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Bruxelles

2 mars 2012
Janvier 2012

Philip Catherine


Faudrait avoir une jeunesse débordante et une santé de fer pour rendre compte de manière complète des festivals et des concerts qui se bousculent en janvier dans la capitale européenne. N’ayant plus la première de ces qualités et préservant la seconde, j’avais choisi l’un ou l’autre événement de manière très arbitraire.

Je vous ai déjà fait part sur la toile de l’émotion qui fut mienne à la vue et à l’écoute de Viktor Lazlo jouant et chantant Lady Day. Absent aux concerts essentiels des Djangofollies et des clubs : Sounds, Music Village et Jazz Station, j’avais sélectionné la rencontre entre Philip Catherine (g - 69 ans) et Nicola Andrioli (p - 34 ans) : l’enfant prodige du piano italien. Le 17 janvier, ils faisaient l’ouverture du Winter Jazz Festival – Marni/Flagey. Merveilleusement complices, les artistes s’accompagnent, se stimulent, initient d’autres tempos (« Enbracable You » de Gershwinn), s’échangent les originaux : « Carabosse » et « Lost Lord » d’Andrioli ; « Pourquoi ? », « Valse du Fliper » et « Pendulum » de Catherine ; et les reprises : « Why Can’t You be Love », « I’ll Remeber April », « So In Love ». Les déliés fins -classiques- du pianiste transalpin se marient avec une complicité voluptueuse à l’univers assagi et aux couleurs pastel du guitariste bruxellois (« Toscane »). La salle est comble et le public : recueilli puis enthousiaste à la fin des deux longs sets.
En février 1999, le restaurant Le Max avait eu l’excellente idée d’initier un repas suivi d’un concert de jazz dans une petite cave à voussettes. Les talents culinaires d ‘Antonio et Roberto alliés à la qualité des musiciens invités contribuèrent rapidement à la renommée de l’établissement. Au fil des ans, le petit restaurant s’est agrandi ; la petite cave est devenue le Caveau et les rendez-vous : mensuels. Au cours des buffets + concerts, la cuisine et la musique sont de qualité (Alexandre Cavaliere, Phil Abraham, Ronald Baker, Charlier-Sourisse, Steve et Greg Houben, Philip Catherine...). Une fois par mois, ce sont quelque soixante privilégiés qui réservent leurs tables plusieurs semaines à l’avance. Le cent-septième concert se voulait une première. Le programmateur avait sollicité la rencontre entre deux jeunes guitaristes. Contacté le premier, Fabrizio Graceffa (g) proposa Lorenzo Di Maio (g) et une rythmique non moins jeune assurée par la contrebassiste Yannick Peeters et le batteur Lionel Beuvens. Le répertoire du quartet témoigne d’un choix en accord avec l’âge des solistes : « Throughout » et « Strange Meeting » de Bill Frisell, « Say The Brother’s Name » de Pat Metheny, « Minor Blues » de Kurt Rosenwinkel, « Vine » de Chriss Cheek et d’un respect pour le grand répertoire : « Softly As Morning Sunrise », « Nardis » de Miles Davis. Le leader est Fabrizio Graceffa parce qu’il a répondu au projet, choisi les membres du quartet et dirigé la plupart des arrangements ; mais aucun ne prend l’ascendant sur l’autre. Aux lignes calmes, sinueuses et soyeuses de Fabrizio répondent les solos hardis et l’attaque plus sèche de Lorenzo. Les duos joués à la tierce sont parfaits de mise en place. L’estime que chacun porte à l’autre force l’admiration. Pour « Stories » et « U-Tunes » de Graceffa, c’est Di Maio qui prpt le premier solo. A l’inverse, Fabrizio fut le premier à s’illustrer sur « Zeu » de Lorenzo. Avec tous les gourmands-gourmets présents au Caveau du Max, le Directeur Musical d’RTL-TVI applaudit à tout rompre un concert ravissant qui ne connut aucune faiblesse.
Depuis vingt-cinq ans, l’Hôtel Sheraton situé face à l’entrée de l’aéroport national propose des jazz-brunches somptueux le dimanche, de 12 à 15 heures. Avec l’usure du temps, ces rendez-vous hebdomadaires sont devenus mensuels ; le directeur-crooner Fred Welke a cédé la gestion à Madame Ingrid Roekens, la programmation étant assurée par Roger Vanhaverbeke (b). Roger, décédé en mars 2011, avait accompagné les plus grands solistes de passage (voir Jazz Hot n°558). En sa mémoire et sur proposition d’Ingrid Roekens, la direction du groupe Starwoods Hotels a décidé d’organiser un premier Roger Vanhaverbeke Bass Trophy. La compétition était ouverte à tous les bassistes, amateurs ou professionnels, sans limite d’âge ou de nationalité. Parmi les candidatures issues de France, de Belgique et de Hollande, le jury, présidé par Georges Tonla Briquet (chroniqueur chez notre confrère flamand « Jazzmozaïek ») avait sélectionné trois finalistes –tous Belges- qui se sont exprimés au cours des brunches des mois de septembre, octobre et novembre 2011. Avec une parfaite unanimité, les cinq membres du jury ont attribué le trophée de ce premier concours au contrebassiste liégeois André Klénès. Les candidatures devaient être présentées en trio mais le lauréat s’engageait à jouer en quintet lors de la remise du prix le 22 janvier à Zaventem. André Klénès (b) avait réuni autour de lui, de son répertoire et de ses compositions : Fabrice Alleman (cl, ss), Jacques Pirotton (g), Etienne Plumer (dm) et un jeune violoncelliste. Le prix comportait, outre le trophée : un chèque de 1500 euros et deux engagements en quintet : le premier en janvier lors de la proclamation et le second à Paris, à l’Hôtel Méridien-Etoile, le 12 avril 2012. Les deux premiers sets nous ont rappelé l’excellence des solistes (Pirotton et Alleman) et permis d’apprécier le travail d’arrangeur d’André Klénès. Au cours d’une longue séance de remise de prix, Ingrid Roekens et Toots Thielemans ne manquèrent pas d’évoquer la carrière de Roger Vanhaverbeke. Toots souligna plus particulièrement le tempo inébranlable de Roger. Puis, Nancy, la fille unique de Vanha, remercia tout le monde : les amis, les musiciens et la direction. Au nom du jury, Georges Tonla Briquet donna lecture de la motivation : "André Klenes se profile comme un bassiste qui utilise son instrument de manière réfléchie et inventive. Il connaît parfaitement l’art de se positionner dans le contexte d’un groupe et se fait également remarquer pendant les passages en solo. Son jeu est à la fois clair et cohérent et, en même temps, riche et varié avec une palette sonore parfois inattendue". Au cours du troisième et dernier set, André Klénès avait eu le bon goût d’interpréter « Nancy’s Dream », accompagné par Alleman et Pirotton, mais aussi par Johan Clement (p) et Luc Vanden Bosch (dm), les derniers membres du « New Look Trio ». Il faut espérer que l’André Klénès Quintet perdure au-delà de ces deux sessions. De même, on peut souhaiter de nouvelles éditions de ce concours dont l’originalité est la mise en avant de l’instrument qui est la colonne vertébrale de tout vrai jazz band.
Jean-Marie Hacquier