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Jacques Bisceglia

1 mars 2013
21 octobre 1940, Paris - 1er Mars 2013, Paris
© Jazz Hot n°663, printemps 2013





Notre ami Jacques Bisceglia, grand photographe de jazz depuis 1964, et qui apportait son talent depuis plusieurs années à notre revue, nous a quittés le 1er mars 2013. Il luttait depuis plusieurs années contre une terrible maladie à laquelle il a résisté avec un courage admirable, continuant à participer à Jazz Hot, entre autres nombreux projets, avec un sens de la perfection et du détail sans faille, malgré la maladie, car chaque geste, même le plus simple sur un ordinateur, nécessitait des efforts et des souffrances qu’il affrontait avec un regard pétillant parce que nous parlions de jazz.

Jacques était devenu avec le temps un ami, et nous avions entamé notre collaboration à la suite de longues discussions devant son kiosque du quai des Tournelles, échangeant tout ce qui fait la petite vie du jazz avec un plaisir partagé, et même quelques conseils techniques quand il s’est agi d’archiver et de documenter son fonds photographique sans pareil.


Jacques Bisceglia est un monument de la mémoire photographique du jazz : plus de 250000 photos en archives, dont 100000 en couleurs, relatent le jazz pour nous et le monde depuis ses débuts en 1964. Ses photos ont enrichi depuis 1968 des centaines de magazines, en France et dans le monde : Jazz Hot, Jazz Magazine, Jazzman, Jazz Classique, Impro Jazz, le Bulletin du Hot Club de France, Down Beat, The Village Voice, Melody Maker, The Wire, Jazz Forum, Swing Journal, etc., et en dehors du jazz : Libération, L’Express, Le Nouvel Observateur, Télérama, Actuel pour les deux premières séries, et la liste se prolonge ainsi sans fin, car il était ce qu’on peut appeler un grand professionnel de l’image, du jazz en particulier dont ses images racontent l’histoire depuis 50 ans.


Son activité, polymorphe, lui a permis d’illustrer des centaines de pochettes de disques en France et dans le monde, du Japon jusqu’aux Etats-Unis, en Italie, au Royaume-Uni :Byg, America, Le Chant du monde, EmArcy, Free Bird, Impro, Marge, Frémeaux, Paris Jazz Corner, RCA, Sony, la liste est là encore fort longue, et il a aussi rédigé des textes de pochette.
Il a également participé à l’illustration d’une soixantaine de livres dans le monde, et ses images ont servi pour les programmes de festivals, de concerts, de clubs, pour des films.

En action avec Slim Gaillard
A côté de son talent de photographe, il a écrit sur le jazz, dirigé des séances d’enregistrements, produit des concerts (1970, Alan Silva), des émissions à Radio France (année 1980). Il a été le directeur artistique du club Jazzland, rue Saint-Séverin (1965-66) où se sont produits à l’époque Dexter Gordon, Ornette Coleman, Johnny Griffin, Cecil Taylor, Sonny Rollins… Il est aussi intervenu comme conférencier, chargé de cours, très souvent, et a même été l’impresario de 1985 à 1991 de Slim Gaillard.

Il a collaboré à de nombreuses revues de bandes dessinées, a dirigé des collections (Editions Corps 9), et il était membre de l’Académie du jazz, du collège de ‘Pataphysique.
Enfin, il a réalisé de nombreuses expositions de son travail photographique, l’une des ses activités les plus importantes, en France en de nombreuses occasions, à Osaka au Japon, à New York, à l’occasion du Vision Festival.


Voici un tout petit résumé de l’incroyable activité de Jacques Bisceglia qui a littéralement bu la vie, comme il le désirait, avec une capacité de travail extraordinaire et toujours chevillé au corps l’amour du jazz, de la bande dessinée, celui des marges aussi, car il aimait les artistes qui le lui rendaient bien. D’une certaine manière, il s’est choisi une vie d’artiste, libre, au milieu des artistes, de jazz en particulier dont il aimait la liberté, au milieu des livres, au milieu de ceux qui fabriquent la mémoire. Jacques est une sorte de personnification de l’utopie des années soixante, vivant ses passions et grâce à elles.

Ces longues listes, loin d’être exhaustives, ont le mérite aussi de montrer qu’il n’a fermé aucune porte. Il est bien sûr le photographe par excellence de l’avant-garde, du free jazz, mais il aimait tout le jazz, tous les musiciens, et ses photos sont là pour en témoigner.
Il est en effet une liste impossible à faire ici, c’est celle des musiciens que Jacques a immortalisés, plusieurs milliers, connus, moins connus ou inconnus parfois, car Jacques avait aussi cette qualité de ne pas courir après les seules stars : il témoignait de cette qualité du jazz d’être une musique de la vie, populaire, et donc chaque artiste était pour lui important. Les artistes lui rendaient parfois cette générosité. William Parker, merci à lui, lui a consacré un chapitre dans son ouvrage, Conversations 2011 (Editions Rogueart), dans cette même collection où Jacques a publié, avec Steve Dalachinsky (poèmes, textes), un magnifique ouvrage Reaching Into the Unknown, 1964-2009, réunissant une sélection extraordinaire de photos alternant avec les poésies de Steve Dalachinsky. Jacques me l’a dédicacé en mars 2012, et je suis encore très touché de sa volonté pour me donner ces quelques mots qui lui coûtaient tant d’efforts, ce qu’il fit avec le sourire et avec bien entendu un échange de photos pour graver ce moment.

Une belle vie, un grand photographe de jazz, une bibliothèque du jazz, un personnage hors norme, un gars toujours simple et abordable malgré son statut de légende dans la légende du jazz. Merci et salut à toi, Jacques !

Yves Sportis

Les photos jointes à ce texte m’ont été confiées par Jacques lui-même lors de notre dernière rencontre, sa sélection, en prévision d’un article qui reste à faire sur ce grand photographe.
Photo 1. Avec Sonny Simmons
Photos 2. Avec Anthony Braxton
Photos 3 en action avec Slim Gaillard
Photo 4 Avec Benny Golson
Photo 5 Avec Fred Anderson, Patricia Nicholson, William Parker et Nana Oyamada