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Gare au Jazz

14 mai 2013
Bruxelles, Jazz Station, avril 2013
Gare au Jazz © Jazz Hot n°663, printemps 2013
Depuis un peu plus de sept ans et malgré des moyens étriqués, la Jazz Station de Saint Josse-ten-Noode (Bruxelles), poursuit le développement de ses activités. Parmi celles-ci : l’organisation d’expositions liées au jazz, les cours d’initiation au jazz donnés par Jean-Pol Schroeder (le mardi) et l’organisation de concerts les mercredis (20h30) et les samedis (18h). La fonction muséale (archivage de disques, livres, magazines, affiches...) reste en gestation, mais l’enfant se développe rapidement.
Transplantée dans les locaux de l’ancienne gare, l’association « Les Lundis d’Hortense » (fédération des musiciens de jazz vivant en Belgique) se charge, parmi d’autres activités, d’animer les soirées du mercredi avec ses membres et leurs invités. Ce sont les concerts « Gare au Jazz ».
Le 24 avril, la scène avait été réservée au groupe aNoo d’Anu Junnonen. La chanteuse finlandaise a suivi les cours de David Linx au Conservatoire de Bruxelles. Nantie d’un Master of Jazz venu compléter une formation antérieure de pianiste, de flûtiste et de saxophoniste, la jeune femme s’est sédentarisée en Belgique où elle tourne régulièrement. Avec son quintet, elle colore ses compositions originales d’un maelström de jazz, de pop et de traditions vocales nordiques. Est-ce à dire, mon cher Yves, qu’en choisissant de jouer avec les frontières elle risque de se brûler aux sunlights du mercantilisme et de l’art à deux francs-quat’sous ? Si risque il y a, ce n’est pas la démarche d’Anu et de ses compagnons. L’écriture est belle, les rythmes variés (« True Love », « Train Stations, Bus Stations, Harbors And Parking Places »), les harmonies sont légères (« True Love ») et les arrangements parfaitement étudiés avec des voix en backing et une répartition des leads et des solos qui utilisent une instrumentation variée d’où émergent la créativité des solos de Dree Peremans (tb, voc) et de Tuur Florizoone (acc, p, xmelodica/« Open Heart »). Outre quelques thèmes de l’album « Sinipiika » enregistré en 2011 chez Prova Records (1108), Anu nous a offert de nouvelles compositions en anglais, un traditionnel finlandais : «Niin Minä Neitonen », une relecture surprenante d’un succès d’Abba : « The Winner », un morceau totalement acoustique : « Take Me Home », une chanson dont une strophe est reprise par le public (« Bumble B ») et une autre au travers d’un pavillon public-address de syndicaliste : « HTKCL ». On retiendra la variété des approches du tromboniste-chanteur qui vont du velouté (« Open Heart ») au growl (« Cup & Kettles ») ; la richesse de Tuur Florizoone, à l’accordéon (« The Winner », « True Love ») comme au piano, son instrument original (« Skedledtyons »). Pour compléter l’excellence du groupe : Yves Peeters est à la batterie et Yannick Peeters à la contrebasse (« Sonnet »). Anu Junonnen est une musicienne complète ; elle joue de sa voix comme d’un instrument, comme d’un support à ses compositions. L’articulation claire et forte de ses lyrics laisse place à quelques onomatopées bien mises en place. Ce fut un concert d’une délicieuse fraîcheur !
Le 30 avril, la Jazz Station et Les Lundis d’Hortense fêtaient l’International Jazz Day, comme partout ailleurs où il fait bon s’y rendre. Grosse affluence pour ce rendez-vous qui était retransmis en direct sur Musique 3 (RTBF).

A l’affiche : le quartet de Fabrice Alleman (ts, ss, voc) avec deux remplaçants de classe : Ivan Paduart (p, kb) et Nicolas Thys (eb, b); Lionel Beuvens était aux drums. C’est un peu une démonstration « Top Chef » du jazz belge d’aujourd’hui que nous avons eu l’honneur d’assister. Fabrice Alleman possède un son de clarinette rare. Il n’en a pas joué ce soir-là ! Qu’à cela ne tienne, au ténor comme au soprano il n’est pas moins bon et ses compositions sonnent merveilleusement avec une sorte de classicisme qui ne renie aucune modernité. Après une lecture de « Sister Cheryl » de Tony Williams (solos de piano, de basse électrique et de soprano), Fabrice avait choisi de nous offrir une suite originale en trois parties : « Suite of the Day » : trois mouvements en crescendo d’intensité particulièrement bien écrits, envoûtants. Ivan Paduart passe du piano au clavier alternativement ou simultanément, la gauche sur l’ivoire et la droite sur les touches en plastique ; son solo de piano dans le troisième mouvement est apprécié juste avant l’envolée magistrale de Fabrice au ténor. Suit un réjouissant « Bye Bye Blackbird » qui termine le premier set. « Three or Four » ouvre la seconde partie suivi par « Regards Croisés »et un solo de basse électrique électrisant comme le vocal réverbéré qui le suit. On est vraiment à la fête ; les applaudissements retentissent. Fabrice Alleman chante encore ; « Don’t Say It’s Impossible » se prolonge par un solo de soprano qui monte au ciel. Puis c’est une ballade dédiée à sa femme et son fils : « Hope of the World » avec de beaux solos de piano et de soprano. Sur « J-J », une composition d’influence celtique, le compositeur-saxophoniste est encore un peu plus haut, plus fort, au soprano et en voix après un beau chorus de batterie. Sur le final : « I Hear a Rhapsody », ce sont le pianiste et le bassiste qui clôtureront en excellence cette démonstration du futur antérieur du meilleur jazz belge d’aujourd’hui.
Jean-Marie Hacquier
photo : Fabrice Alleman © Jacky Lepage