C’est un très
déterminé serviteur du jazz qui nous a quittés : Jim Galloway,
surtout connu comme spécialiste du sax soprano courbe. Jim Galloway
découvre le jazz dans les années 1950 par les disques et la radio
(le solo de Frank Teschmacher en 1928 dans « Indiana »
fut son déclic : « I do remember that I sat there and
laboriously wrote out Teschemacher's chorus on that recording. It
really made an impression »). C’est ce qui le pousse à
aborder la clarinette et le sax alto en autodidacte. Il étudie à la
Glasgow School of Fine Arts (Ecole des Beaux-Arts, 1954-58). Jim
Galloway a joué pour les Scottish All Stars d’Alex Dulgleish et
dirigé les Jazz Makers à Glasgow (1961-64) avant de se fixer au
Canada (le 4 juillet 1964) : « I still remember the first
evening. I went in to this place called the Colonial Tavern
and literally stopped dead in my tracks. My first night in North
America, and there's a bandstand and on it are Herman Autrey, Vic
Dickenson and Buster Bailey. I thought Jesus
Christ! This is heaven! ». Il se retrouve pour un temps dans un
groupe qui ne joue que le répertoire d’Ellington et Monk. En plus
de la clarinette et de l’alto, il adopte le saxophone baryton et
dès 1967 le soprano (droit). Il prendra la nationalité canadienne.
Etabli à Toronto, il entre directement au sein des Metro Stompers
(1966) dont il prend la direction (à partir de 1968). Le 23
septembre 1973, il réalise l’album Three is Company (Sackville
2007) avec le remarquable Dick Wellstood au piano (en solo, de classe
!, dans « Sunday Morning ») et le batteur Pete Magadini (ex-John
Handy, Denny Zeitlin). Galloway y dévoile un style de soprano
évidemment dérivé de celui de Bechet mais sans un vibrato trop
marqué (« Blues Alley Bump », le disque fut réalisé en « live »
au Blues Alley de Toronto). Le décrire comme un disciple de Bechet
est exagéré, mais on n’est pas sans penser à Bob Wilber. Avec
une sonorité mince et parfois un peu acide, il pratique avec
justesse, un phrasé volubile. A la Town Tavern, il a l’occasion de
jouer avec Jimmy Rushing, Ray Bryant. En 1976, il se produit aux
festivals de Montreux et Nice, aux côtés des Buddy Tate, Jay
McShann, Buck Clayton. Il fait même une tournée en compagnie de
Buddy Tate avec des rythmiques locales (Angleterre, Hollande,
Allemagne). Buddy Tate et Jim Galloway laisseront un disque ensemble,
Saturday Night Function (1981, Sackville 3028). Ses Metro Stompers
enregistrent en 1977 pour Sackville (4002) (Ken Dean, cnt, Peter
Sagermann, tb). Avec ce groupe, Jim Galloway a adopté le soprano
courbe qui désormais colle à son image. A partir de 1978, il anime
aussi une grande formation, le Wee Big Band.
En 1980, pour le
théâtre, il adapte Coming Through Slaughter, une nouvelle de
Michael Ondaatje d’après la vie de Buddy Bolden. De 1981 à 1987,
il est chaque semaine l’hôte du programme radiophonique Toronto
Alive ! (station CKFM : Jim y a invité Ralph Sutton, Al
Cohn, Doc Cheatham, Zoot Sims, et fait jouer en duo Lee Konitz avec
Sammy Price!). En juin 1981, une première collaboration avec Jay
McShann donne l’album Thou Swell (Sackville 4011), une réussite :
avec Don Thompson (b), Terry Clarke (dm), le swing est indéniable et
le style du leader d’une belle fluidité, jamais pensant, dans une
veine mainstream (« Thou Swell », « Sweet Sue »).
Galloway retrouvera Jay McShann en quartet (Neil Swainson, b, Archie
Alleyne, dm), en novembre 1992, pour l’album encore mieux réussi,
Jim and Jay’s Christmas, dans une collection de morceaux de Noël
(Sackville 3054, notamment : « Silent Night » et
« Christmas in New Orleans » au baryton ; un superbe
duo piano-sax ténor dans « I’ll Be Home For Christmas »
-nous regrettons que Jim ne se soit pas consacré à ce style sensuel
de ténor que l’on retrouve dans « White Christmas »
sur tempo très lent et dans « Hootie’s Christmas Baby »,
très low down à la Ben Webster!). On a l’occasion d’entendre
Jim Galloway à la clarinette et au baryton, en plus de
l’incontournable soprano, dans Humphrey Lyttelton in Canada
(juillet 1983, Sackville 3033). La rythmique très souple (Ed
Bickert, g, Neil Swainson, b, Terry Clarke, dm) permet à Galloway de
montrer son côté Gerry Mulligan (« Sprauncy »,
« Rain », « Leisure Palace »). A noter Humph
et Jim dans un duo de clarinette très créole (« Carbana
Queen »). En 1983-91, Jim Galloway est responsable des
programmations du Café des Copains à Toronto. Après avoir joué à
Toronto avec Wild Bill Davison et Vic Dickenson, Jim Galloway se
produit avec Doc Cheatham et notamment pour le disque, at the Bern
Jazz Festival (1983-85, Roy Williams, tb, Sackville 3045). En 1985,
avec l’Orchestre National Royal d’Écosse, à Edinburgh, il joue
la création de Hot and Suite, une fantaisie pour ensemble de jazz
(Warren Vaché, cnt) et orchestre symphonique co-signée avec sa
première femme, la bassiste Rosemary Galloway née Sidgwick (elle a
joué dans les Metro Stompers et le Wee Big Band). De 1987 à 2009,
Jim Galloway est directeur artistique du Toronto Jazz Festival. Avec
le pianiste Art Hodes, il laisse Live at Toronto’s Cafe des Copains
(1988, Music & Arts 610). Sa collaboration avec Ralph Sutton fut
plus suivie. Il y a ce Sackville All Stars (juin 1988) dans un
Tribute to Louis Armstrong (Sackville 3042). Ils sont en compagnie de
Milt Hinton (b) et Gus Johnson (dm) ; on ne pouvait espérer
mieux (sax baryton dans « I Gotta Right to Sing the Blues »,
« Big Butter & Egg Man »). Dans les ballades, bien
que ce soit au soprano, on entend une discrète influence de Johnny
Hodges (« Pennies from Heaven »). Plus tard, à Toronto
en janvier 1997, Jim et Ralph se retrouveront dans l’exercice en
trio (Don Vickery, dm) pour l’album Pocketful of Dreams (Sackville
3062). En 1988, Jim Galloway participe au Edinburgh Jazz Festival où
il joue avec Warren Vaché (cnt) et Spanky Davis (tp). Après
Keep the Rhythm Going (1982, CBS NPCC-80068), il enregistre encore,
en 1993, avec son Wee Big Band (Kansas City Nights, Sackville 3057).
Cette formation de 17 musiciens au répertoire
étoffé (plus de 300 titres en 1991) a joué avec Jay McShann à
Toronto en 1981, à la Duke Ellington Conférence en 1987 et a lancé
le brillant Brian Ogilvie (ts, cl -1954/2004).
En 1998, Jim
Galloway participe à JazzAscona, avec les Swing Cats de Frank
Roberscheuten (ts, cl). Il revient à Ascona en 2001 où il participe
aux concerts Sax Players (Marc Richard, as, Gustle Mayer, Gianni
Basso, Frank Roberscheuten, ts, Red Pellini, bs), Jammin’ at
Condon’s (Ed Polcer, cnt, Tom Baker, Dan Barrett, Michael Supnick,
tb-cnt, Evan Christopher, cl, Rossano Sportiello, p). Nouvelle soirée
Sax Night en 2002 (les mêmes plus Scott Robinson, ts-cnt) outre
l’Internation Jazz Show de Lino Patruno (Andy Stein, vln, Charly
Höllering, cl). Chose rare, il est programmé une troisième fois de
suite, en 2003, encore pour la Sax Night (cette fois Nicolas Montier,
ts) mais aussi avec ses Friends qui ne sont rien moins que Jon-Erik
Kellso (tp), Bob Barnard (cnt), Dan Barrett (tb), Scott Robinson (ts,
C mel sax), Ed Metz (dm) ! Son dernier disque date de cette
époque, avec Echoes of Swing ; il y tient le baryton (2003). En
mai 2012, Jim Galloway apparait à la Norwich Jazz Party avec Rossano
Sportiello (p) et ces dames Karen Sharp (ts) et Nicki Parrott (b). A
cette occasion, il joue aussi avec Alain Bouché (cnt) et Bucky
Pizzarelli (g). En 2013, Jim Galloway épouse Anne Page au Jazzland
Club de Vienne.
Avec les années
Jim Galloway avait développé un style certes marqué par la
tradition, mais assez polyvalent pour cohabiter avec des tendances
variées. En 2002, il a été fait Chevalier des Arts et Lettres. Jim
Galloway est le sujet d’une émission TV d’une demi-heure pour
CBC. De son côté, il a animé les séries radiophoniques
« Travelin’ Light » sur l’histoire du jazz (CBC
Radio). Il a aussi prouvé l’étendue de ses goûts dans deux
émissions en 13 parties, « Journeys in Jazz » sur
Jazz-FM.
Jim Galloway est
décédé à 78 ans, chez lui, après des mois de maladie et un
placement en soins palliatifs, à Toronto, ville qui lui doit
beaucoup question jazz : « He was a caring and honest
musician whose sense of fun and humour were always present, and whose
love of puns in speech seemed to translate into a love of quotes in
his solos » (Warren Vaché). La cérémonie funèbre s’est
tenue dans l’intimité le 6 janvier 2015.
Michel Laplace Photos : David Sinclair et Lisiane Laplace
Source : New Grove Dictionary of Jazz, vol2,
Mark Miller, p7-8 (2002, MacMillan Publishers)
Vidéos :
Lino Patruno & His All Stars, Tom
Baker (cnt), Michael Supnick (tb), Luca Velotti (ts), Rossano
Sportiello (p), Ascona 2003 Jim Galloway & Karen Sharp, 2012
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