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Sir Charles Thompson

16 juin 2016
21 mars 1918, Springfield, OH - 16 juin 2016, Tokyo, Japon
© Jazz Hot n°676, été 2016

Portrait of a Piano, Sackville, 1984




Le pianiste, organiste et compositeur Charles Phillip Thompson nous a quittés à l'âge de 98 ans dans un hôpital près de Tokyo, des suites d'un cancer du colon.

La réédition de 2002 de ses faces de 1945-48, titrée When Swing Meets Bop (Ocium 0009) résume souvent sa place dans l'histoire du jazz, mais il est avant tout un grand mainstreamer. Il est le fils de Jesse, pasteur de l'église méthodiste, et de Laura, décédée alors qu'il n'a que 5 ans. Sa belle-mère, Annie, était pianiste. C'est elle qui lui enseigne la musique. Charles débute par le violon dont il joue dans l'orchestre symphonique de Colorado Springs où la famille s'est établie. Mais les possibilités de carrière dans les milieux classiques pour sa communauté sont limitées. Charles joue brièvement du saxophone puis il opte pour le piano. C'est lorsque sa famille vit à Parsons (Kansas), qu'il découvre le jazz.

A 17 ans, il est membre des Warren Webb's Spiders. Il fait ses études à Kansas City. Après un séjour dans les Civilian Conservation Corps (pour musiciens sans emploi), il débute vraiment sa carrière dans les orchestres de Lloyd Hunter (1937), puis Nat Towles (1937-39) basé à Omaha (Nebraska). C'est à cette époque qu'il commence à écrire des arrangements. Horace Henderson, qui a repris l'orchestre de Nat Towles, enregistre le remarquablement swing «Smooth Sailing» de Charles Thompson (New York, 23 octobre 1940, Okeh 5900, Classics 648, avec Emmett Berry, tp, Howard Johnson, as, Lee Pope, ts).

De passage à Omaha, Floyd Ray engage Charles Thompson qui arrive ainsi à Los Angeles (vers 1939). Il est vite recruté par Lionel Hampton (1940) avec qui il enregistre (19 décembre 1940 au 26 septembre 1941). Puis, il joue pour le sax ténor George Clarke à Buffalo, avant de se rendre à New York pour se produire avec les Harlem Dictators. Il travaille avec les frères Lester et Lee Young au Cafe Society (automne 1942 à janvier 1943). C'est Lester qui le surnomme «Sir Charles». Il écrit des arrangements pour Count Basie («My, What a Fry», 1942), Jimmy Dorsey, Lionel Hampton et Fletcher Henderson.


Sir Charles Thompson (p), Jimmy Butts (b), Dexter Gordon (ts), Buck Clayton (tp), J. C. Heard (dm), Danny Barker (g), Charlie Parker (as), 4 septembre 1945 © X, DR, Coll. Michel Laplace

En tant que pianiste, il joue pour Lucky Millinder (19 décembre 1944 au 26 décembre 1944) qui l'a amené à Hollywood. Fin 1944, à Los Angeles, il est engagé dans  le quintet Coleman Hawkins avec Howard McGhee (tp) ce qui lui permet de participer à la bande sonore du film The Crimson Canary (1945, Universal). Le groupe est complété par Oscar Pettiford (b) et Denzil Best (dm). La même formation laisse un vigoureux «Mop Mop» (AFRS Jubilee Show, LP Jazz Society AA504). C'est avec Coleman Hawkins-Howard McGhee, Allen Reuss (g) en plus, qu'il enregistre aussi «Stuffy» où la partie de piano est caractéristique de son style concis et efficace (23 février 1945).

Vogue, 1945-47

En juillet et août 1945, à Los Angeles, il commence à enregistrer pour Illinois Jacquet («Flying Home», Philo 101, Properbox 49). De retour à New York, il fréquente le 52e Rue et les pionniers du bebop. Ainsi c'est Bud Powell ou lui qui joue dans le sextet de Charlie Parker avec Dexter Gordon (ts), Miles Davis (tp), Curley Russell (b), Stan Levey ou Max Roach (dm). D'où aussi cette première séance sous le nom de Sir Charles Thompson and his All Stars, pour le label Apollo du 4 septembre 1945 où il réunit autour de lui pour ses compositions et arrangements, Buck Clayton (tp), Charlie Parker (as), Dexter Gordon (ts), Danny Barker (g) Jimmy Butts (b) et J.C. Heard (dm) (Young Bird, Masters of Jazz 113 : «The Street Beat»).

Delmark, 1945-47

A New York donc, en avril-mai 1947, il retourne en studio, pour Illinois Jacquet et les labels Aladdin puis Apollo. Cela donne notamment «Robbin's Nest» (Apollo 769), composition de Sir Charles Thompson dédiée à Fred Robbins, qui devint un grand succès qu'Illinois garda toujours à son répertoire. L'orchestre comprend Joe Newman (tp), Leo Parker (bs) et Shadow Wilson (dm) que Sir Charles utilise pour les séances sous son nom de l'été 1947 à 1948 pour Apollo.

Au cours de cette période, Sir Charles Thompson prête son concours à des disques de Lucky Millinder (février 1946), Ella Fitzgerald (décembre 1947), Leo Parker (mars 1948), Russell Jacquet (mai et décembre 1948), Sonny Stitt (juin 1948), Illinois Jacquet à nouveau (1952), Wynonie Harris (1953). C'est à partir de 1953, qu'il double à l'orgue. Il retrouve Charlie Parker, cette fois à Boston (1953).

Vanguard, 1954Jazz Basie Style, Joe Newman et Sir Charles Thompson, Vanguard, 1954


Par chance, le label Vanguard s'intéresse au mainstream jazz et permet donc à Sir Charles Thompson, qui en est un artisan éminent et sur les conseils de John Hammond, d'enregistrer sous son nom, en sextet (30 décembre 1953, avec Joe Newman, tp, Pete Brown, as, Osie Johnson, dm, Vanguard 8003), quartet (22 janvier 1954, avec Freddie Green, g, Walter Page, b, Jo Jones, dm, Vanguard 8006), octet (16 août 1954, avec Emmett Berry, tp, Benny Morton, tb, Coleman Hawkins, ts, Vanguard 8009), trio (16 février 1955, Skeeter Best, g, Aaron Bell, b, Vanguard 8018 : «Sonny Howard's Blues», «Love for Sale»).


Vanguard, 1955Vanguard, 1953Vanguard, 1954Vanguard, 1954








Columbia confie aussi des jam sessions (très arrangées!) à Buck Clayton qui convie Sir Charles à celles du 14 décembre 1953 (Joe Newman, tp, Urbie Green, Benny Powell, tb, Julian Dash, ts, Jo Jones, dm, Columbia EP B439), 16 décembre 1953 (Henderson Chambers à la place de Benny Powell, LP CBS 52078: belle version de «Robbin's Nest» de 17’ 39”!).

Sir Charles Thompson est aussi convié aux albums de Vic Dickenson du 29 décembre 1953 pour Vanguard, en compagnie de Ruby Braff (tp) et Edmond Hall (cl), puis à celui d'Urbie Green du 17 août 1954 avec Ruby Braff (tp) et Frank Wess (ts, fl). Après une séance de l'excellent Paul Quinichette chez EmArcy, Sir Charles récidive pour Vic Dickenson (1954, avec Ruby Braff, Shad Collins, tp, Edmond Hall, cl, Jo Jones, dm) et Buck Clayton (1955).

En novembre 1955, Sir Charles fait l'affaire avec les musiciens de Count Basie sous le nom de Joe Newman («The Midgets»). Il prête ensuite son talent à Earl Bostic et à Jimmy Rushing (1959).

En 1960, il retrouve les studios sous son nom en combo (Percy France, ts) et pour Ike Quebec (à l'orgue: beau «If I Could Be With You», Blue Note). Il enregistre aussi pour Booty Wood (1960), Paul Gonsalves (1961).

Swingin’ and Dancing to Paradise, Vogue/POP 1961Organ Slow, Vogue/POP, 1961Playing My Way, Jazz Connoisseur, 1961



En 1961, c'est à l'orgue qu'il enregistre sous son nom pour Columbia avec divers guitaristes dont Tiny Grimes, Joe Puma, Skeeter Best. Puis, Buck Clayton monte un superbe «all stars» avec Emmett Berry (tp), Dicky Wells (tb), Buddy Tate (ts), Gene Ramey (b) et Oliver Jackson (dm) qui enregistre le 10 avril 1961 avant de débuter à Milan trois jours après une glorieuse tournée en Europe (film réalisé en Belgique qui donne à voir le meilleur de Sir Charles).

A partir de 1962, Sir Charles enregistre pour Illinois Jacquet (1962, avec Roy Eldridge, tp), Dodo Greene et Ike Quebec (1962), Dexter Gordon (1962, avec Tommy Turrentine, tp), Bobby Hackett (1963), le Newport Jazz Festival All Star (1964, avec Buck Clayton et Ben Webster). Sir Charles revient en Europe en 1964 avec Coleman Hawkins et Harry Edison (TV anglaise: Jazz 625) puis avec Jazz From a Swinging Era (1967, avec Buck Clayton et Roy Eldridge, Vic Dickenson, Bud Freeman et Budd Johnson).

En avril 1967, il en profite pour enregistrer avec Don Byas, à Baden, et le mois suivant avec Stuff Smith en Belgique.

Hey There!, Black & Blue, 1974

De 1974 à 1979, plusieurs séances sont organisées en France pour le Label Black & Blue (Hey There!, Sweet and Lovely, Just Friends…)

En 1976, à Barcelone, il accompagne Carrie Smith en compagnie de Doc Cheatham. L'année suivante, des séances ont lieu à Paris, pour Al Grey, ou sous son nom en duo avec Sam Woodyard.

Il participe à la Grande Parade de Nice avec Erskine Hawkins (1979), Ruby Braff (1980).

On ne le retrouve en disque qu'en 1984 à Toronto (album en solo, Portrait of a Piano). Il apparaît dans un programme à trois pianos avec Dick Hyman et Roger Kellaway lors du JVC Jazz Festival (New York, 1990).

A partir de 1992, il est surtout actif au Japon où il se fixe définitivement en 2002 (il épousera une Japonaise, Makiko). Il enregistre deux disques pour le label japonais Paddle-Wheel en 1993 (Robbin's nest, Stardust).

Sir Charles Thompson with Yoshio Toyama, JAZZology, 1997


En 1997, il enregistre avec l'armstrongien Yoshio Toyama pour King Records.

Robbins' nest : Live at the Jazz Showcase, Delmark, 2000

Ses dernières séances d’enregistrement ont toutefois lieu à Chicago, en août 2000 (Robbins' nest : Live at the Jazz Showcase) et mai 2001 (I Got Rhythm), pour Delmark.


En bref, Sir Charles Thompson est un acteur essentiel du retour au jazz mainstream: s'il est compatible avec l'approche des boppers, Sir Charles Thompson, issu des formations swing, avec les Roy Eldridge, Harry Edison, Coleman Hawkins et de nombreux autres de cette valeur, va définir et illustrer le «jazz mainstream» tel que définit par Stanley Dance et négligé par ses confrères critiques affectés par l'idéologie «progressiste». A l'inverse, Hugues Panassié n'est pas passé à côté de ce talent: «A été influencé par Art Tatum mais s'exprime dans un style beaucoup plus simple et parfois avec une concision qui rappelle Count Basie. Est un accompagnateur remarquable et excelle dans le blues lent» (Dictionnaire du Jazz, p.317, 1971, Albin Michel).

Sa fille Tina Hoffman, née en 1958, chanteuse, lui a donné six petits-enfants.

Michel Laplace


Sir Charles Thompson et Jazz Hot: n°43-1950, n°174-1962


SELECTION DISCOGRAPHIQUE


«Benson Alley», Jazz SelectionLeader
LP 1945-47. Sir Charles All Stars featuring Charlie Parker, Vogue 038
78t 1947
. Sir Charles Thompson and his orchestra : "Benson Alley”/”Mr Big Horn”, Jazz Selection 567
LP 1953
. Sir Charles Thompson Sextet, Vanguard 8003
LP 1953-54
. Sir Charles Thompson Sextet and Band, Vanguard 8529
LP 1954
. Sir Charles Thompson Quartet, Vanguard 8006
LP 1954
. Sir Charles Thompson and his Band starring Coleman Hawkins, Vanguard 8009
LP 1959
. Sir Charles Thompson and the Swing Organ, Columbia 1364
LP 1960
. Sir Charles Thompson Quintet, Columbia 1364
LP 1961
. Rockin' Rhythm with Sir Charles Thompson at the organ, Columbia 1663
LP 1961
. Organ Slow, Mode 9678
LP 1970
. Master Jazz Piano vol.2, Master Jazz Recordings 8108
LP 1974
. Hey, There!, Black & Blue 33071
LP 1984
. Portrait of a Piano, Sackville 3027


«Stuffy», Coleman Hawkins, CapitolSideman
CD 1944-51
. The Illinois Jacquet Story, 4CDs Properbox 49
78t 1945
. Coleman Hawkins Orchestra: "Stuffy”/”It's the Talk of the Town”, Capitol 205
LP 1953
. Charlie Parker at Storyville, Blue Note 85108
CD 1953
. The Complete CBS Buck Clayton Jam Sessions, Mosaic MD6-144
CD 1953-54
. Vic Dickenson Showcase, Vanguard 200E 6851/2
LP 1954
. Urbie Green and his Band, Vanguard 8010
LP 1954
. Paul Quinichette, Moods, EmArcy MG36003
LP 1955
. Buck Clayton, Cat meets Chick, Columbia 778
CD 1955
. Frankie Laine & Buck Clayton, Jazz Spectacular, Columbia 65507
LP 1955
. Joe Newman, The Count's Men, Jazztone 1220
CD 1960
. Ike Quebec, ballads, Blue Note 7243 8 56690 2
LP 1961
. Paul Gonsalves-Harold Ashby, Tenor Stuff, Metronome 15073
CD 1961
. Buck Clayton All Stars, Basel 1961, TCB 02072
CD 1961
. Buck Clayton all-stars, 1961, Storyville 8231
LP 1961
. Buck Clayton, Swingin' and Dancing to Paradise, Pop 19003-30
CD 1962
. Dodo Greene & Ike Quebec Quintet, My Hour of Need, Blue Note 7243 8 52442 2 3
CD 1967
. Jazz From a Swingng Era, LonehillJazz 10245
CD 1967
. Don Byas Quartet feat. Sir Charles Thompson, Storyville 8308


VIDEOS
Coleman Hawkins Sextet, 1945 : Stuffy
https://www.youtube.com/watch?v=hKmQ9GmbCRY


extrait du film The Crimson Canary (1945)
https://www.youtube.com/watch?v=UQh-tqrhn28


Buck Clayton All Stars, Belgique, 1961
https://www.youtube.com/watch?v=3pGX6Eo6PMQ


Coleman Hawkins (ts), Harry Edison (tp), Sir Charles Thompson (p), Jimmy Woode (b), Jo Jones (dm), 1964
https://www.youtube.com/watch?v=53odPG5iapM


en trio, Tokyo, décembre 2011 : Robbins' Nest
https://www.youtube.com/watch?v=g4Jb2zMHJtc

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