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Jazz Hot n°336, 1977

Randy WESTON


Back to Africa*

«Randy Weston et Jazz Hot, c'est une vieille histoire…» s'amuse Fatoumata, la femme du pianiste, quand nous demandons une interview. Le premier article dans le n° 118 remonte à 1957. Et, depuis, Jazz Hot a entretenu un dialogue avec Randy Weston lors de ses passages en France et de ses nombreux enregistrements.


Randy Weston's African Rhythm Quintet & The Master Gnawa Musicians of Morocco, San Sebastian 2009 © Jose Horna


Randy Weston est un pianiste à part dans le paysage musical. Né le 6 avril 1926 à Brooklyn, New York, il n’a jamais cessé de défendre la tradition musicale et la culture africaines-américaines –à commencer par ses maîtres, Art Tatum, Thelonious Monk, Nat King Cole, Duke Ellington, Count Basie– tout autant qu'une forme originale d'afro-centrisme, une conception qui donne une place décisive à l’Afrique dans l’histoire de son peuple, de la musique et du jazz en particulier. Cette approche charge le jazz, qu’il appelle plus largement «musique classique africaine-américaine», d’une infinie spiritualité et attribue au musicien des responsabilités essentielles: soulager les souffrances d’un peuple et perpétuer l’esprit des ancêtres par la musique, défendre une culture.

En 2014, son autobiographie African Rhythms, écrite en 2010, a été traduite en français. Il y retrace son itinéraire, les rencontres et les expériences qui l’ont façonné et l’ont amené de Brooklyn au Maroc, en passant par l’Europe, et il explique en profondeur son rapport à l’Afrique. Il revient ici sur sa démarche, comme il l'avait dans une belle interview en 2000 (Jazz Hot n°576), explicitant, par le verbe, une nouvelle histoire de la musique, celle de Randy Weston, un musicien pour qui la mémoire est essentielle dans l'élaboration artistique, et pas seulement celle des trente dernières années mais celle de l'humanité, celle de ses parents, comme celle de tous les musiciens qui ont fait le jazz.
Pour Randy Weston, comprendre le jazz nécessite de se questionner sur l'histoire de son peuple depuis l'origine africaine, nécessite aussi de penser le musicien au sein de son environnement social.

Propos recueillis par Mathieu Perez
Discographie et vidéos par Guy Reynard et Yves Sportis
Photos Jose Horna, Jacky Lepage et David Sinclair 


© Jazz Hot n°673, automne 2015



Randy Weston at Purcell Room, Queen Elisabeth Hall, 2003 © David Sinclair


Jazz Hot: Votre père, Frank Edward Weston, d’origine jamaïcaine, vous a toujours dit: «Tu es un Africain né en Amérique.» Avant d’aller en Afrique, qu’est-ce que cela signifiait pour vous d’être un Africain né aux Etats-Unis?

Randy Weston: Cela signifiait qu’on avait du sang royal, et qu’on venait des plus anciennes civilisations sur Terre, de la Nubie, de l’Egypte ancienne. Cela signifiait que nous étions un grand peuple alors que les représentations que nous avions de nous-même étaient l’inverse. En Amérique, dans le cinéma, dans les livres, les Africains étaient inférieurs. Les Noirs étaient inférieurs. Mon père voulait que je lise sur l’Afrique et sur les grands empires africains parce qu’après Christophe Colomb, il y a eu l’esclavage. Mon père me disait: «Connais-toi toi même.» J’avais donc beaucoup de chance à cette époque. Tout le monde ne vous dit pas qui vous êtes. Il me disait aussi que pour le comprendre lui et ma mère, je devais aller en Afrique.

Quelle distinction faites-vous entre être Africain et être Africain-Américain?

C’est une question de géographie. Mon père est né au Panama, d’origine jamaïcaine. Ma mère est née en Virginie. Je suis né à Brooklyn. Il y avait donc des différences. Ma mère avait un accent du sud et mon père un accent des Caraïbes. Ils cuisinaient de façon un peu différente. Il y avait des différences, mais l’Afrique restait toujours la racine. C’est ce que mon père m’a appris. Il me disait qu’il fallait connaître ses origines parce qu’on grandit dans un monde raciste, et on va nous apprendre qu’on est bons à rien et inférieurs. Mais il faut revenir au point de départ. Alors j’allais dans les bibliothèques pour lire des livres sur les civilisations anciennes, sur l’Egypte ancienne, la Nubie, sur tous les grands empires africains.

Quel était le rapport de votre père à l’Afrique?

Mon père était un Marron 1. Il venait d’une lignée de Marrons. Les Marrons ne se rendent jamais. Ils se sont battus contre les Anglais en Jamaïque, et ils ont toujours gardé un lien avec l’Afrique. Des gens comme Marcus Garvey nous ont appris ceci: «Nous sommes des Africains. Nous avons été enlevés par la traite. Il faut toujours respecter la terre de nos ancêtres qu’est l’Afrique.» J’ai donc reçu une formation très solide de mon père.

Vous racontez l’importance de la scène noire à Brooklyn.

On ne connaissait que la communauté noire. En tant que musicien, la première fois que j’ai joué pour un public blanc, c’était pour le Parti communiste. On ne savait pas ce que cela signifiait de jouer pour des Blancs. Tout était noir. C’est pour ça que j’ai écrit «African Village/BedStuy». Nous avions nos propres salles de bal, nos clubs, notre musique, etc. Tout était complètement noir. C’est tout ce que nous connaissions.

Quelle était la conception du musicien à cette époque?

A cette époque, on n’était pas que musicien. On jouait dans les hôpitaux, pour des enfants noirs handicapés, pour de vieux musiciens. On ne pouvait pas être juste musicien. Vous deviez servir la communauté noire. C’est vrai de Louis Armstrong et de tous ces musiciens. Quand je suis allé en Afrique, et que j’ai rencontré des peuples traditionnels, je me suis rendu compte qu’on est responsable de son peuple. Par exemple, les Gnawas au Maroc. Je les ai fait voyager dans le monde entier. Mais, quand ils ont fini, ils retournent au Maroc jouer pour leur peuple. En tant que musicien, vous avez la responsabilité de soulager et de servir votre terre d’origine. C’était comme ça avec Duke et tous les autres. Ce n’était pas seulement de grands musiciens mais des historiens. Si vous écoutez la musique d’Ellington ou de Louis Armstrong, c’est un document historique sur la vie des Noirs à un moment donné, ce qui remonte à la tradition africaine. Le musicien était le guérisseur, le conteur, le comédien, etc. Pour être musicien, il fallait avoir tout ça. Pas comme aujourd’hui. Aujourd’hui, les gars jouent très bien, mais c’est tout. Notre tradition était de servir notre peuple. Quand les gens ont entendu Black, Brown and Beige d’Ellington, ils ont compris de quoi ça parlait. Donc pour être musicien, il fallait tout ça. Servir sa communauté. Et c’est vrai de toute musique.

Randy Weston et Max Roach, de Brooklyn à San Sebastian 1999 © Jose Horna


Etait-ce le cas à Brooklyn où vous avez grandi?

On le faisait spontanément. On ne l’a jamais analysé. Je ne peux vous dire combien de concerts de bienfaisance, combien de concerts gratuits, j’ai fait. C’est ce que nous faisions parce que c’était notre responsabilité. Cela vous donne une meilleure idée de ce que cela signifiait d’être musicien, basé sur la tradition. Nous devions servir notre peuple. En raison du racisme, de l’esclavage, notre peuple souffrait beaucoup. Cette musique était donc un soulagement, une guérison. Quand Ellington, Louis Jordan ou Count Basie venaient, non seulement leur musique élevait nos esprits, mais elle disait que nous étions un grand peuple. On regardait aussi comment les musiciens s’habillaient. Quand Basie, Ellington ou Jimmy Lunceford venaient jouer, on s’habillait en fonction des musiciens. Parce que pour être un musicien, il fallait être propre et bien s’habiller. Si vous alliez au marché, il fallait cirer vos chaussures. Ça remonte à l’Afrique ancienne. Nous avons donc maintenu cette mémoire ancestrale sans le savoir.

Quels sont les liens entre le jazz et la spiritualité?

D’après James Reese Europe 2, le terme «jazz» n’arrive pas avant 1915. Avant ça, c’était de la musique noire, ou musique africaine-américaine. Nos parents nous avaient fait connaître tout l’éventail de la culture noire. On allait à l’église noire le dimanche, aux clubs de blues, aux répétitions pour les big bands, etc. Nos parents nous faisaient découvrir toutes sortes de musique, y compris l’opéra, les spirituals, le gospel, etc. Nous avons grandi avec tout l’éventail de la culture africaine. Mon père me disait que si on retrouve quelque peuple africain que ce soit qui a été enlevé par la traite, on verra qu’il a créé une musique nouvelle, une musique spirituelle. Peu importe que ce soit avec un trombone, une trompette ou une simple bouteille. Alors où qu’on nous enlève, nous créons de la musique parce que nous venons d’une tradition musicale. C’est pour cette raison que l’esprit de la musique est si important pour nous. Enfant, je passais du temps au Palladium, j’allais écouter Machito et des musiciens comme ça. C’était la Mère-Afrique. Mais, bien sûr, quand vous grandissez dans une société raciste, on vous apprend que l’Afrique n’a contribué en rien, et que, quoique nous fassions, nous sommes inférieurs. Pendant ce temps-là, les Blancs prennent tout ce que nous faisons. Ils venaient dans la communauté noire et apprenaient à jouer ce que nous appelons du jazz. Ils allaient à l’église noire et apprenaient. Mais la musique est faite pour le monde entier, pas simplement pour nous. C’est un apport pour la planète et la beauté du monde. Nous avons été exploités parce qu’on nous a appris qu’on était inférieur. Et donc logiquement, l’Afrique est inférieure. C’est comme ça que les choses se sont combinées.

la musique de Monk, jouée par Thelonious Monk et Coleman Hawkins, Riverside


Quelle est l’importance des contributions de Duke Ellington et Thelonious Monk?

Ils ont fait une musique qui parle du peuple africain-américain. Même quand Duke a écrit pour la Reine d’Angleterre, on entend le blues. Duke a fait plus de blues que n’importe qui d’autre. Toutes sortes de blues. Pour moi, le blues est la musique la plus ancienne au monde. Ce que nous appelons «le blues» vient de la tradition africaine. C’est indiscutable. «I love my baby, she don’t love me». On ne peut faire ça qu’avec le blues. Ce blues, qui nous vient d’un peuple enlevé du Delta, en Afrique, par la traite, c’est notre fondation musicale. Count Basie, une contribution énorme au blues. Tous les géants, de John Coltrane à Duke, Charlie Parker, Coleman Hawkins, Art Tatum, tous ces géants étaient des maîtres du blues. Parce que le blues tient en un seul accord. Et il faut être brillant pour faire quelque chose de différent avec ça. Et ils l’ont fait. J’ai toujours aimé Duke, mais je ne pensais pas à lui en pianiste parce que j’aimais tellement son orchestre. Puis je l’ai vu en trio au Musée d’Art Moderne. Et là, j’ai entendu Monk. J’ai entendu la basse. La plupart des pianistes ne sentent pas la basse du piano. Pour moi, c’est la racine. Et ils maîtrisaient tous ça. En plus, c’étaient des compositeurs qui ont écrit sur le peuple africain, le peuple africain-américain, sur leurs mères, pères, sœurs, cousins, etc. De Buddy Bolden à John Coltrane, Ella Fitzgerald, Mahalia Jackson, c’est toute l’expérience africaine en Amérique et dans les Caraïbes. Ils maîtrisaient ça parce que c’étaient des conteurs. Et ça, c’est notre famille royale. De nombreux musiciens jouent beaucoup, mais ils ne racontent pas d’histoires. Nos ancêtres, quand ils jouaient, racontaient des histoires.

Comment se façonne le son personnel d’un musicien?

Quand on m’a dit qu’on pouvait reconnaître mon son, je ne sais pas comment c’est arrivé. Avoir son propre son est ce qu’il y a de plus difficile au monde. Quand je fais des conférences, j’aime bien dire que pour obtenir le son de Randy Weston, il faut mélanger ensemble maman, papa, la communauté africaine-américaine, Count Basie, Nat King Cole, Art Tatum, Duke Ellington, Thelonious Monk, l’Afrique et voilà le son de Randy Weston. Quand je me mets au piano, ils sont tous là avec moi. Parce que ce sont nos plus grands maîtres en musique. Ils ont pris le piano et en on fait quelque chose de complètement différent. Nat King Cole, mon Dieu! Je l’adorais. Fats Waller, tous ces gens. C’est notre famille royale. J’ai appris d’eux. J’ai gardé quelque chose de Basie, Duke, Monk, etc. parce que j’ai compris qu’ils étaient royaux. Ils n’étaient pas que des maîtres musiciens mais des conteurs. Quoi qu’ils jouent, c’était une histoire de la vie africaine-américaine.

Randy Weston, Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 1994 © Jacky Lepage…avec Alex Blake (b), Talib Kibwe (as, fl), Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 1994 © Jacky Lepage



Vous écrivez qu’il fallait trouver son propre son très tôt.

J’ai essayé de copier… mais je n’y suis pas arrivé. (Rires) J’entendais des musiciens à la radio et je voulais jouer comme celui-ci ou celui-là, mais je n’arrivais pas à copier. Quand ma propre personnalité est apparue, je n’en savais rien parce que vous passez par un processus qui est spirituel. On ne peut pas l’expliquer. C’est tous ces éléments, maman, papa, mon premier professeur de piano, ma vie d’Africain-Américain, mon expérience, mes voyages avec le circuit blues, avec Bull Moose Jackson dans le Sud, tout ça entre en compte. Et tout à coup, Randy Weston a un son! Mais comment c’est arrivé, je ne pourrai jamais l’expliquer. Ça relève de l’esprit. La musique est magique. La musique est un mystère. La musique est notre langage spirituel. Même nous, les musiciens, quand nous montons sur scène et jouons, les personnes dans le public font leur propre voyage, et nous ne savons pas où ils voyagent. C’est pour cette raison que les peuples traditionnels disent que la musique est la voix de Dieu. La musique est à l’origine de la création. Avant la création, nous avons besoin de la musique.

Vous citez un maître soufi: «La musique précède tout»…

Tout! Parce que la musique tire son origine de l’univers. En Egypte ancienne, qui était une civilisation noire, en Nubie, on considérait que la musique venait des galaxies. Le rythme, le son, l’harmonie, etc. La nature a sa propre harmonie et Mère-Nature est le chef d’orchestre originel. L’Afrique étant le cellier spirituel de la planète Terre, il n’y a nulle part ailleurs autant de diversité de gens, de musiques, d’animaux, d’oiseaux, d’insectes, etc. Dans le désert du Sahara, les musiciens créeront la musique du désert. Si vous avez des musiciens dans les montagnes du Maroc, ils créeront la musique des montagnes. Tout vient de Mère-Nature. Et l’Afrique étant à l’origine de toutes les civilisations, à l’origine de nous tous, tout le monde sur Terre a du sang africain. Tout le monde. Ce continent est si divers, riche, puissant. Même si nous avons été enlevés par la traite, nous gardons cette mémoire culturelle, ancestrale. On le voit dans la musique, la danse, la cuisine, le langage, le sport, etc.

Vous insistez sur le pouvoir de la musique.

Comment reconnaître un Basie d’un Nat Cole, un Art Tatum d’un Erroll Garner, d’un Fats Waller ou James P. Johnson ou Monk? On ne souffle pas dans un piano. On touche un piano. Comment toutes ces personnes ont-elles pu avoir un son différent sur le même piano? C’est un mystère! C’est de la magie! Mais quand vous revenez à la terre-mère, les gens sont en accord avec l’univers. Et l’univers est un mystère.

Le Festival des arts et cultures noires et africaines de Lagos, Nigéria, 1977


Qu’avez-vous ressenti lors de votre premier voyage en Afrique en 1961?

J’ai vu mon origine. Ma mère et mon père m’ont dit que pour les comprendre, je devais aller en Afrique. Et quand j’ai vu les gens, entendu leurs langues, écouté leurs musiques, vu comment ils s’habillaient, écouté leurs façons de parler, je me suis dit que nous sommes un même peuple africain. Par ailleurs, l’Amérique est un pays très jeune. On ne s’en rend pas compte. L’Amérique est un nouveau-né. Tous ceux qui y ont apporté leurs racines, les Allemands, les Français, les Anglais, etc., ont fait de ce pays ce qu’il est aujourd’hui mais la contribution des Africains a été rabaissée. Nous avons une culture en Amérique, au Brésil, en Jamaïque, etc. C’est la pulsation africaine.

Qu’entendez-vous par pulsation africaine?

Quand nous étions à Lagos, au Nigéria, en 1977, 20000 artistes du monde entier sont venus. On s’est tous regardés les uns les autres. Il y avait des Aborigènes d’Australie, des Congolais, des Soudanais, des Jamaïcains, des Africains-Américains, etc. Nous avons passé tout un mois à Lagos à nous regarder les uns les autres. Le dernier soir, il y avait Miriam Makeba, Stevie Wonder et Osibisa. A la fin, nous avons dit: «Notre musique est différente, notre musique est la même.» C’est la pulsation africaine qui rend notre musique différente.

Randy Weston, Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 1994 © Jacky Lepage


Vous écrivez que le jazz est la culture africaine en Amérique. Qu’entendez-vous par là?

Quand en 1967, j’ai fait la tournée pour le Département d'État américain, j’ai dit au peuple africain: «Vous ne la reconnaissez peut-être pas mais c’est votre musique après qu’elle est passée en Amérique et a rencontré l’Europe. Maintenant, je vous la rapporte. Mais cette musique est la vôtre.» Parce que la racine de cette musique est la Mère-Afrique.

A partir de quand ressentez-vous le besoin de transmettre la musique comme on transmet un savoir?

J’ai appris que je suis ce qu’on appelle un «griot», un conteur. Les musiciens qui ont joué avec moi sont aussi des conteurs. Par exemple, la grande Melba Liston. Nous partageons le même esprit. Et en même temps, ça vous rend très humble. Quand on retourne à la terre mère, vous vous apercevez de tout ce que vous ne savez pas de la musique et de vous-même. Quand je suis en compagnie de peuples traditionnels, je suis leur élève. Je ne leur apprends rien. Ce sont eux mes professeurs.

Comment votre musique a-t-elle été reçue en Afrique?

La musique que j’ai écrite sur l’Afrique a été acceptée par les Africains. J’étais très heureux parce que je n’étais pas sûr que ça fonctionne. Vous pouvez rêver d’Afrique mais il faut aller sur le continent et faire ses preuves. Pendant cette tournée, j’ai visité 18 pays. J’avais un batteur traditionnel africain, Chief Bey, et le grand Ed Blackwell; avec Ray Copeland, Clifford Jordan et Bill Wood, nous avons retracé l’histoire du jazz, d’après le professeur Marshall Stearns 3. Il me l’a apprise. Nous avons commencé avec l’Afrique en tant que passé, puis en tant que présent et enfin avenir. Quand je vais en Afrique, je suis très humble. C’est comme si Duke ou Monk étaient encore en vie; je serais leur élève. C’est notre famille royale. Ils possèdent des pouvoirs en musique capables d’agir sur le monde entier. Je m’inscris dans cette tradition. Je suis un élève de cette famille royale. Je suis un élève de Duke Ellington, Art Tatum, tous ces gens.

Vous soulignez à plusieurs reprises la dimension spirituelle, magique de Thelonious Monk. Vous écrivez qu’il a rapporté le mystère dans la musique.

Quand j’ai entendu Monk, j’ai entendu la magie de l’Afrique dans son jeu. Et quand il jouait, il faisait comme une danse. Tout le monde riait parce que c’était drôle. En plus, Monk jouait du gospel au piano pour sa mère. Donc, cette spiritualité lui a été transmise par la musique. James P. Johnson, James Reese Europe, tous ces gens étaient proches de l’Afrique. Même quand je grandissais, il n’y avait dans notre musique que l’esprit du peuple noir. 

Coleman Hawkins fait partie des musiciens qui ont beaucoup compté pour vous. C’est aussi par lui que vous avez découvert Thelonious Monk.

Coleman Hawkins était mon maître parce qu’enfant, j’étais fou de «Body and Soul». J’avais acheté trois exemplaires du disque. Un que tout le monde écoute, et j’ai caché les deux autres. Je me mettais au piano et j’essayais de jouer ses solos. Pour moi, cela reste une des meilleures performances jamais faites. Coleman Hawkins jouait «Body and Soul»; il ne jouait pas la mélodie mais vous entendiez quand même «Body and Soul». De Fletcher Henderson à Monk, c’est incroyable! Il a joué aussi avec Miles et Dizzy. La première fois que j’ai entendu «Ruby, My Dear», c’était Coleman Hawkins avec Monk. C’était le coup de foudre. C’était si profond, si magique, si beau! Et les deux, ensemble… Grâce à Coleman Hawkins, j’ai découvert Hank Jones, Sir Charles Thompson. C’était le meilleur parce qu’il est allé de Fletcher Henderson à ce qu’on appelle le bebop. Il était là. Et bien sûr, Duke a enregistré avec Coleman Hawkins.

Un portrait de Duke Ellington par Randy Weston, PolyGram 1989


Comment avez-vous préparé les sessions Portrait of Duke Ellington, Portrait of Monk et Self Portraits (1989)?

J’ai réuni les musiciens dans le studio où j’ai accroché une photo de Duke Ellington au mur et allumé de l’encens. J’ai demandé à chaque musicien de raconter une histoire sur Duke Ellington. J’ai fait la même chose avec Monk. L’idée était de nous mettre en accord avec l’esprit de ces maîtres. Et puis, nous avons enregistré trois CDs en trois jours!



Black, Brown and Beige, Duke Ellington et Mahalia Jackson, Columbia, 1958


Vous défendez une musique qui véhicule l’esprit de ses ancêtres et maintient en vie l’histoire de son peuple.

Voyez quand Duke a enregistré Mahalia Jackson et fait «Come Sunday». Quand vous entendez la voix de Mahalia avec l’orchestre de Duke, ça vous donne envie de pleurer. Les deux chanteuses qui m’ont fait pleurer sont Billie Holiday et Mahalia Jackson. C’est l’esprit de l’Afrique. C’est difficile à décrire. L’Afrique est comme un gros son qui décrit les gens et, quand ça sort, ça sonne comme ça. On l’entend chez Dizzy, Louis Armstrong, Bessie Smith, etc. Ils étaient plus proches de la Terre-Mère parce que souvent leurs parents ou grands-parents étaient des esclaves. Ils ont été enlevés par la traite, mais ils ont apporté l’Afrique avec eux. Ils ont gardé la mémoire ancestrale et l’ont passé dans des instruments européens et des langues européennes.


Qu’est-ce que cela signifie être un maître musicien?

Aux Etats-Unis, en Europe, pour être un maître, il faut bien jouer. Dans les sociétés traditionnelles, il faut être propre d’esprit. Vous devez raconter une histoire et évoquer l’histoire de votre peuple. Vous devez soulager, guérir. Il faut aussi faire rire avec la musique. Quand Monk se mettait au piano, il jouait quelque chose et vous faisait rire. Nous avions besoin de rire parce que nous étions dans un monde qui était entièrement contre nous. La musique a été un soulagement, une guérison pour nous. Sans la musique, nous n’aurions jamais pu survivre.



Le jazz, c’est l’Afrique?

Le jazz, c’est l’Afrique. Je ne dis pas de ma musique que c’est du jazz. C’est de la musique classique africaine-américaine. Le terme «jazz» n’arrive pas avant 1915, d’après James Reese Europe. Duke Ellington n’aimait pas le terme «jazz». Jazz, ça ne veut rien dire. C’est juste une description de la musique. Oui, nous avons des festivals de jazz, des magazines de jazz. Mais que vous l’appeliez spirituals, gospel, reggae, hip-hop, le nom que vous voulez, sans la pulsation africaine, vous n’avez rien. Il y a une certaine pulsation dans toute la musique qui vient de la Mère-Afrique. Donc, pour moi, il s’agit de musique classique africaine-américaine parce que la seule musique du XXe siècle vient des Africains-Américains. Et nous sommes entrés en relation avec l’Europe. Pourquoi l’Europe a-t-elle autant aimé notre musique? Parce qu’elle a fait les instruments. Elle fait les pianos, les basses, les trombones, les trompettes, etc. Tout est venu d’Europe. Donc quand les Européens ont entendu ce que nous avons fait avec ces instruments, ils se sont rendus compte que c’était un art de très haut niveau. Mais la musique remonte à l’Egypte ancienne et à ses écoles de musique. Tout découle de la musique. Tout se ramène au rythme, au son, à l’harmonie. Plus on remonte dans le temps, plus on se rend compte du peu qu’on sait. J’essaie toujours de savoir pourquoi je fais ce que je fais et d’où ça vient.



En référence à votre composition «The Healers», les musiciens sont-ils des guérisseurs?

Tous les grands musiciens sont des guérisseurs. On ne les a jamais appelés comme ça, mais ils le sont. Quand vous écoutiez Count Basie, Duke, Billie Holiday, ils vous soulageaient, vous guérissaient. Quand je fais un concert et que je regarde le public, vous voyez toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Il y a toutes sortes de gens. Quand ils applaudissent, ça soulage, ça guérit parce que la musique est un langage spirituel. C’est plus vieux que le français, l’espagnol, l’arabe, etc. Quand on joue de la musique et que les gens sourient, c’est un processus de guérison. Quand vous jouez, vous devez être propre d’esprit. On ne peut pas jouer cette musique avec de mauvaises pensées. Ce n’est pas possible. Parce qu’en jouant cette musique, on se rapproche du Créateur. Il faut se donner à 100 %. De vieux musiciens m’ont appris que s’il y a une personne dans le public ou s’il y en a 5000, il faut donner plus à une seule personne parce que cette personne peut changer votre vie. Les Gnawas vous apprennent qu’en jouant de la musique, on se rapproche du Créateur. C’est le don de Dieu à l’humanité. Il nous a donnés un langage que nous pouvons tous comprendre.

Randy Weston's African Rhythm Quintet & The Master Gnawa Musicians of Morocco, San Sebastian 2009 © Jose Horna


Votre lien aux Gnawas est-il toujours aussi fort?

J’ai passé des années avec eux. Ils ont eu l’expérience de l’esclavage. Nous avons eu l’expérience de l’esclavage. Ils étaient des soldats. Nous avons été des soldats. Ils ont été enlevés par la traite à leurs sociétés traditionnelles du sud du désert du Sahara et amenés au Maroc. Et ils ont créé cette musique. Nous avons donc beaucoup de points communs. Nous sommes le même peuple. Ils parlent arabe, anglais ou français mais nous sommes le même peuple. Ils sont restés sur le continent. Ils ont donc créé une musique qui est celle de ce continent. Quand on les entend jouer, ils nous enseignent quelque chose. Nous sommes ici à nos origines, à l’origine du blues, à l’origine de ce que nous appelons «la musique noire». Ça révèle la puissance des empires africains anciens parce que nous avons été enlevés par la traite à toute vie traditionnelle vers les Amériques. Les Gnawas sont pareils, même si nous avons été enlevés par la traite, et nous avons créé d’autres types de musique.

Comment se portent les peuples traditionnels africains aujourd’hui?

Ah! C’est très difficile. Hélas, beaucoup de la tradition en musique est en train de disparaître. Pas seulement en Afrique mais ici aussi. Les jeunes ne savent pas qui sont Louis Armstrong, Billie Holiday, Duke Ellington parce que le système éducatif nous est tellement défavorable. Les jeunes ne voient rien de culturel aujourd’hui. Tout est commercial, matérialiste. Et les gens s’éloignent de leurs origines. Malheureusement. Cela arrive partout dans le monde. C’est le cas en Afrique, ici, en Amérique du Sud… C’est une grande tragédie parce qu’en étudiant ceux qui étaient là avant nous, nous avons une meilleure compréhension de notre histoire.

Un lien à l’Afrique est-il en train de se perdre?

Tout à fait. Tout est matérialiste. Il n’y a aucun respect pour la tradition, pour ceux qui étaient là avant nous. C’est ce qui manque aujourd’hui. Ce n’est pas la faute des jeunes. Ils n’ont pas eu l’occasion d’écouter cette musique parce que tout est si commercial. Vous pouvez passer une année en Amérique sans jamais voir Duke Ellington à la télé. Vous ne verrez pas non plus Count Basie, Art Tatum, etc. Ce n’était pas comme ça avant. Alors comment des jeunes pourraient savoir ce qu’ont fait ceux qui étaient là avant?

On perd le contexte…

…Et la beauté. Aujourd’hui, tout est très négatif. Tout tourne autour de la guerre, du racisme, de mauvaises nouvelles, mais nous oublions le message de beauté de la musique créée par nos ancêtres. Les jeunes n’en ont aucune idée. C’est ce qui est si tragique. J’espère que ça va revenir. Nous avons au moins des enregistrements de cette musique. C’est une bénédiction. Mais comment avoir une visibilité médiatique? Aujourd’hui, c’est à peu près impossible. Alors comment les jeunes pourraient-ils savoir? Quand ils viennent me voir jouer, je leur dis d’écouter Duke, Monk, Count Basie, Nat King Cole. Ils ne savent pas que nous avons une famille royale.

Voyez-vous la même situation dans les autres pays où vous voyagez?

Il n’y a pas longtemps, nous avons joué à São Paulo, au Brésil, pour trois soirs. Le public avait un niveau très avancé. C’était sidérant. Il n’y avait que des jeunes. J’étais sous le choc. Il y a 34 centres culturels pour les jeunes, pour qu’ils apprennent toutes sortes de musique. Et ce n’est qu’à São Paulo. Ils ont tout l’éventail. Mais ici aujourd’hui, il n’y a qu’un seul type de musique. Alors comment pouvons-nous grandir culturellement, spirituellement si nous n’avons pas accès à tout l’éventail de cette musique? Aujourd’hui, nous sommes conditionnés. Les jeunes n’ont pas l’occasion d’éprouver la beauté de cette musique ni de connaître son ampleur, comme c’était le cas pour nous.

Randy Weston et Max Roach, San Sebastian 1999 © Jose Horna


Les Africains-Américains perdent-ils un peu de leur culture?

Bien sûr. Absolument! Maintenant nos hommes politiques veulent faire de l’argent. C’est ça la différence. Nous n’avons plus de personnages formidables comme Langston Hughes. Mohamed Ali allait dans les clubs pour lire sa poésie. On ne parle plus de musique. A de très, très rares exceptions près. C’est pareil avec la danse. Quand il y a eu une taxe de 20 % sur les salles de bal après la guerre, beaucoup de ces lieux ont fermé. Et la musique et la danse ont été séparées. Beaucoup ne le savent pas. Quand Duke Ellington venait avec son orchestre jouer au Savoy Ballroom et créait cette musique nouvelle, ils avaient les meilleurs danseurs pour accompagner cette musique d’une nouvelle danse. On allait dans des salles de bal pour écouter Dizzy Gillespie, Billy Eckstine, Max Roach, Art Blakey. On jouait tous dans des salles de bal. Mais tout a été séparé. Et tout à coup, on ne peut plus jouer. Même en piano solo, je pouvais jouer dans des salles de bal. Il le fallait. Il fallait avoir cette pulsation.

Vous évoquez la diversité musicale à Brooklyn, de l’église noire au jazz, au blues.

Même avec la ségrégation, nous avions nos théâtres. On allait voir Bessie Smith, Jimmie Lunceford, Duke Ellington, tous les grands artistes. Nos parents nous emmenaient voir les big bands. Nous avons donc grandi pauvres économiquement mais riches culturellement. Il fallait être à l’église noire tous les dimanches. Tous les grands musiciens sont sortis de l’église noire. Parce que l’église noire était le seul endroit où les Blancs autorisaient les Noirs à se réunir. Ils avaient peur qu’on fasse une révolution. Tout le jazz vient de l’église noire. L’église noire, c’est l’Afrique! Entièrement. Ça vous rapproche de Dieu.

Quel était le rapport aux anciens dans votre jeunesse?

Il y avait des clubs noirs. Il y en avait un à Brooklyn. Gosse, j’y allais. Quand un big band venait à New York et quand ses musiciens avaient quelques jours de repos, ils venaient aux clubs de musiciens noirs. On voyait des musiciens comme Tiny Bradshaw. On allait là-bas les rencontrer. Il y avait une table de jeux, un téléphone, etc. On était en lien avec les anciens et nous avions beaucoup de respect pour eux. Il n’y avait pas de séparation. Il n’y avait pas de musique pour les jeunes. La musique était pour tout le monde. Après la guerre, quand les salles de bal ont disparu et quand les médias se sont mis à passer un autre type de musique, il y a eu une séparation. Mais on adorait être avec les anciens. Quand je suis en Afrique, je cherche les personnes les plus âgées. Parce qu’elles sont plus proches de la civilisation africaine. Aujourd’hui, ce lien est rompu. J’ai beaucoup de respect pour ceux qui nous ont précédés.
Live at the Five Spot de Randy Weston, avec Coleman Hawkins, 1959, Fresh Sounds


Parmi ces anciens, il y avait Coleman Hawkins avec qui vous avez joué et enregistré.

Quand Coleman Hawkins a joué ma musique, wow! J’étais si heureux! Je me suis dit: «C’est le roi du saxophone qui joue ma musique!»

Comment s’était passée la session pour le Live at the Five Spot (1959)?

Pour le concert enregistré au Five Spot, Melba Liston était souffrante en Californie. Elle avait fait les arrangements, et ils étaient arrivés le jour même de la performance. Alors Coleman Hawkins et Kenny Dorham ont dû jouer cette musique comme ça, sans répétition. Mais ce que Coleman Hawkins a fait! J’étais si heureux! Voilà celui dont j’avais acheté trois exemplaires de «Body and Soul» quand j’étais enfant.

Jouer avec les anciens permettait de faire circuler la culture.

Il y avait eu un hommage à Dorothy Donegan à Central Park, auquel j’avais été invité. Quand j’ai joué, Dorothy se tenait juste derrière moi. Et après, elle m’a dit que j’avais bien joué. J’étais si heureux. Pourquoi? Parce que cela signifie que j’ai gardé la tradition africaine dans la musique. J’en ai gardé la fondation, et j’ai fait autre chose sans jamais perdre de vue la racine, la pulsation, l’esprit. Ceux qui ont créé cette musique, nous les plaçons très haut. Nous ne les atteindrons jamais.

Louis Armstrong est allé en Afrique en 1955…

Wow! Cent mille personnes sont venues écouter Louis au Ghana. Il était revenu à la maison! Regardez Louis Armstrong, c’est un visage africain par excellence. J’aurais adoré être à ce concert.

Randy Weston et Abbey Lincoln, San Sebastian, 1998 © Jose Horna


Comment retisser du lien avec l’Afrique?

C’est en cours mais de façon spirituelle. Les médias sont contre nous. La télévision, la radio, on oublie… On n’existe pas. Mais je rencontre plus de jeunes. On m’accorde beaucoup d’attention aujourd’hui parce que j’ai toujours été proche de l’Afrique. Quand on a fait Uhuru Afrika en 1960, avec Melba Liston, on a eu beaucoup de problèmes. On me demandait ce que je faisais avec l’Afrique. Mais pas aujourd’hui. Je visite plus d’écoles. Plus de jeunes comprennent que toute l’humanité vient de l’Afrique. Il y a un mouvement spirituel en dépit de ce que je pense par ailleurs. J’ai fait une interview avec Vijay Iyer. Ce qu’il a dit était formidable. Il me disait combien j’avais influencé sa musique. Rodney Kendrick m’a dit la même chose. Donc il y a un mouvement spirituel pour reconnaître l’Afrique. On voit davantage de danse africaine, d’intérêt pour les arts africains.



Est-ce aussi une question d’éducation, de programme scolaire?

A Paris, l’Unesco a un projet d’école et, pour leur vidéo, ils ont choisi trois titres de mon album avec Billy Harper, The Roots of the Blues. L’idée est d’ouvrir partout dans le monde des écoles élémentaires où les enfants apprendront l’histoire de l’Afrique. A ce jour, on n’apprend jamais l’histoire de l’Afrique. On commence toujours par celle de l’Europe.


Randy Weston, Alex Blake (b), Neil Clarke (perc), Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 1994 © Jacky Lepage



Qu’est-ce que les musiciens peuvent faire?

J’agis à ma façon. Je continue de faire ce que je fais. Je parle de musique, je joue, je parle aux jeunes. Dès que je suis en leur présence, ils sont formidables. Mais ce sont les anciens qui ont oublié la musique. Ils ne l’ont pas transmise aux jeunes. Je ne reproche rien aux jeunes. En France, j’ai fait des concerts pour des enfants, âgés de 5 à 10 ans, en parlant mon français limité. Ils ont adoré. S’ils ont l’occasion d’entendre cette musique, ils l’aiment.

Que dites-vous aux jeunes?

Je leur dis d’écouter les choses les plus anciennes qu’ils puissent trouver et de remonter aussi loin que possible. Ecoutez Jimmy Yancey, Meade Lux Lewis, James P. Johnson. Il y a toujours une lignée pour nous aider à comprendre d’où l'on vient.

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1. Les Marrons, de l'espagnol cimarron (vivant sur les cîmes) emprunté aux Arawaks pour désigner les animaux domestiques qui retournaient à l'état sauvage: les esclaves en fuite étaient dénommés les Marrons, la fuite: la marronade. Le terme s'est appliqué aussi bien aux Indiens Taïnos en Jamaïque, fuyant l'extermination pratiquée par les Espagnols, qu'aux esclaves d'origine africaine, en Amérique et même en Afrique (La Réunion, L'île Maurice). Les fuyards ont parfois reconstitué de véritables communautés –on parle aussi de royaumes en Afrique– au Brésil, Honduras, en Guyane, Colombie, Jamaïque, Mexique, etc., et ont préservé des éléments de leur(s) culture(s) d'origine, notamment les langues, les usages, les musiques, etc. Ils ont aussi développé des formes d'organisation et d'expression originales, sur le plan musical, des danses, mais aussi pictural. Les Marrons sont donc des esclaves qui se sont eux-mêmes affranchis de l'esclavage, et on comprend mieux et avec plus de nuances, grâce à cette précision, la recherche et les affirmations de Randy Weston.

2. James Reese Europe (chef d'orchestre, comp, p, 1881-1919), établi à New York en 1904, directeur de l'US Marine Band, qui joua un rôle essentiel dans la reconnaissance des Afro-Américains et dans la genèse du jazz aux Etats-Unis et en Europe, et où il dirigea un orchestre militaire au cours de la Première Guerre mondiale.

3. Marshall Stearns (1908-1966) est un critique de jazz américain, musicologue, fondateur et directeur de l'Institute of Jazz Studies de New York, auteur de The Story of Jazz, Mentor Book, 1956.

* Le titre fait référence à l'ouvrage de Chester Himes, Back to Africa (Retour en Afrique, 10/18-Plon 1965)



A Lire

African Rhythms: The Autobiography of Randy Weston, Duke University Press, 2010

Traduction française: Randy Weston, African Rhythms, Présence Africaine, 2014


Jazz Hot n°576, 2000Jazz Hot n°336, 1977

Randy Weston et Jazz Hot:

n°118 (1957), 336 (1977), 508 (1994), 576 (2000)




Site : www.randyweston.info/


Discographie par Guy Reynard et Yves Sportis

Une discographie détaillée et illustrée par les visuels de livrets figure dans le n°576 (2000), toujours disponible, donnant tous les titres de musiciens, de thèmes et les illustrations de livrets. Nous avons ici listé les albums et rajouté ceux parus depuis l'année 2000, avec leur visuel, l'un d'eux figurant en fin de l'interview.






Leader/coleader
LP 1954. Cole Porter in a Modern Mood, Riverside 2508
LP 1955. The Randy Weston Trio With Art Blakey, Riverside 2515
LP 1955. Get Happy, Riverside 12-203
LP 1956. With These Hands, Riverside 12-214
LP 1955-56. Trio and Solo, Riverside 12-227
CD 1956. Jazz à la Bohemia, Original Jazz Classics-1747-2
CD 1956. The Modern Art of Jazz, Dawn 107
LP 1957. Piano à la Mode, Jubilee 1060 (LP Uhuru Africa, Roulette 21006)
LP 1958. New Faces at Newport, Metro Jazz E1005 (MM 2085)
LP 1958. Little Niles, United Artists 4011
LP 1959. Destry Rides Again, United Artists 4045
LP 1959. Live at the Five Spot, United Artists 4066
CD 1960-63. Uhuru Afrika/Highlife, Capitol/Roulette 7945102
(LP Uhuru Africa, Roulette 21006 + l 1963. Highlife, Roulette = Music From the African Nations, Colpix 456)
CD 1964. African Cookbook, Koch 8517 (LP Bakton et LP Atlantic)
LP 1964-65. Blues, Trip 5033
CD 1965. Berkshire Blues, Black Lion 760205
CD 1966. Monterey '66, Verve 519 698-2
LP 1969. Randy Weston’s African Rhythms, Polydor 658152
LP 1969. Randy Weston's Niles Littlebig, Polydor 658157
LP 1972. Blue Moses, CTI 6016
CD 1973. Tanjah, Verve 527 778-2
CD 1974. Carnival, Freedom 741004
LP 1974. Informal Solo Piano, Hi-Fly P101
CD 1974. Blues to Africa, Freedom 741014
LP 1975. African Rhythms, Chant du Monde LDX74602
CD 1975. African Nite, Enja 2086-2 (LP Owl 01)
LP 1976. Randy Weston, PAUSA 7017 (LP Randy Weston Meets Himself, Productionassociati 70)
LP 1976. Wildflowers 3, Douglas/Casablanca 7047
CD 1976. Perspective, Denon 8554 (avec Vishnu Bill Wood)
LP 1978. Rhythms and Sounds Piano, Cora 01 (date incertaine)
LP 1980. The Healers, Cora 02 (date incertaine)
LP 1983. Blue, 1750 Arch Records S-1802
CD 1987. The Healers, Black Saint 120118-2 (David Murray)
CD 1989. Portraits of Thelonious Monk, Verve 841313-2
CD 1989. Portraits of Duke Ellington, Verve 841312-2
CD 1989. Self Portraits, Verve 841 314-2
CD 1989. Portraits, Verve 841 315-2 (le coffret réunit les 3 précédents CDs)
CD 1991. The Spirits of Our Ancestors, Verve 511 857-2
CD 1992. The Splendid Master Gnawa Musicians of Morocco, Verve 521 587-2
CD 1992. Marrakech in the Cool of the Evening, Verve/Gitanes 521 588-2
CD 1993. Volcano Blues, Verve/Gitanes 519 269-2 (Melba Liston)
CD 1995. Saga, Verve/Gitanes 529 237-2
CD 1995. Earth Birth, Verve/Gitanes 537 088-2
CD 1998. Khepera, Verve/Gitanes 557 821-2
CD 1999. Spirit! The Power of the Music, Verve/Gitanes 543 256-2
CD 2001. Ancien Future, Mutable Music/Stiickfigure 64122
CD 2002. Live in Santa Lucia, Image Entertainment 3007
CD 2005. Zep Zepi, Random Chance 7020267
CD 2009. The Story Teller, Motema Music-51
CD 2013. The Roots of the Blues, 2013 Universal 374 742-3 (avec Billy Harper)

Sideman
LP 1951. Frank Culley, Atlantic 9135
CD 1961. Johnny Coles, The Warm Sound, Koch Jazz 3-7804-2
CD 1972.Charles Mingus and Friends in Concert, Columbia C2K 64975
CD 1984. Roy Brooks, Duet in Detroit, Enja-7067 2


Vidéos

1978. Randy Weston, Richard Davis (b), Don Moye (dm), Jazz Showcase, Chicago, IL, 22 avril
https://www.youtube.com/watch?v=kdp4kBXMF3U

1990 Randy Weston Special Guest Robin Kenyatta!! Live In Spain Part 1.
Solo, Duo, Trio

https://www.youtube.com/watch?v=_ErLyLISz5g

1999 Max Roach and Randy Weston Duo (II) - Well You Needn't - San Sebastian 1999
https://www.youtube.com/watch?v=HKAm7cKcnUE

2008 Randy Weston:Tribute to Freddie Hubbard, Randy Weston (p), Alex Blake (b)
https://www.youtube.com/watch?v=-YZ6PVc99lY

2012 Jazz: Rhythms Changing America Pt. 2 Randy Weston African Rhythms Trio and Candido
https://www.youtube.com/watch?v=0k2eDLdhGAg

2013 Randy Weston And Billy Harper: 'Blues To Senegal,' Live On Soundcheck
https://www.youtube.com/watch?v=DDkjkqPOb_4

2013 Randy Weston: Berkshire Blues
https://www.youtube.com/watch?v=yA7b17sdcXY


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