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Buddy DeFranco

24 déc. 2014
17 février 1923, Camden (New Jersey) – 24 décembre 2014, Panama City (Floride)
© Jazz Hot n°670, hiver 2014-2015

Buddy DeFranco © David Sinclair

Dès les débuts du jazz à la New Orleans, la clarinette est devenu l'instrument principal des orchestres à égalité avec la trompette. Importation récente de la musique européenne, elle a produit le premier solo reconnu d'une musique où l'improvisation collective prime sur l'instrumentiste : le solo d'Alphonse Picou sur « High Society » est devenu une référence et à l'instar de la musique classique, ce solo devait être joué note pour note à l'original. Même si le saxophone fait très vite son entrée dans le jazz, la clarinette demeure un instrument important durant la swing era : plusieurs chefs d'orchestres, à l'image de Benny Goodman ou Artie Shaw, conservent à l'instrument son rôle de leader. Mais avec l'arrivée du bebop, le lent déclin amorcé au profit du saxophone s'accentue. Ainsi, la clarinette jazz compte peu de solistes d'importance aujourd'hui. Ils sont quasi inexistants en dehors du jazz new orleans et swing. Et la plupart sont également saxophonistes. Ce qui n'a pas été le cas de Buddy DeFranco, l'un des rares clarinettistes à avoir adopté le nouveau style et à demeurer fidèle à l'instrument.

Boniface Ferdinand Leonard DeFranco, dit Buddy, est né à Camden (New Jersey) le 17 février 19231. Son père est aveugle et joue du piano. Dès l'age de 12 ans, il commence une carrière professionnelle pour aider son père à subvenir aux besoins d'une famille pauvre, dans les environs de Philadelphie, où sa famille est revenue se fixer lorsqu'il avait 3 ans. Sa mère était secrétaire dans une usine de cigares et, après une tentative de suicide, est internée pour le restant de ses jours. A 5 ans, le jeune garçon apprend seul la mandoline et plus tard veut étudier le saxophone. Les amis musiciens de son père lui conseillent de commencer par la clarinette et il prend des cours avec Chap Cottrell puis avec Wally DeSimone, un voisin qui joue dans l'orchestre de l'Earl Theater. Il suit ensuite les cours de la Mastbaum School of Music de Philadelphie. Son intérêt pour le jazz lui vient de son père et de son oncle qui aiment les grands orchestres et emmènent le jeune garçon voir Chick Webb, Count Basie, Duke Ellington, Jimmy Lunceford et tous ceux qui passent en ville. Après son diplôme, il débute dans l'orchestre de Johnny Scat Davis en 1939, puis il rejoint l'orchestre de Gene Krupa où il rencontre Roy Eldridge.

Puis en 1943, alors qu'il tourne avec Charlie Barnet, il entend les enregistrements de Charlie Parker avec Jay McShann. Il commence alors à essayer de jouer à la clarinette comme Bird le fait au saxophone alto. Alors que ses idoles étaient Artie Shaw et Benny Goodman, il déclare dans une interview à Down Beat : « J'ai décidé de jouer de la clarinette comme Bird articulait au saxo. Il n'était pas facile d'imiter Artie Shaw, et encore plus difficile de copier Bird car la clarinette est un instrument si difficile à jouer. » En 1944, il rejoint l'orchestre de Tommy Dorsey et en 1945 gagne le référendum des lecteurs de Down Beat. Il joue également dans l'orchestre de Boyd Raeburn en 1948 et l'année suivante se fixe à New York. Il devient alors un musicien de plus en plus renommé de la 52th Street. Il gagne les référendums des critiques et participe au Metronome All Stars où il côtoie Charlie Parker qui devient un ami. Il joue dans des formations plus modernes et rejoint le sextet de Count Basie. Lorsqu'il le quitte, il participe à Jazz at the Philarmonic de Norman Granz et monte son propre grand orchestre qui dure moins d'un an. Il analyse cet échec avec beaucoup de lucidité : « L'orchestre n'avait pas d'identité et ce n'était pas le bon moment : le temps des big bands était fini. Il ne dura pas un an et j'ai perdu beaucoup d'argent. »

Buddy DeFranco © David Sinclair

Pendant près des quatre ans, de 1952 à 1955, il tourne avec un quartet qui comprend Kenny Drew ou Sonny Clark au piano, le bassiste Gene Wright et les batteurs Art Blakey ou Bobby White, des musiciens Afro-Américains : « Ce que je peut vous dire à propos des Blancs et des Noirs, c'est que durant cette période, les orchestres noirs avait un swing qui vous prenait tout entier, vous le sentiez dans vos hanches, au plus profond de vos émotions. J'avais une affinité avec les orchestres noirs, car au fond de moi je savais que le rythme, c'était ça. C'est ce que j'aime et que j'ai toujours essayé de communiquer lorsque je joue. »

Lorsque le bebop décline à la fin des années 50, ayant de plus en plus de mal à trouver du travail, Buddy DeFranco s'installe sur la Côte Ouest, devient musicien de studio et un enseignant. Il participe alors au groupe les Polytones avec l'accordéoniste Tommy Gummina, groupe qui ne rencontrera qu'un succès d'estime. Il adopte alors la clarinette basse en plus de son instrument principal. De 1966 à 1974, il dirige le Glenn Miller Orchestra. Ce travail est tellement prenant – l'orchestre étant engagé des années à l'avance dans le monde entier –, qu'il déclare alors ne plus toucher son instrument, se consacrant totalement à son travail de chef d'orchestre.

En 1975, il se marie pour la troisième fois, avec Joyce O. Yount, et s'installe à Panama City (Floride) où sa femme travaille dans l'immobilier. Il ne cesse de jouer jusque dans les années 2000 avec de nombreuses collaborations (Dave McKenna, Terry Gibbs) tournant souvent trente semaines par an. Il décède à Panama City le 24 décembre 2014.

Buddy DeFranco a enregistré avec tous les musiciens importants aussi bien du swing que du bebop. Il a à son actif plus de cent cinquante disques. Il a apporté au bebop un son très policé, chaleureux qui ne tournait pas le dos à la nouvelle musique. Il a été l'un des rares musiciens à assumer l'héritage du passé de son instrument tout en le projetant dans l'avenir, à une époque où ce n'était pas véritablement évident.

Guy Reynard


1. Une biographie de Buddy DeFranco est parue en anglais mais écrite par deux auteurs français : A Life in the Golden Age of Jazz, A Biography of Buddy DeFranco par Fabrice Zammarchi et Sylvie Mas, Parkside Publications, 2002. 

     

Discographie :

Leader :
CD 1953. Mr Clarinet, Verve 847408-2
CD 1955. Cooking the Blues, Verve 8221
CD 1956. Autumn Leaves, Verve 3529
CD 1958. Cross Country Suite, Universal 11035
LP 1963. Polytones, Mercury 60833 (avec Tommy Gummina)
CD 1964. Blues Bag, Koch Jazz 8545
CD 1974. Free Fall, Canadid 71008
CD 1981. Mr. Lucky, Pablo/OJCCD 938-2
CD 1984. Buddy DeFranco Meets Martin Taylor, Hep Jazz 2030
CD 1994. Born to Swing, Hindsight HCD 701
CD 1999. Do Nothing Till You Hear From Me, Concord Jazz CCD4851-2
CD 2005. Artie Shaw, Verve 881 234-2
CD 2007. Charlie Cat 2, Arbors 19349

     


Sideman :
LP 1943-44. Charlie Barnet, Hop on the Skyliner, Decca 8098
CD 1943-47. Stan Kenton, The Complete Capitol Studio Recordings of Stan Kenton 1943-1947, Blue Note 21389
CD 1946. Tommy Dorsey, Having Wonderful Time, RCA 51643
CD 1946. The Metronome All-Stars, Metronome All-Star Bands,  RCA/Bluebird 7636
LP 1949. Lennie Tristano, Crosscurrents, Capitol 11060
CD 1954-56. Art Tatum, The Complete Pablo Group Masterpieces, Pablo 4401-2
CD 1957. Roy Eldridge, 1957 Live, Jazz Band EBCD 21072
CD 1958. Harry Sweets Edison / Stan Getz / Gerry Mulligan / Oscar Peterson Trio, Jazz Giants '58, Verve 001079302
CD 1972. Glenn Miller Orchestra, Yesterdays, Ranwood Records 1017
LP 1981. Terry Gibbs, Jazz Party: First Time Together, Palo Alto 8011
CD 1997. Dave McKenna, You Must Believe in Swing, Concord Jazz 47562
CD 1997. Rolf Kühn, Affairs, Intuition 3211


Vidéos :
Terry Gibbs and Buddy DeFranco, émission Tonight Show with Johnny Carson (1982)
Ross Tompkins (p), Joel DiBartolo (b), Ed Shaughnessy (dm) and the Tonight Show Band 

« Yesterdays », Buddy DeFranco 1983 avec Les Brown, Aurex Jazz Festival (1er sept. 1983, Budokan, Tokyo)

« Giant Steps », Terry Gibbs & Buddy DeFranco (1987)

« Memories of You » (1991)
Buddy DeFranco (cl), Terry Gibbs (vib), Herb Ellis (g)

The Clarinet Lings (2001)
Buddy DeFranco (cl), Putte Wickman (cl), Claes Crona (dm), Peter Island Östlund (p), Hans Backenroth (b), Claes Crona (dm)