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Exposition Vogue

28 nov. 2011
BNF, du 18 septembre au 13 novembre
Exposition Vogue Du 18 septembre au 13 novembre, à la BNF, une exposition était consacrée à la maison de disques Vogue. Cette large fresque murale (agrémentée de bornes d’écoutes et d’une borne audiovisuelle) a retracé l’histoire de la maison de disques fondée en 1947 par Léon Cabat, Charles Delaunay et Albert Ferreri et qui fut initialement consacrée au jazz (Sidney Bechet, Dizzy Gillespie…). Le logo lui-même fut dessiné par l’artiste et mère du fondateur de Jazz Hot, Sonia Delaunay. Pourtant, Vogue devait se diversifier (et Delaunay devait s’en retirer au début des années cinquante) au point d’inclure dans son catalogue Johnny Hallyday, Jacques Dutronc, Petula Clark, Martin Circus, de l’ethnomusicologie, des pièces de théâtres, du rap… L’exposition souligne la prise en charge de tous les aspects du disque (enregistrement, fabrication, distribution) par le label. Mais ce « cocorico » un peu vain eut égard à la pérennité des maisons de disques indépendantes américaines (par rapport à Vogue qui ne parvint pas à s’adapter au format du compact disc) ne pose guère de question sur le contenu artistique, préférant insister sur la réussite commerciale. En particulier, le fondement jazz de Vogue n’a pas reçu le sens esthétique, historique et culturel qui aurait dû être le sens de cette exposition – laquelle retrace finalement (mais involontairement) ce que le jazz a été en France : une vogue (sans jeu de mot), un hobby pour certains hommes d’affaires plus pressés de faire de l’argent avec les paillettes du show-biz que de se servir de leur pouvoir pour promouvoir véritablement le jazz, dont ils n’ont guère fait profiter le grand public. Comme si le jazz était une sorte de mauvais objet que l’on pouvait évacuer une fois qu’il avait servi sa fonction. Il était à cet égard logique que les yé-yé remplacent le jazz. De fait, la variété a remplacé le jazz, ce qui est peut-être d’autant plus dramatique que la France avait disposé très tôt d’outils d’appréciation et d’analyse – grâce à la plus vieille revue de jazz au monde, Jazz Hot, grâce à Charles Delaunay, à Boris Vian et beaucoup d’autres – qui avaient diffusé le jazz avec bonheur et clairvoyance. Cette exposition aveugle au sens de l’histoire ne fait que confirmer ce qui s’est perdu.
Heureusement, au moment où sortent les œuvres de Boris Vian dans la collection de la Pléiade (superbe travail de l’universitaire Marc Lapprand, du libraire François Roulmann et de notre collaboratrice Christelle Gonzalo), la BNF propose également une exposition consacrée à notre glorieux confrère Boris Vian (18 octobre 2011-15 janvier 2012) qui est d’une autre trempe. La conception scientifique ayant été confiée à la fine connaisseuse de Vian qu’est Nicole Bertolt (qui dirige la Fondation Boris Vian), le résultat a été à la hauteur. Manuscrits, peintures, photographies, vidéos, documents d’époque : la variété des documents est parfaitement mise en cohérence. Tous les aspects de Boris Vian sont abordés, le Vian journaliste, critique, trompettiste, producteur, traducteur, écrivain… De toute manière, l’interpénétration chez lui du jazz et de la littérature rendait cette approche nécessaire. L’exposition permet vraiment de plonger dans une époque particulière où le jazz a pu être vécu avec engagement, où le jazz fut à la fois la matière et la philosophie d’un écrivain totalement original. Ecrivain-musicien, il a su toucher notre inconscient collectif, le répertoire de ses chansons, repris par Reggiani ou Higelin, faisant désormais partie de nos références autant littéraires que musicales.

Le superbe catalogue de l’exposition (Gallimard/BNF) constitue en soi une somme biographique et visuelle de qualité. On y trouve ses dessins, ses carnets, ses esquisses, des extraits de Jazz Hot où il tenait la revue de presse, les couvertures des ouvrages qu’il avait traduits (Raymond Chandler, Peter Cheney, l’écrivain de Chicago Nelson Algren) ou même l’article de Points de Vue où Vian se défend de l’accusation d’assassinat par procuration (suite au meurtre d’Anne-Marie Masson, son assassin ayant laissé un exemplaire de J’irai cracher sur vos tombes…), les pochettes de Jazz pour tous, (la collection qu’il animait chez Philips), une photo du cor à gidouille… Y figurent aussi des textes intéressants de François Roulman Roulmann, Anne Mary, Christelle Gonzalo, Nicole Bertolt et Alain Tercinet. Cet ouvrage permet de prolonger l’exposition et d’emporter une part de la vie vianesque, rendu plus sensible par la présence de sa graphie.
Bison Ravi en ressort dans toute sa singularité mais l’exposition révèle aussi ce que chacun devine depuis longtemps – à quel point il reste proche de nous et appartient en profondeur à notre patrimoine culturel.
Jean Szlamowicz