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Evan Christopher

15 jan. 2013
Clarinet Road Vol III – In Sidney’s Footsteps
© Jazz Hot n°662, hiver 2012-13
Nouveauté-Indispensable
I Got A Right To Sing The Blues, Cinq Minutes [Boogie], What Is This Thing Called Love, The Broken Windmill, Petite Fleur, Old Fashioned Love, En Ti Punch, This Is That Tomorrow I Dreaded Yesterday, Blues In The Air, Manoir de mes rêves, When I Grow Too Old To Dream
Evan Christopher (cl, voc), David Blenkhorn (g), Julien Brunetaud (p, voc), Sébastien Girardot (b), Guillaume Nouaux (dm)
Enregistré les 27 et 28 mars 2006, Paris
Durée 1h 02' 07''
STR Digital Records STR-1020 (www.strdigital.com)

Evan Christopher fait partie des découvertes musicales importantes des années 1990 parmi les musiciens de jazz. Malgré des instrumentistes de talent, la clarinette a quelque peu été éclipsée par les saxophones, soprano, alto et ténor depuis les années 1940. Ce clarinettiste a remis l’instrument à l’honneur avec un véritable talent, comme l’ont découvert au grand public Michel Laplace et Yves Sportis dans leurs chroniques d’Introduction - Live at the Meridien (Jazz Tradition Project 0601/1, Jazz Hot N° 639), de Delta Bound (Arbors 19325, Jazz Hot N° 645) et de Django à la Créole (Lejazzetal/Frémaux & Associés 505, Jazz Hot N° 646).
Cet album, In Sidney’s Footsteps, s’inscrit dans la continuité d’une exploration de l’imaginaire de l’histoire du jazz en France et à Paris entreprise par lui pendant ses séjours ; il a d’ailleurs été enregistré en France à la même période que Django à la Créole, Evan n’ignorant pas que Sidney était la seconde gloire du jazz dans notre pays. Pour cette séance, qui est relativement ancienne (six ans), il s’était entouré de musiciens français maîtrisant parfaitement le langage musical de La Nouvelle-Orléans. C’est d’ailleurs avec ces mêmes musiciens qu’il se produisit pendant une semaine, en décembre 2006 au Bilboquet, avant que ce club emblématique de la rue Saint-Benoît (il se nomma autrefois Le Club Saint-Germain) ne fermât.
Le programme emprunte un répertoire s’étalant sur deux décennies (1932-1953), pendant laquelle Bechet revint au premier plan – après une première dans les années 1920 mal terminée à Paris (arrestation pour rixe et interdiction de séjour) - avec une seconde heure de gloire française exceptionnelle au début des années 1950. Il y adjoint une pièce de Django Reinhardt de la période de guerre et une composition personnelle, « Cinq minutes » très récente, s’inscrivant dans l’esprit de certaines shuffle de l’illustre clarinettiste.

Dans ces enregistrements, Evan Christopher fait montre d’un exceptionnel bagage technique sur l’instrument. Mais il démontre surtout une extraordinaire musicalité, cette capacité à faire vivre une pièce musicale de l’intérieur. La clarinette est son véritable moyen d’expression. La qualité du son, le traitement du timbre, sont au service d’une interprétation globale : une recomposition de l’œuvre. Il est assisté dans cette entreprise par quatre musiciens exceptionnels qui, comme lui, ne se sont pas contentés de jouer de la musique La Nouvelle-Orléans mais d’en écrire une page nouvelle avec le bagage qu’ils ont acquis de leur longue fréquentation de cette école mais également des autres qui en sont issues. Le résultat est remarquable. David Blenkhorn est toujours à l’écoute de ce qui se passe autour de lui et y répond avec intelligence ; il induit et provoque également certaines orientations qui enrichissent le contenu des pièces jouées. Sébastien Girardot se tient à sa place mais avec une présence qui le rend indispensable à la création générale. Il joue de la contrebasse avec une grande pertinence de ton pour la musique qu’il sert. Julien Brunetaud surprend à chaque album. Il est là avec toutes les ressources, indispensables mais aussi et surtout les plus fines, pour habiller, pour enluminer dans le détail le discours de ses collègues. Ce qu’il fait sur ces enregistrements est parfait. Quant à Guillaume Nouaux, il est époustouflant d’aisance et de justesse dans sa manière, non seulement d’accompagner, mais de suggérer intelligemment.
Sans enfiler les pantoufles de Bechet, Evan Christopher donne avec In Sidney’s Footsteps un album indispensable. C’est un enregistrement rare. Il donne à l’œuvre de Sidney Bechet un éclairage nouveau, il met en lumière l’exceptionnelle créativité de ce musicien qu’il reste à découvrir et qu’Ellington considérait comme l’égal de Louis Armstrong dans l’histoire du jazz.
Félix W. Sportis