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Le Siècle de Stan Kenton

8 déc. 2011
15/12/1911-25/08/1979 - Modern America’s Man of Music

Stan Kenton
 
Stan Kenton

Viva Kenton !


Mon opinion paraîtra peut-être un peu extrême mais, personnellement, je crois fermement que Stan Kenton est le chef d’orchestre qui eut l’influence la plus déterminante dans l’évolution de l’idée du big band, à savoir, passer de l’orchestre de danse à l’orchestre de concert en proposant une musique de jazz destinée à de vrais mélomanes attentifs.
Lorsque, en 1951, j’entendis « Southern Scandal » (version 1945) sur La Voix de l’Amérique, croyez-moi, ce fut le choc, la révolution kentonienne était là! De plus, son orchestre fut le berceau de la plupart des grands solistes et arrangeurs/compositeurs du jazz californien et de l’école dite Jazz West Coast.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 40 ans d’activité, l’orchestre de S.K. ne compta pas moins de 131 trompettistes, 116 trombones, 39 altos, 72 ténors, 42 barytons, 15 guitaristes, 36 bassistes, 31 batteurs, 40 percussionnistes, plus les tubas, french horns, mellophoniums, cordes, une vingtaine de vocalistes et 90 arrangeurs/compositeurs.
S.K. fit aussi énormément pour la diffusion du jazz dans les festivals et universités. Il encouragea très fort les jeunes musiciens et arrangeurs de son orchestre à créer leurs propres formations; on connaît, notamment, la série « Kenton presents … ». Précisons cependant que, malgré une activité aussi intense pendant autant d’années, sur le plan financier ce ne fut pas toujours brillant; S.K. dut, à plusieurs reprises, renoncer à maintenir son orchestre.
Ses enregistrements, vraiment très nombreux et variés, méritent, pour la plupart, d’être appréciés pour leurs grandes qualités jazz, musicales, rythmiques, mais également pour la diversité des arrangements, la perfection des exécutions et la valeur des solistes. Bien sûr, certains disques sont d’une conception plus légère, voire franchement mode, soit par obligation, soit pour raisons alimentaires. Tout l’art de S.K. réside justement dans le fait qu’il peut partir d’une simple mélodie, même banale, et la transformer en une musique intéressante, passionnante. Mais la grande majorité des disques de S.K. atteignent les plus hauts sommets et méritent d’être considérés, sans conteste, comme des piliers, des chefs-d’œuvre de l’histoire du jazz.

Une petite sélection se doit de débuter logiquement vers 1945 au moment de la grande association Kenton-Rugolo qui vit naître les Artistry , Riff et autres Concerto …, autant de pièces jouées, à l’origine, par de merveilleux musiciens tels que A.Pepper, B.Childers (en 1943 déjà, âgé de 17 ans), K.Winding, B.Cooper, Sh.Manne, B.Mussulli, E.Safranski, V.Musso et furent magnifiquement réenregistrées par le formidable orchestre de 1956, sous le titre « KENTON IN HI-FI ».
Le début des années 50 fut marqué par l’arrivée de solistes fantastiques tels que C.Candoli, M.Ferguson, F.Rosolino, L.Konitz, R.Kamuca, B.Holman, B.Shank, S.Salvador, S.Levey. Côté écriture, à remarquer les signatures de Sh.Rogers, J.Richards, L.Almeida, B.Russo et G.Roland. Le disque « NEW CONCEPTS OF ARTISTRY IN RHYTHM » (1952), qui contient l’amusant « Prologue », est très représentatif de cette période éclatante.
En 1953, S.K. rend hommage à deux brillants musiciens, les compositeurs-arrangeurs Bill Russo et Bill Holman avec l’album « KENTON SHOWCASE », formidable ! La même année et en 1954, S.K. publie « SKETCHES » et « PORTRAITS ON STANDARDS« , deux enregistrements sans grande prétention mais qui mettent parfaitement en valeur les admirables sonorités des différentes sections de l’orchestre. Les arrangements de ces standards sont dus à B.Russo et S.K. tandis que les solos sont confiés à C.Candoli, M.Ferguson, L.Konitz, F.Rosolino, Z.Sims et A.Pepper. La perfection dans la simplicité!
Le mois de mai 1955 voit les retrouvailles de Stan avec June Christy et c’est l’admirable et délicieux « DUET ». La voix unique et le phrasé de June avec, pour seul accompagnement, Stan, au piano. C’est la grande époque de June Christy qui est la grande vedette des disques Capitol où elle enregistrera énormément, accompagnée surtout par les ensembles de B. Cooper (son mari) et de P.Rugolo. D’autres grandes chanteuses font aussi partie des concerts et tournées de l’orchestre et, par conséquent, de nombreux enregistrements. Citons-en quelques-unes : K.Brown, Ch.Connor, A.O’Day, A.Richards (Mme Kenton), J.Turner, J.Winters, …
Quant aux chanteurs, ils se produisent plutôt sous la forme de groupes vocaux : les Four Freshmen, les Modern Men, mais aussi en solo, par exemple : G.Howard, J.Johnson, les trombones K.Larsen et F.Rosolino (humoristique).
Puis, le 20 juillet 1955 dans les Studios Universal de Chicago, une date historique : c’est le merveilleux « CONTEMPORARY CONCEPTS », tout différent du « New Concepts », avec un orchestre de jeunes musiciens surdoués tels que S.Noto, S.Williamson, C.Fontana, L.Niehaus, C.Mariano, B.Perkins, M.Lewis et de magnifiques arrangements portant la griffe de Bill Holman sauf un de G.Mulligan. Tous les titres, notamment de la première session, sont des chefs-d’œuvre : Ch.Mariano dans Stella by Starlight, L.Niehaus dans Cherokee, B.Perkins dans Yesterdays, etc… Et l’orchestre, dans son ensemble, est fantastique!
1956, c’est l’année Johnny Richards et l’enregistrement également mémorable du « CUBAN FIRE ». Son côté authentiquement cubain, dû aux origines mexicaines de Johnny Richards (Juan Ricardo de Cascales, de son vrai nom) et à sa passion pour la musique cubaine, fait l’admiration des Cubains eux-mêmes. Quant à l’exécution, et malgré l’extrême complexité des partitions, elle est, comme toujours chez S.K., d’une perfection irréprochable. Passionnant!
En 1958, c’est la mise en valeur de Lennie Niehaus comme arrangeur avec « THE STAGE DOOR SWINGS » ; et ça balance vraiment bien.
Septembre 1959 voit la révélation d’un tout jeune musicien de 22 ans, Bill Mathieu, élève de Bill Russo, à qui S.K. offre d’enregistrer neuf de ses arrangements sous le titre « STANDARDS IN SILHOUETTE ». Un magnifique encouragement. Bill Mathieu choisit des thèmes très connus, des ballades, qu’il utilise sur des tempos extrêmement lents, ce qui lui permet de faire s’épanouir pleinement les différentes sections de l’orchestre et de mettre en valeur quelques solistes tels que B.Trujillo, R.Ericson, A.Lecoque, D.Sebesky et un C.Mariano très inspiré, surtout dans le Django de John Lewis. Par la suite, Bill Mathieu écrira pour Duke Ellington puis se tournera vers la musique classique mais il restera toujours reconnaissant à S.K. de lui avoir fait un tel cadeau. Il fera partie de la section de trompettes pour le « Road Show » d’octobre.
Toujours en septembre 59, S.K. concrétise son amour de la musique et des rythmes d’Amérique Latine en publiant « VIVA KENTON! », un ensemble de thèmes généralement connus mais arrangés ici par S.K. et G.Roland en cha cha, bossa nova et autres rythmes légers, faciles, agréables, agrémentés de magnifiques ensembles et de très beaux soli dus à D.Sebesky, C.Mariano, R.Ericson, C.Candoli, J.Bonnie, B.Brisbois et soutenus par un ensemble de percussions renforcé. Sur le CD, quelques plages datent des sessions consacrées à la Bossa Nova en 1963.
En février 1961, c’est l’enregistrement de « A MERRY CHRISTMAS! », demandé par Lee Gillette, producteur chez Capitol, et consacré à de beaux chants de Noël arrangés par R.Carmichael, S.K. étant très occupé par un autre projet. R.Carmichael a utilisé très adroitement les belles sonorités des différentes sections de l’orchestre. Une plage est réservée à la voix de S.K. sur le sujet What is Santa Claus? Le CD se termine avec l’orchestre de Maynard Ferguson qui interprète Christmas for Moderns, quelques thèmes de Noël dans des arrangements de W.Maiden.
Mais, dès le début de 1961, S.K. apporte un tout nouveau sound à son orchestre en y ajoutant quatre mellophoniums, un instrument qui se situe entre la trompette et le trombone. Ce nouvel ensemble de vingt-trois musiciens deviendra le New Era in Modern Music Orchestra plus communément appelé « THE MELLOPHONIUM ORCHESTRA » . Deux solistes surtout se distinguent sur cet instrument, ce sont R.Starling et C.Saunders (trompettiste très demandé aujourd’hui en Californie) tandis que de nouveaux arrangements sont signés S.Kenton, R.Starling, S.Donahue, B.Holman, J.Richards et, surtout, L.Niehaus et G.Roland. La section des mellophoniums donne, à l’orchestre, une dimension vraiment nouvelle, ce qui a fait dire, à certains musiciens, que c’était le meilleur orchestre que S.K. ait jamais eu.
Et c‘est, aux mois de mars et avril, avec ce fabuleux ensemble et un renfort de percussions, l’enregistrement de la suite « WEST SIDE STORY » de Leonard Bernstein dans un arrangement à la fois merveilleux, puissant et complexe dont Johnny Richards a le secret. « De nous tous, tu es le meilleur! » lui disait Stan. Et les solistes sont à la hauteur de la partition, ce sont, en plus de S.K. : C.Candoli, B.Fitzpatrick, G.Baltazar, G.Roland et J.Spurlock. Fastueux! Un musicologue aurait même déclaré qu’il n’existait plus, après S.K., d’orchestre capable de jouer cette musique!
Plusieurs autres enregistrements mettent bien en valeur la mellophonium mood, notamment « ADVENTURES IN BLUES » qui date de 1960/61 et fut composé entièrement par le vétéran Gene Roland qui écrivait pour l’orchestre de S.K. déjà en 1944. On le retrouve ici dans la section des mellophoniums mais aussi, en soliste, au saxo soprano. A découvrir également un jeune trompettiste de 21 ans : Marvin Stamm. Les compositions de G.Roland montrent brillamment que le Blues convient à toutes les époques du jazz et conserve un potentiel musical fort et ouvert.
Toujours en 1961 et de la même veine, S.K. offre, aux membres du Club Creative World, « ADVENTURES IN JAZZ », un ensemble de thèmes très connus, sauf les deux compositions du trombone/batteur D.Barton, dans des arrangements particulièrement efficaces de B.Holman, G.Roland, S.Donahue et L.Niehaus. Un très beau Misty joué en soliste par Ray Starling au mellophonium.
Fin d’année, c’est la série des Adventures qui continue avec « ADVENTURES IN STANDARDS », des arrangements de Lennie Niehaus sur des standards consacrés, chaque fois, à un soliste : M.Stamm, R.Starling, G.Baltazar, D.Barton (au trombone), B.Arnold et Stan.
L’année suivante, S.K. enregistre, avec ce même ensemble, un véritable Concerto pour Orchestre signé (encore) J.Richards et appelé « ADVENTURES IN TIME ». On assiste ici à une utilisation maximale et grandiose de toutes les possibilités de l’orchestre dans le registre des masses sonores mais aussi au niveau de sa parfaite maîtrise des découpages et variations rythmiques véritablement diaboliques. Impressionnant! Place est cependant laissée à plusieurs solistes magnifiques: B.Fitzpatrick, B.Parker, A.Beutler, M.Stamm, G.Baltazar, D.Menza, S.Dweck et R.Starling.
Autant d’exemples qui illustrent bien l’extrême hardiesse dont Stan peut faire preuve et son insatiable besoin de créativité et de renouvellement.
En septembre 1964, S.K. concrétise son attachement à la musique classique avec l’album « KENTON/WAGNER ». Stan a 19 ans lorsqu’il rencontre Maurice Ravel lors d’un concert Jimmy Noone à Chicago. Ravel lui expose longuement sa vision de la créativité musicale, ce qui a pour effet d’impressionner profondément le jeune S.K. Plus tard, chaque fois que Stan s’installera au piano, il se souviendra des paroles de Maurice Ravel et deux de ses premières compositions, Artistry in Bolero et Fantasy furent écrites en pensant au génial musicien français.
Lorsqu’il travaillera en équipe avec Pete Rugolo, plusieurs de leurs compositions s’inspireront de l’écriture musicale de compositeurs tels que Ravel, Debussy, Hindemith, Stravinsky et Schönberg. Le répertoire de l’orchestre comporte d’ailleurs un nombre impressionnant de partitions modérément, voire terriblement complexes, démarche que S.K. a toujours encouragée, ce qui a fait dire que, pour un instrumentiste, le fait d’avoir joué chez Stan Kenton constituait une fameuse carte de visite. Techniquement, nous sommes en plein dans l’antifree jazz.
Pendant l’hiver 1963, alors qu’il prépare une conférence sur les classiques qui l’ont influencé, Stan esquisse, au piano, un passage de la musique de Tristan et en vient à essayer d’imaginer comment Wagner aurait écrit sa partition s‘il l‘avait destinée à l‘orchestre de S.K. L’idée fait son chemin, pour aboutir à ces quelques arrangements que S.K. réalisera sur La Walkyrie, Le Crépuscule des dieux, Lohengrin, Tristan et Isolde et Tannhäuser. Wagner et Kenton, deux immortels de la musique!
Il faut remarquer la grande intégrité artistique de S.K. qui, pour ces enregistrements, tout comme, en 1950, pour ses « INNOVATIONS IN MODERN MUSIC » et, fin 1951, pour « CITY OF GLASS » de Bob Graettinger, n’utilise pas le terme jazz pour qualifier sa musique.
Les enregistrements en public de S.K. sont particulièrement nombreux et passionnants. Retenons, en 1953, le légendaire concert à l’Alhambra « ARTISTRY IN PARIS » avec, entre autres, un Zoot Sims en très grande forme.
En 1959, le samedi 10 octobre, un événement majeur a lieu, un sommet avec le concert « ROAD SHOW » à la Purdue University (Lafayette/Indiana) qui réunit l’orchestre de S.K., June Christy et les Four Freshmen (du moment : B.Flanigan, K.Albers, R. et D. Barbour, merveilleux vocalistes et excellents instrumentistes). Un monument ! Douze mille personnes (malgré un violent orage) en deux concerts consécutifs. Mais l’orage était aussi et dans la salle et dans l’orchestre avec le classique Peanut Vendor se terminant dans un déferlement de trompettes dont un Bud Brisbois flamboyant dans le suraigu. Historique !
A écouter également « STOMPIN’ AT NEWPORT » de 1957, « BACK TO BALBOA » (public absent) de fin 1957/début 1958 et « LIVE FROM THE LAS VEGAS TROPICANA » de 1959. Sachons que le retour au Rendezvous Ballroom à Balboa Beach fut une immense déception pour S.K. Une série de concerts organisée par lui-même dans une salle rénovée à ses frais, qui pouvait contenir deux mille personnes et qui ne reçut, en moyenne, que trente spectateurs par concert. Aussi, un énorme déficit financier. Stan était un grand optimiste, il avait même demandé de nouveaux arrangements à M.Paich, B.Holman et, surtout, à J.Coccia et J.Richards, mais, hélas, … le rock était là!
Heureusement, ce n’était pas tout car, le 4 janvier 1965, S.K. dirige le concert inaugural du fantastique et révolutionnaire « LOS ANGELES NEOPHONIC ORCHESTRA » au Pavillon Dorothy Chandler du L.A. Music Center (disques Tantara). L’orchestre réunit les meilleurs musiciens californiens, entre autres : C.Candoli, M.Bernhart, F.Rosolino, B.Shank, B.Perkins, B.Collette, L.Almeida, E.Richards et même Sh.Manne, rappelé. Les partitions, dont certaines sont d’une grande complexité d’exécution, sont signées S.Kenton, H.Montenegro, J.Richards, P.Rugolo, M.Paich, L.Schifrin, B.Holman et, en clôture apothéose de ce premier concert, la Music for piano and Band n°2 de et avec Friedrich Gulda en soliste, un grand pianiste classique passionné de jazz. Le troisième mouvement devra d’ailleurs être bissé. Grandiose!
Le répertoire du Neophonic s’enrichira également de pièces écrites par J.Knight, D.Barton, R.Carmichael, C.Fischer, Sh.Rogers, N.Riddle, J.Williams, A.Ferguson, R.Garcia, etc … L’idée du Neophonic est, en effet, d’offrir, à de jeunes musiciens compositeurs, la possibilité de voir leurs partitions, même très élaborées, jouées en concert, une étape importante dans l’histoire du jazz et de la musique américaine. De plus, dès 1966, S.K. fait en sorte que toutes les compositions destinées au Neophonic soient mises à la disposition des universités U.S.
En septembre 1965, le L.A.N.O. (personnel un peu différent), dirigé par S.K., enregistre six pièces de son répertoire dans les studios des disques Capitol : « STAN KENTON CONDUCTS THE LOS ANGELES NEOPHONIC ORCHESTRA ».
Décembre 1967, c’est la manifestation du respect qu’un musicien éprouve pour un autre musicien, son aîné. Le jeune, c’est Dee Barton, qui a échangé son trombone contre une batterie et réalise enfin ce qu’il a toujours souhaité : écrire pour l’orchestre de S.K., the old man (comme Stan aimait parfois s’appeler). Sept compositions originales qui révèlent la personnalité d’un musicien mature bien en phase avec la musique de son époque et qui sait, comme les grands arrangeurs qui l’ont précédé, utiliser les merveilleuses possibilités, beauté et puissance, de l’orchestre, en cette période postmellophonium. Dee Barton offre de belles initiatives aux deux solistes principaux: J.Daversa et R.Reed.
Fin des années 60, S.K. organise de nombreuses conférences ( une centaine chaque année) dans les universités du sud-ouest des U.S.A., traitant des différentes formes de la musique et du jazz. En 1968, il reçoit le titre honoraire de Doctor of Music à l’Université Villanova (Pennsylvanie). Durant cette période, il conçoit un nouveau répertoire, sur des thèmes du moment, qu’il enregistre chez Capitol mais, en 1970, il crée sa propre compagnie d’enregistrement et d’édition : CREATIVE WORLD RECORDS et CREATIVE WORLD MUSIC PUBLICATIONS, label sur lequel il rééditera la plupart de ses enregistrements Capitol plus de nombreux concerts à venir. Actuellement, les droits de diffusion de Creative World appartiennent à GNP/Crescendo Records (Gene Norman).
La même année, S.K. publie, sur Creative World, « LIVE AT REDLANDS UNIVERSITY », un concert donné pour un public de jeunes musiciens, de musiciens éducateurs et pour tout le staff de cette université californienne. L’orchestre renouvelé compte de jeunes solistes tels que Q.Davis, R.Torres, M.Vax, D.Noday, W.Gale, D.Shearer, J.Von Ohlen qui interprètent les arrangements de D.Barton, W.Maiden, B.Holman, H.Levy, K.Hanna, S.Spiegel et S.K. Du tout grand Kenton pour ce public particulièrement attentif.
En 1971, c’est « LIVE AT BRIGHAM YOUNG UNIVERSITY ». Cette université, créée par Brigham Young (Mormon) en 1875, est située à Provo (Utah) et compte pas moins de 25.000 étudiants qui viennent de partout : des U.S.A. et de 72 pays étrangers. Le personnel de l’orchestre est sensiblement le même qu’en 1970. Il exécute à la perfection des partitions dont certaines sont d’une grande complexité mais toujours dans l’esprit de l’infinie créativité kentonienne. On retrouve les arrangeurs déjà cités pour Redlands.
En 1972, l’orchestre voyage énormément et enregistre « LIVE IN LONDON 1972 » (pour Decca) en février puis, coup sur coup, en juin, « LIVE AT BUTLER UNIVERSITY » et « THE FOUR FRESHMEN LIVE AT BUTLER UNIVERSITY » à Indianapolis. Léger changement chez les Four Freshmen depuis 1959 (B.Comstock, R.Barbour, K.Albers, B.Flanigan) mais toujours la même musicalité, le même humour. Dans le premier des deux enregistrements At Butler et dans le London 72, S.K. utilise principalement les arrangements et compositions de H.Levy, K.Hanna, W.Maiden, P.Rugolo, B.Holman, J.Richards et les interventions, en soliste, du tout jeune Ray Brown (au bugle, … pas à la basse).
Toujours en 1972, c’est le surprenant « NATIONAL ANTHEMS OF THE WORLD », une quarantaine d‘hymnes nationaux arrangés par Robert Curnow avec tout le respect dû aux musiques originelles. S.K. explique cette initiative par un souci de changement, clef de la vie, et l’opportunité de faire entendre ces hymnes sous une autre forme musicale. Il espère aussi les faire découvrir à son public américain et contribuer ainsi à une meilleure compréhension entre les nations. Chapeau !
En 1973, c’est la clôture d’une brillante tournée européenne et la sortie de « BIRTHDAY IN BRITAIN » pour l‘anniversaire de Stan qui le fêtait, à ce moment encore, le 19 février. Les arrangements sont de B.Holman, H.Levy et W.Maiden. Quelques nouveaux musiciens entrent dans l‘orchestre dont un très jeune batteur de 19 ans qui fera son chemin : Peter Erskine.
Retour à Hollywood, en août, avec « 7.5 ON THE RICHTER SCALE », un disque de now music, voisine du rock, mais à laquelle S.K. et son staff donnent une toute nouvelle dimension. En décembre, c’est un disque en solo « STAN KENTON WITHOUT HIS ORCHESTRA » dans lequel S.K. interprète plusieurs de ses thèmes préférés dans une approche purement intérieure, introspective, mystique presque.
L’année 1974 fait découvrir le premier disque fusion de l’orchestre avec « STAN KENTON PLAYS CHICAGO ». Dans cet album, S.K. et son orchestre jouent la musique de deux groupes très populaires auprès d’une jeunesse qui dédaigne le jazz, ce sont Chicago et Blood, Sweat and Tears. Les arrangements sont signés Bob Curnow. S.K. veut, par ce moyen, montrer aux jeunes que, si le jazz s’adressait hier à leurs parents, il sait aussi s’adresser à eux. Bel effort!
Suivra, en septembre, « FIRE, FURY AND FUN » destiné à mettre en valeur quelques solistes talentueux de l‘orchestre : T.Campise, P.Erskine, R.Lopez, R.Reynolds, D.Shearer et K.Jordan dans des compositions originales signées D.Devoe, K.Hanna, H.Levy, T.Campise-L.Spoon et Ch.O‘Farrill. Avec ce disque, S.K. renoue avec son art de découvrir les jeunes musiciens de valeur et de leur permettre de s’épanouir en pleine liberté. L’avenir! C’est aussi en 1974 que l’orchestre entreprend sa première tournée au Japon.
1975 et 1976 sont les années durant lesquelles l’orchestre tourne aux U.S.A. mais visite aussi une dizaine de pays européens.
Début décembre 1975, il enregistre, à Chicago, « KENTON ’76 » qui contient des compositions de H.Levy, B.Holman, M.Taylor ainsi que deux thèmes très connus Send in the Clowns et My Funny Valentine dans des arrangements de D.Barduhn.
Au mois d’août 1976, c’est à Hollywood qu’est produit « JOURNEY INTO CAPRICORN », à nouveau une musique jeune, par de jeunes musiciens, dans des compositions, bien sûr, de H.Levy mais aussi de M.Taylor, S.Wonder et Ch.Corea. Mais, à travers tous les compositeurs et arrangeurs qui collaborèrent au répertoire de l‘orchestre, la musique qui est jouée reste toujours et avant tout du STAN KENTON.
En 1977 et 1978, nombreuses tournées aux U.S.A. et au Canada.
S.K. se voit décerner le titre honoraire de Doctor of Music de la Redlands University (Californie).
Grâce à l’avènement du disque compact, on ne compte plus ni les rééditions, ni les inédits qui continuent d’être publiés et dont beaucoup sont dus à l’enthousiasme de Kentoniens passionnés dont Steven D. Harris de Californie, également biographe privilégié de S.K avec The Kenton Kronicles. C’est d’ailleurs Steven D. Harris qui est à la base de la publication, en 1997, des deux CD (puis VHS et DVD) reprenant « THE LOST CONCERT », le tout dernier concert de l’orchestre qui a eu lieu, le 18 Mars 1978, au Cocoanut Groove de Los Angeles (sur GEM avec l’autorisation de Creative World) avec un Stan physiquement affaibli. Par ailleurs, Steven édite périodiquement (sur Dynaflow) des CD reprenant surtout des rarities et collectors de l’orchestre de S.K. avec lequel il a eu la possibilité de voyager pendant plusieurs années. Le veinard!
Un autre mordu, c’est Bob Lorenz, mais dont l’hommage procède d’une démarche légèrement différente : Bob s’applique, depuis de nombreuses années, à enregistrer (sur Woofy), avec une jeune section rythmique, la plupart des solistes qui ont joué chez S.K. Il s’agit de la Kenton Alumni Series.
Quant à Mike Vax, lead trompette (suraigu) chez S.K. de 1970 à 72, il entretient un big band, le Stan Kenton Alumni Band, composé, autant que possible, d’anciens instrumentistes de chez Stan. Avec cet orchestre, Mike organise des concerts, des tournées et publie régulièrement des CD (sur Summit). Son répertoire est un mélange de nouvelles compositions et de thèmes chers à Stan.
A ne pas oublier, les excellents enregistrements réalisés (chez Eurovox), dans les années 80, par François Glorieux et son orchestre (belge) sous le titre Tribute to Stan Kenton et qui comprennent, notamment, trois compositions de F.G. : Artistry in Trombones, Tribute to Stan Kenton et In Memoriam Stan Kenton. Belle reconnaissance envers celui qui l’avait invité, en 1976, à l’accompagner lors d’une tournée aux U.S.A.
Certains producteurs de disques s’appliquent surtout à publier des concerts inédits de l’orchestre de S.K. Citons Dawe, Status, Tantara, …
De son côté, la firme Classics a composé une série de dix CD qui constitue une magnifique compilation historique couvrant les années de 1940 à 1953 ( sauf 48 et 49).
Chez Mosaïc, spécialiste de la réédition d’intégrales, on trouve deux gros coffrets consacrés, l’un à The complete Capitol Studio Recordings of S.K. 1943-47 (7 CD), l’autre à The complete Capitol Recordings of the Holman and Russo Charts (4 CD). Signalons également un coffret réunissant trois musiciens de la série Kenton présents Jazz : Bob Cooper, Bill Holman & Frank Rosolino (4 CD) et un autre qui contient The complete Capitol Four Freshmen Fifties Sessions (9 CD).
Plusieurs DVD et VHS, dont la qualité technique n’est pas toujours parfaite, permettent quand même de voir l’orchestre de S.K. en action à différentes époques de son histoire.
Une dizaine de biographies et écrits divers (en anglais) sont consacrés à S.K. Parmi les auteurs, en plus de Steven D. Harris : William F. Lee, Carol Easton, Michael Sparke (seul et avec Peter Venudor), Chris Pirie, Lillian Arganian, Edward F. Gabel.
M.Sparke vient de publier This is an Orchestra, accompagné d’un coffret de deux CD qui illustre les années 1948/56/61/62/71/73 et franchit les frontières musicales que S.K. a fait ouvrir : « pas seulement du jazz, mais une musique universelle » (Tantara).
Stan est évidemment cité dans toutes les histoires du jazz un peu sérieuses et objectives. Il peut même faire l’objet de débats selon la perception que l’on a de sa musique. Tout comme au bon vieux temps des grands Romantiques!
Il faut finalement se rendre à l‘évidence. Très objectivement, la plupart des big bands actuels ont subi l’influence de Stan the Man et continuent de s’inspirer de son modèle, en Californie comme ailleurs, même s‘ils n‘en font pas toujours état. Car, dans le monde de l’orchestre de jazz, il y a l’avant et l’après Stan Kenton.

Pour illustrer toutes les facettes de la musique de Stanley Newcomb Kenton : Progressive jazz, Innovations, Mellophonium, Neophonic, Adventures, etc…, plusieurs émissions, plusieurs magazines seraient nécessaires, ce qui n’est guère possible, j‘en conviens. Mais, malgré tout, …VIVA KENTON !!!

Maurice Creuven (Octobre 2011)
* Stan Kenton n’est pas né le 19.02.1912 comme on l’indique parfois.