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Jazz Hot n°673



The Healers



Randy Weston est de retour dans Jazz Hot, et quel plaisir de retrouver un musicien toujours aussi passionné et concerné par son art, la vie, les humains et la planète! Il poursuit son récit, l’histoire de sa musique vécue à travers son expérience personnelle et plus largement celle de sa famille, de ses ancêtres, de son quartier de Brooklyn, de l’Afrique et de ses amis musiciens. C’est forcément une histoire extraordinaire. On peut ne pas partager toutes ses visions ou ses croyances, mais c’est un savant, un sage, une personne bienveillante pour le genre humain, et il reste que sa conversation est essentielle à l’approche du jazz pour les amateurs comme pour les musiciens, une musique pétrie d’humanité, comme les arts qui en sont vraiment.
Randy Weston devait être notre invité à l’occasion des 80 ans de Jazz Hot en mars dernier, lui-même l’avait accepté en toute simplicité et sans hésitation. Ça n’a pu se faire, et ça nous fait vraiment plaisir qu’il soit malgré tout présent dans un des numéros de cette année spéciale.


Pour l’accompagner dans ce n°673, une autre bibliothèque du jazz: René Urtreger, un habitué de nos colonnes depuis 1953. Il a l’âge de Jazz Hot, et nous l’avons écouté récemment distiller son jazz et ses paroles avec toujours ce naturel qui a été l’une des clés de son art. Il est resté lui-même, avec un talent ancré dans le jazz qu’il a connu et pénétré auprès de Bud Powell, sa source principale, et d'autres grands artistes de l’âge d’or du jazz à Paris.
Le «Roi René», comme on le surnomme parfois gentiment, partage sa noblesse éclairée avec Randy Weston. Il a su mettre durant toute sa carrière ses qualités humaines et artistiques au service de la musique, des musiciens qu’il a accompagnés et des amateurs de jazz qu’il a enthousiasmés, charmés, emportés dans ses rêves.


C’est toujours une récompense de retrouver ces musiciens qui ont établi des repères; pour les amateurs et les plus jeunes musiciens comme le poétique Benny Green qui ne cache nullement dans son art ses sources d’inspiration dans cet univers du jazz des années 1950-1960 ou le dynamique et prolifique Orrin Evans qui le prolonge avec un enthousiasme certain, un talent polymorphe, sans jamais oublier ses racines.


Mme Bertha Hope-Booker vient enfin rappeler aux amateurs le souvenir de son premier mari, l'extraordinaire Elmo Hope –dont elle fut une partenaire musicale– un des protagonistes essentiel de cet âge d’or, dont elle continue de promouvoir la musique. Au détour de son interview, elle évoque le grand contrebassiste de jazz, Walter Booker, Jr., son second mari. Elle a consacré sa vie, dans toutes ses dimensions, au jazz.


Le jazz est une histoire extraordinaire, profondément enracinée, dont on ne finira jamais de découvrir les trésors, aussi bien artistiques qu’humains, un matière propice au rêve et à l’imagination, une école même de la vie pour qui sait le vivre, qu'on soit musicien ou amateur de jazz.


En ces périodes de dévastation, de blessures et de régression de l’humanité qui manquent singulièrement de noblesse et d’imagination, on ne peut que souscrire à la vision de Randy Weston qui voit dans l’artiste musicien de jazz un guérisseur. On en a en effet bien besoin. Encore faut-il l’écouter.


Yves Sportis

© Jazz Hot n°673, automne 2015