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Jim Galloway

30 déc. 2014
28 juillet 1936, Kilwinning (Ecosse) - 30 décembre 2014, Toronto (Canada)
© Jazz Hot n°670, hiver 2014-2015

Jim Galloway © David Sinclair


C’est un très déterminé serviteur du jazz qui nous a quittés : Jim Galloway, surtout connu comme spécialiste du sax soprano courbe. Jim Galloway découvre le jazz dans les années 1950 par les disques et la radio (le solo de Frank Teschmacher en 1928 dans « Indiana » fut son déclic : « I do remember that I sat there and laboriously wrote out Teschemacher's chorus on that recording. It really made an impression »). C’est ce qui le pousse à aborder la clarinette et le sax alto en autodidacte. Il étudie à la Glasgow School of Fine Arts (Ecole des Beaux-Arts, 1954-58). Jim Galloway a joué pour les Scottish All Stars d’Alex Dulgleish et dirigé les Jazz Makers à Glasgow (1961-64) avant de se fixer au Canada (le 4 juillet 1964) : « I still remember the first evening. I went in to this place called the Colonial Tavern and literally stopped dead in my tracks. My first night in North America, and there's a bandstand and on it are Herman Autrey, Vic Dickenson and Buster Bailey. I thought Jesus Christ! This is heaven! ». Il se retrouve pour un temps dans un groupe qui ne joue que le répertoire d’Ellington et Monk. En plus de la clarinette et de l’alto, il adopte le saxophone baryton et dès 1967 le soprano (droit). Il prendra la nationalité canadienne. Etabli à Toronto, il entre directement au sein des Metro Stompers (1966) dont il prend la direction (à partir de 1968). Le 23 septembre 1973, il réalise l’album Three is Company (Sackville 2007) avec le remarquable Dick Wellstood au piano (en solo, de classe !, dans « Sunday Morning ») et le batteur Pete Magadini (ex-John Handy, Denny Zeitlin). Galloway y dévoile un style de soprano évidemment dérivé de celui de Bechet mais sans un vibrato trop marqué (« Blues Alley Bump », le disque fut réalisé en « live » au Blues Alley de Toronto). Le décrire comme un disciple de Bechet est exagéré, mais on n’est pas sans penser à Bob Wilber. Avec une sonorité mince et parfois un peu acide, il pratique avec justesse, un phrasé volubile. A la Town Tavern, il a l’occasion de jouer avec Jimmy Rushing, Ray Bryant. En 1976, il se produit aux festivals de Montreux et Nice, aux côtés des Buddy Tate, Jay McShann, Buck Clayton. Il fait même une tournée en compagnie de Buddy Tate avec des rythmiques locales (Angleterre, Hollande, Allemagne). Buddy Tate et Jim Galloway laisseront un disque ensemble, Saturday Night Function (1981, Sackville 3028). Ses Metro Stompers enregistrent en 1977 pour Sackville (4002) (Ken Dean, cnt, Peter Sagermann, tb). Avec ce groupe, Jim Galloway a adopté le soprano courbe qui désormais colle à son image. A partir de 1978, il anime aussi une grande formation, le Wee Big Band.

Frank Roberscheuten, Scott Robinson, Jim Galloway, Jon-Erik Kellso, Bob Barnard, Dan Barrett, David Sager (2003) © Lisiane Laplace

En 1980, pour le théâtre, il adapte Coming Through Slaughter, une nouvelle de Michael Ondaatje d’après la vie de Buddy Bolden. De 1981 à 1987, il est chaque semaine l’hôte du programme radiophonique Toronto Alive ! (station CKFM : Jim y a invité Ralph Sutton, Al Cohn, Doc Cheatham, Zoot Sims, et fait jouer en duo Lee Konitz avec Sammy Price!). En juin 1981, une première collaboration avec Jay McShann donne l’album Thou Swell (Sackville 4011), une réussite : avec Don Thompson (b), Terry Clarke (dm), le swing est indéniable et le style du leader d’une belle fluidité, jamais pensant, dans une veine mainstream (« Thou Swell », « Sweet Sue »). Galloway retrouvera Jay McShann en quartet (Neil Swainson, b, Archie Alleyne, dm), en novembre 1992, pour l’album encore mieux réussi, Jim and Jay’s Christmas, dans une collection de morceaux de Noël (Sackville 3054, notamment : « Silent Night » et « Christmas in New Orleans » au baryton ; un superbe duo piano-sax ténor dans « I’ll Be Home For Christmas » -nous regrettons que Jim ne se soit pas consacré à ce style sensuel de ténor que l’on retrouve dans « White Christmas » sur tempo très lent et dans « Hootie’s Christmas Baby », très low down à la Ben Webster!). On a l’occasion d’entendre Jim Galloway à la clarinette et au baryton, en plus de l’incontournable soprano, dans Humphrey Lyttelton in Canada (juillet 1983, Sackville 3033). La rythmique très souple (Ed Bickert, g, Neil Swainson, b, Terry Clarke, dm) permet à Galloway de montrer son côté Gerry Mulligan (« Sprauncy », « Rain », « Leisure Palace »). A noter Humph et Jim dans un duo de clarinette très créole (« Carbana Queen »). En 1983-91, Jim Galloway est responsable des programmations du Café des Copains à Toronto. Après avoir joué à Toronto avec Wild Bill Davison et Vic Dickenson, Jim Galloway se produit avec Doc Cheatham et notamment pour le disque, at the Bern Jazz Festival (1983-85, Roy Williams, tb, Sackville 3045). En 1985, avec l’Orchestre National Royal d’Écosse, à Edinburgh, il joue la création de Hot and Suite, une fantaisie pour ensemble de jazz (Warren Vaché, cnt) et orchestre symphonique co-signée avec sa première femme, la bassiste Rosemary Galloway née Sidgwick (elle a joué dans les Metro Stompers et le Wee Big Band). De 1987 à 2009, Jim Galloway est directeur artistique du Toronto Jazz Festival. Avec le pianiste Art Hodes, il laisse Live at Toronto’s Cafe des Copains (1988, Music & Arts 610). Sa collaboration avec Ralph Sutton fut plus suivie. Il y a ce Sackville All Stars (juin 1988) dans un Tribute to Louis Armstrong (Sackville 3042). Ils sont en compagnie de Milt Hinton (b) et Gus Johnson (dm) ; on ne pouvait espérer mieux (sax baryton dans « I Gotta Right to Sing the Blues », « Big Butter & Egg Man »). Dans les ballades, bien que ce soit au soprano, on entend une discrète influence de Johnny Hodges (« Pennies from Heaven »). Plus tard, à Toronto en janvier 1997, Jim et Ralph se retrouveront dans l’exercice en trio (Don Vickery, dm) pour l’album Pocketful of Dreams (Sackville 3062). En 1988, Jim Galloway participe au Edinburgh Jazz Festival où il joue avec Warren Vaché (cnt) et Spanky Davis (tp).
Après Keep the Rhythm Going (1982, CBS NPCC-80068), il enregistre encore, en 1993, avec son Wee Big Band (Kansas City Nights, Sackville 3057). Cette formation de 17 musiciens au répertoire étoffé (plus de 300 titres en 1991) a joué avec Jay McShann à Toronto en 1981, à la Duke Ellington Conférence en 1987 et a lancé le brillant Brian Ogilvie (ts, cl -1954/2004).

Jim Galloway (2001) © Lisiane Laplace

En 1998, Jim Galloway participe à JazzAscona, avec les Swing Cats de Frank Roberscheuten (ts, cl). Il revient à Ascona en 2001 où il participe aux concerts Sax Players (Marc Richard, as, Gustle Mayer, Gianni Basso, Frank Roberscheuten, ts, Red Pellini, bs), Jammin’ at Condon’s (Ed Polcer, cnt, Tom Baker, Dan Barrett, Michael Supnick, tb-cnt, Evan Christopher, cl, Rossano Sportiello, p). Nouvelle soirée Sax Night en 2002 (les mêmes plus Scott Robinson, ts-cnt) outre l’Internation Jazz Show de Lino Patruno (Andy Stein, vln, Charly Höllering, cl). Chose rare, il est programmé une troisième fois de suite, en 2003, encore pour la Sax Night (cette fois Nicolas Montier, ts) mais aussi avec ses Friends qui ne sont rien moins que Jon-Erik Kellso (tp), Bob Barnard (cnt), Dan Barrett (tb), Scott Robinson (ts, C mel sax), Ed Metz (dm) ! Son dernier disque date de cette époque, avec Echoes of Swing ; il y tient le baryton (2003). En mai 2012, Jim Galloway apparait à la Norwich Jazz Party avec Rossano Sportiello (p) et ces dames Karen Sharp (ts) et Nicki Parrott (b). A cette occasion, il joue aussi avec Alain Bouché (cnt) et Bucky Pizzarelli (g). En 2013, Jim Galloway épouse Anne Page au Jazzland Club de Vienne.

Avec les années Jim Galloway avait développé un style certes marqué par la tradition, mais assez polyvalent pour cohabiter avec des tendances variées. En 2002, il a été fait Chevalier des Arts et Lettres. Jim Galloway est le sujet d’une émission TV d’une demi-heure pour CBC. De son côté, il a animé les séries radiophoniques « Travelin’ Light » sur l’histoire du jazz (CBC Radio). Il a aussi prouvé l’étendue de ses goûts dans deux émissions en 13 parties, « Journeys in Jazz » sur Jazz-FM.

Jim Galloway est décédé à 78 ans, chez lui, après des mois de maladie et un placement en soins palliatifs, à Toronto, ville qui lui doit beaucoup question jazz : « He was a caring and honest musician whose sense of fun and humour were always present, and whose love of puns in speech seemed to translate into a love of quotes in his solos » (Warren Vaché). La cérémonie funèbre s’est tenue dans l’intimité le 6 janvier 2015.

Michel Laplace
Photos : David Sinclair et Lisiane Laplace


Source :
New Grove Dictionary of Jazz, vol2, Mark Miller, p7-8 (2002, MacMillan Publishers)



Vidéos :
Lino Patruno & His All Stars, Tom Baker (cnt), Michael Supnick (tb), Luca Velotti (ts), Rossano Sportiello (p), Ascona 2003
Jim Galloway & Karen Sharp, 2012