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Jean-Pierre Leloir

20 déc. 2010
27 juin 1931, Paris - 20 décembre 2010, Paris

Le photographe Jean-Pierre Leloir est mort à son domicile parisien le 20 décembre 2010 des suites d'un cancer qui s'était déclaré il y a quelques mois, « plus de vingt ans après le reportage qu'il avait effectué sur un site en cours de désamiantage », disait-il.
Jean-Pierre Leloir est né à Paris le 27 juin 1931 dans une famille bourgeoise (son père était professeur d'allemand et sa mère musicienne) établie dans la capitale parmi une fratrie de quatre enfants, dont il était le garnement. Il a reçu l'éducation d'un fils de famille : piano, cheval… Mais le travail scolaire et la discipline ne relèvent pas de ses habitudes ; il se fait « virer » de tous les lycées de l'endroit au grand dam de son père, allant jusqu'à passer un marché insolite avec le Proviseur du Lycée Claude Bernard pour échapper aux réprimandes paternelles liées à ses trop fréquentes absences, préférant entrer dans la vie active (3).
Jean-Pierre Leloir a une première passion : la musique. Il grandit au domicile familial rue Daru (8e), à quelques encablures de la Salle Pleyel, dont il a appris à connaître le dédale des caves où il se réfugiait pendant les bombardements sous l'Occupation. Il continuera à les fréquenter, par habitude et pour assister gratuitement aux premiers grands concerts des Américains (Bechet, Parker, Miles, Garner…) se produisant à Paris en 1948. Car ses intérêts ne s'arrêtaient pas à la musique classique. A l'adolescence, au sortir de la Seconde Guerre, il a découvert le jazz. Et c'est dans ces clubs qu'il s'adonne à son autre passion qui deviendra sa profession, la photographie.
A la Libération, un GI américain lui avait offert un appareil photo avec lequel il commença à « mitrailler » la faune musicale de Paris ; parfois même sans pellicule dans la boîte comme lors de la première visite de Duke à Paris après la guerre, en 1950 ! Pour le plaisir d'accéder aux musiciens qu'il adule. L'amateur fait ses premières armes de professionnel au Kentucky (rue Valette dans le 5e où s'était replié Claude Luter depuis la fermeture du Lorientais en 1948), à l'Arlequin, sous le bar La Pergola, rue du Four dans le 6e, où officiait l'orchestre de Don Byas, de Jef Gilson (p), Raymond Fol, Henri Renaud… et plus tard Claude Bolling, Jean-Claude Fohrenbach. Jean-Pierre Leloir acquiert sa reconnaissance de photographe professionnel en publiant ses premières photos dans Jazz Hot. « Ma première photo publiée représentait l'orchestre de Jef Gilson avec Jean-Louis Chautemps, Jean Liesse, Robert Barnet, Barney Spieler et Georges Kirsh. Elle est parue il y a exactement dix ans, dans le numéro de mai 1951 de Jazz Hot », se souvenait-il en 1961 (1).
La situation se prolongea ainsi plusieurs années. « Plus tard, grâce à la comtesse de Toulouse-Lautrec qui m'avait introduit dans le milieu des photographes à la mode, j'ai pu faire mes premiers pas dans la profession. D'autre part, mes goûts me portaient depuis longtemps vers le jazz, puisque j'avais fait le mur du lycée plusieurs fois pour entendre du jazz au Quartier Latin »(1). Car, à l'époque, Leloir est avant tout un jazz fan, peu préoccupé des questions matérielles. « Je persistais à ne pas croire à la rentabilité de la photo de jazz, mais je continuais à m'exercer dans les clubs » (1). En ce temps, sa chambre était devenue sa chambre noire et la salle de bains de ses parents, son laboratoire de développement ! « Pendant longtemps, je n'ai pas songé tellement au rapport et il n'en était pas question jusqu'en 1954, date à laquelle je travaillais avec des sociétés telles que la Shell, pour des photos de raffinerie, sujet passionnant s'il en est. L'argent que je mettais de côté me permettait une certaine indépendance financière, qui m'a permis de m'organiser ».
Néanmoins, l'homme est curieux de tout et le photographe est aux aguets ! La radio fonctionne à temps plein lorsqu'il œuvre dans « son labo ». Il y développe son éclectisme sonore : la musique sous toutes ses formes, notamment la chanson. Et c'est en 1957, qu'il rencontre pour la première fois Jacques Brel dans une séance de photos. Leur liaison dura quinze ans. L'auteur de « Ne me quitte pas », se souvenait avec émotion, dans une interview télévisée (5), de leur première rencontre, au cours de laquelle le photographe avait eu la délicatesse de lui diffuser du Vivaldi pour le détendre pendant la prise de vue. Et pour bien se faire comprendre dans l'approche de son métier, Leloir répétait souvent : « Je suis incapable de photographier un artiste dont je n'apprécie pas la musique » !
Car depuis plusieurs années en tant qu'assistant d'Edouard Brissy, il est chargé, le matin, de photographier des toiles de maîtres (Picasso, Modigliani, Chagall, Manet…) à la Galerie Charpentier aux fins de reproductions. « L'après-midi, je suis en reportage. J'ai tout fait : de l'architecture, des châteaux, des intérieurs, des usines, des remises de décoration, des pots d'adieu en entreprise, etc. Le montage d'un derrick de la Shell dans le Quercy, j'y étais ! Le banquet du congrès des « mûrisseurs » de bananes, j'y étais ! Mais j'étais aussi aux répétitions des plus prestigieux orchestres classiques pour le magazine Disques : son directeur, Armand Panigel, était l'un de mes fidèles supporters. Je me rendais souvent à Bruxelles : j'avais photographié le chantier de l'Exposition universelle; j'allais régulièrement au festival de jazz de Comblain-la-Tour. Ma route a dû croiser celle de Brel à plusieurs reprises avant que nous ne nous rencontrions enfin. Le soir, pour le plaisir, je photographie des musiciens de jazz » (2), écrivait-il en 2008.
A partir des années 1960, Jean-Pierre Leloir, qui au début de sa carrière avait reçu l'aide et le soutien d'Hervé Derrien, premier photographe à s'être vraiment intéressé au jazz en France, est devenu LA référence photographique en la matière en France et en Europe. Ses premiers succès lui permettent d'installer enfin son laboratoire et son studio 26 rue Notre-Dame-des-Victoires, dans le 2e arrondissement de Paris. Il y officie avec son épouse Arlette, fidèle et indispensable collaboratrice (4) et le renfort d'un jeune et prometteur assistant, Gérard Bousquet, auquel il confie la responsabilité de plusieurs séances photos comme lui-même en avait bénéficié à ses débuts de ses premiers mentors. Il était alors devenu en France et en Europe le pendant d'Herman Leonard, son illustre aîné de 10 ans aux Etats-Unis, auquel il vouait une grande admiration (6). En 1961, une compagnie d'aviation et une compagnie de disques lui commandent un long reportage en Amérique du Sud. Il s'investit comme il l'a toujours fait pour d'autres sujets ; il travaille comme un ethnologue, amassant les clichés signifiants du quotidien. Et comme Lévy-Strauss, vingt-cinq ans plus tôt, il en revient riche de pellicules et fasciné par ce que son œil a entendu au Brésil : « S'il m'est difficile de rattacher ce voyage à une quelconque raison jazzistique, je dois avouer que, musicalement, ce fut quand même passionnant, particulièrement au Brésil. La musique des Noirs, que j'ai pu entendre lors du Carnaval de Rio, m'a laissé pantois. Encore plus rythmique, plus primitif que le jazz, jamais musique ne m'a donné pareille envie de danser » (1) déclare-t-il à son retour.
Cependant, Jean-Pierre Leloir était tout à fait conscient de la chance que les circonstances lui avaient servie : « J'aurai la chance d'être le témoin d'une période d'exception et de pouvoir photographier les plus grands : Sidney Bechet, Louis Armstrong, Miles Davis, John Coltrane, Duke Ellington, Erroll Garner, Dizzy Gillespie, Ella Fitzgerald, Billie Holiday, Sarah Vaughan, Quincy Jones, Charlie Mingus, Lester Young et tant d'autres... Je sais que j'ai vécu des émotions que je ne retrouverai plus. À l'époque, je développe mes photos dans la salle de bains, chez mes parents. Dans ma chambre noire, un transistor, branché en permanence sur Paris Inter, me tient compagnie. J'écoute toutes sortes de musiques. Laure Diana, chanteuse des années 1930, y anime une émission sur la chanson ; à force d'entendre ses émissions, je commence à m'y repérer parmi les noms des interprètes. En 1957, j'écoute régulièrement Disco Parade, animée par Jean Fontaine, qui présente l'actualité du disque en direct de l'Alhambra. Du coup, je m'y rends et je commence à amasser des photos d'artistes, anciens et nouveaux. J'allais à la pêche, le plus souvent à mon compte, parfois en service commandé. En fait, toute ma vie, j'ai collectionné des papillons. Je les ai capturés, je les ai épingles sur mes planches-contacts. Mon filet, c'était mon appareil photo. Parfois je revenais bredouille, parfois la chasse était miraculeuse. Au bout du compte, j'ai onze mille papillons répertoriés dans mon ordinateur... » (2).
A la veille de 1968, Jean-Pierre Leloir était déjà un photographe important dans le monde de la musique et de la scène parisienne ; il était devenu en une vingtaine d'années une véritable institution dans le monde de la photographie du jazz. Il était en effet également souvent appelé pour les prises de vue au Théâtre National Populaire de Jean Vilar. On le voit cependant continuer à mitrailler la scène jazzique dans tous les festivals qui fleurissent en France, en Europe, dans le monde (Antibes, San Remo, Salon-de-Provence, Pescara, Mons, Grande Parade de Nice, Vienne, Marciac…), dans toutes les grandes salles de France, d'Europe et même en Amérique. Il était également sur tous les plateaux de radio et de télévision. Et c'est lui encore qui immortalisa la réunion des trois grands de la Chanson française, Brel, Ferré et Brassens lors de leur rencontre autour du micro de François-René Cristiani à RTL le 6 janvier 1969 (7) qui sera publié dans Rock & Folk, publication qu'il a initié avec Philippe Koechlin, lorsque tous les deux travaillaient encore chez Jazz Hot, 14 rue Chaptal.
Toujours rasé de frais et la moustache savamment dessinée, les petites lunettes rondes finement cerclées, qu'il portait avec l'élégance et la distinction distanciée du Major Thompson, il avait conservé le visage frais et le port juvénile des adolescents passionnés. Infatigable découvreur, curieux de tout, dans sa tenue confortable mais jamais négligée, il arpentait les endroits où il sentait l'évènement important. Car, s'il est né du jazz, il n'a jamais manqué le train de l'histoire quotidienne : celle de la musique classique en plein renouveau médiatique et celle de la Chanson française en plein épanouissement après la guerre, celle de la pop music et du rock dans la mondialisation naissante des Trente glorieuses. Il a immédiatement saisi l'importance sociétale que ces musiques constituaient. Ecologiste avant la lettre mais homme de mode, il se plaisait parfois à cultiver le paradoxe, souvent par provocation, pratiquant un conservatisme distingué pour les choses de la nature ; c'était un fervent de l'huile d'olive à laquelle il trouvait des vertus particulières lorsqu'il se la procurait auprès d'un confrère photographe marginal en Provence. Chasseur de papillons, certes, il possédait néanmoins le discernement, la patience (une qualité essentielle et indispensable dans la pratique de cette activité professionnelle) et le flair des chasseurs de fauves. Comme les personnages de Pierre Daninos et de Jacques Tati, il avait conservé cette capacité rare de s'émerveiller des choses les plus simples (devant un paysage de Corrèze, où il avait acquis une maison en 1969, ou en un moment particulier de la vie) et de garder le recul froid et le mot juste en des circonstances intenses, voire graves. Pince-sans-rire, il avait la répartie redoutable et même la dent dure (10). Bardé d'appareils aux objectifs impressionnants, portant une sacoche  en cuir noir d'un volume énorme, il hantait les lieux de jazz, saisissant, dans la vérité du moment, les acteurs de l'endroit avec la fougue des adolescents et la gourmandise des enfants, jamais rassasié, comme s'il s'évertuait à retenir la musique avec « ses jouets ». Car disait-il : « L'expérience m'a  prouvé que l'on n'est jamais trop riche en documents… En outre, j'ai conservé intact le plaisir de photographier et j'aime, tel un enfant avec un nouveau joujou tirer le maximum de plaisir et le maximum des possibilités de chaque nouvel appareil, de chaque nouvel objectif » (1). Jusqu'en 1996, lorsqu'il prit sa retraite parce qu'il avait perdu l'usage d'un œil et parce que les conditions de vie et de travail commençaient à se transformer radicalement, on l'a vu s'adonner à son art toujours avec discrétion, parmi des confrères devenus de plus en plus nombreux au bas des estrades, ce qui n'était pas pour lui plaire, se plaignant au reste souvent du manque de tenue de certains et plus encore des amateurs : « Nous étions quatre photographes lors des concerts d'Ellington en 1950. Maintenant il faut souvent éliminer une masse d'amateurs. Certains organisateurs interdisent même carrément les photographes » (1). Mais il avait ses protégés. J'en ai fait partie dans les années 1960, lorsqu'il me donna quelques précieux conseils pratiques alors que je commençais à exercer moi-même la « chasse au papillons ». Plusieurs autres en ont également bénéficié. La mésaventure lui arriva également, lui Jean-Pierre Leloir, au Festival de Vienne dans les années 1990 avant qu'il ne se retire. Indigné par les restrictions que l'organisation imposait aux photographes, il avait quitté le plateau avec l'éclat digne des hommes bien élevés courroucés : « Je n'apprécie pas le coït interrompu ! », avait-il lancé.
Du temps de sa pleine activité, Jean-Pierre Leloir a en définitive publié peu d'albums, occupé qu'il était à amasser des documents craignant en quelque sorte de toujours rater une occasion importante. Nous lui connaissons trois ouvrages regroupant, jusqu'après sa retraite, un volume pour chacun de ses domaines de compétence le jazz, le rock et la chanson : Photorock, huit ans de Pop music, écrit en collaboration avec Philippe Koechlin,  en 1974, Du Jazz plein les yeux, avec une préface d'Alain Gerber, en 1983, et Chanson d'Olympia, en 1984. Il collabora accessoirement à quelques albums comme Ray Charles d'Olivier Gillisen en 1989 aux Editions de l'Instant. Il attendit sa fin d'activité pour procéder à la publication de quelques uns de ses clichés cachés de Brel, de Johnny, du Jazz. Jazz Hot en a donné des comptes-rendus réguliers, dont le dernier, Portraits Jazz  (9).
Parallèlement à ses activités professionnelles, Jean-Pierre Leloir fut également un acteur politique, au sens noble du terme, dans le demi-siècle où il officia. Dans le domaine de la presse, il a été à plusieurs reprises, avant 1980, membre du comité de rédaction de Jazz Hot, où ses avis étaient écoutés. Ses relations avec notre revue, qui contribua au début de sa carrière, furent par la suite épisodiques jusqu’à refuser, à la dernière minute, de participer à la dernière renaissance de Jazz Hot en 1991. Il fut aussi l'un des acteurs fondateurs de Rock & Folk en 1966 aux côtés de Philippe Koechlin, Robert Baudelet et Jean Tronchot, trois autres collaborateurs de Jazz Hot. Le premier numéro de ce nouveau magazine est d'ailleurs paru en juillet 1966 comme un Numéro Spécial de Jazz Hot avec Bob Dylan en première de couverture.
A côté de la musique, il a œuvré dans le monde de la politique, généralement dans des publications de gauche, prenant le risque de distribuer des numéros censurés ou interdits pendant la Guerre d'Algérie. Il a ainsi participé aux débuts du premier Nouvel Observateur, avec lequel ses relations se sont par la suite détériorées pour des raisons plus professionnelles que politiques. Il a également été de la première équipe de Libération, offrant parfois ses clichés à la publication.
C'est cependant par sa très importante activité syndicale pour la reconnaissance des droits des photographes que Jean-Pierre Leloir manifesta le plus directement et le plus ostensiblement ses orientations philosophiques (8). En effet, initié par Hervé Derrien, il adhéra au début des années 1950 à une « association de photographes dont je fait toujours partie et qui m'a donné pignon sur rue » (1), déclarait-il en 1961. Cette association, la FAPC, qui devint l'UPC (Union des Photographes Créateurs vers le milieu dans les années 1980), dont il fut une cheville ouvrière, s'associa avec Freelens pour créer l'actuelle UPP. L'Union des Photographes Professionnels, dont il demeura, jusqu'à sa mort, un mentor écouté, a pour objet d'« assurer une véritable veille documentaire et juridique des problématiques des photographes ». Au sein de l'ANJRPC (Association Nationale des Journalistes Reporters Photographes et Cinéastes), il eut également une activité déterminante avec l'autre grand, Roger Pic.
Si sa générosité fut réelle, tous n’en bénéficièrent pas. Car plusieurs de ses actions en justice valurent à des publications, à des chefs d'entreprises, à des producteurs, festivals, clubs des ennuis relevant plus d'un légalisme rigide et d'une interprétation abusivement extensive de ce droit que de la défense réelle et rigoureuse de ses droits reconnus par la loi. Comment Jean-Pierre Leloir aurait-il pu constituer son œuvre exceptionnelle et essentielle à l'histoire du jazz (pour n’évoquer que cette dimension), si les musiciens, au nom de la propriété du droit à l'image et du respect de la vie privée, si les propriétaires de clubs, au nom du droit exclusif de l'exploitation de la propriété commerciale dans leur club, si les directeurs de festivals au nom de la propriété exclusive de l'organisateur avaient refusé d’accueillir Jean-Pierre Leloir ?
Ce parti pris a aussi contribué, il faut le reconnaître, à la reconnaissance artistique des photographes dont bénéficie la génération actuelle. Cela lui a valu parfois en retour une « mauvaise » réputation dans le milieu du jazz, car tous ne l’ont pas connu personnellement.
On préfèrera retenir sa générosité. C'est en 1962, au Festival d'Antibes, que je l'ai rencontré pour la première fois. Mes comportements de jazzfan, ma passion du jazz, mes connaissances déjà avancées sur la matière malgré mes 19 ans et la fascination que les musiciens exerçaient sur moi, avaient dû lui plaire et lui rappeler sa propre jeunesse ; il m'accepta d'emblée, me prodiguant moult conseils pour la prise de vue en extérieur et la nuit. Et toutes nos rencontres, plus tard, pendant plus de 40 ans ont toujours été placées sous le sceau de la gentillesse et d’une grande courtoisie.
Lorsqu'il dut arrêter, bien à contre cœur ses prises de vue, « l'instant d'émotion », Jean-Pierre Leloir fut en quelques sorte soulagé et il put ainsi s'adonner à son plaisir secret de consulter enfin les secrets de sa formidable collection. Il rapatria son laboratoire et ses archives dans un appartement qu'il avait acquis au-dessous du sien et entreprit, avec l'aide d'un collaborateur, de numériser l'ensemble de sa collection amassée au cours de ses cinquante années de carrière, dont il a confié le tirage de collection à la Rockarchive Gallery Jordaan à Amsterdam. Et son œuvre constitue plus qu'un témoignage, le récit détaillé d'un temps qui s'éteint.
Après William Claxton et récemment Herman Leonard, la disparition de Jean-Pierre Leloir souligne la fin d’une période dont les protagonistes emblématiques ont disparu pour la plupart. Jean-Pierre Leloir lègue  une œuvre immense autant par sa qualité que par son étendue, dans le jazz en particulier, mais qui risque, en raison de la philosophie actuelle des droits d’auteur, de n’être que très marginalement exploitée.
Jazz Hot est triste de la disparition d’un aîné. Nous partageons la peine de son épouse Arlette et de sa fille Marion auxquelles nous présentons nos sincères condoléances.
Félix W. Sportis

Notes
1. Robert Baudelet, « Dix ans au service de la photo de Jazz : Jean-Pierre Leloir ira aux Etats-Unis », Jazz Hot 165, mai 1961 p 10 – 17.
2. Jean-Pierre Leloir, Brel , avec Gilles Verlant, Éditions Fetjaine / La Martinière, Paris,
 2008, 126p
3. Jean-Pierre Leloir, Portraits Jazz, Textes de Stéphane Kœchlin, Éditions Fetjaine / La Martinière, Paris 2010, 124p
 4. Jean-Pierre Leloir, Du Jazz plein les yeux, Préface d'Alain Gerber, EDICA, Cagnes-sur-Mer, 1983
Jean-Pierre Leloir, Philippe Kœchlin,  Photorock, huit ans de Pop music, Albin Michel, Paris, 1974
Jean-Pierre Leloir, Chanson d'Olympia, EDICA, Cagnes-sur-Mer, 1984
5. http://www.ina.fr/video/I00003429/jacques-brel-les-seances-photos.fr.html
6. « Pour moi, Herman, c'était 48 ans d'amitié, en faisant des photos ou alors sans faire de photos, dans toutes les coulisses, celles de l'Alhambra ou encore à l'Olympia, au pied de la scène lorsque Billie Holiday était venue chanter... On était très malheureux tous les deux parce qu'elle avait la grippe et qu'une partie du public l'avait sifflée... Herman Leonard aimait le jazz, il était dans le jazz... Confrères, ça ne veut rien dire... On était frères dans une certaine mesure et pour moi, c'était un exemple parfait », in www.conilhac-corbieres.fr/jazz www.conilhac-corbieres.fr/jazz
7. cf. brassensbrelferre.free.fr/chorus.html
8. www.freelens.fr/jean-pierre-leloir-hommage-patrick-bard

François Postif, Jean-Pierre Leloir, Jazz Me Blue, Interviews et portraits de musiciens de jazz et de blues, Editions Outre Mesure, Collection Contrepoint,  Paris 1999, 448p
Jean-Pierre Leloir, René-François Cristiani, Trois hommes dans un salon, Brassens, Brel, Ferré, Fayard Paris 2003, 76 p
Jean-Pierre Leloir, Johnny Sixties, Texte de Gilles Verlant, Éditions Fetjaine / La Martinière, Paris 2009, 128p
Jean-Pierre Leloir  et Cavanna, Instants de grâce, Éditions Fetjaine / La Martinière, Paris 2010, 200p
9. Laurent Goddet, « Photorock de Jean-Pierre Leloir », Jazz Hot n° 312, janvier 1975
Arnaud Gérald, « Du Jazz plein les yeux », Jazz Hot n° 402, juillet - août 1983
David Aronson, « Nouvelle encyclopédie du Blues », Jazz Hot n° 414, octobre 1984
Yves Sportis, « Portraits Jazz », jazzhot.net/Chroniques Livres, 1er décembre 2010
10. Table ronde, « Pan sur le Brubeck », Jazz Hot n° 202, octobre 1964
www.photo-leloir.net

© Jazz Hot n°654, hiver 2010-2011