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De Christophe Colomb à Barack Obama 1492-2014

15 oct. 2015
Interview de Jean-Paul Levet
© Jazz Hot n°673, automne 2015



Jean-Paul Levet, Daniel Léon, Préface William R. Ferris, De Christophe Colomb à Barack Obama 1492-1919 – Une Chronologie des musiques Afro-américaines (Blues, Spirituals, Gospel, Rhythm and Blues, Soul, Funk, Rap) - CLARB – Soul Bag, Paris 2015, 538 p


Jean-Paul Levet n’en est pas à son premier travail. Nous connaissons son fameux premier ouvrage, Talkin’ That Talk 1, qui en est à sa quatrième édition révisée, mais également son second opus illustré de superbes photos, Rire pour ne pas pleurer: Le Noir dans l'Amérique blanche 2, qui traduisent son implication dans l’archéologie du parler ordinaire au sein du monde musical noir des Etats-Unis.

De Christophe Colomb à Barack Obama 1492-1919 – Une Chronologie des musiques Afro-américaines (Blues, Spirituals, Gospel, Rhythm and Blues, Soul, Funk, Rap) constitue le premier volume de sa dernière tentative visant à replacer les musiques afro-américaines dans leur contexte socio-historique.

La préface, due à la plume de William R. Ferris, fondateur du Center for the Study of the American South in the University of North Carolina at Chapel Hill (NC), par ailleurs auteur de plusieurs ouvrages consacrés au Sud étatsunien et à ses pratiques culturelles, met l’accent sur le caractère ambitieux de cet ouvrage, qu’il inscrit dans la continuité de la tradition encyclopédiste française du XVIIIe. 3







Jazz Hot: Comment et pourquoi en êtes-vous arrivé à concevoir cet ouvrage?



Jean-Paul Levet: En 2010, quand est sortie la quatrième édition de mon livre, Talkin’ That Talk chez Outre Mesure, je savais que cette même maison avait publié, en 2005, l’ouvrage de Philippe Baudoin, Une Chronologie du Jazz. Or j’avais constaté que, mis à part le jazz au sens large, cet ouvrage ne faisait pratiquement jamais référence aux autres musiques afro-américaines; ce qui laissait un vide important préjudiciable à la compréhension globale des formes musicales des Noirs américains. J’ai donc proposé à Claude Fabre, son directeur, de rédiger un ouvrage qui complèterait l’ouvrage de Philippe Baudoin. Il en a accepté le principe et nous sommes mis d’accord sur un livre de même importance.

Dans ces conditions, pourquoi votre ouvrage n’est-il pas publié traditionnellement sous la forme papier?

C’est qu’en avançant dans notre travail mon collaborateur, le journaliste Daniel Léon, et moi-même, nous sommes aperçus qu’un ouvrage correspondant à nos ambitions dépasserait très largement les 300 pages que représentait celui de Baudoin. Nous en avons parlé avec Outre Mesure et Claude Fabre nous a rendu notre liberté aux fins d’envisager une publication numérisée, moins tenue par les obligations de place. De sorte que, lorsqu’il sera terminé, l’ouvrage représentera 5 volumes numérisés de plus de plus de 500 pages chacun, ce qui n’était guère envisageable dans une édition papier. Par ailleurs, comme vous avez pu le constater en l’achetant sur Amazon, son prix rend chaque volume financièrement abordable à 9,50€; sur papier, son prix aurait été multiplié par quatre!

Comment s’articulent les cinq tomes de cet ouvrage?

Le Tome I, le seul actuellement en vente sous forme d’ouvrage numérique dématérialisé proposé sur Amazon, concerne la période 1492-1919; le second, actuellement en relecture, intéressera celle de 1920-1942; le tome III traite de celle 1943-2014;  le tome IV concerne les nouvelles formes musicales nées hors de la communauté noire, «de Jimmie Rodgers à Eminem, et les "autres” interprètes»; quant au tome V, il explore l’élaboration du mythe de Robert Johnson.

Vous placez votre premier volume sous l’égide d’une réflexion de Fernand Braudel concernant le temps: «Le temps court est la plus trompeuse et la plus capricieuse des données», écrivait-il; pourquoi?

Notre ouvrage couvre cinq siècles d’histoire américaine, sans s’arrêter spécifiquement sur le jazz, par ailleurs traité par la Chronologie de Philippe Baudoin. Il convenait, par conséquent d’envisager notre approche dans la relation temps court/temps long, d’autant que les musiques afro-américaines y sont replacées dans leur contexte politique, économique et sociologique: l’Histoire côtoie ici l’histoire de vies qui constituent la chair de ces musiques.

Néanmoins, l’optique de votre ouvrage est de type «histoire quotidienne», et moins musicologique que celle de Philippe Baudoin, qui lui n’aborde
jamais cette problématique et ses implications quant au fait musical jazz 4. Votre approche concerne les musiques afro-américaines alors que le jazz, qui en est l’expression la mieux connue, dans l’ouvrage de Baudoin, intègre des formes musicales qui, non seulement en sont fort éloignées mais aussi étrangères à la culture afro-américaine.

Effectivement. Mais notre propos étant centré sur les Etats-Unis, il nous était plus facile, plus normal et même indispensable d’envisager l’aspect civilisation; la référence à l’économie, à la démographie, à la politique, aux faits de société assoit même notre exposé sur les formes musicales que nous présentons. Au demeurant, le découpage retenu (Tome I 1492-1919, Tome II 1920-1942 et Tome III 1943-2014) est traité selon la chronologie, année par année, celle-ci étant étayée d’informations concernant les aspects économiques, sociaux et politiques associés aux faits de société, présentés sous forme de rubriques qui constituent la conjoncture du moment, auxquelles sont attachés les évènements concernant les Afro-américains, sujet de l’ouvrage, réunissant conditions sociales, économiques, techniques, technologiques, culturelles… En revanche, les deux derniers volumes étant thématiques, l’aspect sociologique en sera renforcé.

Le travail étant énorme, dans quels délais envisagez-vous la sortie de ces volumes?

Le second (1920-1942) est à la relecture; il devrait être disponible cet automne. Les suivants pourraient être publiés à raison de un tous les six ou huit mois.

Félix W. Sportis
photo X © by courtesy of Jean-Paul Levet


1. Cf. Philippe Rousselot - Jean-Paul Levet, Talkin'that talk, la langue du blues et du jazz, Langage et société, 1993, vol. 63, n°1, p79-81: 
www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_01814095_1993_num_63_1_2604).
Cf. également, William Labov,
Le parler ordinaire, la langue dans les ghettos noirs des Etats-Unis, Trad. Alain Kihm, Les Editions de Minuit, Paris, 1993, 520p.
2. Parenthèses, Marseille, 2002, 176p.
3. «It should come as no surprise that the authors of this impressive work, Jean-Paul Levet and Daniel Léon, are French. We have, after all, learned to expect encyclopedic projects from the French. In the 18th century Denis Diderot and Jean le Rond d’Alembert’s massive encyclopedia challenged future generations to bring a broad, embracing vision to their subjects», écrit-il p3
4. Cf. Félix W. Sportis:
Une Chronologie du Jazz par Philippe Baudoin (avec la collaboration d’Isabelle Marquis), Outre Mesure, Paris 2005, 302p.», Comp@ct on line, supplément au Jazz Hot n°624, octobre 2005, p4-5.