Andy Hamilton
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3 juin 2012
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26 mars 1918, Port Maria (Jamaïque) - 3 juin 2012, Birmingham (GB)
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© Jazz Hot n°660, été 2012
Le saxophoniste
britannique Andy Hamilton s'est éteint le 3 juin 2012 à Birmingham, où
il vivait depuis de nombreuses années à l'âge de 94 ans.
Né le 26 mars 1918 à Port Maria (Jamaïque) dans une famille modeste
et croyante, Andy Raphael Thomas Hamilton connaît la jeunesse des jeunes
gens de cette île : à la maison, il y a un piano et un poste de radio,
au moyen duquel il reçoit les émissions de jazz des Etats-Unis et
découvre Duke Ellington, Fletcher Henderson et Coleman Hawkins, Count
Basie…, ses maîtres ; il y a aussi l'église, qui tient une place
importante et à laquelle il accompagne sa mère ; il y a enfin le
cricket, avec son idole locale, George Headley.
Comme tous les enfants dans les pays du tiers monde à cette époque,
Andy Hamilton « fait avec les moyens du bord » : avec un instrument en
bambou, ressemblant vaguement à un saxophone, il commence par monter un
orchestre avec des copains en 1928, les Silvershine. La réussite est là
même si la formation engagée au Carnaval connaît une catastrophe.
Néanmoins, il parvient, dans les années trente, à se rendre au
Eyays-Unis, où il travaille comme cuisinier et ouvrier agricole mais
parvenant à obtenir quelques gigs à Buffalo, Syracuse, New York. Il
rentre néanmoins à la Jamaïque. A son retour, il travaille en tant que
musicien directeur artistique pour Erroll Flynn : au Titchfield Hôtel à
Port Antonio, dont il était tombé amoureux, ou sur son yacht, le Zarka.
Il finit enfin par quitter clandestinement son île natale en 1949
pour se rendre en Angleterre dont il possède pourtant la nationalité. Il
projette d'y travailler pour amasser un pécule et s'installer aux
Etats-Unis ; il ambitionne d'y rejoindre ses idoles Coleman Hawkins, Ben
Webster, Lester Young… Son voyage s'arrêtera dans la triste cité
industrielle de Birmingham (West Midlands) particulièrement meurtrie par
les nombreux bombardements de la Seconde guerre. Il s'y voit même un
temps interdire le droit de jouer : le syndicat local des musiciens y
veille, surtout en ces années d'immédiate après-guerre, pendant
lesquelles les britanniques ont longtemps connu des de terribles
restrictions (jusqu'en 1953) ! Il connaît alors toutes les difficultés
des émigrés clandestins : racisme, problèmes de logement, travail...
Pour survivre, il prend tous les emplois qui se présentent, notamment
ceux d'ouvrier dans des usines locales. Il parvient parfois, le soir, à
se glisser dans quelque club local pour « faire le bœuf », prenant même
le risque lors de certains concerts d'être passé à tabac par les groupes
fascistes d'Oswal Mosley (père de Max Mosley, ancien président de la
Fédération Internationale Automobile) qui tiennent encore le haut du
pavé dans le pays après l'armistice. Andy Hamilton gardera longtemps, de
cette triste expérience, de ne jamais sortir de la ville.
Il finit néanmoins par s'enraciner dans la vie locale et par y
acquérir une certaine notoriété dans le milieu musical local. En 1953,
avec des amis il organise un groupe, les Blue Notes, constitué
essentiellement de musiciens jamaïcains, dont le pianiste Sam Brown. Il
organise des lieux pour donner de la musique toutes les catégories de la
société : L'Accafess, le St Johns Restaurant, le Porsche Club, le
Junction, le Hyatt, The Tower Ballroom, Bearwood Corks… avec ses
hebdomadaires Thursday Night at Bearwood Corks. Il y fait travailler les
musiciens locaux et anglais plus largement, mais invite aussi les
grands du jazz : Teddy Edwards, Al Casey, Joe Newman, Harry « Sweet »
Edison, Art Farmer, David Murray… Parallèlement, Andy Hamilton qui a une
vocation d'éducateur et de pédagogue, organise des opérations
d'enseignement, notamment en faveur de la communauté jamaïcaine et plus
généralement caribéenne, qui se constitue très nombreuse dans cette cité
à l'entour des années cinquante. Ses propres enfants, Graeme (tp) et
Mark (ts), deviendront musiciens. Après
ces années bien remplies, Andy Hamilton fit un grave coma diabétique en
1985. Il parvint cependant à reprendre ses activités professionnelles ;
en 1988, il reçoit la célèbre critique et photographe de jazz, Val
Wilmer, au Bearwood qui le découvre au grand public de l'Angleterre. En
1991, à 73 ans, il enregistre son premier album chez World Circuit
Records, avec Nick Gold, Silvershine, du titre éponyme d'un calypso
qu'il avait composé pour Erroll Flynn en 1949 ; cet album reçut un
accueil exceptionnel dans le pays, Album Jazz Time de l'Année. Andy
Hamilton, connut alors dans ces années 1990 une consécration officielle :
tout en continuant à jouer au Bearwood Corks Club de Birmingham, il fut
invité dans les plus grands festivals du pays mais également à
l'étranger, tant en Europe qu'en Afrique et en Amérique, fêté en Grande
Bretagne comme une « gloire nationale du jazz ».
Ainsi, en 1994, il grave un nouvel album, Jamaica by Night (World
Circuit Records). En 1996, il est reçu Honorary Master of Arts degree by
the Birmingham University. En 1999, à l'occasion du Millennium, il
reçoit le Fellowship for his Work in Community Education avec l'adoption
de son projet éducatif, The Ladywood Community School of Music. Enfin,
lors de la promotion du nouvel an 2008, « Andy Raphael Thomas Hamilton,
jazz musician and teacher, [est reçu] Officer of the Order of the
British Empire (OBE) for services to music in Birmingham ». Est bien
loin le temps de la clandestinité et de l'interdiction musicale de la
ville ! Pour faire bonne mesure, les autorités le font Honorary Fellow
of the Birmingham Conservatoire, lors d'une cérémonie officielle au
Symphony Hall de Birmingham, où il se produisait chaque mois.
Bien qu'ayant eu une carrière différente, le parcours d'Andy
Hamilton, qui n'est pas sans présenter quelques analogies, est à mettre
en parallèle avec de celui de Robert Mavounzy en France.
Félix W. Sportis
Photo © David Sinclair
Vidéo
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