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Barry Altschul

Sophisticated Rhythm



Barry Altschul © Jos Knaepen


Barry Altschul est né le 6 janvier 1943, à New York, dans le quartier du Bronx. Presque intégralement autodidacte jusqu’en 1960, il étudie quelques temps avec Charli Persip, puis avec Sam Ulano en 1969. De 1964 à 1970, il joue régulièrement avec Paul Bley, et leur collaboration se poursuit de façon irrégulière jusqu’aux années 70 et 80.
Il participe également au Jazz Composer’s Guild et au Jazz Composer’s Orchestra Association, de 1964 à 1968, et passe une partie des années 60 à jouer du jazz mainstream en Europe.

Au début des années 70, il est le batteur du groupe free Circle, auquel participent aussi Chick Corea, Dave Holland, Anthony Braxton. Altschul y déploie une large palette de styles, due principalement à sa pratique du jazz mainstream, laquelle lui donne une assise solide sur laquelle il peut construire la liberté de son jeu. Par ailleurs, il enregistre avec chacun des membres du groupe : notamment, en 1972, avec Dave Holland, Conference of the Birds, où l’on retrouve Anthony Braxton et Sam Rivers. À la même époque, il passe en studio avec Paul Bley, Alan Silva et Andrew Hill, entre autres. Dans les années 80, il produit ses propres albums pour Soul Note et continue de jouer en tant que sideman avec des musiciens comme le pianiste russe Simon Nabotov ainsi que Kenny Drew, Sr. Son album That’s Nice (1985) révèle un leader plein d’entrain et d’enthousiasme. Durant un séjour d’une décennie en France, il codirige l’Orchestre Régional de Jazz en Lorraine avec François Méchali. Tout au long de sa carrière, on le retrouve aux côtés de Billy Bang, Roswell Rudd, Gary Peacock, Art Pepper, Johnny Griffin, Pepper Adams, Dave Liebman, Sonny Criss, Lee Konitz, Buddy Guy, Paul Winter, Tony Scott, John Scofield, John Abercrombie, Steve Swallow, George Lewis, Clifford Jordan, Joe Fonda, Richard Davis, Kenny Drew et d’autres encore.

A travers toutes ces expériences, Barry Altschul a fait preuve de constance, principalement dans sa façon de créer une énergie sans écraser l’ensemble. Si sa puissance rythmique tient en partie à la subtilité de son toucher, le son d’Altschul est précis et reconnaissable tandis que son jeu se définit par l’attention portée aux détails de la rythmique et de la tonalité.


Propos recueillis par Adrien Varachaud
Photos Jos Knaepen et Adrien Varachaud



© Jazz Hot n°670, hiver 2014-2015



Barry Altschul, Maverick Concerts, Woodstock, NY (juillet 2009) © Adrien Varachaud

Jazz Hot : Comment as-tu rencontré la musique et le jazz en particulier ?


Barry Altschul :
Il y avait de la musique partout chez moi. Je vivais dans ce que l’on appelait « le ghetto », quartier très pauvre où coexistaient beaucoup de cultures différentes. Il y avait de la musique dans la rue et à l’époque où je suis né, la musique populaire était le swing, c’était celle qu’on entendait à la radio, que l’on chantait et que jouaient les groupes. La musique a commencé de changer à la fin des années 40 et le jazz est devenu ce que l’on appelle le jazz aujourd’hui (rires). Mais avant cela, c’était les groupes de Duke Ellington, Count Basie, Benny Goodman, Tommy Dorsey et des gens comme eux qu’on entendait à la radio, c’était ça la musique populaire !

Quand as-tu commencé à t’intéresser à la musique ?


Je ne sais pas. Mais ma mère m’a raconté que depuis l’âge de 2 ans, mon unique souhait était de devenir musicien. Je ne sais pas pourquoi ni comment, mais c’était ainsi.

Tes parents étaient-ils musiciens ?


Mon père jouait de la mandoline en amateur, ma mère chantait et ma sœur est pianiste concertiste classique.

Pourquoi as-tu choisi la batterie ?

C’est la batterie qui m’a choisi (rires). Mon premier instrument était le piano, mon deuxième la clarinette et enfin la batterie m’a trouvé. Je cherchais un instrument.

Le fait d’avoir grandi dans le Bronx a-t-il eu une influence sur ta musique ?


Absolument, oui ! J’ai entendu beaucoup de types de musiques différents quand j’étais très jeune et la musique salsa et afro-cubaine est devenu naturelle pour moi. Je sais que j’avais un feeling pour la clave, quelque chose qui est très difficile à apprendre mais que l’on possède naturellement. On jouait du blues dans la rue, sur des rythmes blues antérieurs à l’apparition du rock’n’roll. Tout se faisait en rythme : danser en frappant dans les mains, jouer au basket-ball, cirer les chaussures, oui vraiment, tout ça se passait dans la rue.


C’était le cas dans les autres quartiers de New York ? Y avait-il autant de diversité ?


J’habitais à la limite de Harlem, dans le sud du Bronx. Et à Harlem, cela se passait comme ça, à Brooklyn, dans le Queens et partout à New York. Si vous étiez un enfant et que vous jouiez dans la rue, on vous jetait une petite pièce et c’était ainsi.

Comment as-tu eu l’idée de construire ta propre batterie ?


Je n’ai pas vraiment construit une batterie, mais à l’âge de 11 ans j’ai pris trois boîtes métalliques qui contenaient des gâteaux aux fruits pour jouer en écoutant la radio. J’avais vu des batteries avec trois toms, j’ai donc pris trois boîtes à gâteaux, chacune sur une chaise et j’ai acheté des balais et des baguettes.

Barry Altschul © Jos Knaepen

Tu as commencé la batterie de cette manière ?


Oui, avec la radio. Par la suite, il y avait dans le Bronx, un centre culturel pour les enfants, « Bronx House », où pour 50 cents, on pouvait prendre une leçon de musique, étudier avec un professeur trente à quarante-cinq minutes. J’ai fait ça une fois par semaine à l’âge de 12 ou 13 ans car je savais que j’avais besoin d’un professeur. Il était coûteux de dépenser 50 cents à cette époque, mais mes parents ont réussi à m’offrir une leçon hebdomadaire. Ça a duré neuf mois puis je me suis rendu compte que j’en savais assez pour continuer à apprendre par moi-même. J’ai fait ça jusqu’à l’âge d’environ 17 ans. J’ai étudié dans la rue avec beaucoup de grands musiciens mais ce n’était pas un enseignement académique. Puis, j’ai senti que j’avais de nouveau besoin d’un professeur et j’ai étudié pendant un an et demi auprès de Charli Persip (Jazz Hot n°634), grand batteur de Dizzy Gillespie, entre autres. Nous sommes devenus de grands amis. Ensuite, je me suis mis à travailler avec des musiciens de mon quartier, dont certains sont devenus célèbres comme Jimmy Owens et Frank Mitchell. Il y avait aussi le batteur Lenny White et d’autres grands musiciens dont j’oublie les noms. On jouait principalement du hard bop et du bebop. Les trois premiers concerts que j’ai donnés, en tant que leader, c’était dans une allée de New York, la veille de Noël, avec le pianiste Larry Willis et le contrebassiste Walter Booker (accompagnateur de Cannonball Adderley, ndlr). Et c’était la musique qu’on jouait. Je n’ai abordé la musique conceptuelle plus libre qu’à ma rencontre avec Paul Bley (Jazz Hot n°542) fin 1964. Jusque-là je n’avais aucune idée de ce qu’était la musique « free ». Philly Jones, Art Blakey, Elvin Jones, Tony Williams, les gens aimaient ça et je ne savais pas qui étaient Sonny Murray et d’autres joueurs de free. Mais je voudrais parler de mon dernier professeur, Sam Ulano (12/08/1920 - 2/01/2014, ndlr). Il a écrit beaucoup de livres pour la batterie et il avait beaucoup d’étudiants aussi. J’ai étudié avec lui pendant neuf mois en 1969-70, car je ressentais le besoin d’avoir plus de connaissances techniques. En même temps je jouais avec Chick Corea (Jazz Hot n°542) à cette époque. Avec Sam il était nécessaire de répéter quatre à six heures par jour.

A quel âge as-tu monté ton premier groupe ?


Ce n’était pas un groupe, c’était juste avec les gars du quartier. J’étais le plus âgé, j’avais 16 ans, le pianiste en avait 12, le bassiste 13, le trompettiste et les deux sax 14, formidable ! Ils ont eu une vie intense et sont tous morts jeunes. Tous étaient des musiciens confirmés à l’époque où ils avaient 15 ou 16 ans. Frank Mitchell et Tommy Lee à l’âge de 14 ans donnaient des leçons à Steve Grossman. Steve était un prodige à cette époque, un très grand artiste.

Comment as-tu rencontré Paul Bley ?


Je faisais le ménage du studio d’enregistrement où Paul Bley venait de faire un disque et nous nous sommes mis à discuter. Un an après, il est revenu au studio pour faire un autre disque et j’étais toujours là (rires). Nous avons encore longuement discuté et puis il m’a appelé pour un concert ; je ne m’y attendais pas et bien sûr j’ai accepté. Nous avons donné le tout premier concert dans un endroit qui allait devenir très célèbre à New York, The Slugs. David Izenzon, qui était alors le bassiste d’Ornette Coleman, connaissait très bien le propriétaire du bar, Jerry Schultz, et lui a demandé si nous pouvions jouer là un samedi après-midi. Quand je suis arrivé pour le concert, Paul Bley m’a demandé ce que je voulais jouer, des standards ou de la musique que j’avais composée. Et comme j’étais un gamin un peu arrogant venant du Bronx, je lui ai répondu : joue ce que tu veux ! (rires). Et on a joué ensemble plusieurs années.




Paul Bley a-t-il eu une influence sur ton jeu et ta conception de la batterie ?


Il a fallu que je trouve comment jouer avec lui, sa musique était nouvelle pour moi. Ça m’a demandé de la réflexion. Qu’est-ce que je joue ? Je faisais certaines choses naturellement, je jouais librement, en fonction de l’esprit du moment. Je pouvais jouer un morceau latino sur un rythme tendu, mais aussi très librement et être dans l’esprit latino. Je pouvais faire la même chose avec un blues, avec des standards, avec beaucoup d’autres choses. Mais quand lui jouait, c’était simplement de l’énergie, pas de tempo, pas de barre de mesure, juste ce qui lui passait par la tête. Il ne me demandait pas de jouer quelque chose de bien défini, mais il fallait que je crée une forme d’énergie, une forme de pression, quelque chose qui avance aussi, quelque chose qui ne soit pas statique. Auparavant, je veillais à la mesure, je n’étais pas habitué à la musique free.

Comment ta collaboration avec Sam Rivers (Jazz Hot n°605) s’est-elle réalisée ?


La première fois que j’ai joué avec Sam Rivers, c’était au moment de ce que l’on a appelé la « Révolution d’octobre » du jazz, en 1964, au sein du trio du bassiste Jimmy Stevenson qui d’ailleurs n’a plus joué après. Je ne sais même pas s’il est encore en vie. J’ai joué une seconde fois avec Sam, après Circle, ça devait être en 1972 ou 1973. Puis on a formé un groupe avec Cecil McBee et ensuite avec Dave Holland. Avant l’arrivée de Dave, on avait engagé, pour quelques concerts, Arild Andersen, un bon bassiste norvégien, de ma génération, qui enregistrait chez ECM.

De quelle façon la scène new-yorkaise a-t-elle évolué ?


C’est très différent maintenant, plus difficile. Tous les musiciens d’une même génération se connaissent. Même s’ils ne jouent pas la même musique. Et lorsqu’ils prennent de l’âge, d’autres musiciens arrivent et forment d’autres groupes. Aujourd’hui, il y a des jam sessions, moins de clubs et les places de concert coûtent plus cher. Le sentiment d’appartenir à une communauté n’est plus aussi fort qu’avant. J’ai eu la chance de côtoyer des musiciens très forts, je voyais Philly Joe Jones, Art Blakey, Elmo Hope, Thelonious Monk et de temps en temps, Miles Davis, j’allais chez lui, je connaissais ses fils. Aujourd’hui le sentiment est différent pour ma génération.

Les musiciens sont-ils plus individualistes aujourd’hui ?


Je ne le pense pas.

Le jazz te semble-t-il moins accessible pour les jeunes d’aujourd’hui ?


Si on a de l’argent, on peut fréquenter le monde du jazz (rires). Quand j’étais jeune, parfois je manquais l’école pour aller à l’Apollo. La salle ouvrait à 11h du matin, il y avait d’abord un film qui durait jusqu’à 13h, puis il y avait trois groupes. Un jour, il y a eu celui de Miles Davis, d’Horace Silver puis celui de Thelonious Monk, avec Moms Mabley, une actrice comique. Chaque groupe jouait un set, les acteurs faisaient leur numéro, on voyait le film une seconde fois et tout recommençait comme ça. On pouvait rester toute la journée et la soirée pour un dollar. Il y avait un autre endroit également, spécifique : le Birdland. Il fallait avoir 18 ans pour entrer dans un night-club, là où on servait de l’alcool. Les jeunes ne pouvaient donc pas y entrer sans leurs parents. Mais au Birdland, il y avait un coin pour les jeunes de moins de 18 ans. On servait du Coca-Cola et pour un dollar on pouvait rester toute la soirée et écouter de la musique. On y emmenait nos copines.

Donc, la culture jazz est moins accessible aux jeunes aujourd’hui ?


Oui, la culture est moins orientée vers le jazz qu’auparavant.



Y a-t-il un rapport entre la nature et plus particulièrement avec les oiseaux sur le fameux disque
Conference of Birds ?

Tu dois demander ça à Dave Holland (Jazz Hot n°638). C’est lui qui a composé toute la musique, c’est son disque, je ne suis que sideman. On a travaillé ensemble, on a joué et c’est ainsi qu’on a produit cette musique. C’est notre conception de la musique, notre façon de jouer du jazz. On n’avait pas l’impression de travailler, on s’amusait et c’était très agréable.

Tu as réalisé ton premier disque en tant que leader assez tardivement, était-ce un choix de ta part ?


Non, ce n’était pas un choix. Avec Michael Cuscuna, producteur qui contrôlait une bonne partie des choses à l’époque, on se connaît depuis nos années d’études. En 1969, on a commencé à parler de faire un disque ensemble. Je connaissais tous les musiciens avec lesquels je souhaitais jouer. Mais ça n’a abouti qu’en 1976 : c’est le business… Et c’est ainsi qu’est sorti mon premier album en leader You Can't Name Your Own Tune avec Sam Rivers, Dave Holland, George Lewis et Muhal Richard Abrams.

Pour toi, dans le mot « jazz », quel est le côté « afro » et le côté « américain » ?


Non, non, non ! « jass » veut dire « enc… ». C’était d’abord « jass » et à cause de l’accent du sud, c’est devenu « jazz ». Les seuls endroits où l’on jouait cette musique c’étaient les bordels. Alors on disait, si vous voulez entendre du jass, allez au bordel. Je ne connais aucun musicien sérieux qui accepte le terme « jazz ». Ce sont la presse et le public qui ont utilisé ce mot.

Et le concept afro-américain ?


C’est la dimension novatrice de cette musique. Afro-américain ne veut pas dire africain, l’Afro-Américain est un Américain dont les origines sont africaines. Comme on peut dire qu’on est russo-américain parce que l’on a des origines russes. Il y a eu plus qu’une influence afro-américaine mais un apport créatif afro-américain sur cette musique que l’on appelle le jazz. Ça a commencé à l’époque des esclaves à New Orleans : toutes sortes de gens pouvaient se réunir mais bien sûr les esclaves n’avaient pas le droit de posséder des instruments de musique, des instruments africains ; ils pouvaient avoir des violons et c’est ainsi qu’est née toute une tradition avec le violon et les voix, le blues avant le jazz et dont le jazz est issu. A New Orleans, s’est opérée une fusion entre les différentes influences, l’influence espagnole, l’influence française...Il y avait aussi des groupes de musique militaire écossais et tout ceci a donné le jazz.

À ton sens, « jazz » est un terme positif ou négatif ?


Négatif !

Alors, comment qualifies-tu cette musique ?


Je dis que je joue de la musique américaine improvisée venant d’une esthétique noire. Dans la culture d’aujourd’hui le jazz est devenu un art, si l’on a du talent on peut faire du jazz. Ce n’est pas parce que l’on est afro-américain que la musique que l’on fait est la plus authentique ! On joue cette musique partout dans le monde, point final.

Max Roach, Kenny Clarke, Jo Jones, ont-ils eu une grande influence sur ton jeu ?


Oui absolument, tous les trois. Tu parles de Jo Jones, l’ancien, mais le jeune Philly Joe Jones aussi !

D’autres batteurs ?


Oui beaucoup. Art Blakey, Elvin Jones, Tony Williams  et aussi Roy Haynes, parmi les plus importants, on ne peut pas l’oublier. Aussi un groupe de batteurs que je qualifie d’influence secondaire : Louis Hayes, Roy Brooks, Frankie Dunlop, Frank Butler, Charli Persip. Après un certain temps, après Elvin avec Coltrane, après Tony Williams avec Miles j’ai arrêté de chercher des influences.

Pour trouver et construire ta propre esthétique ?


Oui. Quand je jouais certains motifs, je me disais, ce n’est pas moi, c’est lui ! Parce qu’en Amérique, quand tu commences par jouer, tu es comme un enfant qui apprend. L’enfant imite les parents puis il se met à réfléchir par lui-même. Si tu fais ça, à New York surtout, alors parfait. « On croirait entendre Philly Joe Jones, c’est bien. » « Oh super, on croirait entendre untel ou untel. » Après deux ou trois ans, il faut faire autre chose. Sinon pourquoi veut-on t’écouter ? Il faut être soi-même. On peut imiter quelqu’un mais il ne faut pas en rester là. Il faut se trouver un son à soi, il faut trouver ses propres idées, la manière de les jouer, il faut trouver son rythme, sa dynamique.

Que penses-tu de tes disques ?


Je ne cherche pas consciemment à faire quelque chose de différent. Je ne cherche pas à être créatif à chaque fois, j’essaie simplement d’apporter une réaction à ce que j’entends autour de moi, à ce que font les autres musiciens, et j’essaie d’apporter ma contribution. Pour ce qui est des disques que j’ai faits, je ne suis pas satisfait.



Avec le FAB trio, vous jouiez la musique de Billy Bang. Billy ne jouait pas de standards ?


D’abord on n’a pas joué sa musique. On a joué deux morceaux à lui, deux de Joe Fonda et deux de moi. La moitié du programme de chaque concert était free. On a dit que c’était lui qui avait écrit ceci ou cela, mais c’était juste pour le disque. Une partie des concerts était de l’improvisation d’ensemble, l’autre partie était des compositions que nous avions écrites. Très rarement, seulement en quelques occasions, on jouait des standards. Billy jouait du Billy. C’était une personnalité forte avec une individualité très marquée. Il avait un côté très sérieux. Il avait fait la guerre du Vietnam durant laquelle il avait vu des choses terribles, mais d’un autre côté, c’était un type drôle qui aimait s’amuser. Il sautait sur la scène, comme un acteur. Son style c’est sa musique.

Penses-tu jouer du free jazz ?


Ça dépend de ce que l’on entend par free jazz. En tant que style – du moins c’est ce que je crois – cela dépend beaucoup du niveau des musiciens. Soit ils font du free, soit ils restent à l’intérieur d’une conception limitée. Beaucoup de musiciens prétendent jouer du free jazz mais, à mon sens, ils demeurent enfermés dans des conceptions limitées. Selon moi, faire du free implique que l’on fasse des choix. Il y a beaucoup de choix, sinon on ne peut pas faire du free. C’est comme ça pour tout, si l’on a dix mots pour parler, l’expression est limitée, si l’on a vingt mots à sa disposition, alors on est plus libre pour s’exprimer. La musique est un langage.

La créativité individuelle ne joue-t-elle pas un rôle fondamental et structurant dans l’élaboration de cette musique ?


Oui. Ce sont des musiciens qui innovent. Par exemple, le bebop est devenu le style de musique le plus complexe du XXe siècle. On a trouvé de nouveaux accords et de nouvelles notes. On a découvert de nouvelles gammes qu’on n’avait jamais utilisées auparavant dans la musique occidentale, on a exploré de nouvelles harmoniques dans les accords. Tout ceci a été créé par des gens comme Charlie Parker, Thelonious Monk, Dizzy Gillespie, Kenny Clarke. Ils y ont réfléchi, ils en ont parlé, ils ont beaucoup travaillé et beaucoup étudié pour parvenir à faire cette musique, pour arriver à la connaître de l’intérieur et pour pouvoir improviser. Après la mort de Charlie Parker, les musiciens se sont aperçus qu’ils perdaient leur public, la musique devenait trop intellectuelle, il fallait se concentrer pour l’écouter. On ne pouvait plus danser sur cette musique et le public ne suivait plus. Le public est toujours important. Si l’on est artiste et qu’on pense pouvoir se passer du public, on fait fausse route. On a besoin du public, pas seulement pour la création mais aussi pour continuer à faire ce que l’on fait. Il faut bien que quelqu’un paie sa place ! C’est alors qu’un groupe de musiciens a commencé quelque chose que l’on appelle le hard bop : Art Blakey, Horace SiIver, Lou Donaldson. Ils ont instillé un esprit blues dans les improvisations. Ils continuaient à jouer ce qu’ils jouaient mais la section rythmique, les accords, les harmoniques étaient empreints de blues. C’est devenu le jazz dit « funky » ou hard bop.
Ça a continué comme ça pendant un moment jusqu’à ce que Miles Davis pense à improviser sur deux accords, inspiré en fait par George Russel et le concept lydien chromatique. C’était le truc de George Russell, le concept lydien chromatique et il jouait sur les modes. Miles disait qu’on pouvait être aussi bons artistes, que l’on pouvait jouer de la musique aussi profonde en improvisant sur deux accords. On n’a pas besoin de deux accords standards, on peut improviser sur deux accords comme ce qui est né avec « So What », morceau modal ; John Coltrane a repris ce mode et l’a beaucoup élaboré et complexifié. Puis est arrivé Ornette Coleman qui a dit qu’on n’avait pas besoin des deux accords, qu’il suffisait de jouer la mélodie, qu’on peut se passer des accords, du tempo régulier, il suffit de jouer, c’est la liberté de la musique.
Ensuite Cecil Taylor est arrivé en disant « on n’a même pas besoin de la mélodie, il suffit juste de jouer » et voilà ce qu’est la musique free. On appelait ça le « loft jazz ». Je me rappelle comment tout ça a commencé, nos groupes étaient issus du « loft jazz », les Européens sont venus, ils ont aimé ce que nous faisions et nous ont proposé des concerts dans des festivals et des clubs en Europe. Ils ont entendu la musique jouée dans les lofts. Il y avait entre dix et douze lofts où l’on jouait en même temps et les musiciens habitaient sur place et ils étaient si vastes qu’on pouvait y faire venir un public nombreux ! C’est devenu un véritable style et c’est ainsi que l’on a qualifié la musique des années 60 et 70. Par la suite, la musique contemporaine européenne s’est mise à influencer la manière d’improviser, on pouvait donc utiliser plusieurs langages musicaux. Il n’y avait pas que le style de jazz américain pour improviser. De fait, on s’est mis à recourir à d’autres langages, à d’autres influences, Stockhausen, John Cage… Nous avons un jour donné un concert avec Circle et John Cage était dans le public. Il est venu me voir après le concert et m’a dit « ce que vous avez joué en trois minutes, il m’a fallu neuf mois pour le composer » (rires). Aujourd’hui, il existe un jazz bien américain mais l’improvisation ne connaît plus de frontières. Pour moi, le feeling, l’attitude, les concepts de l’improvisation américaine sont toujours là, si je puis dire.



Cela vient de New York ?


Pas uniquement. Les musiciens viennent à New York parce que c’est le meilleur endroit où l’on peut apprendre vraiment, pour perfectionner ses connaissances. Pas seulement en fréquentant des institutions musicales mais surtout en étant avec des musiciens. Parce qu’à New York les musiciens transmettent leur savoir.

Pas en Europe ?


Non, je n’ai pas vu ça, du moins pas sans se faire payer. A New York, rien qu'en te baladant dans la rue, tu peux tomber sur un mec et peux apprendre des tas de choses. Je dois dire que le niveau des musiciens de jazz en Europe, en Amérique du Sud, en Australie, partout dans le monde, s’est beaucoup amélioré et il y a de grands musiciens dans le monde entier. Quand j’étais jeune, on n’enseignait pas le jazz dans les écoles, ça n’était jamais le cas. On a enseigné le jazz pendant les étés à la Lenox School de 1957 à 1960, Ornette Coleman y était. Mais depuis vingt ans toutes les écoles enseignent le jazz aux USA. Aujourd’hui tous les enfants savent jouer, ils connaissent les morceaux. J’ai entendu un gamin de 14 ans qui est encore au collège, il joue magnifiquement. Mais en même temps, on a perdu quelque chose dans l’esprit du jeu. On a organisé l’enseignement, on a de grands musiciens issus des universités, mais on a perdu un certain feeling, celui de la rue. Les musiciens n’arrivent pas à conjuguer les deux.

Que penses-tu du terme « jazz européen » ?


Ce terme ne me parle pas beaucoup. Comme dit Duke Ellington : « il y a la bonne musique et la mauvaise ».

Tu as vécu en France pendant dix ans et durant cette période tu étais chef d’orchestre d’un big band à Nancy…


Oui. C’était les débuts de l’Orchestre National de Jazz et François Méchali m’a demandé si je voulais diriger ce big band à Nancy. J’ai bien sûr accepté. François s’occupait du business et était le co-directeur. C’était un projet formé à la demande du Ministère de la Culture, pendant la période Jack Lang.

Tu aimes jouer avec un grand orchestre ?


Oui, je trouve ça formidable. J’ai joué avec trois big bands dans ma vie : le big band de Nancy, celui de Sam Rivers et celui de Carla Bley.

Aimerais-tu jouer avec un orchestre classique ?


Oui. J’ai joué des timbales avec mon père qui jouait en tant qu’amateur dans un orchestre classique de mandolines : The New-York Philarmonic Mandoline Orchestra. À deux reprises, ils ont eu besoin d’un percussionniste car l’autre était malade. J’ai aussi été invité par l’orchestre symphonique dirigé par David Amram, qui était chef d’orchestre classique mais faisait également du jazz J’ai aussi joué de la musique pour un ballet.

Barry Altschul © Jos Knaepen

Quand et comment as-tu connu L’ALIBI Jazz Club
1 et Richard Bréchet ?

Je ne me souviens plus exactement, mais il me semble que c’était en 1982-83, Mal Waldron jouait à Paris dans un jazz club à Paris, je ne me souviens plus du nom, il faudrait demander à Richard.

Je téléphone à Richard… Richard, te souviens-tu du nom du club où tu as connu Barry ?


Richard Bréchet (
au téléphone) : Ah oui, le nom du club était  « Le Paname ». Un club aux Halles qui a duré trois mois, tenu par Gérard Terronès. Gérard m’avait téléphoné pour me demander si j’avais des musiciens à l’ALIBI et il y avait Mal Waldron à cette époque. C’était en 1983 et j’ai aussi connu Hart Leroy Bibbs à ce moment-là. 

Barry Altschul :
Quand Mal m’a vu arriver, il a tout de suite demandé à Richard que je joue avec lui car ça n’allait pas avec le batteur qu’il avait. Donc, j’ai fait le bœuf avec Mal et ça a duré toute la nuit. Mais c’est Richard qui avait organisé ce concert pour Mal. C’est la première fois que j’ai rencontré Richard et nous sommes devenus très bons amis. Je suis le parrain de sa fille.

Quels sont tes projets ?


J’ai quatre groupes différents avec Jon Irabagon, un duo, un trio avec Joe Fonda, un trio avec Mark Helias, et un quartet. Je viens de finir mon dernier disque avec Joe Fonda et Jon Irabagon : The 3dom Factor.



1.
L'ALIBI (acronyme d'Association pour la Libre Interprétation des Bonnes Idées) a été créé par Richard Bréchet en novembre 1982, à Uzès (Gard) avec un premier concert réunissant Kenny Werner, Avery Sharpe et Marvin Bugaloo Smith. D'autres concerts ont suivi avec Roy Haynes, Siegfried Kessler, Abbey Lincoln (avec la complicité de Gérard Terronès), et surtout Mal Waldron avec lequel Bréchet s'était lié d'amitié à Paris en 1965. Une longue collaboration débutait entre les deux hommes. L'Alibi est ainsi devenu un club à part entière, mais sans programmation établie à l'avance, recevant les musiciens de passage et devant un lieu de rencontre où les orchestres se constituaient. Un système de cooptation s'instaura même entre musiciens. L'Alibi donna logiquement naissance à un orchestre "maison", le MALABI Jazz Company. Sa première formule réunit Mal Waldron, Andy McKee, David Schnitter, Oliver Johnson et Steve Potts. A la même époque, l'ALIBI et le MALIBI prirent le statut d'association. Après s'être transporté à Nîmes puis à Montreuil, l'ALIBI donne aujourd'hui ses concerts à la galerie de Berlinval à Morsain (Aisne). Vous pouvez retrouver régulièrement sa programmation dans l'agenda de Jazz Hot.



Discographie
(par Guy Reynard)

Leader et coleader

CD 1967. Virtuosi, Improvising Artists 123844 2 (Paul Bley, Gary Peacock)

CD 1971.
ARC, ECM 833678-2 (Chick Corea, Dave Holland)
CD 1977. You Can't Name Your Own Tune, 32 Jazz 32192
LP 1978. Another Time/Another Place, Muse MR 5176
CD 1979. For Stu, Soul Note 121015-2
CD 1979. Somewhere Else, Moers Music 0-10-64
CD 1980. Brahma, Sackville Recordings SKCD 23023
CD 1983. Irina, Soul Note 121065-2
CD 1985. That's Nice, Soul Note 121115-2
CD 2003. FAB Trio : Transforming the Space, Creative Improvised 284 (coleader Joe Fonda, Billy Bang)
CD 2005. FAB Trio : History of Jazz in Reverse, TUM Records TUM CD 028 (coleader Joe Fonda, Billy Bang)
CD 2008. FAB Trio : A Night in Paris. Live at the Sunset, Marge 41 (coleader Joe Fonda, Billy Bang)
CD 2008. FAB Trio : Live in Amsterdam, Porter Records PRCD 4014 (coleader Joe Fonda, Billy Bang)
CD 2013. The 3Dom Factor, TUM Records 032
CD 2012. Reunion : Live in New York, Pi Recordings 45
CD pas de date. Bbk, Exit 1005


     

     

Sideman
CD 1964. The Jazz Composers Orchestra, Communication, Fontana PHCE-1005
CD 1965. Paul Bley, Touching, Black Lion 790195-2
CD 1965. Paul Bley, Closer, ESP 1021
LP 1965. NDR Jazz Workshop, NDR 629851
CD 1966. Paul Bley, Ramblin', Red Records 123117-2
LP 1966. Paul Bley Blood, Fontana 883911
CD 1967. Paul Bley in Haarlem, Black Lion 760195-2
CD 1967. Paul Bley, Ballads, ECM UCCE-3003 (LP ECM 1010)
LP 1968. Paul Bley, Canada, Canada Radio S 305
CD 1968. Alan Silva, Skillfulness, ESP 1091-2
CD 1969. Paul Bley, Revenge, The Higher the Love, the Greater the Hate, Polydor PD 5054
CD 1969. Buddy Guy, Hold that Plane, Vanguard VSD 79323
CD 1970. Bass Is, Bass Is, Enja 2018 2
CD 1970. Chick Corea, The Song of Singing, Blue Note CDP 7 94353-2
LP 1970. Chick Corea, Circulus Vol. 1, Blue Note LA 882-J2
CD 1970. Chick Corea, Circling In, Blue Note, CDP 7 84465-2
LP 1970. Chick Corea, Live in Germany – Concert, CBS/Sony SOPL 19XJ
CD 1970-72. Paul Bley, Circles (Paul Bley's Synthetizer Show – Paul Bley & Scorpio), Milestone Records 4710
CD 1971. Annette Peacock, I'm the One, Future Days 601
CD 1971. Chick Corea, Early Circle, Blue Note B2-84465
CD 1971. Chick Corea, A.R.C. ECM 1009 833678-2
CD 1971. Chick Corea, Paris Concert / Circle, ECM 1018/19 843162-2
LP 1971. Anthony Braxton, The Complete Braxton, Arista Freedom 40112/3
CD 1972. Dave Holland, Conference of the Birds, ECM 1027 829372-2
CD 1972. Paul Bley, Paul Bley & Scorpio, Universe UV 001
CD 1972. Anthony Braxton, Town Hall 1972, Hat ART 6119
CD 1972. Paul Winter, Icarus, Epic EK 31643
CD 1972. Bass Is, Enja 2018
CD 1972-76. Anthony Braxton, News from the 70s, Felmay 167005
CD 1972. Buddy Guy, Play the Blues, Friday Music FRM-33364
CD 1973. Sam Rivers, Trio Live, Impulse! 268
LP 1973. Sam Rivers, Hues, Impulse! ASD 9302
CD 1974. Chick Corea, Gathering, CBS/Sony SOLP20-XJ
LP 1974. Anthony Braxton Live at Moers New Jazz Festival, Moers Music 01010/11
CD 1974. Dave Liebman, Drum Ode, ECM 1046 159493-2
CD 1974. Roswell Rudd, Flexible Flyer, Black Lion BLCD 760215
LP 1974. Chick Corea, Live in New York 1974, Oxford 3005
LP 1975. Anthony Braxton, Five Pieces 1975, Arista AL 4064
CD 1975. Anthony Braxton, The Montreux/Berlin Concerts, Bluebird 6626-2-RB
CD 1975. Julius Hemphill, Reflections (Coon Bid'ness), Freedom 741012
CD 1975. Andrew Hill, Spiral, Arista/Freedom FCD 41007
LP 1975. Sam Rivers, Sizzle, Impulse! ASD 9316


     


CD 1976. Anthony Braxton, Creative Orchestra Music 1976, Bluebird 6579-2-RB
CD 1976. Anthony Braxton, Complete Wildflowers, Knitting Factory Works KCR 3037/39
CD 1976. Anthony Braxton, Donaueschingen (duo) 1976, hatART 6150
CD 1976. Anthony Braxton, Dortmund (quartet) 1976, hatART 6075
CD 1976. Paul Bley, Japan Suite, Improvising Artists IAI 123849-2
LP 1976. Sam Rivers, The Quest, Red Records VPA 106
LP 1977. Sam Rivers, Paragon, Fluid 101
LP 1977. Sam Rivers, Rendez-vous, Red Records VPA 8375
CD 1978. Pepper Adams, Be-bop, Musica MD200
CD 1982. John Lindberg, Give and Take, Black Saint 120072-2
CD 1982. Peter Sprague, The Message Sent on the Wind, Xanadu 193
LP 1983. Franco d'Andrea, Top Jazz in Italy, Musica Jazz MJP 1014
CD 1983. Franco d'Andrea, My One and Only Love, Red Records 123201-2
CD 1983. Franco d'Andrea, My idea of Time, Red Records 123202-2
CD 1983. Claudio Fasoli, Lido, Soul Note 121071-2
CD 1983. Franco d'Andrea,Quartet Live, Red Records 123195-2
CD 1983. Kenny Drew, And Far Away, Soul Note, SN 121081-2
CD 1983. Tiziana Ghiglioni, Sounds of Love, Soul Note 121056-2
CD 1983. Ray Lema, Kinshasa-Washington D.C.-Paris, Celluloid 66658
CD 1983. Jimmy Giuffre, Dragonfly, Soul Note 121058-2
LP 1984. World Music Meeting, Again and Again, Again, Eigenstein ES2024
CD 1985. Paul Bley, Hot, Soul Note SN 121140
CD 1987. Paul Bley, Indian Summer, SteepleChase SCCD 31286
CD 1988. Paul Bley, Live at Sweet Basil, Soul Note 121235-2
CD 1989. Paul Bley Rejoicing, SteepleChase SCCD 31274
CD 1989. Yochk'o Seffer, Prototype, Kid 590462
CD 1990. Manfred Bründl, Bründl's Basslab, West Wind, WW 2070
CD 1990. Simon Nabatov, For All the Marbles Suite, ASP 31990
CD 1992. André Jaume, Giacobazzi « Autour de la Rade », CELP 25
CD 1996. André Jaume, Clarinet Sessions, CELP 87
CD 2000. Ken Simon, Another Side, CIMP 217
CD 2002. Adam Lane, Four Beings, CIMP 263
CD 2004. Gebhard Ullman, Desert Songs & Other Landscapes, CIMP 315
CD 2005. Enrico Rava, Flat Fleet, Philology 734
CD 2008. Gebhard Ullman, Steve Swell, News ? No News !, Jazzwerkstatt 068
CD 2009. Roswell Rudd, Trombone Tribe, Sunnyside 281207
CD 2010. Jon Irabagon, Foxy, Hot Cup 38257
CD 2013. Jon Irabagon, It Takes All Kinds, Jazzwerkstatt JW 139


     


Vidéos


Barry Altschul Trio + guest Sam Rivers, Camel Alive Summit Festival (1993)
Barry Altschul (dm), Uri Caine (p), Santi Debriano (b), Sam Rivers (ts, fl)



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