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Jazz Hot est solidaire des grévistes qui demandent l'abandon de la loi Travail



Le sens de la loi Travail en débat en France fait explicitement référence aux exemples allemands et espagnols, dans l'étude d'impact de la loi p.23 du texte de loi disponible sur le site gouvernemental (http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/projets/pl3600.pdf), pays qui favorisent les négociations au niveau de l'entreprise au détriment de la loi, des accords nationaux ou de branches, avec la conséquence d'isoler un peu plus l'individu salarié, représenté ou pas selon le cas par un collectif syndical, face à son employeur.


Déjà dans un rapport de subordination du simple fait du salariat, le salarié se retrouve ainsi dans un état de subordination accru. On remarque que la situation n'étant pas la même en Allemagne (pénurie relative de main d'œuvre en raison d'une démographie maîtrisée en Allemagne, surabondance massive de main d'œuvre en France –donc chômage et coûts de formation accrus– en raison d'une démographie débridée encouragée par les partis politiques et les politiques publiques), la négociation des conditions de travail et d'embauche ne peuvent avoir les mêmes conséquences: en France, comme en Espagne, cela conduit inévitablement à une pression sur le niveau des salaires, au détriment des salariés par le mécanisme simple d'offre et de demande de travail (le volant de chômage). Le patronat et le gouvernement allemands ont d'ailleurs infléchi leur politique migratoire pour cette raison, en espérant par des rentrées régulières de main-d'œuvre étrangère faire pression sur le niveau des salaires outre-Rhin, sur les conditions de travail et à terme sur les résistances syndicales.


De plus, ramener les négociations au niveau des entreprises, très diverses dans leurs réalités, c'est organiser l'inégalité entre les salariés par un émiettement des négociations et des revendications, selon les entreprises, avec la conséquence d'organiser une hiérarchie entre salariés, selon qu'ils pourront se défendre ou pas, de les diviser, comme en Allemagne et en Espagne, en salariés privilégiés et défavorisés selon les entreprises et le travail.


Le principe d'égalité étant inscrit dans la constitution française, au fronton de la République française et dans la Loi en général, cette loi Travail est donc sur le fond inconstitutionnelle; bien sûr, si le législateur d'aujourd'hui possédait la culture, la rigueur intellectuelle et morale de ceux qui ont fondé ce principe d'égalité lors d'une grande Révolution qui est à la base de notre République.


Car nous ne sommes pas le Royaume d'Espagne, ni la république allemande née sur les ruines du nazisme et dans l'ambiance de la guerre froide. Nous avons une autre histoire, sociale en particulier, et il n'est pas encore aussi facile d'imposer en France, aux Français, les principes de l'oligarchie politico-financière qui gouverne le monde, qui impose ses impératifs (fabriquer des très riches et des très pauvres, casser les classes moyennes qui témoignent de la force des démocraties, gérer le monde au moyen de la corruption, de la drogue, du commerce des armes, à partir des paradis fiscaux) avec la complicité effective des partis politiques de droite et de gauche en Europe, qui ne conserve de la démocratie qu'une vitrine de plus en plus pauvre et triste.


Privilégier les accords d'entreprise au détriment des niveaux supérieurs, dont la Loi est le sommet et la garantie d'égalité par son caractère intangible, c'est aussi casser ce qui reste des résistances sociales et de la puissance syndicale, de leurs contre pouvoirs justement, indispensable dans une démocratie, de leur capacité de faire pièce aux pouvoirs de l'oligarchie et leurs collaborateurs nationaux, de l'extrême-droite à la gauche socialiste aujourd'hui. La corruption, sous toutes ses formes, est l'autre outil pour casser la résistance syndicale et l'oligarchie ne s'en prive pas, en France et ailleurs. On voit bien qu'à la CFDT, qui approuve à sa tête la loi Travail, des résistances apparaissent dans les fédérations, dans la culture comme dans la métallurgie, voire ailleurs, car les travailleurs ont conscience de ce qui se prépare (3/4 des Français sont opposés à cette loi), grâce justement aux syndicats CGT, FO, plus attentifs aux principes fondamentaux, à leurs forces et à l'histoire des luttes sociales, et qui ont encore les moyens de lire et contester un document de 600 pages, ardues, qui se présente comme une simplification du Code du travail. Les journalistes reprochent sur les plateaux aux salariés de ne l'avoir pas lue, mais les patrons ne l'ont pas lue non plus, pas plus que les journalistes pour la plupart. Dans quelles entreprises, patrons comme salariés prendront le temps de reprendre ces 600 pages plus le Code du travail pour les articles non réécrits? Il y a heureusement les syndicats, dont c'est la fonction démocratique pour défendre aujourd'hui les salariés, d'extraire la philosophie des lois proposées et d'en faire l'exposé à leurs adhérents, en fonction de leur diversité d'options philosophiques, c'est ça la démocratie, n'en déplaise à l'oligarchie, à ces adorateurs de la pensée unique pourvu qu'elle vienne de haut dans la hiérarchie, la leur.


Les syndicats, compte tenu de leurs forces actuelles et de l'individualisation des pratiques sociales, peuvent en effet encore négocier à des niveaux généraux, nationaux, de loi, de branche, mais ne pourraient en aucun cas suivre l'émiettement des négociations au niveau des entreprises. La déréglementation sociale en est la conséquence souhaitée par l'oligarchie dans son objectif de casser la démocratie, la Loi.


Sans rentrer dans les détails d'une loi qui a la prétention de refonder le Code du travail sans respect pour ce socle de la mémoire sociale en France, forcément épais, pour le principe de la suprématie de la loi comme garantie de l'égalité, et en remettant en cause des principes fondamentaux de la République française, comme le principe d'égalité de tous les salariés, de fraternité (la solidarité des travailleurs), et de liberté (l'infériorisation du salariat dans son expression), on peut considérer que les intentions n'étant pas bonnes à l'origine de la part d'un gouvernement corrompu par l'oligarchie internationale, qui va de renoncement en renoncement, trahissant ses engagements avec constance depuis 2012, la seule revendication digne et responsable est de demander l'abandon de cette loi.


Il sera toujours temps de reprendre les négociations pour les syndicats le jour où ils seront consultés préalablement sur l'amélioration de la loi et du Code du travail et non pas sur l'amélioration des profits des multinationales et des spéculateurs. A ce propos, le patronat n'est pas un bloc. La force de l'oligarchie est aujourd'hui de s’appuyer sur les petits patrons dont les intérêts sont pourtant à l'opposé de ceux de l'oligarchie qui a sciemment cassé l'industrie et le savoir-faire français et européen pour aller faire de plus grands profits dans les pays qui ont une histoire sociale balbutiante, et qui ont dans ce mouvement ruiné les petites et moyennes industries en France. Phénomène différent en Allemagne parce que le pays a une structure industrielle différente (industries moyennes et grandes) et que le nationalisme allemand reste une valeur profonde en raison de sa relative jeunesse, même en ces temps d’Europe. Les petits patrons ne mesurent pas encore qu'ils seront les premiers et les seuls véritablement impactés par la détérioration des relations sociales issues de telles lois, qu'ils seront en permanence la soupape en cas de crise sociale. Les multinationales, en cas de conflit social, vont ailleurs, pas les petites entreprises.


L'abandon de la loi Travail ne garantit pas l'avenir car les luttes sociales sont un enjeu permanent, et le vent est mauvais pour les classes inférieures, et parmi elles, les ex-classes moyennes qui auraient intérêt à en prendre conscience, comme les petits patrons et les petits agriculteurs qui ont le malheur d’être aussi représentés par le syndicat des gros agriculteurs. Il est malheureusement toujours impossible de trouver une conscience de classe, en dehors de la classe ouvrière qui en donne encore ces jours-ci une belle traduction dans une lutte sociale pour l'instant exemplaire. Bravo, car rien n'est facile!



A lire:

Pour un débat de qualité sur les enjeux politiques et philosophiques de cette loi (Médiapart): https://www.youtube.com/watch?v=UTMYcmfj_ng


Les médias dans leur ensemble attaquent tous les jours, toutes les minutes, les syndicats qui demandent l'abandon de la loi Travail, avec le discours rodé par le patronat (dinausaure, etc., car le fait d'avoir une mémoire sociale et politique devient un point négatif pour les fabricants de robots).

Sur les plateaux de télévision au mépris de toute déontologie, les représentants syndicaux sont victimes du mépris de classe des députés socialistes autant que de droite et d'extrême-droite, autant que des journalistes. Cette parodie de démocratie s'est heurtée à la CGT du livre, d'où la non parution des quotidiens pour refus de simplement publier en clair sur les quotidiens le point de vue du Secrétaire général de la CGT. Il sera utile de lire les tribunes des représentants syndicaux à la source et de chercher l'information à la source.

www.cgt.fr

www.force-ouvrière.fr


Yves Sportis

Rappel: L'oligarchie est un régime politique comme la démocratie, l'aristocratie, la monarchie. Voici la définition qu'en propose Le Grand Robert de la langue française:
«du grec oligarkhia, "commandement de quelques-uns”. Régime politique dans lequel la souveraineté appartient à un petit groupe de personnes, à quelques familles, à une classe restreinte et privilégiée. Par analogie: Elite puissante. Contraire: Démocratie.»

© Jazz Hot n°676, été 2016