Joe (Joseph Paul) Muranyi
est né à Martins Ferry (Ohio) le 14 janvier 1928. Ses parents sont
hongrois et avaient l’habitude de jouer des airs de leur pays. Joe
débute la musique dans un orchestre de balalaïkas. Il pratique aussi le
ukulélé, le sax alto et il commence la clarinette pendant ses années de
lycée. Dès cette époque, il découvre les disques de Louis Armstrong,
Bessie Smith et Bix. Il joue de la clarinette dans le Marching Band
scolaire (Brooklyn Tech) puis dans une harmonie militaire de l’Air Force
(1946-49). En parallèle, en 1947, il a fait le boeuf avec Bunk Johnson,
avec Sidney Bechet aussi. Ce dernier lui aurait proposé quelques
leçons...offre qu’il a décliné! C'est aussi à cette époque qu'il jammait
avec le cornettiste Jack Fine, dit Wildcat. Collectionneur de disques
de jazz, il trouve à la boutique Commodore de Milt Gabler, un exemplaire
de la Hot Discography de Charles Delaunay qu’il mémorise !! Et il se
fait chasseur de disques à Harlem et Washington. Il s’inscrit à la
Manhattan School of Music où il étudie la clarinette classique auprès de
Simeon Bellison, membre du New York Philharmonic. Malgré son amour du
jazz, il envisageait une carrière symphonique. Il est ensuite diplômé de
la Columbia University. Au cours de sa vie musicale, il a aussi étudié
auprès de Joe Napoleon, Carmine Caruso, John Purcell, Sanford Gold, Joe
Allard, Lennie Tristano et Bill Russo. Il aimait jouer Bach et les
études de Carl Baermann. Mais la pratique jazz s’impose à lui. Dès la
fin de ses études, il commence à enregistrer avec le Red Onion Jazz Band
pour Riverside (1952) et Empirical. Danny Barker l'invite en 1958 à
participer à son LP sur label Period (1205). Joe Muranyi se trouve là en
compagnie de Don Frye, Wellman Braud et Walter Johnson! Au cours des
années 1950, il a joué avec Herman Autrey, George Lewis, Omer Simeon,
Wild Bill Davison, Sidney et Wilbur de Paris, Johnny Windhurst, Ruby
Braff, Lee Blair, Al Casey, Cecil Scott, Zutty Singleton, Donald
Lambert, Red Allen, Pops Foster, Eddie Condon,…autant ouvrir un
dictionnaire du jazz ! Il dirige les Gutbucket Six dont le batteur est
George Wettling. Au cours des années 1950, il est aussi producteur pour
RCA Victor, Atlantic, Bethlehem, il écrit des notes de pochettes pour
Decca, GNP, Riverside et d’autres labels. Après une tournée avec Bobby
Hackett et Vic Dickenson, il forme en 1963 les Village Stompers. Jerry
Blumberg (tp) et Marty Grosz (g) ont joué dans cet orchestre. Avec eux,
il se produit au Japon. Jerry Blumberg, élève de Bunk Johnson, participe
au disque Paradox 1 (« Shine », « Blue Tail Fly ») de Joe. Dans l'album
Village Stompers on Broadway (1964, Epic BN 2129), Joe Muranyi joue du
saxo alto dans « Hello Dolly », instrument qu'il n'aime guère. De 1967 à
1971, Joe Muranyi est et restera pour l'histoire du jazz, le dernier
clarinettiste du All Stars de Louis Armstrong. C’est pour lui le point
fort de sa carrière. A l'époque du All Stars de Louis Armstrong sa
spécialité était la même que celle de Kenny Davern de son côté, « Pee
Wee’s Blues » du marginal Pee Wee Russell (Antibes, 27 juillet 1967).
Joe joue aussi en cette période au Ryan's de New York avec les
trompettistes Louis Metcalf, Max Kaminsky, Jimmy McPartland et surtout
Roy Eldridge (pendant 12 ans). Il s'exprime parfois au saxo soprano.
En
1970, il enregistre des duos avec le clarinettiste Herbie Hall (Fat Cat
Jazz 118). En 1975, il joue au sein du World’s Greatest Jazz Band. En
1977, il enregistre avec Cozy Cole et Lionel Hampton. En 1984, on le
retrouve à la clarinette et au soprano au sein du Classic Jazz Quartet
de Marty Grosz avec Dick Sudhalter (cnt) et Dick Wellstood (p)
(Jazzology LP 139). Bob Erdos, propriétaire du label Stomp Off, le
sollicite au sein des Keepers of the Flame de Marty Grosz (en 1989) pour
ce qui sera le dernier disque de Dick Wellstood (Stomp Off 1158). En
compagnie du banjoïste Eddy Davis, Joe Muranyi participe au premier
disque en leader du cornettiste Peter Ecklund (Stomp Off 1175). En 1992,
il est membre du Jimmy Ryan’s All Stars qui emploient souvent Spanky
Davis (tp) et Eddie Locke (dm), des protégés de Roy Eldridge. En 1995,
il est membre du Louisiana Repertory Jazz Orchestra de Fred Starr (cl, C
mel sax) aux côtés de Willie Singleton (tp), Lew Green (cnt) et Carol
Leigh (voc). Il enregistre deux albums avec eux (Naxos). Il a aussi
l’occasion de jouer avec Doc Cheatham, Vince Giordano, Loren Schoenberg,
Barrett Deems et à l’étranger avec Keith Smith (tp), Roy Williams (tb)
et Barrelhouse Jazz Band. Il est bien sûr très populaire en Hongrie. Il
s’investit beaucoup pour préserver la mémoire de Louis Armstrong. Le 13
août 1997, Joe s’est produit aux Arènes de Marciac avec les Swedish Jazz
Kings (Bent Persson, cnt) augmentés de Bob Barnard (cnt) où il chante
sa composition « I Dig Satch ». En août 2000, son concert en Norvège
avec les Armstrong Alumni Allstars de Lars Edegran (p) est enregistré
(GHB 440). Il y est bien entouré par Tom Baker (tp), Fred Lonzo (tb),
Franz Jackson (ts), Arvell Shaw (b), Bucky Pizzarelli (g) et Ernst Ellie
(dm). C'est au début du XXIème siècle, à New Orleans, en avril 2001 que
Joe Muranyi réalisera le meilleur disque sous son nom (Jazzology JCD
366) en compagnie d'une très bonne équipe menée par Duke Heitger (tp) et
comprenant Tom Baker (tb, ts, cl), Ernest Ellie (notamment The
Dippermouth Suite de Joe Muranyi dédiée à...Louis Armstrong). Joe
participe à un nombre conséquent d’hommage à Louis Armstrong et en 2009,
il dirige un All Stars (Herbert Christ, tp) lors du Louis Armstrong
Jazz Festival. Joe Muranyi a été influencé par Rod Cless, Omer Simeon,
Artie Shaw et Pee Wee Russell (exemple : « Blues for ipper » de sa
Dippermouth Suite). Décédé le 20 avril 2012, homme très sympathique, Joe
Muranyi fut un musicien cultivé et respectable.
Michel Laplace
Photo © Lisiane Laplace