au contact d’autres cultures musicales de l’ Amérique à l’Europe, de l’Afrique à l’Asie. Formé académiquement au saxhorn (mellophone) à l’école primaire, puis au french horn (cor d’harmonie) au collège, il se tourne finalement vers le trombone en apprenant l’instrument par lui-même.
On dit parfois de lui qu’il était passé du dixieland au free jazz, ce qu’il confirme d’une certaine façon: «J’ai grandi dans l’improvisation collective, et c’est ce que j’ai entendu avec Archie Shepp et Ornette Coleman. C’est ce qui m’a fait entrer dans la musique des années 1960… parce que c’était la même chose: tout le monde a commencé à jouer en solo et est parti pour le son. J’appelle ça "le contrepoint libre”, le renvoi du son d’une personne à l’autre et retour jusqu’à ce que vous créiez un ensemble acoustique. J’ai entendu ça sur ces vieux enregistrements Dixieland et j’ai entendu ça dans le nouveau jazz des années 60.» Mais Il a aussi beaucoup de curiosités pour la période bebop comme en témoigne son attachement à la musique de Thelonious Monk souvent honorée, d’Herbie Nichols à qui il rendra de multiples hommages, et de Charlie Parker.
Au tournant des années 1960, il se joint au pianiste Herbie Nichols (1960-62), tout en continuant quelques collaborations dans le jazz traditionnel version dixieland avec Wild Bill Davidson, Bud Freeman et Eddie Condon, et en abordant l’avant-garde au sein de groupes avec Steve Lacy (1960) et de Cecil Taylor (1961). C’est au sein de la sphère avant-gardiste que Roswell Rudd oriente sa curiosité musicale, avec le New York Art Quartet et John Tchicai, Milford Graves, Reggie Workman, et des enregistrements emblématiques comme New York Eye and Ear Control pour le label ESP avec Albert Ayler, Don Cherry, John Tchicai, Gary Peacock, Sunny Murray. Roswell Rudd s’intègre à ce mouvement esthétique très lié à l’ouverture des arts à New York sur des formes nouvelles, des rencontres interartistiques, de nouvelles relations intercommunautaires dénuées de préjugés racistes, intéressées par l’abstraction et la recherche de nouveaux concepts plus que culturellement ancrées sur la tradition jazz.
Roswell Rudd produit en 1965 et 1966 ses deux premiers albums non collectifs, pour America (Roswell Rudd) et Impulse! (Everywhere), labels impliqués dans le free jazz de ce début des années soixante.
Roswell Rudd a rencontré Steve Lacy dès 1960 qui restera un compagnon de toute une vie. En 1963, il joue toujours avec Steve Lacy, rencontre Henry Grimes et côtoie la nouvelle vague du jazz, la new thing, Archie Shepp en particulier avec lequel il va enregistrer bon nombre de disques (1964-67, cf. discographie), mais aussi dans ces années soixante très effervescentes, Bill Dixon (October Revolution in Jazz), Don Cherry, Pharoah Sanders, Charlie Haden, Gato Barbieri, Robin Kenyatta, Larry Coryell, Michael Mantler, Carla Bley, prélude à la création du Jazz Composer’s Orchestra (à la fin 1964, enregistrements en 1964 et 1968) et plus tard à un enregistrement avec le Liberation Music Orchestra de Charlie Haden (1970)… Un mouvement, on le voit, très porté sur un certain romantisme politico-esthétique propre à cette époque, à New York, et en décalage avec le grand mouvement pour les droits civils, même s’il s’y rattache par le cœur.
L’improvisation devient l’alpha et l’oméga de la création dans le jazz, même si on commence à percevoir le malentendu culturel entre musique de culture, musique de système, musique de mode ou de consommation, dans le jazz aussi, un malentendu qui naît des expériences différentes vécues par les artistes et des pressions de toutes natures qui s’exercent à cette période charnière des années 1960 pour l’ensemble de la production musicale.
A partir des années 1970, après ce grand vent de l’histoire, Roswell Rudd cultive la fibre créative et improvisée, toujours avec beaucoup d’ouverture stylistique, tout en conservant un attachement à ses amours et ses amitiés de jeunesse: Monk, Nichols, Lacy, Shepp. Sa discographie fait état de plusieurs enregistrements pour des labels européens, signe que la musique de Roswell Rudd y est mieux accueillie en cette période. Il fait des conférences au Bard College, dans le nord de l’Etat de New York, et commence à transmettre son expérience, à ouvrir son enseignement à d’autres musiques du monde et profite de ses compétences et de la recommandation d’Alan Lomax pour être embauché à l’Université du Maine de 1976 à 1982. A partir de ces ouvertures, Roswell Rudd part à la découverte de l’Europe et des autres continents, retournant périodiquement à ses recherches aux côtés de Lomax (1984-85) utilisant avec lui une méthode d’approche et de classement des musiques populaires du monde, un programme qui a pris fin en 1994.
Les années 1970 et 1980 ont été une période où Roswell Rudd a créé, avec d’autres artistes partageant sa vision philosophique, un espace nécessaire à leur expression, forcément marginal et sous la forme communautaire; ce sont des amis, des anciens étudiants dont Verna Gillis, dont il avait dirigé la thèse, et qui devient alors déterminante dans le cours de la vie de Roswell Rudd.
En 1979, Verna Gillis et son mari Bradford Graves, sculpteur et saxophoniste, fondent Soundscape, un espace de performance situé sur la 52e rue et la 10e Avenue à Manhattan, où elle présente des concerts pionniers en matière de musique du monde, de jazz aussi, des lectures de Nat Hentoff, Stanley Crouch et Amiri Baraka, des performances de Sun Ra, Roswell Rudd, Archie Shepp, etc., débouchant sur une grande manifestation en hommage à Thelonious Monk, à la Columbia University de New York, Interpretations of Monk (1981), avec quatre pianistes, Barry Harris, Muhal Richard Abrams, Anthony Davis, Mal Waldron, pour reprendre l’œuvre de Monk et avec la participation d’anciens comme Charlie Rouse, Ben Riley, Steve Lacy, et d’adeptes comme Roswell Rudd, Don Cherry, Richard Davis, Ed Blackwell, familiers de l’univers de Monk. L’enregistrement du concert a été réalisé dans la série Soundscape de Verna Gillis (cf. discographie). Soundscape a duré jusqu’en 1984, quand Bradford Graves a été victime d’une crise cardiaque. Verna Gillis vivait à Kerhonkson, dans l’Etat de New York, et a transformé une ancienne gare en centre communautaire d’arts de la scène. De 1984 à 1990, les enregistrements se font plus rares. Après la disparition de leurs conjoints, Verna Gillis et Roswell Rudd ont poursuivi leur étroite collaboration enrichie par de nombreux voyages et de nombreux enregistrements sont venus immortaliser cette nouvelle jeunesse de Roswell Rudd que fut son âge «mûr», comme il le remarque lui-même (cf. Jazz Hot n°605).
A la fin des années 1990, Roswell Rudd rend un hommage appuyé à Herbie Nichols, concrétisé par deux disques. Il acquiert enfin la reconnaissance, reçoit une bourse Guggenheim pour la composition, enregistre un nouvel hommage à Monk en compagnie de Steve Lacy (1999), grave des retrouvailles avec Archie Shepp (2000), et il est consacré comme tromboniste en 2003, 2004, 2005 par l’association des journalistes de jazz.
Ses recherches ethnomusicologiques l’ont progressivement orienté vers des curiosités pour les musiques du monde, il se passionne alors pour la musique africaine (Mali). Il enregistre en 2001 Malicool avec le joueur de kora Toumani Diabaté et se produit sur place avec sa formation le Trombone Shout Band. Verna Gillis, devenue sa compagne, l’accompagne et filme les rencontres de Roswell sur tous les continents car c’est jusqu’en Mongolie qu’il se rend avec un enregistrement, Blue Mongol, tout en jouant de la musique latine à New York.
Sa fin de vie se déroule de la meilleure des façons, avec des rencontres tout autour de la planète (Afrique, Sibérie, Russie) qui donnent matière à des enregistrements et quelques disques aux Etats-Unis (Trombone for Lovers en 2013 et Strength & Power en 2014). On le trouve sur pas mal de scènes, heureux et fêté, y compris parfois avec des musiciens de country des Etats-Unis. Il a fêté un bel anniversaire pour ses 80 ans en 2015 (cf. vidéos), il avait l’âge de Jazz Hot, et il s'est éteint dans la petite localité de l'Etat de New York, Kerhonkson, où il avait construit une seconde vie avec Verna Gillis. Dans ce parcours d’un musicien curieux et savant, il faut retenir, dans une œuvre très éclectique, sans aucune connotation commerciale, son attachement à la musique de Thelonious Monk et d’Herbie Nichols, sa longue amitié avec Steve Lacy, ses enregistrements avec Archie Shepp, et sa participation à l’histoire fertile des années soixante, souvent collective, avec un bon état d’esprit, une belle histoire qui a engendré la vie passionnante de Roswell Rudd toute entière dévouée à la musique, au jazz mais pas seulement. Yves Sportis
ROSWELL RUDD et JAZZ HOT: n° 605, 2003
SITE: www.roswellrudd.com
DISCOGRAPHIE Leader/coleader CD 1962-1999-2002. Steve Lacy/Roswell Rudd Quartet: Early And Late, Cuneiform Records Rune 250/51 LP 1963. Steve Lacy/Roswell Rudd/Henry Grimes/Dennis Charles: School Days-A 1963 Live Session Released For the First Time, Emanem 3316 (Monk’s music) (=CD hatOLOGY 578) LP 1964. New York Eye and Ear Control, ESP 1016 (Albert Ayler, Don Cherry, John Tchicai, Gary Peacock, Sonny Murray) LP 1964-65. New York Art Quartet, Call it Art, Triple Point TPR161 (coffret 5LPs, Roswell Rudd, John Tchicai et selon les dates : Milford Graves, Reggie Workman, Bob Cunningham, Eddie Gomez, LeRoi Jones, Louis Moholo, Finn van Eyben) LP 1964. New York Art Quartet, ESP-Disk 1004 (=CD 1004-2) LP 1965. New York Art Quartet, Mohawk, Fontana 681009 CD 1965. New York Art Quartet, Old Stuff, Cuneiform Rune 300 LP 1965. Roswell Rudd, America 30AM6114 LP 1966. Everywhere, Impulse! AS9126 (=CD Impulse! MVCI-23046) CD 1967-1976. Blown Bone, Emanem 4131 (1 titre en 1967, suite en 1976) LP 1973. Numatik Swing Band, Roswell Rudd and the Jazz Composer’s Orchestra, JCOA Records 1007 LP 1974. Flexible Flyer, Arista 1006 (=LP Freedom 6075 et =CD Black Lion 760215) CD 1976. Blown Bone, Emanem 4131 LP 1976. Inside Job, Arista/Freedom 1029 LP 1976. Steve Lacy/Roswell Rudd/Kent Carter/Beaver Harris: Trickles, Black Saint 0008 LP 1976. Roswell Rudd/Hans Dulfer/Arjen Gorter/Martin van Duynhoven: Maine, BVHaast 011 LP 1978. Roswell Rudd/Giorgio Gaslini: Sharing, Dischi Della Quercia 28007 LP 1979. The Definitive Roswell Rudd, Horo HZ 12 LP 1982. Roswell Rudd/Steve Lacy/Misha Mengelberg/Kent Carter/Han Bennink: Regeneration, Soul Note 1054 (=CD Soul Note 121054-2 et CD DIW-1142) CD 1994. Allen Lowe/Roswell Rudd: Woyzeck’s Death, Enja Records 9005 2 CD 1996. Elton Dean Quartet/Roswell Rudd: Rumours of an Incident, Slam Productions 223 CD 1996. Elton Dean/Paul Dunmall/Tony Levin/Paul Rogers/Roswell Rudd/Keith Tippett: Bladik, Cuneiform Records Rune 92 CD 1996. The Unheard Herbie Nichols, Vol. 1, Roswell Rudd Trio, CIMP 133 CD 1996. The Unheard Herbie Nichols, Vol. 2, Roswell Rudd Trio, CIMP 146 CD 1998. Ab Baars Trio/Roswell Rudd: Four, DATA Records 012 CD 1999. Glen Hall Outsource/Roswell Rudd: The Roswell Incident, Leo Records 313 CD 1999. New York Art Quartet, «35th Reunion» , DIW 936 CD 1999. Steve Lacy/Roswell Rudd: Monk’s Dream, Verve 314 543 090-2 CD 1999-2000. Broad Strokes, Knitting Factory 276 CD 2000. Archie Shepp & Roswell Rudd, Live in New York, Verve 440 013 482-2 CD 2001. Malicool, Soundscape 014801 (avec Toumani Diabate) CD 2002-2006. Roswell Rudd & Yomo Toro with Bobby Sanabria & Ascension, Sunnyside 1174 (4 titres en 2002, 3 en 2003 et 3 en 2006) CD 2004. Airwalker, Clean Feed 066 CD 2005. Roswell Rudd & The Mongolian Buryat Band: Blue Mongol, Sunnyside 1147 CD 2007. The Second Approach Trio With Roswell Rudd: The Light, Solyd Records 0390 CD 2008. Trombone Tribe, Sunnyside 1207 CD 2011. Roswell Rudd: The Incredible Honk, Sunnyside 1279 CD 2013. Roswell Rudd: Trombone For Lovers, Sunnyside 1369 CD/LP 2014. Roswell Rudd/Jamie Saft/Trevor Dunn/Balázs Pándi: Strength & Power, RareNoise Records 060
Sideman LP 1961. Gil Evans, Into the Hot, Impulse! AS9 LP 1964. Communication, The Jazz Composer’s Orchestra/Michael Mantler, Fontana 881011 LP 1964. Archie Shepp, Four for Trane, Impulse! AS71 LP 1966. Archie Shepp, Live in San Francisco, Impulse! 9162 LP 1966. Archie Shepp, Mama Too Tight, Impulse! 9134 LP 1967. Archie Shepp, Live at Donaueschingen, Saba 15148 LP 1967. Archie Shepp, Freedom, JMY 1007-2 LP 1968. The Jazz Composer’s Orchestra/Michael Mantler, JCOA Records 1001/1002 LP 1970. Charlie Haden-Liberation Music Orchestra, Impulse! A9183 LP 1978. Laboratorio Della Quercia, Horo 39/40 CD 1981. Barry Harris, Interpretations of Monk, Vol. 1 & Vol.2, Koch 7838 et 7839 (=DIW 395/398) LP 1984. A Tribute to Thelonious Monk, That’s the Way I Feel Now, A & M 6600 (collectif) CD 1992. Steve Lacy, Associates, Nex Tone 21750.709-2 CD 1993. Allen Lowe and the American Song Project featuring Roswell Rudd: Dark Was the Night-Cold Was the Ground, Music & Arts 811 CD 1993. Paul Haines , Darn It!, American Clave 1014/18 CD 1996. Steve Swell Quartet Featuring Roswell Rudd: Out and About, CIMP 116 CD 1997. Elton Dean, Newsense, Slam 229 CD 1997. Glen Hall, Hallucinations, Leo 273 CD 2000. Charlie Kohlhase Quintet, Eventuality, The Charlie Kohlhase Quintet Plays the Music of Roswell Rudd, Nada 002 CD 2002. Sex Mob, Dime Grind Palace, Ryko/Naïve 16042 CD 2010. Daniel Smith, Bassoon Goes Latin Jazz, Summit 560 (plus d'informations dans Jazz Hot n°605)
VIDEOS «Koko» (Parker), Steve Lacy (ss), Roswell Rudd (tb) https://www.youtube.com/watch?v=YrqsyjdozOk
«Nutty» (Monk), Steve Lacy (ss), Roswell Rudd (tb), Dave Douglas (tp), Jean-Jacques Avenel (b), John Betsch (dm), Iridium, NYC https://www.youtube.com/watch?v=szBmkJQKis4
1998. Roswell Rudd Interview by Monk Rowe - 6/23/1998 - Ellenville, NY https://www.youtube.com/watch?v=rqeQkIbkOcg
2007. Roswell Rudd Quartet «I’m Going Sane», Roswell Rudd (tb), Sunny Kim (voc), Lafayette Harris (p), Brad Jones (b) https://www.youtube.com/watch?v=x-zeevLeWiU
2007. «Honey Moon», Roswell Rudd in performance with Ensemble Baikal, Sibérie https://www.youtube.com/watch?v=pSWbPX2WSRA
2013. Roswell Rudd’s Tombone for Lovers, «Tennessee Waltz», «Joe Hill», Live from Le Poisson Rouge, November 24, 2013 https://www.youtube.com/watch?v=mvnz2zUOJXY https://www.youtube.com/watch?v=zrtFFtav3GY
2015. Roswell’s 80th birthday celebration on November 15, 2015, the Trombone Tribe: «Love Song for Roz», «Bone Again»,«We shall Overcome» https://www.youtube.com/watch?v=pKQ8sMqB6dY
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