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Theodore Gaffney

12 avril 2020
22 novembre 1927, Washington DC - 12 avril 2020, Washington DC
© Jazz Hot 2020


 Theodore Gaffney © Photo X, by courtesy of Maria Santos Gaffney   



Theodore Gaffney
© Photo X, by courtesy of Maria Santos Gaffney


Theodore Gaffney est un photographe indépendant choisi par le magazine Jet pour s’embarquer dans l’une des aventures très risquées du Mouvement des Droits civiques à partir du 4 mai 1961 (deux premiers bus avec 13 passagers militants), les Freedom Riders dont l’objectif était de traverser les Etats-Unis de Washington, DC vers les Etats du Sud (Virginie, Caroline du Nord et du Sud, Géorgie, Alabama, Mississippi, Louisiane) qui refusaient toujours la mixité dans les bus inter-Etats des compagnies Greyhound et Trailways, malgré deux arrêts de la Cour Suprême en 1946 (Morgan vs Virginia) et en 1960 (Boynton vs Virginia).





Né le 22 novembre 1927 à Washington, DC de Flora et O.P. Gaffney, partis de Caroline du Sud lors de la Grande Migration du début du XXe siècle, et dont les aïeux avaient été esclaves dans une plantation proche de la ville de Gaffney, SC, Theodore a trois frères. En 1946, il fait sa période militaire comme chauffeur de camion amphibie et tireur d’élite, puis entre à Howard University (surnommée «Black Harvard» pour son niveau d’excellence) et prend des cours avec un grand photographe, Addison Scurlock (1904-1994). 
Theodore sera l'un des premiers photographes afro-américains à entrer à la Maison Blanche. En 1956, il se fait saisir une (mauvaise) pellicule par un garde sur ordre du sénateur Olin D. Johnston, qui vient de signer le «Manifeste du Sud» ségrégationniste, car il l’a pris en photo avec Clarence Mitchell de la NAACP, lequel accuse le sénateur de racisme et de non respect de la liberté de la presse sur le champ.
En 1961, à la demande du magazine Jet, Theodore part avec Simeon Booker (1918-2017) journaliste, pour ce reportage sur les Freedom Riders, d’autant plus inquiétant qu’il passe par les terres d’Eugene «Bull» Connor, le raciste local qui tient la sécurité publique et a déjà fait parler de lui pour ses méthodes musclées à sens unique.
Le CORE (Congress of Racial Equality) et le SNCC (Student Nonviolent Coordinating Committee) installent les personnes en les intercalant de façon non ségréguée et en asseyant à l’avant un Afro-Américain en signe de protestation contre les places réservées aux «Blancs», en gardant des activistes à l’arrière, pour aider ceux qui seraient arrêtés. Avant d’arriver à New Orleans le 17 mai, où une manifestation (pour le 7e anniversaire de l’arrêt Brown vs Board of Education of Topeka) les attend, le 14 mai, à Anniston, AL, le Ku Klux Klan incendie le premier bus, et frappent les militants des deux bus qui réussissent à s’échapper et reprennent la route. Une seconde fois, à Birmingham, AL, le passage à tabac est si violent que les passagers sont exfiltrés de la ville sur ordre de Robert Kennedy. Lorsque le convoi de bus dont font partie Theodore et Simeon se fait attaquer, la première fois à Rock Hill, SC, puis à Anniston, AL, il est difficile de sortir l’appareil photos sans attiser encore davantage la folie meurtrière des racistes. La situation est périlleuse, et la police n’intervient pas, alors qu’une foule haineuse comprenant même des enfants de 10 ans, les attend à Birmingham à coup de barres de fer et de tuyaux. Theodore se réfugie dans la salle d’attente ségréguée, et les militants auprès des révérends locaux qui les soignent. Robert Kennedy les fait escorter jusqu’à l’aéroport pour leur faire rejoindre New Orleans par avion.
D’autres Freedom Riders suivront, renforcés par les militants du SCLC (Southern Christian Leadership Conference de Martin Luther King) et les arrestations remplissent les prisons. Devant la gravité des exactions, Robert Kennedy, frère du Président, promulgue une loi fédérale le 1er novembre 1961 pour forcer à la mixité dans les bus inter-Etats, les trains et autres lieux publics lors des trajets (toilettes, bar, cirage de chaussures…). http://www.freedomridersfoundation.org/about-freedom-riders.html
Après cet épisode, Theodore poursuivra une carrière dans la photo plutôt officielle, des présidents à la Reine d’Angleterre. A 61 ans, il épouse Maria Santos, jeune femme brésilienne de 26 ans, en 1988, et ils auront deux fils, Theodore et Walter de 26 et 24 ans aujourd’hui. Theodore Gaffney est décédé le 12 avril au George Washington University Hospital, à Washington DC, des suites du coronavirus, à l’âge de 92 ans. Avec lui et ceux de sa génération, continue de s’effacer une mémoire, aussi collective, en raison de l’incurie sanitaire de gouvernants négligents: absurde et affligeant.
Hélène Sportis


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