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Mickey Baker

27 nov. 2012
15 octobre 1925, Louisville, KY - 27 novembre 2012, Montastruc (31)
© Jazz Hot n°661, automne 2012

Mickey Baker



C’est avec beaucoup de tristesse que nous apprenons le décès du guitariste Mickey Baker à son domicile de Montastruc prés de Toulouse où il s’était retiré depuis de nombreuses années. C’est lors d’un interview le 3 juillet 1998 que j’avais pu mesurer les qualités humaines de cet artiste cultivant une humilité constante malgré une carrière riche et passionnante. Né en 1925 à Louisville (Kentucky), il est élevé par son oncle et s’improvise disc-jockey dans le club de ce dernier. A douze ans il commence un périple qui va l’amener de Saint Louis à Chicago pour finalement se fixer à New-York en pleine adolescence où il est un habitué de l’Apollo Theater. Il y voit tout le gratin de la scène afro-américaine à commencer par la sublime chanteuse Lil Green, mais c’est l’orchestre de Count Basie qui le fascine et plus particulièrement Hot Lips Page (tp) et son chanteur Jimmy Rushing. Dans le rythm and blues il est également admiratif des concerts de Dud Bascomb (tp) et décide ainsi de devenir trompettiste. Malheureusement il ne possède que 14 dollars en poche et ne peut se payer qu’une guitare Harmony d’occasion avec une sérieuse entaille dans la caisse, ce qui altère la sonorité de l’instrument. C’est tout d’abord à l’écoute des programmes jazz et blues de la radio qu’il travaille son instrument avant de prendre des cours avec le célèbre Rector Bailey. En 1947 il est enfin prêt et se lance dans le bebop auprès du pianiste Jimmy Neely et a pour principale influence les guitaristes Oscar Moore et son frère Johnny, Floyd Smith et surtout Charlie Christian qu’il vénère. Trois ans plus tard il découvre la Californie et le blues sophistiqué de Pee Wee Crayton fortement influencé par T-Bone Walker qui font un véritable tabac. Il décide alors de s’orienter vers le blues en s’installant provisoirement à Oakland et de jouer en club le week-end à Richmond. De retour à New York, à Harlem, il a l’intention de monter un groupe de rhythm and blues et rencontre le pianiste Champion Jack Dupree et le guitariste Lonnie Johnson. Mais l’atmosphère au sein de la grande pomme n’est pas au blues, ni du côté de la communauté noire qui y voit comme un retour en arrière, ni pour la société blanche. Il se produit alors auprès du pianiste chanteur Bill Valentine, vague imitateur de Charles Brown sur la 125e rue et sera invité à enregistrer pour Decca avec cette formation. Ce sera le point de départ d’une carrière de sideman puisqu’il prêtera ses talents de guitariste à Varetta Dillard (voc) pour Savoy, Hal Paige (voc) pour Atlantic, Little Ester (voc). Il sort son premier succès sous son nom avec « Guitar Mambo » avant de continuer une carrière de sideman recherché. Ainsi il est derrière une pléiade d’artistes de rock and roll dont Ann Cole (voc) première créatrice du célèbre « Got My Mojo Workin’ » immortalisé par Muddy Waters, Ruth Brown, Earl Bostic… Mickey tient également la guitare sur la version originale de « Fever » (Little Willie John).
Au début des années 1950, en pleine période rock and roll, il forme le duo Mickey & Sylvia (Vanderpool) et continue d’enregistrer avec Ray Charles, Amos Milburn, Sticks McGhee, Clyde McPhatter, Sam Taylor (ts), Champion Jack Dupree (p), Larry Dale, Panama Francis (dm), Floyd Dixon (p, voc), Joe Turner (voc), Lavern Baker (voc), Nappy Brown (voc).
A cette époque, il est le guitariste maison du label Groove et s’oriente peu à peu vers le rock and roll avec ses « Houserockers » dont il sort quelques instrumentaux en 1955 sur le label Rainbow dont les fameux « Shake Walkin’ », « Rock with a Sock » ou bien « Shake It Up ». Sur ce même label en compagnie de Sylvia qu’il sort l’énorme hit « Love Is Strange » en 1956 et fait partie à de nombreuses reprises du fameux « Alan freed rock and roll show » jusqu’en 1958. Il enregistre également avec le pianiste Sammy Price l’album Rock With Sammy Price & His Orchestra avant de composer avec son ami Bo Diddley le fameux « Dearest » repris un peu plus tard par Buddy Holly. En 1956, c’est Louis Jordan qui le réclame pour sa session « rock and roll » arrangée par Quincy Jones dont il s’échappe pour jouer sur les faces Okeh de la chanteuse Big Maybelle. Les saxophonistes de rhythm and blues Big John Greer, Buddy Lucas, Big Al Sears, Red Prysock, Sam the Man Taylor ne jurent que par lui. Ainsi, il lancera la carrière du jeune King Curtis (ts) mais aussi se retrouvera dans le Rockabilly de Joe Clay sur le label Vik en 1956. Cette même année, il grave « Little Demon » pour Screamin’ Jay Hawkins avant de s’affirmer avec les guitaristes Tiny Grimes et Roy Gaines.
Ainsi le who is who des années 1950 du rhythm and blues, blues, jazz, rock and roll, gospel, doo woop voit planer l’ombre de la guitare de Mickey Baker. Après le succès de son duo avec Sylvia, il retourne au jazz avec le pianiste Herman Foster (Lou Donaldson) et la chanteuse Kitty Noble et collabore avec le sulfureux duo Ike et Tina Turner avec qui il grave « It’s Gonna Work out Fine » en 1961. C’est à cette période qu’il quitte définitivement les Etats-Unis pour la France où il retrouve son ami Memphis Slim, et sera l’arrangeur de tout un tas d’artistes de la période yé-yé qu’on retrouve dans l’émission Salut les copains. Daniel Filipacchi lui demande de mettre au point une méthode de guitare à l’image de celles qu’il a réalisées aux Etats Unis. Cette période ne sera pas spécialement un bon souvenir pour le musicien exigeant qu’il était tant la médiocrité ambiante du show biz lui pèsera. Il jouera toutefois en quartet en 1962 derrière Coleman Hawkins (ts), Chris Connor (as), Kenny Drew (p), Georges Arvanitas (p), Jimmy Woode (cb), Kenny Clarke (dm) avant d’enregistrer avec Memphis Slim (Polydor), Champion Jack Dupree (Decca) et la superbe séance « the trickk » sur Vogue en 1968. Il se produit à Montreux en 1973 en solo et avec Memphis Slim avant de se retrouver sur une séance mémorable du label lack and Blue avec les Aces (les frères Myers et le batteur Fred Below ainsi que le guitariste Jimmy Rogers) pour du Chicago blues de haute tenue. Il s’exprimera par la suite dans divers domaines de la country à la chanson réaliste en passant par le jazz et surtout l’écriture de thèmes et suites divers. On le reverra sur scène lors de l’anniversaire dela revue « Soul Bag » en compagnie de Junior Wells, Carl Wheathersby, Billy Branch au cique d’hiver à Paris et en 1998 sur la scène de jazz à Montauban en première partie de Joe Louis Walker. Dans les années 2000,
il est invité à Los Angeles pour recevoir le "Pionner Awards" de la Musique Noire Américaine, en compagnie de John Lee Hooker, Isaac Hayes et d’autres, et se produira à cette occasion entouré de l’orchestre de Big Maceo.
Sa discographie est un véritable trésor de la musique populaire afro-américaine qui ravira tous les amateurs de musique hot.
David Bouzaclou

PS : Merci à Philippe LeJeune de m’avoir mis en relation avec Mickey Baker et de m’avoir permis de rencontrer un véritable gentleman du blues.

David Bouzaclou