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V Comme Vian

15 juin 2011
15 juin 2011
V Comme Vian Téléfilm de Philippe Le Guay avec Laurent Lucas, Julie Gayet (France, 2010)
Duree : 90 mn
Diffusion : France 2, Téléfilm , 15 juin 2011, 20h35

C’était la première fois que l’on allait voir la vie de Boris Vian mise sous pellicule. Et on allait voir ce que l’on allait voir. Un an que le film restait dans les tiroirs de France 2, attendant le moment propice. Le moment, c’était mercredi, juste avant l’été, en prémices à l’exposition que la BnF consacrera à Vian en octobre prochain.
Le pari n’était pas évident, et le parti-pris intéressant : le scénario, que l’on doit à Didier Vinson, s’est focalisé sur l’année 1946, année charnière pour Boris Vian qui, tout en exerçant son métier d’ingénieur, écrivit en quelques mois L’Écume des jours, J’irai cracher sur vos tombes et L’Automne à Pékin, tout en consacrant la plupart de ses soirées au jazz.
Le pivot, un peu simpliste, du film, réside dans le fait que l’échec de L’Écume des jours au prix de la Pléiade, décerné par Gallimard à un auteur « maison », marqua pour Boris Vian le début de la fin de sa carrière d’écrivain. On assiste dès lors à une lente descente aux enfers artistique et personnelle.
Le paradoxe de ce V comme Vian, c’est qu’il oscille entre une extrême simplification des situations et des personnages (chez Gallimard, on est vieux, les cheveux sont blancs, et on est souvent agacé par la jeunesse et la fougue des jeunes auteurs, représentés par le seule Boris Vian ; la guerre se résume à un simple échange œufs contre tickets de rationnement…), et une ultra-précision qui perdra les moins vianistes des téléspectateurs (L’affaire Vernon Sullivan est traitée de manière peu compréhensible, les liens entre Boris Vian et le Collège de ‘Pataphysique sont pour le moins énigmatiques…).
Le montage également n’est pas très heureux. Commencer par la fin, relativement à la vie de Vian, il n’y a rien là d’original mais pourquoi pas. Sauf que l’on se perd très rapidement dans la chronologie, et les délires de Boris Vian sur son lit d’hôpital, s’ils prêtent parfois à sourire (l’apparition des deux pontes de chez Gallimard, Arland et Paulan, déguisés comme leurs personnages de L’Automne à Pékin), amènent à une série de scènes inutiles et souvent de mauvais goût (Jean Paulan fantasmé en chirurgien boucher ; l’infirmier noir, devenu Vernon Sullivan, qui séduit sa première épouse Michelle).
Autre maladresse dans la réalisation : Philippe Le Guay teste plusieurs genres cinématographiques, sans ne jamais en choisir aucun. On assiste tour à tour à quelques scènes d’animation inutiles, de fausses images d’archives qui se mêlent aux vraies (la découverte du Tabou, par Boris et Michelle Vian comme chacun sait…), et des séquences oniriques mal amenées.
Enfin, à observer les dialogues entre les protagonistes, le téléspectateur éprouve quelques difficultés à se transporter dans le Paris des années 1940 : le langage est simplifié, le tutoiement souvent de mise, et il faut revoir cette scène où Vian attrape Sartre et Queneau par l’épaule pour les faire rentrer dans son appartement !
Quelques notes positives toutefois : le jeu subtil des protagonistes (Laurent Lucas incarne avec justesse un Boris Vian malade et désespéré ; Julie Gayet et Anne-Lena Strasse campent respectivement et talentueusement Michelle et Ursula, et Arnaud Simon interprète un Major plus vrai que nature), la belle reconstitution des décors majeurs (le Tabou, les Trois Baudets, l’appartement du Faubourg Poissonnière et celui la Cité Véron, tourné sur place), et la jolie et discrète musique de Pierre Bertrand.
Pari raté donc, pour cette première adaptation de la vie de Boris Vian. On attend la prochaine…
Christelle Gonzalo