Err

Bandeau-pdf-web.jpg
CDs INFOS

Le jazz dans toutes ses dimensions : en complément de nos chroniques de disques détaillées, l'essentiel sur une production discographique très éclectique qui relève parfois du jazz, parfois un peu moins ou pas du tout……

© Jazz Hot n°682, hiver 2017-2018




Nouveauté
4dB
Rokh
Great Winds 3175 (Musea)

Le nom du groupe et le titre de l'album pour le moins énigmatiques, tout autant que le dessin de la pochette représentant un rapace planant au dessus de montagnes embrumées, mettent le chroniqueur dans l'embarras. L'écoute, heureusement dissipe les doutes... C'est un jazz funky, proche du rhythm and blues, voire d'une pop façon George Benson, que cette formation propose. Compositions simples mais dynamiques, arrangements habiles, beaux moments d'improvisations. Sans prétention mais sympathique. Daniel Chauvet


Nouveauté
Serge Adam/Tania Pividori/Christelle Séry
Journal d’une Apparition

Quoi de neuf Docteur 080 (Musea) 

On connaît bien le trompettiste Serge Adam pour ses choix aventureux et son ouverture d’esprit qui symbolisent son label Quoi de neuf Docteur. Cet album illustre musicalement des poésies extraites du recueil Corps et Biens de Robert Desnos, paru en 1930. Le traitement est des plus singuliers et nous permet de redécouvrir la poésie de ce surréaliste au moment où il rompt de façon fracassante avec ce mouvement. La voix prenante de Tania Pividori récite et chante les poèmes accompagnés Christelle Séry (g) et de Serge Adam à la trompette, laptop et drumbox. Les deux musiciens apportent aussi leur contribution vocale. Situé au-delà du jazz, l’intérêt de ce poème chanté est l’invention d’un espace sonore qui fait revivre la plume du poète. On pourrait citer Ferré: «la poésie est une clameur, elle doit être entendue comme la musique. Toute poésie destinée à n'être que lue et enfermée dans sa typographie n'est pas finie». Fort de cet adage les musiciens apportent leur musique puisée pour certains poèmes vers le Brésil nordestin. Original. Michel Antonelli


Nouveauté
Susanne Alt
Saxify
Venus Tunes-Alt 008 (www.susannealt.com)

Avec son sixième album, la Néerlandaise d’origine allemande s’affirme comme une artiste qui compte dans la sphère des femmes saxophonistes, venant ainsi titiller  la notoriété d’une Candy Dulfer ou d’une Melissa Aldana. Ce bon en avant, déjà perçu à travers How to Kiss (Venus Tunes-Alt 005), se confirme ici avec en particulier la présence de Fred Wesley , le tromboniste de James Brown. Saxify conserve le phrasé habituel de la jeune femme («You and Me»), mais la couleur est beaucoup plus rouge et l’ambiance plus torride. Pour traduire tout cela sur sa nouvelle production, où Susanne Alt est l’unique compositeur, la jeune femme s’est adjointe la présence de Michael Hampton, guitariste de Funkadelic et Reggie Ward partenaire de Fred Wesley, ainsi que deux chanteuses: Berenice Van Leer, explosive sur «Open Up», qui évoque Chakan Khan, et la jeune Lorren Rettich («Saxify»). L’artiste  ne se gêne pas pour mélanger les styles faisant référence à la fois au rap version Rapper’s Delight («Throwback»), au ryhtm’n’blues («The Harder We Fight»),  sans oublier les sonorités plus classiques extraites de son instrument. Avec «Angeldelic», Susanne Alt se fait plus calme et aussi plus lyrique pour faire voleter ses notes bleues hors de son instrument  à  la rencontre de celles tout aussi légères du trombone de Wesley.  Le guitariste de Parliament parachève le travail par une intervention de hautement teintée de blues. «Saxify» en version longue, qui clôt l’album, résumé à lui seul le contenu extatique du disque. Michel Maestracci


Nouveauté
Jean Aussanaire/Eric Brochard/Clément Gibert

Déraisonnables
Arfi CC01-2016 (L'Autre Distribution)

Nouveauté
La Marmite Infernale
Les Hommes... maintenant
Arfi AM062 (L'Autre Distribution)


Grande figure de l'ARFI (Association à la Recherche d'un Folklore Imaginaire), Jean Aussanaire nous a quittés en septembre 2017. Il est probable que ce Déraisonnables soit son dernier enregistrement, ce qui rend son écoute particulièrement émouvante. Musicien libertaire autant qu'hédoniste, mais soucieux de l'évolution de la profession de musicien de jazz, son nom est associé à de nombreuses formations «d'avant garde»: le Workshop de Lyon, MOB, La Marmite Infernale...On l'entend ici en trio, aux côtés d'un autre clarinettiste (et saxophoniste alto), et d'un contrebassiste, enregistrer la musique élaborée pour servir de bande son à un film des années vingt: Le Vignoble français. Relevant de «l'improvisation spontanée», c'est une musique peu facile d'accès, dont les structures échappent un peu à l'auditeur qui doit, règle absolue, se contenter de se laisser entraîner par le flux pour ne pas y sombrer. Chacun des membres du trio réagit dans l'instant aux interventions des deux autres ce qui nécessite une qualité d'écoute et une complicité peu communes. Free jazz radical où l'humour, heureusement, tient lieu de fil conducteur, cette musique abstraite faite de climats et de ruptures, alternant instants de paroxysmes et moments de plénitude, ne peut laisser indifférent.

S'il en est de même pour l'album enregistré avec La Marmite Infernale, Les Hommes... maintenant, l’œuvre repose nécessairement ici sur un projet plus structuré (et donc sur quelques partitions!). Comment d'ailleurs peut-il en être autrement avec un orchestre d'une douzaine de musiciens? L'esprit libertaire qui plane sur cette musique n'en est toutefois pas affecté, les arrangements de cuivres ponctuent ou soulignent les interventions sans contraintes des solistes, dans un joyeux et foisonnant maelström où surnagent des moments intenses et jubilatoires qui rappellent les big bands swing ou se moquent malicieusement des musiques commerciales d'aujourd'hui. S'il va sans dire que ce CD ne rend que partiellement compte de cette musique conçue comme un spectacle total, le reflet qu'il en donne est particulièrement réjouissant. Daniel Chauvet


Nouveauté
Bobby Avey

Inhuman Wilderness
InnerVoiceJazz 102 (www.innervoicejazz.com)

Le pianiste Bobby Avey et ses trois brillants compagnons font preuve d'une belle imagination, et, sans doute, d'une grande intégrité artistique. Mais à force de volonté de déstructuration, d'éparpillement des repères, de bannissement des codes et d'abus de rythmes décalés compulsifs et obsédants, leur musique, devient presque oppressante, ou, malgré de belles envolées, pour le moins dérangeante... Peut-être était-ce le sens de leur recherche? Daniel Chauvet


Réédition

Eddie Barclay/Quincy Jones
Et Voilà!

Jazz in Paris 573 455-2 (Universal)

Eddie Barclay à la baguette, Quincy Jones aux arrangements, pour célébrer le grand orchestre de celui qui deviendra le plus grand producteur discographique français. Enregistré en mai 1957 et janvier 1958, cet élégant ensemble interprète essentiellement des compositeurs français entre autres Michel Legrand et Henri Salvador. On retrouve aux pupitres la fine fleur des jazzmen nationaux tels Roger Guérin (tp), Benny Vasseur (tb), Stéphane Grappelli (vln)…renforcé d’amis américains et pas des inconnus: Lucky Thompson, Don Byas (ts) ou encore Kenny Clarke (dm). Eddie avait offert au printemps 1957, à Quincy Jones, tout juste âgé de 23 ans, le rôle d’arrangeur de la jeune maison de disques qu’il venait de fonder. Deux ans de maison pour arranger, ficeler et donner une image jazzy à la production nationale du futur magnat de l’édition qui formeront ainsi le futur super producteur jazz/variété que deviendra Quincy Jones. Tout est charmant, léger, bien interprété et c’est avec grand plaisir que l’on écoute; «Quand je monte chez toi», «Place Blanche», «Avec ces yeux là» ou encore en bonus «Tout doucement» et «Quincy Boogie». Michel Antonelli

Nouveauté
Gianni Bianchini
Type I
Gianni Bianchini Entertainment (www.giannibianchini.com)

Il semble que le jeune pianiste texan tienne à son titre de Docteur ès jazz performance, de l’Université du Texas, qu’il rappelle abondamment sur son site internet. Bardé de diplômes, ce sérieux enseignant cite comme professeurs et partenaires, Joshua Redman, John Scofield, Arturo Sandoval…et Jason Marsalis, ce dernier étant présent sur l’album. En plus d’une grande technique pianistique, il arbore un réel talent de chanteur. Solidement épaulé dans ce premier album, il prouve hélas que la technicité n’est rien sans un petit supplément d’âme et de folie. La douzaine de titres revisitent standards et morceaux pop avec brio. On saluera la rythmique avec Richard Mikel (b) et en alternance Jason Marsalis ou Brandon Guerra (dm). La chanteuse Karen Tennison apporte son concours sur un titre. Un album parfaitement maîtrisé à défaut d’être passionnant. Michel Antonelli


Nouveauté
Elvin Bironien
A Quest
Jazz Family 008 (Socadisc)

Le jeune bassiste électrique virtuose Elvin Bironien connaît le jazz-fusion (il a joué dans le Syndicate de Joe Zawinul) et c'est aussi un adepte des rythmes caribéens (il a accompagné Jacques Schwarz-Bart et Sonny Troupe). Il profite de son expérience en présentant ici une dizaine de ses propres compositions (plus une reprise de Sting et une chanson interprétée par son auteur, le Martiniquais Nicolas Pélage). Mélodies sensibles, rythmiques envoûtantes, impros aériennes, nuances bienvenues et lignes de basse étincelantes. Rien ne manque. Dans le genre, rien à critiquer, c'est du solide. Daniel Chauvet


Nouveauté
Mike Bogle Trio
Live at Stoney's
MBP/Groove! (www.mikebogle.com)

Dans la lignée de Kenny Barron ou de George Cables, le pianiste texan Mike Bogle développe ici, en concert, ses propres compositions, des thèmes de ses contemporains (Chick Corea ou Herbie Hancock) et de ses aînés (Billy Strayhorn et Duke Ellington). Swing, invention, richesse des harmonies, écoute mutuelle, prises de risque dans les échanges complices entre les trois musiciens (Lou Harlas, b, Steve Barnes, dm, complètent la rythmique) et mises en place d'une précision horlogère des intros et des codas. Un art du trio maîtrisé malheureusement gâché par l'utilisation (certes discrète et ponctuelle) de nappes de violons au synthétiseur. Mais pourquoi diable? Daniel Chauvet


Nouveauté
Bovet-Coleman Trio
It's Time to Go
Unit Records 4698 (www.unitrecords.com)

Alternant des thèmes personnels à la mélodie très construite et aux harmonies mûrement réfléchies, avec, parfois, des moments très maîtrisés de liberté, le trio que forme les frères Cédric (ss, ts) et Lucien Bovet (dm) avec Ira Coleman (b) –seul non-Suisse de l'équipe– joue dans le premier CD une musique élégante et raffinée très séduisante. Dans le second CD, ils sont rejoints par Samuel Blaser(tb) et Mathieu Sheuber (ep) –deux compatriotes– qui apportent un souffle nouveau tout en maintenant le même niveau d'excellence. Les hommages très originaux à Miles Davis («Nardis») et à Thelonious Monk («Pas sans Monk»), tout en se démarquant, sont particulièrement pertinents. Un double album réussi qui rappelle, fort à propos, que la Suisse est aussi une terre de jazz. Daniel Chauvet


Nouveauté
Joshua Breakstone
2nd Avenue

Capri Records 74137-2 (
www.caprirecords.com)

Revoici Joshua Breakstone à la tête d’un trio augmenté d’un «cello» quand il le faut. Son touché est toujours aussi fluide et léger pour développer des idées puisées dans le grand livre des maîtres du jazz. Pour le programme de 2nd Avenue, le guitariste puise chez Lee Konitz, Cannonball Adderley, ou Dexter Gordon en réarrangeant leurs thèmes. Ainsi, son adaptation de «Home» permet de l’entendre frotter ses cordes avec celles de Mike Richmond (cello) pour un moment particulièrement délicieux. Les déboulés sur la six-cordes («I’m an Old Cowhand») côtoient les phrases ciselées avec la recherche d’une sonorité quasi parfaite («I Wish I Knew»).  L’album se termine par une composition du leader dédié à un ami japonais, qui permet de l’entendre se lâcher dans une expression tendance TGV. Michel Maestracci


Nouveauté

Patrick Cornelius
While We're Still Young
Whirlwind Recordings 4682 (www.whalingcitysound.com)

Ancien élève de Berklee, de la Manhattan School of Music et de Juilliard, le jeune saxophoniste Patrick Cornelius ne manque pas de références. S'inspirant ici d'un livre de poèmes destinés aux plus jeunes, signés d'A.A. Milne (l'auteur de Winnie l'ourson...), il présente six compositions très mélodiques aux arrangements dynamiques et précis, d'une grande modernité. Ainsi soutenus, cette jeune confrérie de solistes et camarades d'école, tous aussi capés que lui, peuvent tout à loisir se livrer à des moments d'improvisations d'une réjouissante vitalité en déployant, ce qui ne gâte rien, un swing revigorant. Musique complexe mais limpide, aux bases harmoniques solides, transcendée par un enthousiasme communicatif. Un vrai plaisir. Daniel Chauvet


Nouveauté
Pit Dahm Trio
Omicron
Hevhetia 0127-2-331 (Musea)

Basé à Amsterdam, enregistré au Luxembourg et produit par un label slovaque, ce jeune trio sax-contrebasse-batterie, renforcé par un piano sur la plupart des morceaux, pratique un free jazz soft et non-agressif. Si le propos de la plupart de ses thèmes reste un peu obscur, le swing est toujours présent, ce qui rend l'écoute plutôt agréable. Il a, de plus, le bon goût de s'écarter quelque peu du moule «E.S.T.». Un premier disque très prometteur. Daniel Chauvet


Nouveauté
Thomas de Pourquery Supersonic
Sons of Love
Label Blue 6723 (Harmonia Mundi)

Depuis ses aventures spatiales dans le sillage de Sun Ra, Thomas de Pouquery poursuit ses voyages intersidéraux à la tête d’un équipage tonitruant. Le saxophoniste-chanteur signe tous le titres de cette odyssée à l’exception de «We Travel the Space Ways» de Herman Poole Blount, dit Sun Ra, qu’il interprète tout à fait dans l’esprit, avec une entrée vocale et un arrangement digne de cet extraterrestre musical. Nul besoin de mettre en avant un musicien plutôt qu’un autre: tous participent à jouer de l’orchestre pour un plaisir partagé.
Les sons du free-jazz scintillent sur des assises construites par la rythmique et on s’imagine un mariage entre rock progressif, big band jazz-rock, tels Chicago Transit Autority et Blood Sweat and Tears, swinguant avec l’Arkestra et le Globe Unity Orchestra. Une composition telle «Slow Down» reste mystérieuse et rêveuse, suivie d’un «Diamond Brown» romantique. Démarrant sur un chœur célébrant l’amour «Sons of Love» nous rappelle les chants d’amour d’un autre apôtre de la musique libre, Pharoah Sanders. Même le solo de Thomas de Pourquery rallume cet esprit que l’on retrouve aussi dans le titre suivant, «Simple Forces», plus dansant. Le groupe rassemble dans un bel élan la musique improvisée dans un cadre plus facile d’écoute et prouve qu’une musique dont le nom fait peur à certains peut trouver encore aujourd’hui son auditoire. La rotation de l’album se termine comme les «Rɘvolutions» qui déterminent les saisons de la terre, tranquilles puis de plus en plus chaudes et pétantes comme sous un soleil d’enfer. Michel Antonelli


Nouveauté
Chloé Deyme
Noturna
Autoproduit CHL01 (Inouïe Distribution)

Une jolie voix qui revisite les chemins de la musique brésilienne et trace de nouveaux sentiers, louable entreprise. Très bien accompagnée (avec une mention spéciale pour Gabriel Grossi à l'harmonica et Raul Mascarenhas au sax ténor), Chloé Deyme a composé la plupart des titres, et chante en portugais les textes qu'elle a écrits. Un peu suranné certes, mais délicieux. Daniel Chauvet


Nouveauté
Pierre Durand Roots Quartet
!Libertad!
Les Disques de Lily #67 (Socadisc)

La musique du guitariste Pierre Durand, poétique et empreinte d'une nostalgie quelque peu désabusée, se propose d'évoquer les racines africaines du jazz et les greffes d'harmonies européennes qui l'ont enrichi tout en faisant référence à l'importance, très récemment révélée, du terreau amérindien. Si le propos n'est qu'un prétexte, le résultat ne manque pas d'intelligence. Les rythmiques retrouvent les structures amérindiennes et africaines, évoquant le gospel ou le blues, et les mélodies rappellent autant les ritournelles enfantines américaines, que les chansons fétiches de Broadway ou celles de Jimi Hendrix. Les suites d'accords basiques des folk songs, côtoient celles des standards et se heurtent à celles, plus abstraites, des thèmes emblématiques du free. Un manifeste séduisant au travers d'une musique libertaire, soucieuse du passé. Daniel Chauvet


Nouveauté
EouZGang

Think Positive

Dreamophone GSGCD004 (Socadisc) 

Un album de famille, Yves est batteur, Séverine est saxophoniste, et ils sont à la tête du gang des Eouzan. Ils aiment citer leurs influences, en l’occurrence, les Brecker Brothers, Pat Metheny, Herbie Hancock, et autres Chick Corea qui sont les fleurons du jazz-fusion qu’ils affectionnent. Dans cet album, où toutes les compositions sont signées par Yves Eouzan, le groupe formé de fidèles sidemen (Daniel Gassin, p, Yannick Robert, g, Rémi Bouyssière, b) semble très soudé et leur pensées et actions sont donc très positives. Si l’originalité n’est pas de mise, il en résulte néanmoins un agréable mariage ou la palette de chaque convive a le loisir de s’exprimer. Pour renforcer la noce, quelques invités de marque ont apporté leur contribution, notamment Laurent Coulondre (kb) et Rémy Chaudagne (b) qui complètent cette fête amicale. Michel Antonelli


Nouveauté
David Eskenazy Trio
Longing for Gravity
Label Ophelia (http://david-eskenazy-trio.com)

Natif de Normandie, tout juste la trentaine, le contrebassiste a choisi la région montpelliéraine pour mener à bien ses projets musicaux. Après des débuts marqués par la musique brésilienne, il s’affirme à la tête de son trio et grave ce second album au Studio de la Buissonne. Un album sérieux avec des titres originaux aux noms graves, «Tetonique Intérieure», «Givres», «Longin for Gravity», «Le Royaume Enseveli»… et une reprise réussie, «Papaoutai» de Stromae. Le trio formé avec Clément Griffaut (p) et Julien Grégoire (dm) délivre une musique empreint d’une certaine solennité où le pianiste introduit puis sertit les thèmes soutenus et illustrés en solo par la contrebasse, le batteur reste discret mais assure les climats qui délimitent les horizons aux brumes retenues. Un court album de 41 minutes où l’essentiel est dit, nul débordement mais une maîtrise de l’harmonie et un sens aigu de la justesse. Par moment un peu trop introspectif, mais ce caractère doit être lié à la grande âme qui abrite le compositeur. Michel Antonelli


Nouveauté
JF Foliez's Playground
Lagune
Igloo Records 270 (Socadisc)

Liège et Bruxelles brûlent sous les caresses du clarinettiste Jean-François Foliez et de son équipe endiablée. Débarqué au festival de Liège 2015, la vivacité et l’originalité du répertoire en tête, ce jeune groupe a ravi les initiés et le grand public. Après des débuts entre le new orleans, jazz manouche et bebop, il nous offre ce mariage entre un jazz traditionnel et une nouvelle force électrisante. On retiendra aussi le pianiste Casimir Liberski qui joue dans la lignée de McCoy Tyner, ainsi qu’une rythmique audacieuse qui délivre un jazz salutaire. Rejoint sur deux titres par un petit ensemble cordes et vents, le groupe évolue alors vers musique contemporaine ou yiddish dans une vision assez allègre. Michel Antonelli


Nouveauté
Richard Galliano
New Jazz Musette
Ponderosa 133 (Pias)

Fort de sa consécration internationale dans le domaine du jazz, du tango et même du classique, Richard Galliano revient, avec ce double album, à l’amour de sa jeunesse, le jazz musette -rebaptisé ici de «new jazz musette»-, et sur trois décennies de carrière avec de nouvelles interprétations de ses titres à succès mais aussi de thèmes écrits pour Claude Nougaro ou pour sa rencontre avec Gonzalo Rubalcaba et Charlie Haden. Une seule nouvelle composition, «Nice Blues», dédiée à sa ville natale, endeuillée par l’attentat du 14 juillet 2016. On ne peut que louer la qualité de l’écriture et celle des interprètes, tous excellents. Avec «French Touch», on entre immédiatement dans le vif du sujet, ce morceau évoquant Paris et le Balajo. Valse, java, ballades, blues, tous les rythmes nous entrainent au voyage, et c’est justement un titre le célèbre «Viaggio». Quant à «Aurore», qui clôt le répertoire, il aurait pu s’appeler aube» tant sa sensibilité vient nous annoncer tendrement, comme un exil, un chemin que l’on prend et où le paysage s’estompe au loin. Michel Antonelli


Nouveauté
Antoine Galvani/Ahn Tuan New Quartet
Suite astrale
Autoproduit (Inouï Distribution)

Antoine Galvani, jeune pianiste bardé de prix, apparaît de 2006 à 2016 sous le pseudonyme d’Ahn Tuan et participe à des projets d’horizons bien divers (de la pop au métal), son univers se stabilisant dans le Ahn Tuan New Quartet, mariage de jazz contemporain et de rock progressif. Il signe avec cette longue Suite astrale, composée, arrangée et produite sous sa seule autorité, son quatrième album personnel. Il a réuni, autour de ses trois fidèles matelots (Illyes Ferfera, ts, ss, Arthur Henn, b, Baptiste Castets, dm). Ce projet fort ambitieux aborde des ports bien différents. Et si l’univers général, par son esprit d’ouverture et d’improvisation laissé à chacun, reste le jazz, certains n’y trouveront pas leur île au trésor. Cette aventure sidérale au long cours mérite pour autant une écoute attentive qui permettra d’apprécier ce qui peut devenir un passage envoûtant vers d’autres galaxies plus lointaines et plus curieuses. Michel Antonelli


Nouveauté

Haakon Graf/Erik Smith/Per Mathisen
Sunrain
Losen Records 163-2 (www.losenrecords.no)

Ce combiné CD-DVD live restitue l’ambiance et le feeling live d’un  trio bien rodé sur les scènes de Scandinavie. Dominé par l’expérience et les compositions du claviériste Haakon Graf, l’œuvre est curieusement étiquetée «jazz-funk», alors que la seule vue du pédalier et du rack d’effets du bassiste suffiraient à justifier la mention «jazz-fusion». De ce point de vue, mieux vaut visionner la version DVD de ce très beau package enregistré à l’Olsen Bar d’Oslo, dont le titre fait référence à un phénomène climatique bien connu des norvégiens. Car la version CD accuse le manque de contrastes et de mélodies immédiatement appréhendables, en dépit de la très bonne qualité de l’enregistrement et du mixage de l’album. Un groupe dont la raison d’être se situe sur scène, et dont les compositions originales servent de rampe de lancement aux explorations musicales du power trio. Jean-Pierre Alenda

Nouveauté
Raúl Gutiérrez & His Cuban Big Band
A la Palladium

Groovin' High 9660-0 (http://groovinhighrecords.com)

Ce disque est le résultat d’un labeur opiniâtre, son enregistrement s’étend sur plusieurs années et a été réalisé dans plusieurs studios au gré des possibilités financières, techniques et de la disponibilité des invités. Il se conclue en 2015. Raúl Gutiérrez, chilien d’origine, cubain de cœur et de passage, installé au Mexique a joué avec Tito Pente, Afro-cubain All Stars, Amado Valdés, etc… a fondé le groupe Irazu et enseigne à la célèbre Université de Jazz de Vera Cruz. Le projet est une volonté de Jacques Muyal, un proche de Dizzy, qui souhaitait voir repris le répertoire de la première tournée du trompettiste en Amérique Latine en 1956. Mais l’idée de Gutiérrez et du grand arrangeur cubain Horacio González n’est pas de faire un énième hommage à Dizzy mais de faire preuve de créativité et de mener ce répertoire sur des rythmes cubains tout en laissant de larges espaces pour les solistes qui s’appuient sur un ensemble comprenant jusqu’à la vingtaine de musiciens. Une autre idée intéressante a été de faire l’impasse sur les thèmes qui ont fait les beaux jours du jazz afro-cubain («Manteca», «Tin Tin Deo»…) de rester très soft sur le plan des percussions afin de proposer une alternative au duo Gillespie/Pozo.
L'album débute par «Birk’s Works» sur lequel s’illustrent Roditi et d’Rivera qui récidivent pour «Buster Rides Again», thème que Dizzy n’a jamais joué. La version de «Night in Tunisia» est délicate. «Chega de Saudade» n’est pas convaincante mais «Groovin’High» est un régal avec ses magistrales prestations en solo de Paquito d’Rivera et de Raúl, soutenus par le jeune pianiste cubain Rolando Luna. Le disque tord le cou au concept de «latin jazz»: on est ici simplement en présence d’un jazz joué par des musiciens cubains ou brésiliens, plutôt qu’américains ou européens. Claudio Roditi promène ainsi de façon magistrale son bugle sur les cellules rythmiques utilisées par les danzoneros cubains. Lui et Paquito jouent ensemble depuis les années 80 et ont tous deux côtoyé Dizzy dans le United Nations Orchestra. Les choix de Gutiérrez ne pouvaient être plus sûrs. Que du plaisir! Patrick Dalmace


Nouveauté
Rich Halley 4

Crossing the Passes
Pine Eagle Records 005 (www.richhalley.com)

Nouveauté
Rich Halley 5
The Outlier
Pine Eagle 009 (www.richhalley.com)

Il s'agit de deux albums du prolifique saxophoniste Rich Halley, enregistrés respectivement en 2012 et en 2015. Le répertoire ne compte que des compositions originales, prétextes à des improvisations débridées dans une belle unité stylistique, celle d'un free jazz qui flirte avec les dissonances, non sans évoquer Roland Kirk, l'AACM, voire d'Albert Ayler. Si les solos semblent bien être de purs moments de libre improvisation, détachés de toute référence à une suite harmonique ou à un quelconque suivi rythmique limpide, les morceaux sont très écrits, s'agissant en tous des introductions et des conclusions. Le même soin méticuleux est d'ailleurs apporté aux passages de relais entre les solistes, que la contrebasse et la batterie (tenue par Carson Halley, le fils du leader) soutiennent, imperturbables en balisant clairement les changements de tempo ou d'harmonies. Le tout est joué avec un drive et un swing à l'enthousiasme communicatif. C'est tonique, original, sans concession, pas franchement commercial, mais, splendide! Daniel Chauvet


Nouveauté
Rich Halley/Carson Halley
The Wild
Pine Eagle Records 010 (www.richhalley.com)

Affaire de famille pour ce duo qui réunit le père, le saxophoniste Rich Alley, et le fils, Carson Halley, à la batterie. Ces musiciens installés sur la Côte Ouest, où ils ont choisi d’enregistrer (Portland), perpétuent l’art du duo dans une lignée free-jazz. On pourrait penser au duo John Coltrane/ Rashied Ali dont l’ombre semble planer sur l’enregistrement. Mais Rich et Carson nous entrainent avec foi sur leur propre chemin, qui semble moins torturé. Tantôt au ténor et à la flûte, Rich Alley expose ses thèmes qui sans concession parcourent le grand espace américain baptisé par certains de «The Wild». Sauvage et lyrique, brut et décapant, le duo fonctionne parfaitement. Si aujourd’hui on est habitué à écouter un jazz plus lissé les deux compères tels des bucherons de l’Oregon nous assènent un jazz libre de toute contrainte, libertaire et revivifiant. Le son du ténor nous rappelle par moment celui des gros souffleurs de Kansas City. Le dernier titre «Notes From the Wild Lands» semble résumer l’esprit libre et lyrique de l’album. Michel Antonelli


Nouveauté
Allan Harris
Nobody's Gonna Love You Better
Membran 234289 (www.membran.net)

Chanteur de jazz (et guitariste) alternant des accents de bluesman et de crooner, Allan Harris fait flèche de tout bois, mêlant à ses propres compositions celles de Jimi Hendrix, Donald Fagen, James Moody, Victor Schertzinger ou encore Antonio Almeida, pour les interpréter à sa manière, plus proche d'Al Jarreau que de Kevin Mahogany. Voix superbe, accompagnement irréprochable, swing omniprésent. Avec ce très beau disque pour ticket d'entrée saluons l'arrivée d'Allan Harris dans le club très fermé des chanteurs de jazz de grande classe. Daniel Chauvet


Nouveauté
Craig Hartley
Books on Tape Volume II. Standard Edition
Autoproduit (www.craighartley.me)

Reprenant des thèmes parmi les plus connus de Duke Elington, Fats Waller, Bach, Miles Davis, Paul McCartney, John Lennon, Bill Evans (et une seule composition personnelle, tendance rock-indie), le pianiste Craig Hartley se fait, à la tête d'un trio remarquable, un malin plaisir de les extraire de leurs contextes pour mieux les transformer par l'emploi d'un tour de «passe-passe» de son invention: une version musicale de la technique graphique des «anamorphoses». Ainsi, le prélude n°2 de Bach se fond intimement en quelques mesures avec «Solar», le thème de Miles Davis, et «Imagine» de Lennon se transforme insensiblement en «Peace Piece» de Bill Evans. Si le CD de ce trio peut aussi s'écouter simplement comme un bon disque de jazz, une écoute plus attentive ne peut qu'évoquer avec nostalgie, l’œuvre d'André-François Barbe merveilleux dessinateur, disparu il y a quelques années, dont les «Sketches» dénués (et pour cause...) de toute aide informatique, faisaient le bonheur des lecteurs de Charlie Mensuel. Une heureuse époque... Daniel Chauvet


Nouveauté
Kevin Hays
North
Sunnyside 1464 (www.sunnysiderecords.com)

A moins de cinquante ans, le pianiste new-yorkais Kevin Hays a déjà enregistré avec Chris Potter, Joshua Redman ou Al Foster et, son duo avec Brad Mehldau autour des musiques «contemporaines» de Steve Reich et Philip Glass a été salué par la critique. Très fins musiciens, ses deux comparses, Rob Jost (b) et Greg Joseph (dm), ont accompagnés, respectivement, Björk et Art Garfunkel. En trois standards et sept compositions personnelles, l'affaire est jugée. La musique brillante, légère, et très swinguante; les harmonies sortant de l'ordinaire, les mélodies chantantes et le talent de restaurateur de «chefs-d’œuvre en péril» («Scrapple From the Apple», «I'll Remember April») justifient la place de Kevin Hays au club des grands du piano jazz contemporain. Daniel Chauvet


Nouveauté
Naïssam Jalal & Rhythms of Resistance
Almot Wala Almazala
Les Couleurs du Son B01LXGFOZP (L'Autre Distribution)

«Almot Wala Almazala»: plutôt la mort que l'humiliation. D'origine syrienne, Naïssam Jalal (fl, ney, voc) dédie cette musique aux victimes de l'effroyable répression par le régime syrien, après le soulèvement populaire du printemps 2011. Cette musique militante interpelle et recueille d'emblée l'adhésion. Naïssam Jalal, est une musicienne au parcours singulier. Née à Paris, elle suit une formation classique, et, une fois ses diplômes du conservatoire obtenus, elle poursuit son éducation en s'initiant, à Damas et au Caire, aux musiques patrimoniales du Moyen-Orient et à la pratique des instruments traditionnels. Légitimée par ses connaissances multi-culturelles et sa virtuosité instrumentale (tant à la flûte traversière, qu'au «nay», la flûte en roseau), elle multiplie les expériences et les collaborations: jazz, musiques africaines, sud-américaines, arabe, rap palestinien... Sur ce CD, on l'entend dans un registre «jazz-oriental» qui n'abuse pas toutefois des effets faciles mais déroutants des chromatismes ou des rythmes orientaux. Elle y fait preuve de réelles qualités de compositrice et d'arrangeuse et, surtout, d'un sens aigu de l'improvisation et du swing. Un disque magnifique. Daniel Chauvet


Nouveauté
Bob James/Nathan East
The New Cool
Concord Records 39008-02 (Socadisc)

Bob James (p), un temps impliqué dans le jazz-rock (avec David Sanborn), et Nathan East (eb), plutôt associé à la pop music (avec Stevie Wonder ou Eric Clapton), sont à l'origine du mouvement «smooth jazz» avec leur groupe Interplay qui comptait dans ses rangs Harvey Mason (dm) et Chuck Loeb ou Lee Ritenour ou Larry Carlton (g). Cette approche commerciale et édulcorée de la fusion est destinée avant tout au grand public. Parfaitement appliquée ici, la recette n'est pas désagréable mais manque singulièrement de piquant. Daniel Chauvet


Nouveauté
Janczarski & McCraven Quintet
Travelling East West
Fortune 0081 053 (www.for-tune.pl)

Cet album est le fruit des efforts de deux musiciens confirmés et propose une musique d’inspiration urbaine avec une sobriété particulière qui peut faire penser à la culture musicale des pays d’Europe de l’Est. Dominé par le saxophone ténor et la batterie, le mixage et la production sont caractérisés par un son plutôt sec et aride, ainsi que par des motifs rythmiques répétitifs qui cherchent à évoquer la transe d’une musique expérimentale et hypnotisante. Ce n’est que lorsque la formation accepte de ralentir le tempo et de laisser libre cours aux cuivres qu’on retrouve un esprit jazz plus œcuménique. Reste que la sincérité des musiciens n’est absolument pas prise en défaut tout au long de ces huit plages. Jean-Pierre Alenda


Nouveauté
Mike Jones Trio
Roaring
Capri Records 74142-2 (www.caprirecords.com)

Une musique qui n'a comme but que le swing, se réfère à Oscar Peterson autant qu'à Earl Hines, en ne mettant à son répertoire que des standards d'Avant-Guerre: voilà l'assurance (sans risque) de tenir en mains un disque agréable à écouter. Il est à noter que le pianiste Mike Jones se produit principalement à Las Vegas, derrière deux célèbres illusionnistes. Il n'en a pas moins réussi la performance d'enregistrer, avec une contrebassiste (Katie Thiroux) et un batteur (Matt Witek) qu'il ne connaissait pas auparavant, de plus, en une seule prise et sans répétitions préalables, un très plaisant florilège. Le miracle du jazz... Daniel Chauvet


Nouveauté
Rocco John Quartet
Embrace the Change
Unseen Rain Records 9947 (www.unseenrainrecords.com)

Courses poursuites d'improvisations collectives très libertaires de la guitare et du saxophone. Thèmes minimalistes soutenus par une contrebasse imperturbable et une batterie bondissante. Harmonies obscures. Volonté de plaire totalement absente. Voilà un free jazz radical, intense, mais exclusivement destiné aux puristes. Daniel Chauvet


Nouveauté
Ron King

Triumph
Autoproduit (www.ronkingtrumpet.com)

Ron King (tp, voc) présente ici une musique parasitée par des nappes de synthétiseurs, qui essaie de se rapprocher de la pop et du jazz sans véritablement parvenir à fédérer l'intérêt des amateurs de ces deux musiques, malgré la présence sur quelques pistes de Bob Sheppard (ts, fl) en «requin de studios» aux dents acérées. Daniel Chauvet


Nouveauté
Niels Klein/BuJazzO

Groove and the Abstract Truth
Double Moon Records 71175 (Socadisc)

En référence au célèbre album d'Oliver Nelson, The Blues and the Abstract Truth, qui regroupait au début des années soixante une pléiade de jazzmen d'exception (Eric Dolphy, Freddie Hubbard, Bill Evans, Paul Chambers, Roy Haynes), le saxophoniste, arrangeur et chef d'orchestre allemand Niels Klein s'est donné pour tâche de reprendre la formule à son compte, en la réactualisant. Il prend comme base, pour écrire ses compositions, les nouvelles tendances des musiques actuelles communément employées par la pop, le rock et les musiques électroniques. Vaste défi! La mise en œuvre de ses idées est confiée au big band BuJazzO (BundesJazzOrchester), pépinière de jeunes talents allemands, tous excellents improvisateurs et lecteurs. Le résultat est pour le moins déroutant. L'orchestre sonne très "moderne", certes, et les arrangements sont originaux, mais les thèmes restent très obscurs et cette musique garde un petit côté "exercice de style" grandiloquent et maladroit qui la prive de la spontanéité attendue par l'auditeur. Dommage. Bien tenté. Daniel Chauvet


Nouveauté
Sabine Kühlich & Laila Genc
In Your Own Sweet Way
Double Moon Records 71164 (Socadisc)

Ces deux jeunes Allemandes, l'une pianiste et l'autre saxophoniste alto et chanteuse, rendent d'une manière très élégante un bel hommage à l'univers musical de Dave Brubeck. Aux «lyrics» bien connus de Iola Brubeck, Al Jarreau ou Kurt Elling, Sabine Kürlich, la vocaliste, ajoute son propre texte sur «Sweet Slumber». Elle a aussi écrit les paroles et la musique de «The Message», le thème qui conclut le disque... Tout un symbole. Daniel Chauvet


Nouveauté
Joe Locke
Lay Down my Heart
Motéma Music 121 (www.motema.com)


Joe Locke est considéré comme l’un des maîtres actuels du vibraphone. Il a joué avec Grover Washington Jr, Kenny Barron, Eddie Henderson, Cecil Taylor, Dianne Reeves et Ron Carter. Pour lui, la musique doit offrir un instant de répit aux personnes qui travaillent dur chaque. Pour Lay Down my Heart, il ne recherche pas un concept intellectuel, mais simplement de belles chansons qui permettront d’alimenter l’âme de ceux qui écouteront sa musique. Pour mener à bien son projet, Locke s’est replongé dans la période de ses débuts, quand le public et les musiciens étaient impliqués dans une conversation où la musique faisait partie du tissu social. Il en a extrait des thèmes pop qu’il a arrangés à sa façon pour les faire sonner de manière élégante, voire les faire voyager dans l’esprit des auditeurs. «Ain’t no Sunshine» est l’exemple le plus probant du répertoire. Après une introduction au piano par Ryan Cohan, le leader entame le thème avec légèreté et enchaîne son chorus sur les lames pour donner une couleur toute aérienne à cette chanson popularisée par Eva Cassidy. Sur «Bittersweet» de Sam Jones, il passe la sur multipliée pour démonter qu’il n’est pas de ces artistes qui se la jouent vague à l’âme et qu’il sait aussi swinguer. Entre les reprises, il place deux de ses compositions aux sonorités lunaires («Broken Toy», et «This New October»), mais ô combien riche en expression. Michel Maestracci


Nouveauté
Roberto Magris
Need to Bring Out Love
J-Mood Records 013 (www.jmoodsrecords.com)

Roberto Magris mène une belle carrière internationale, compte plus d'une quarantaine d'enregistrements et pourtant, reste peu connu en France. Installé depuis quelques années à Kansas City, il y dirige le label J-Mood Records qui publie tous ses disques depuis presque dix ans. A part une version instrumentale d'un morceau de Don Pullen («Joycie Girl») et une version vocale de Billy Eckstine («I Want to Talk About You»), tous les titres sont ici des œuvres personnelles. Car ce pianiste au style énergique mais enjoué est aussi un remarquable compositeur de mélodies alertes et de ballades délicates et sans pathos. Malicieux, aussi comme le démontre son «What Love» qui évoque «What Is This Thing Called Love» de Cole Porter, et pour cause, car exactement construit sur les mêmes harmonies. Remarquablement épaulé tout du long par un contrebassiste (Dominique Sanders) et un batteur (Brian Steever) généreux et élégants, il présente aussi deux chanteuses sur trois titres (Monique Danielle et Julia Haile). Séduisant. Daniel Chauvet


Nouveauté
Roberto Magris/The MUH Trio
Prague After Dark
J-Mood Records 015 (www.jmoodrecords.com)

The MUH Trio est le trio européen du pianiste italien Roberto Magris qui, depuis les années quatre-vingt, l’associe aux musiciens tchèques Frantisek Uhlir (b) et Jaromir Helesic (dm). Ils ont choisi Prague, ville qui compte plusieurs clubs de jazz, où ils se sont produits à plusieurs reprises, pour enregistrer le trentième album du leader. Quelques standards, des compositions originales signées Magris ou Uhlir et un titre de Don Pullen pour fêter leurs retrouvailles et graver le tout en une séance en octobre 2016 juste avant un concert au club Reduta. Pas assez reconnu en France, Roberto Magris a joué avec le gratin du jazz américain et européen d’Art Davis à Carlos Bica. Il signe ici pour J-Mood Records, label de Kansas City dont il est le directeur artistique, son treizième opus. Jazz à fond la caisse, la fine équipe sans concession nous délivre un jazz moderne qui sait flirter avec le free en évitant ses aspects rugueux; une force en triumvirat qui balaie tout préjugé. Un trio qui prouve la pluralité des jazzmen européen. Michel Antonelli


Nouveauté
Lanfranco Malaguti
Why Not?
Splasc(H) Records 2541.2 (www.splasch-records.com)

A l'exception d'une seule composition personnelle, tous les morceaux sont tirés de l'American Song Book, que le guitariste italien Lanfranco Malaguti, très célèbre dans son pays, bouleverse au point de les rendre méconnaissables. Le traitement, un peu trop radical, aboutit à un résultat proche de la caricature. Daniel Chauvet


Nouveauté
Pete Malinverni Trio

Heaven
Saranac Records 1010 (www.petemalinverni.com)

Ce pianiste, natif de Niagara Falls, la soixantaine, a gravé douze albums en leader. Il se produit régulièrement dans les clubs et cafés de New York et a choisi de s’exprimer dans une formule assez classique. Pour ce Heaven, qui se veut une célébration de la tradition, il a invité aux côtés de Ben Allison (b) et Akira Tana (dm) –sa rythmique attitrée–, Steve Wilson (as), John Faddis (tp) et Karrin Allyson (voc). Le répertoire est donc puisé en partie dans des traditionnels mais aussi chez Duke Ellington et Curtis Mayfield, dont la version ralentie de «People Get Ready» est fort intéressante. Tous les invités sont parfaits, Allyson sur «Shenandoah», Faddis à la trompette bouchée sur «Come Sunday» du Duke et Wilson sur «Wade Water». Un musicien à découvrir sur cet album en hommage au paradis (heaven) dont l’accès semble le préoccuper, mais dont les portes lui sont entrouvertes comme à tout jazzman. L’album se termine par «Ashokan Farewell», un spiritual qui à lui seul lui donnera l’absolution. Michel Antonelli


Nouveauté
Luigi Masciari
The G-Session
Tosky Records 018 (www.toskyrecords.com)

Le titre de l’album du jeune guitariste italien vient tout simplement du nom du studio où l’album a été gravé. Il s’agit de son troisième album, le premier réalisé aux Etats-Unis; les précédents, en Italie, l’avaient été avec le pianiste Danilo Rea et annonçaient déjà la confirmation d’un guitariste original. Il faut dire qu’il a suivi un parcours complet, depuis la célèbre Academia Musicale Santa Cecilia à Rome, jusqu’au Prix Betty Carter du Jazz Ahead. Il s’est, en outre, forgé à la scène nationale et a effectué plusieurs concerts aux Etats-Unis, en particulier au Kennedy Center de Washington. En Italie, il joue et enregistre avec Danilo Rea, Paolo Damiani, Aaron Parks, Paul McCandless, Javier Girotto, Rosario Giuliani, Francesco Bearzatti.
Pour cette courte mais intense session, il a grandement raison de faire appel au jeune Aaron Parks, nouvelle coqueluche des claviers (à écouter Find the Way, ECM, 2017). Ce dernier sait réinvestir avec chaleur et finesse le Fender Rhodes présent sur tous les titres sauf le dernier offert en bonus. Le clavier et les sons sauvages ou sombres du guitariste se marient allégrement; chaque titre dégage néanmoins une force et un climat particulier. Dans «Mr Jay», l’intro rapide laisse place à la ballade sentimentale menée par Aaron Parks; «Vox», au tempo très lent, poursuit le voyage introspectif. «Seven Dollars» introduit un dialogue guitare-batterie pour installer «Music Man» et «Boogie Blue», plus accrocheurs. Sur «Echoes», la chanteuse Oona Rea, complice de Danilo Rea ou de Marc Ducret, vocalise un doux chant incantatoire et cérémonial. Le final «Don’t Touch My Chords» interprété, en solo au piano acoustique, par Aaron Parks, clos définitivement par un apaisement quasi spirituel ce court album qui fait la part belle au pianiste. La participation du batteur Roberto Gianquinto contribue aussi certainement à l’ambiance générale de dépouillement, évitant tout effet inutile. Michel Antonelli


Nouveauté
Pat Metheny
The Unity Sessions
Nonesuch/Metheny Group Productions 7559-79468-8 8 (WEA)

En 2012, Pat Metheny a réuni un combo composé de Chris Potter (s), Ben Williams (b) et Antonio Sanchez (dm), qui allait devenir le Unity Band. Après un premier opus réalisé en 2012, les quatre mousquetaires ont réalisé un deuxième album et pour ce spécial Sessions, ils se sont retrouvés à NYC pour une nouvelle production. Comme l’explique Pat Metheny dans le livret, les choses sont allées assez vite. Après un gig dans un club new-yorkais, les musiciens se sont retrouvés en studio pour exposer les idées qu’ils avaient en eux. Résultat une session où l’on retrouve des morceaux des deux précédents albums. Sur le premier CD, pas de révolution on retrouve les atmosphères que le guitariste du Missouri aime à développer avec un petit détour vers la musique baroque («Adagia») et un standard («Cherokee»). Sur la seconde galette, l’ambiance reste identique avec des échanges exaltants entre le saxophoniste et le guitariste bien maintenus par une rythmique d’enfer («Come and See»). Pour ceux qui ne connaissent pas encore Metheny ce Sessions peut être l’occasion de pénétrer son univers.  Pour les autres il y a forcément mieux avant, mais ce Session confirme qu’il doit être bien plus plaisant d’assister à un concert  plutôt que de se contenter de cette galette. Michel Maestracci

Nouveauté
Giuseppe Millaci & Vogue Trio
Songbook

Hypnote Records (www.hypnoterecords.com)

Encore un Italo-Belge ! Elève de Jean-Louis Rassinfosse (b) à Bruxelles puis à la Maastricht Academy of Music, avec Philippe Aerts (b) et Drew Gress (b), Giuseppe Millaci (b) a sagement attendu l’aurore de sa trentième année avant de produire ce premier opus à son nom. Est-ce un perfectionniste? On ose y croire lorsqu’on prend connaissance de ses collaborations et qu’on apprécie la justesse et l’aisance du doigté («Travel To», «Nostalgia» exposé en accords); mais encore: la compréhension, l’intégration, le sens du swing (solo sur «Crazy Night, Lazy Day», tempo doublé sur «Room 317»); la virtuosité en pizzicato ou à l’archet sur un continuum de piano («Unknow Land») – continuum échangé ensuitecontre un solo de piano sur un continuum de basse. A côté de Giuseppe Millaci, on découvre un magnifique pianiste, lyrique, inspiré («Imagining the Fourth Dimension»), extraverti, autoritaire dans son attaque de l’ivoire («Unknow Land», «Room 317»). Je ne vous parlerai plus de Lionel Beuvens (dm), il est partout, avec tout le monde et tellement à l’aise! Le trio est soudé, d’une excellente complémentarité. Au fil des morceaux, on s‘attend à écouter une valse écrite par Chaplin («Travel To»); l’une ou l’autre chanson plus ou moins connue («Song for Clarice», «Lollipop»)… Ce ne sont que de légères digressions de quelques notes qui flattent l’oreille. Toutes les compositions sont de Giuseppe sauf «Skylark» (Hoagy Carmichael). De la complexité en toute légèreté. Jean-Marie Hacquier

Nouveauté
Youn Sun Nah
She Moves On

ACT 9037-2 (Pias)

Nouvelle équipe autour de You Sun Nah pour un projet très inspiré par la pop music et des idoles du rock, voyage dans le temps ou relecture de thèmes qui hantent sa mémoire. L’album démarre sur «Traveller», belle ballade originale assez mélancolique qui immédiatement se loge dans notre tête. Elle va évoquer des grandes voix du rock américain et de la folk-rock anglaise dans des adaptations soignées. On retiendra en particulier la reprise du traditionnel «A Sailor’s Life» –que seuls les derniers amateurs de Fairport Convention peuvent connaître–, titre enregistré par le groupe anglais en 1969 et chanté par Sandy Denny. Là encore, You Sun Nah apporte un souffle de renouveau et nous sidère par la qualité de sa longue version (plus de huit minutes) où le Fender Rhodes semble évoquer celui de Ray Manzarek des Doors. Avant de conclure avec un titre original («Evening Star»), elle nous transporte encore dans la tradition, celle de la chanson populaire américaine avec une version de «Fools Rush In» qu’avait chantée entre autres Frank Sinatra ou Elvis Presley: fond d’orgue Hammond, balais qui caressent la caisse claire, digne d’un grand gospel. En fait cet album revêt le grand intérêt d’une rétrospective revue et corrigée de chansons puisées dans l’héritage de la pop music à l’égal de grands standards de jazz tirés eux aussi de morceaux populaires. Michel Antonelli


Nouveauté
Vadim Neselovskyi Trio
Get Up and Go
Jazz Family 14 (Socadisc)

Pianiste d’origine ukrainienne, né à Odessa, Vadim Neselovskyi vit désormais à New York. Il a été formé à la Berklee School et au Thelonious Monk Institute. Il signe avec Get Up and Go son troisième album. Le précédent, Music for September, enregistré en solo, avait été produit par Fred Hersch. Parmi ses mentors on peut aussi citer Gary Burton, professeur et partenaire sur scène et albums. Depuis 2013, il conduit son propre trio, composé de Ronen Itzik (dm) et Dan Loomis (b). La musique enregistrée ici a été inspirée en partie par un concert donné en Ukraine au lendemain de l’intervention des troupes russes. Plutôt allègres à l’écriture certaines compositions dans ce contexte se sont empreintes de gravité. Sans complaisance et avec une grande technique Vadim Neselovsky interprète onze titres tous signés de sa main. Même si l’album n’est pas indispensable, il nous présente un pianiste authentique qui invite sur deux titres la belle voix portugaise de Sara Serpa. Michel Antonelli


Nouveauté
Elsa Nilsson
Salt Wind

Autoproduit (www.elsanilssonmusic.com)

La jeune flûtiste suédoise vit désormais à Brooklyn après avoir fait étape à Seattle. Saluée par Hubert Laws et Chris Potter, elle s’affirme ici à la tête d’un quartet qui ne manque pas de fantaisie et de ressources. Folklore nordique, grand espace américain, nordeste brésilien, elle utilise la palette de ses flûtes (alto, basse) pour évoquer des influences nourries dans ses voyages et ses rencontres musicales. Elle a joué avec Kenny Werner, Brad Sheppik et même Jovino Santos Neto, ex-pianiste d’Hermeto Pascoal, qui habite à Seattle. Si le contenu parfois s’éloigne du jazz c’est pour mieux chevaucher vers des escapades champêtres d’horizons lointains, comme dans un film de Jim Jarmusch. Elle possède aussi une jolie voix au service de chants traditionnels en suédois qui, comme dans une litanie, nous envoûtent lentement. L’utilisation de recordings multiplie les dialogues qui invitent aussi plus d’une fois le guitariste Jeff McLaughin à s’illustrer au premier plan. Une bonne surprise. Michel Antonelli


Nouveauté
Dick Oatts/Matts Holmquist & New York Jazz Orchestra
A Tribute to Herbie +1
Summit Records MAA 1049 (www.summitrecords.com)

Le chef d’orchestre suédois Mats Holmquist, initiateur du projet, arrangeur et compositeur, est friand des hommages. Avant celui-ci, il en avait réalisé un à Chick Corea et un autre à Wayne Shorter. S’il tente ici de rester au plus près des idées de Herbie, l’exercice n’apporte rien et reste essentiellement technique. Ceci étant dit, A Tribute to Herbie offre grâce à Dick Oatts (as, ss) et à ses partenaires du New York Jazz Orchestra. S’appuyant sur une rythmique performante, trois grosses sections de saxs, trompettes et trombones, bien huilées, des solistes compétents, l’ensemble est agréable à écouter. Patrick Dalmace


Nouveauté
Oddjob
Folk
Caprice Records 21880 (www.capricerecords.se)

Oddjob, le quintet suédois de Goran Kajfeš (Jazz Hot n°678) nous offre une longue suite, Folk, déclinée en sept tableaux où les cuivres sont particulièrement à l’honneur. Toutes les compositions sont signées par cette formation à l’équilibre parfait où le pianiste n’est autre que Daniel Karlsson, dans un style plus épuré. Les thèmes sont basés sur des enregistrements conservés au Svenskt Visarkiv (The Center for Swedish Music and Jazz Research). Leur imagination se nourrit des chants, des appels, des mots, des cris qui résonnent dans leur tradition scandinave pour en faire un langage qui s’entend dans les chants lointains hantant certaines compositions. Les arrangements originaux sont soignés et font penser au regretté Willem Breuker Kollektiev dans ses phases les plus enthousiastes et délirantes. Grand déménagement dans la forêt nordique, les rennes s’enfuient devant la tourmente annoncée. A découvrir en scène sans préconcept. Michel Antonelli.

Nouveauté
Avichai Ornoy
Sneakin'in
Jazz Family 011 (Harmonia Mundi)

Après un début de carrière prestigieux dans le monde de la musique classique, le jeune Avichai Ornoy se fait désormais aussi remarquer dans celui du jazz. Flûtiste d'exception mais également saxophoniste, il est aussi l'auteur de six des huit titres de cet album, dont il signe aussi tous les arrangements. Compositions dynamiques, harmonies subtiles, improvisations fulgurantes. Dans un registre qui mêle post-bop funky et free jazz élégant, Avichai Ornoy gagne sa légitimité de jazzman. Parfaitement accompagné ici par des musiciens israéliens (et un superbe batteur slovène), il est une nouvelle preuve de la vitalité du jazz... jusqu'aux rives du Proche-Orient. Daniel Chauvet


Nouveauté
P'N Ko Trio
Premier étage
Autoproduit (pierreandko.jazz@gmail.com)

Presque encore adolescents mais déjà repérés par un célèbre fabriquant d'instruments à vent, qui semble-t-il les soutient, ces trois musiciens ne manquent pas d'aplomb en tentant l'aventure à très hauts risques du trio sax-contrebasse-batterie. Ils y font preuve d'une belle maturité en présentant leurs propres compositions. Un brin austère mais très structurée, leur musique qui flirte souvent avec le free, ne manque pas d'allure. Belles envolées lyriques, harmonies subtiles, sens du blues et du swing, rythmiques originales et complexes, belle cohésion d'ensemble, citations de bon aloi. Tout y est. La suite est attendue avec impatience... Daniel Chauvet


Nouveauté
Yves Rousseau-Christophe Marguet Quintet
Spirit Dance

Cristal Records 254 (Pias)

Nul besoin de présenter deux artistes très actifs sur la scène jazz contemporaine en France que ce soit en accompagnateurs ou leaders. Christophe Marguet (dm) joue depuis quinze ans au sein du quartet d’Yves Rousseau (b) et les deux musiciens complices de quatre albums et de dizaines de concerts ont décidé de mettre en commun leurs deux univers respectifs. Chacun a apporté six pièces, afin de construire ce répertoire commun.
L’album est construit comme une suite ou chaque composition s’imbrique avec la précédente servie par des arrangements soignés et mettant en valeur accompagnateurs et solistes. Les musiciens fort justement utilisés apportent leur coloration particulière, donnant à cet ensemble une forte cohésion sans doute aussi dû à leur qualité technique. Outre la maîtrise omniprésente des leaders, on retiendra l’originalité du son de Fabrice Martinez (tp, flh) comme de David Chevalier (g). Quant à Bruno Ruder (p, ep), son approche et sa palette au Fender Rhodes englobent la musique d’un voile illuminée. Cet album réconciliera tenants d’un jazz classique, puisé dans la tradition, et thuriféraires de l’innovation décapante. Michel Antonelli


Nouveauté
Martin Salemi Trio
Short Stories

Igloo Records 285 (Socadisc)

Le Koninklijk Konservatorium van Brussel et les cours des pianistes Nathalie Loriers et Diederik Wissels ont parachevé la vocation de Martin Salemi (p, fils de Jean-Claude Salemi, g). C’est, en effet, la patte (légère) de Nathalie et la filiation «evansienne» qu’on retrouve dans la manière d’aborder la mélodie et les belles harmonies («Confidence», «Si j’avais su»). «Lennie’s Pennies» de Tristano participe plus des enseignements de Diederik Wissels et de Kris Defoort (p). Le jeune jazzman reconnait son amour des compositions du duo Lennon-McCartney (piano solo sur «Julia»); sa connaissance de la tradition («Regina»), mais il témoigne aussi de solides bases classiques comme dans «Early Morning»: une valse lente ponctuée sobrement, note pour note, par la basse de Mike Delaere, mais entachée par une malencontreuse cymbale cloutée et un coup inopportun de bass-drum. Il n’y a sinon rien à médire sur la rythmique de ce trio. A l’aise partout, Martin Salemi swingue à tout va («Working Summer», «Lennie’s Pennies»); emporté par sa fougue il devra sans doute, à l’avenir, penser à nuancer son expression («Unsaid»). En définitive: c’est une découverte réjouissante mais un peu courte (moins de 40 minutes) d’un musicien promis à un bel avenir. Jean-Marie Hacquier


Nouveauté
Zhenya Strigalev
Never Group
Whirlwind Recordings 4685 (www.whalingcitysound.com)

Jazz expérimental ou musique contemporaine fortement syncopée...? Presque sans harmonies ni mélodies, cette musique ne conduit guère à l'euphorie. Abstraction absolue? Vaine tentative d'originalité? L'écoute attentive, vécue comme un pensum, laisse pour le moins perplexe. Il paraît que ce saxophoniste russe fait «grand bruit» à Londres. Est-ce bien sérieux? Daniel Chauvet

Nouveauté
Gilles Torrent
Jazz inspiration Vol. 1
Altrisuoni 340 (www.pbr-record.com)

Pas besoin d'être grand clerc pour deviner en quelques secondes de qui s'inspire ici le saxophoniste Gilles Torrent. Mais si l'on pense d'abord à Albert Ayler, il faut vite aussi ajouter Eric Dolphy, Pharoah Sanders et surtout John Coltrane. Sa dévotion à ses maîtres est telle, qu'il calque ses compositions et son jeu sur les leurs, au risque de frôler dangereusement l'imitation, ce qu'il parvient à éviter cependant, en gardant une originalité certaine. Ses comparses ne sont pas en reste. On s'y croirait. L'illusion est maîtrisée et cet exercice qui, façon «revival», pourrait paraître un peu vain ne manque pas d'allure. Daniel Chauvet


Nouveauté
Trio Laccasax
Passe Partout

Fine Music 225-2 (www.glm.de)

Ce trio basé en Allemagne associe Timofey Sattarov (acc, comp), Andrey Lakisov (sax, g) et Bernd Gesell (b) dans un univers qui voyage du bal musette au tango, notamment un beau thème d’Astor Piazzola. Les paysages évoqués multiples et changeant ne manquent pas de subtilité, tant dans leur interprétation technique que dans les combinaisons musicales. Airs tziganes ou blues prennent des libertés et l’imagination des musiciens s’enflamme de chants festifs et étranges Les musiciens aiment sans aucun doute la France car en plus du titre de l’album ils jouent des compositions intitulées «Revanche» ou encore «Grandes Lignes», comme à la Gare de Lyon, qui nous emmènent vers des chemins de traverses. Avec «All Aboard» le voyage commence, le sifflet de la locomotive enchantée lance la machine alimentée par un trio à la mécanique inspirée. Michel Antonelli


Nouveauté
Sonny Troupé QuartetReflets Denses
Contre Courant (Socadisc)

Le batteur Sonny Troupé replonge dans ses racines et son identité créoles pour nous propose, après Voyages et Rêves, une suite ancrée dans les rythmes du gwo-ka, ce tambour des ancêtres. Partenaire de Kenny Garrett, Grégory Privat ou Lisa Simone, il prend la direction d’un double quartet qui compte Mike Armoogum (eb) et son «reflet dense» Michel Alibo, Grégory Privat (p) et son alter ego Jonathan Jurion, les tambouyé Olivier Juste ou Arnaud Dolmen. En fait, le quartet devient quintet avec deux saxophonistes, Thomas Koenig (ts), plus spécialisé dans le jazz et la fusion, et Raphael Philibert (as), plus versé dans le gwo ka et la musique antillaise, complété de Christian Laviso (g). Sa démarche peut rappeler celles de David Murray, Jacques Schwarz Bart, et invoque cette réalité à double –multiple– faces, en convoquant des samples, sous des formes variées: chanteurs traditionnels, musiciens (Lin Canfrin, Kristen Aigle, Sergius Geoffroy, Robert Oumaou…), ambiances de rue, vie de marché, chant du coq… Sonny Troupé s’inscrit désormais comme chef de file de la musique viscérale des Antilles en lui redonnant sa réalité puisée dans un héritage profond gommé des images de variétés trop souvent associées aux rythmes et danses de la Caraïbe. Michel Antonelli


Nouveauté
Manu Vallognes/Eric Teruel/Yvan Oukrid
Mad Train
Label Trois Fois Plus Music 1609 (www.tpfm.org)
 

Ce sérieux trio établit en Rhône-Alpes fait les beaux jours des clubs de la région et présente ici une production soignée enregistrée dans des conditions du live sans «rerecordings». Onze titres allant de Gershwin, Rodgers, Mancini ou Jobim que l’on appelle des standards mais aussi quatre compositions d’Eric Teruel et une d’Aram Khatchaturian, «Andantino», compositeur arménien rarement adapté en jazz. La clarté du pianiste et l’évocation des thèmes parfaitement soutenus par la rythmique rappellent que ce trio est le reflet d’un travail régulier où l’esprit du partage règne en maître. Un équilibre parfait permet les relectures des titres connues et nous fait découvrir des compositions et adaptations réussies. De «Rescue» signé par le pianiste à «Voce Abusou», grand succès de Jobim/Jocafi (repris en France par Michel Fugain), le trio apporte sa juste contribution à un jazz de bonne facture. Seul regret, le lettrage de la pochette peu lisible. Michel Antonelli


Nouveauté
Michael Vlatkovich

Mortality
pfMentum 091 (www.pfmentum.com)


Nouveauté
Michael Vlatkovich
Myrnofant's Kiss
pfMentum 095 (www.pfmentum.com)

Mortality propose quelques moments de jazz pur, et des arrangements sublimes de «vents» dans cette musique expérimentale radicale, très savante et difficile d'accès, qui demande un degré d'initiation (que l'humble chroniqueur est loin d'atteindre) pour être appréciée à sa juste valeur. Même programme avec Myrnofant's Kiss, même si cette fois le trombone Michael Vlakovitch dirige un simple quartet, quand le précédent album était en grande formation. Daniel Chauvet


Nouveauté
Torben Waldorff
Holiday on Fire
ArtistShare 0151 (www.waldorff.com)


Le nouveau disque du guitariste Torben Waldorff baigne dans cette atmosphère de chaleur blanche qu’on associe habituellement aux clubs new-yorkais, et en particulier ici au Smalls, sorte de fief de la formation qui y a étrenné ses compositions. Conçu comme une célébration de la carrière d’un combo dont les membres se connaissent depuis déjà plusieurs années, le matériel original signé du seul leader est pourtant empreint de multiples influences, comme celles des leaders de big bands citées en exergue de «Our Sound of Love». La trompette bouchée d’Ingrid Jensen peut parfois sembler une facilité, en dépit ou à cause même de sa virtuosité, mais la bonne tenue d’ensemble, alliée à un vrai souci des timbres et de la cohérence stylistique, rend l’écoute du disque tout à fait crédible. Reste que les influences d’Europe du Nord associées aux brisées américaines qui sous-tendent les compositions confèrent des velléités exploratrices à la musique jouée, avec des tonalités rock et free jazz tout de même assez marquées. Jean-Pierre Alenda