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Paris en clubs

5 nov. 2013
Septembre-Octobre 2013
© Jazz Hot n°665, automne 2013

Sarah Thorpe Quartet © Jean SzlamowiczAu Duc des Lombards, le 3 septembre, Nicholas Payton (tp, p, elp) a beaucoup impressionné du fait de son parti pris de jouer de la trompette et du piano électrique simultanément. Est-ce vraiment ce qui était le plus intéressant ? Le gimmick mis à part, la musique a été par moment intense — et par moments plus anecdotique et contrainte, du fait même de ce choix un peu artificiel d’assurer deux instruments à la fois. C’est d’autant plus étonnant que Payton est un trompettiste remarquable, avec une sonorité réellement envoutante et des idées qui ne sont pas dénuées de fulgurances. La pulsation et les couleurs apportées par les magnifiques musiciens que sont Vicente Archer (b) et Adonis Rose (dm) ont contribué à donner corps à la musique, faite de grooves funk, de ballades avec des atmosphères un peu attentistes. Heureusement, Payton ne peut se retenir d’être lui-même, que ce soit sur un « Round Midnight » dépouillé un blues comme « SKJ » ou un rythme de second line en final pour chanter « I Wanna Stay Right Here in New Orleans ». Quelques très beaux moments, mais il va falloir que Nicholas Payton mette en forme son talent de manière plus cohérente. JS

Au Café Universel, le 5 octobre, Sarah Thorpe (voc) a présenté un répertoire original, entre Randy Crawford et Nina Simone, Nancy Wilson et Aretha Franklin (« Everyday I Have the Blues », « Feeling Good », « The Masquerade Is Over », « I’m Gonna Leave You »). Sa voix claire et juste, son interprétation sensible ont été joliment mis en valeur par Richard Razafindrakoto (p), Clément Blumen (b) et Thierry Tardieu (dm), accompagnateurs capables de dynamisme sans jamais trop en faire. JP

Gary Smulyan Quartet © Jean SzlamowiczAu Sunside, le 16 octobre, Gary Smulyan (bs) a imposé sa stature impressionnante d’héritier de Pepper Adams sur un répertoire toujours mélodique. Avec la présence de Bernd Reiter (dm), l’invention d’Olivier Hutman (p) et l’assurance de Michel Rosciglione (b), il a pu laisser éclater la rondeur agressive de sa sonorité. Olivier Hutman partage avec lui une grande musicalité et la capacité à monter en puissance (« Sunny »). Le souci mélodique permanent de Gary Smulyan et la vigueur trapue de sa présence sont un régal. Le duo piano/baryton sur « Old Folks », le tour de force sur « Seven Steps to Heaven » et la bataille de barytons avec Fred Couderc furent de grands moments. JS

Le 17 octobre, à l’Eglise de Bon Secours, dans le 11ème, Tom McClung (p, cnt) et Jean-Jacques Elangué (ts) ont développé leur musique en lui donnant les accents du lieu, à savoir des morceaux en soulignant les racines gospel et blues. Tout démarre avec « Jubilation » de Junior Mance puis des compositions personnelles (« MDMDS »). De Monk à Ray Charles, en passant par Mingus, « Motherless Child » et en terminant par un « When the Saints Go Marchin’ In » joyeux avec McClung au cornet, les duettistes ont été malicieux et soulful, forcément churchy et d’une grande liberté. Les touches lumineuses de McClung et la voix rauque d’Elangué sont parvenues à construire un dialogue à la fois réfléchi et spontané, vivifiant et méditatif. Le superbe cantique final apporta une touche apaisée à une soirée originale et dont la musicalité aura dépassé toutes les considérations de genre. MP

Le 25 octobre au Sunside, Catherine Russell apporte une fraîcheur nouvelle au chant jazzistique en puisant dans la tradition qu’elle renouvelle avec talent et authenticité. Débutant comme choriste de Paul Simon, David Bowie et du groupe Steely Dan, elle s’est orientée assez tard vers le jazz pour en devenir une égérie comme le montrent ses quatre albums récemment parus. L’académie du jazz ne s’y est pas trompée d’ailleurs en lui décernant l’année passée le prix du jazz vocal. Il ne fallait donc pas manquer son passage au Sunset/Sunside, ce vendredi 25 octobre. Se situant dans la lignée qui va de Bessie Smith à Dinah Washington, elle livra des versions hautement personnalisées de « Back O’ Town Blues », rendue célèbre par Louis Armstrong, et de « My Old Daddy’s Got A Brand New Way To Love » d’Alberta Hunter. Catherine Russell est aussi très à l’aise avec les standards. Elle swingue avec naturel et sa ligne vocale est ciselée avec élégance. Toutes ces qualités en font une interprète de standards hors pair capable de parer d’une nouvelle jeunesse des classiques comme « Every Body Loves My Baby », « I’m In The Mood For Love » et « A Kiss To Build A Dream On ». Mais c’est dans « Romance In The Dark », qu’elle donna toute sa pleine mesure en sublimant le morceau fétiche de Lil Green. Il faut signaler l’excellence du soutien distillé par Mark Shane (p), Matt Munisteri (g) et Tal Ronen (b), ses accompagnateurs habituels. Une excellente soirée. AT

Tom McClung & Jean-Jacques Elangué © Jean SzlamowiczLe Duc des Lombards accueillait le 28 octobre le quartet du légendaire Buster Williams (b). C’était l’occasion de découvrir un groupe original où chacun a brillé. Entre Jackie McLean et Hank Crawford (influences revendiquées !), Bruce Williams (as, ss) possède une présence flamboyante, capable d’envolées survoltées (« Epistrophy ») ou de quiétude songeuse (« Christina »). Joey Baron (dm), en coloriste énergique, a apporté une certaine intensité, à défaut de véritable moelleux rythmique. Avec sa sonorité et son style inimitable, Buster Williams a mis en valeur sa musique (« Dual Force », « Tokudo ») avec beaucoup de chaleur. Parlant volontiers au public pour des échanges plein d’humour et finissant même la soirée en chantant « For All We Know » avec un bel accompagnement d’Eric Reed. C’est ce dernier qui aura le plus brillé. Son drive et la tension que génère chacune de ses interventions en font un des pianistes les plus passionnant d’aujourd’hui. Son sens de l’espace et de la construction, son toucher furent remarquables. Comme le dit si bien Buster Williams en présentant ses musiciens — « How does he do that ? ». JS

 Jérôme Partage, Mathieu Perez, Jean Szlamowicz et Alain Tomas