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Claude Abadie, Jazz à Vian, 19 janvier 2020 © Laurent Coste

Claude Abadie, Jazz à Vian, 19 janvier 2020
© Laurent Coste


Claude ABADIE (1920-2020)

Un sacré bout de chemin


    

Laurent Coste, beau fils de Claude Abadie (depuis 62 ans…, comme il le signe avec humour), très ému naturellement comme toute la famille par la disparition du célèbre centenaire, nous a transmis ce courrier, un hommage familial, que nous publions en préambule de celui que nous rendrons bientôt à Claude Abadie qui pétillait de malice en janvier 2020, et qui a eu avec Jazz Hot une relation si longue et spéciale, gagnant son premier concours amateur organisé en 1942 malgré des circonstances dramatiques. C’est dans un climat également dramatique qu’il quitte la scène, mais les prochains hommages de ses pairs ne sont que partie remise, nous n’en doutons pas… YS



Cher Yves,

Claude nous a paisiblement quittés dans la nuit de dimanche dans sa 101e année. C’était sa volonté.

Il a tenu a assurer ses deux derniers concerts, en novembre à Meudon, et en janvier à Ville-d’Avray. Pour le jazz, pour sa passion, pour ses amis.
C’est ainsi qu’il a voulu dire «au revoir», entouré de son tentette, ne lâchant pas sa clarinette.
Et puis il a décidé que le temps était venu, me disant, après une existence aussi riche, aussi pleine, aussi passionnée, qu’il avait désormais assez vécu, et même un peu trop longtemps.


L’Octet de Claude Abadie, debout à droite, Jazz à Vian, 19 janvier 2020 © Laurent Coste
L’Octet de Claude Abadie, debout à droite, Jazz à Vian, 19 janvier 2020 © Laurent Coste

Il rejoint Boris, né la même année, et avec lequel il a passé quelques années assez particulières, son diplôme de polytechnicien (X 38) ne l’empêchant pas, bien au contraire, d’avoir un humour discret mais réel, un sens aigu de l’originalité et un côté iconoclaste assez surprenant. Encore fallait-il bien le connaître et l’observer pour reconnaître ces faces plutôt cachées de sa personnalité.

Je dois vous dire qu’il était particulièrement attaché à Jazz Hot. Il était très méfiant et parfois étonné, voir agacé, à la lecture d’articles le concernant, lui seul ou avec Boris, et qui n’étaient que la sempiternelle répétition en quasi copié-collé de quelques soi-disant spécialistes utilisant de manière plutôt vague, voir erronée, ses années passées, afin d’écrire à l’envie l’histoire du Jazz et de St-Germain-des-Prés.
Rien de tout cela avec vous. Sa cave débordant de dizaine d’années de Jazz Hot en est le témoignage.

A ce propos, sachez que son dernier grand plaisir fut le concert de Ville d’Avray du 19 janvier 2020. Il était méconnaissable, rajeuni, heureux d’être avec ses musiciens, souriant, et nous a offert un solo de clarinette d’une pureté inouïe, nous portant haut et loin, comme rarement je l’avais entendu et ressenti.


Claude Abadie toujours aussi concentré, lit Jazz Hot, Jazz à Vian, 19 janvier 2020 © Laurent Coste


Claude Abadie toujours aussi concentré,
lit
Jazz Hot, Jazz à Vian, 19 janvier 2020
© Laurent Coste


Hélène, Jérôme et Alexandra, qui avaient eu la gentillesse de venir, en ont été témoins, et ont su, à travers un superbe article montrant qu’ils avaient tout perçu, tout compris, en relater l’émouvante spécificité.
Ce texte restera dans les souvenirs et mémoires de la famille, comme un des plus beaux et authentique hommage musical qu’il ait jamais reçu. Merci à eux.

Je l’ai également vu, à cette même occasion, alors qu’à l’issue du concert, une réception sympathique mais fatigante pour lui le laissait un peu perdu, véritablement heureux de rencontrer nos trois amis que je lui ai présentés. Il ne s’y attendait pas, et croyez moi, comme par magie, il a soudain changé, retrouvant de l’allant, sachant qui était là, et retrouvant un bon sourire et de l’intérêt à ce que lui disait en particulier Hélène en lui offrant un numéro de Jazz Hot où un bel article lui était consacré. Merci de lui avoir offert un de ses derniers bons moments.

Ses derniers jours, et j’en ai été témoin étant sur place, son seul plaisir était de voir certains de «ses» musiciens qui venaient chercher partitions, arrangements et conseils. Les répétitions devaient continuer, il y tenait beaucoup. C’était sans aucun doute son héritage musical qu’il leur transmettait, il souhaitait tellement qu’ils continuent, il y a mis, de son lit, mais avec une foi incroyable, toutes ses forces et toute sa passion pour que tout se poursuive.

Les dramatiques circonstances actuelles ne permettront pas qu’un hommage musical lui soit rendu, ni même une réunion familiale. C’est une situation douloureuse. Une fois sortis de cet enfer, nous organiserons une réunion à sa mémoire. Je vous en ferai part.
Laurent Coste (beau-fils de Claude depuis....62 ans)
Texte et photos

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